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émettent sur la Bible un jugement aussi légitime que le prêtre qui prise en elle la | émettent sur la Bible un jugement aussi légitime que le prêtre qui prise en elle la | ||
« parole de Dieu » ou que la critique qui la traite comme un monument de la civilisation | « parole de Dieu » ou que la critique qui la traite comme un monument de la civilisation | ||
hébraïque. Car nous manions les choses selon notre bon plaisir et notre caprice | hébraïque. Car nous manions les choses selon notre bon plaisir et notre caprice; nous en usons comme il nous plaît, ou, plus exactement, comme nous pouvons. D'où | ||
; nous en usons comme il nous plaît, ou, plus exactement, comme nous pouvons. D'où | |||
vient que les prêtres jettent de hauts cris lorsqu'ils voient Hegel et les théologiens | vient que les prêtres jettent de hauts cris lorsqu'ils voient Hegel et les théologiens | ||
spéculatifs extraire de la Bible des pensées spéculatives ? De ce qu'eux-mêmes | spéculatifs extraire de la Bible des pensées spéculatives ? De ce qu'eux-mêmes | ||
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foi dans la « Vérité sainte » et n'est qu'une machine merveilleuse que l'esprit de Vérité | foi dans la « Vérité sainte » et n'est qu'une machine merveilleuse que l'esprit de Vérité | ||
remonte pour son service. | remonte pour son service. | ||
La pensée libre et la science libre m'occupent — (car ce n'est pas moi qui suis | La pensée libre et la science libre m'occupent — (car ce n'est pas moi qui suis | ||
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mongol. Chaman et philosophe luttent, contre des revenants, des démons, des | mongol. Chaman et philosophe luttent, contre des revenants, des démons, des | ||
Esprits, des Dieux. | Esprits, des Dieux. | ||
Radicalement différente de la pensée libre est la pensée qui m'est propre, ma | Radicalement différente de la pensée libre est la pensée qui m'est propre, ma | ||
pensée qui ne me conduit pas mais que je conduis, que je tiens en laisse et que je | pensée qui ne me conduit pas mais que je conduis, que je tiens en laisse et que je | ||
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libre que la sensualité que j'ai en mon pouvoir, et que je satisfais s'il me plaît et | libre que la sensualité que j'ai en mon pouvoir, et que je satisfais s'il me plaît et | ||
comme il me plaît, diffère de la sensualité libre, débridée, à laquelle je succombe. | comme il me plaît, diffère de la sensualité libre, débridée, à laquelle je succombe. | ||
Feuerbach, dans ses Principes de la philosophie de l'avenir (Grundsätzen der | Feuerbach, dans ses Principes de la philosophie de l'avenir (Grundsätzen der | ||
Philosophie der Zukunft) en revient toujours à l'être. Il reste ainsi, malgré toute son | Philosophie der Zukunft) en revient toujours à l'être. Il reste ainsi, malgré toute son | ||
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invincible. Mais l'être ne trouve pas moins en Moi son vainqueur que la pensée : il | invincible. Mais l'être ne trouve pas moins en Moi son vainqueur que la pensée : il | ||
est mon « je suis » comme elle est mon « je pense ». | est mon « je suis » comme elle est mon « je pense ». | ||
Feuerbach, naturellement, n'aboutit qu'à démontrer cette thèse en soi triviale que | Feuerbach, naturellement, n'aboutit qu'à démontrer cette thèse en soi triviale que | ||
j'ai besoin des sens ou que je ne puis pas me passer complètement de ces organes. Il | j'ai besoin des sens ou que je ne puis pas me passer complètement de ces organes. Il | ||
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pas le système philosophique que, étant Hegel, j'y trouve, etc. J'aurais des sens | pas le système philosophique que, étant Hegel, j'y trouve, etc. J'aurais des sens | ||
comme le premier venu en a, mais je ne les emploierais pas comme je le fais. | comme le premier venu en a, mais je ne les emploierais pas comme je le fais. | ||
Feuerbach reproche à Hegel | Feuerbach reproche à Hegel <ref>Loc. cit., p. 47 sqq.</ref> d'abuser de la langue en détournant une foule de | ||
mots de l'acception naturelle que leur attribue la conscience : lui-même commet | mots de l'acception naturelle que leur attribue la conscience : lui-même commet | ||
pourtant la même faute lorsqu'il donne au mot « sensible » (sinnlich)un sens aussi | pourtant la même faute lorsqu'il donne au mot « sensible » (sinnlich)un sens aussi | ||
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qu'il suffit d'être sensible pour être tout, spirituel, intelligent, etc., qu'ils ne croient | qu'il suffit d'être sensible pour être tout, spirituel, intelligent, etc., qu'ils ne croient | ||
qu'on puisse vivre de « spirituel » seul, sans pain. | qu'on puisse vivre de « spirituel » seul, sans pain. | ||
L'être ne justifie rien. Le pensé est aussi bien que le non-pensé la pierre dans la | L'être ne justifie rien. Le pensé est aussi bien que le non-pensé la pierre dans la | ||
rue est, et ma représentation d'elle également ; la pierre et sa représentation occupent | rue est, et ma représentation d'elle également ; la pierre et sa représentation occupent | ||
simplement des espaces différents, l'une étant dans l’air et 1'autre dans ma tête, en | simplement des espaces différents, l'une étant dans l’air et 1'autre dans ma tête, en | ||
moi, car je suis espace comme la rue. | moi, car je suis espace comme la rue. | ||
Les Membres d'une corporation ou Privilégiés ne tolèrent aucune liberté de | Les Membres d'une corporation ou Privilégiés ne tolèrent aucune liberté de | ||
penser, c'est-à-dire aucune pensée qui ne vient pas du « dispensateur de tout bien », | penser, c'est-à-dire aucune pensée qui ne vient pas du « dispensateur de tout bien », | ||
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contre lesquelles, aucune liberté de pensée ne peut le protéger. Il a les pensées qui lui | contre lesquelles, aucune liberté de pensée ne peut le protéger. Il a les pensées qui lui | ||
viennent « d'en haut » et il s'en tient là. | viennent « d'en haut » et il s'en tient là. | ||
Il n'en est pas de même pour les Concessionnaires ou Patentés. Chacun doit. | Il n'en est pas de même pour les Concessionnaires ou Patentés. Chacun doit. | ||
selon eux, être libre d'avoir et de se faire les pensées qu'il veut. S'il a la patente, la | selon eux, être libre d'avoir et de se faire les pensées qu'il veut. S'il a la patente, la | ||
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qu'on doit « montrer de la tolérance pour les opinions des autres », etc. | qu'on doit « montrer de la tolérance pour les opinions des autres », etc. | ||
Mais « vos pensées ne sont pas mes pensées et vos chemins ne sont pas mes | Mais « vos pensées ne sont pas mes pensées et vos chemins ne sont pas mes | ||
chemins » — ou plutôt c’est le contraire que je veux dire : vos pensées sont mes | chemins » — ou plutôt c’est le contraire que je veux dire : vos pensées sont mes pensées, dont je fais ce que je veux et que je puis renverser impitoyablement : elles sont | ||
ma propriété, que j'anéantis si cela me plaît. Je n'attends pas votre autorisation pour | ma propriété, que j'anéantis si cela me plaît. Je n'attends pas votre autorisation pour | ||
souffler en l'air ou crever les bulles de vos pensées. Peu me chaut que vous aussi | souffler en l'air ou crever les bulles de vos pensées. Peu me chaut que vous aussi | ||
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saisir une pour pouvoir s'en prévaloir ensuite contre moi comme de sa propriété ? | saisir une pour pouvoir s'en prévaloir ensuite contre moi comme de sa propriété ? | ||
Tout ce qui vole est — à moi. | Tout ce qui vole est — à moi. | ||
Croyez-vous avoir vos pensées pour vous et n'avoir à en répondre devant personne, | Croyez-vous avoir vos pensées pour vous et n'avoir à en répondre devant personne, | ||
ou. comme vous dites, n'avoir à en rendre compte qu'à Dieu ? Il n'en est rien ; | ou. comme vous dites, n'avoir à en rendre compte qu'à Dieu ? Il n'en est rien ; | ||
vos pensées, grandes et petites, m'appartiennent et j'en use selon mon bon plaisir. | vos pensées, grandes et petites, m'appartiennent et j'en use selon mon bon plaisir. | ||
La pensée ne m'est propre que du moment que je ne me fais jamais aucun scrupule | La pensée ne m'est propre que du moment que je ne me fais jamais aucun scrupule | ||
de la mettre en danger de mort et que je n'ai pas à redouter sa perte comme une | de la mettre en danger de mort et que je n'ai pas à redouter sa perte comme une | ||
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qui l'assujettis et que jamais elle ne peut me courber sous son joug, me fanatiser et | qui l'assujettis et que jamais elle ne peut me courber sous son joug, me fanatiser et | ||
faire de moi l'instrument de sa réalisation. | faire de moi l'instrument de sa réalisation. | ||
La liberté de penser existe dès que je puis avoir toutes les pensées possibles ; mais | La liberté de penser existe dès que je puis avoir toutes les pensées possibles ; mais | ||
les pensées ne deviennent ma propriété qu'en perdant le pouvoir de devenir mes | les pensées ne deviennent ma propriété qu'en perdant le pouvoir de devenir mes | ||
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si je parviens à faire de ces dernières ma propriété, elles se conduisent comme mes | si je parviens à faire de ces dernières ma propriété, elles se conduisent comme mes | ||
créatures. | créatures. | ||
Si la Hiérarchie n'était pas aussi profondément enracinée dans le coeur de l'homme, | Si la Hiérarchie n'était pas aussi profondément enracinée dans le coeur de l'homme, | ||
au point de lui enlever tout courage de poursuivre des pensées libres, c’est-à-dire | au point de lui enlever tout courage de poursuivre des pensées libres, c’est-à-dire | ||
peut-être déplaisantes à Dieu, « liberté de penser » serait une expression aussi vide de | peut-être déplaisantes à Dieu, « liberté de penser » serait une expression aussi vide de | ||
sens que, par exemple, « liberté de digérer ». | sens que, par exemple, « liberté de digérer ». | ||
Les gens appartenant à une confession sont d'avis que la pensée m'est donnée ; | Les gens appartenant à une confession sont d'avis que la pensée m'est donnée ; | ||
d'après les libres penseurs, je cherche la pensée. Pour les premiers, la vérité est déjà | d'après les libres penseurs, je cherche la pensée. Pour les premiers, la vérité est déjà | ||
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grâce de me l'accorder ; pour les seconds, la vérité est à chercher, elle est un but placé | grâce de me l'accorder ; pour les seconds, la vérité est à chercher, elle est un but placé | ||
dans l'avenir et vers lequel je dois tendre. | dans l'avenir et vers lequel je dois tendre. | ||
Pour les uns comme pour les autres, la vérité (la pensée vraie) est en dehors de | Pour les uns comme pour les autres, la vérité (la pensée vraie) est en dehors de | ||
moi et je m'efforce de l'obtenir soit comme un présent (la grâce), soit comme un gain | moi et je m'efforce de l'obtenir soit comme un présent (la grâce), soit comme un gain | ||
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est patent à tous ; ni la Bible, ni le Saint-Père, ni l'Église ne sont en possession de la | est patent à tous ; ni la Bible, ni le Saint-Père, ni l'Église ne sont en possession de la | ||
vérité, mais on peut spéculer sur sa possession. | vérité, mais on peut spéculer sur sa possession. | ||
Tous deux, comme on le voit, sont sans propriété en fait de vérité. Ils ne peuvent | Tous deux, comme on le voit, sont sans propriété en fait de vérité. Ils ne peuvent | ||
la détenir qu'à titre de fief (car le « Saint-Père », par exemple, n'est pas un individu ; | la détenir qu'à titre de fief (car le « Saint-Père », par exemple, n'est pas un individu ; | ||
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Père », c'est-à-dire comme Esprit) — ou l'avoir pour idéal. Si elle est un fief, elle est | Père », c'est-à-dire comme Esprit) — ou l'avoir pour idéal. Si elle est un fief, elle est | ||
réservée au petit nombre (privilégiés); si elle est un idéal, elle est pour tous (patentés). | réservée au petit nombre (privilégiés); si elle est un idéal, elle est pour tous (patentés). | ||
La liberté de penser a donc le sens que voici : nous errons tous dans l'obscurité sur | La liberté de penser a donc le sens que voici : nous errons tous dans l'obscurité sur | ||
les routes de l'erreur, mais chacun peut par ces voies se rapprocher de la vérité, et est | les routes de l'erreur, mais chacun peut par ces voies se rapprocher de la vérité, et est | ||
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Liberté de penser implique, par conséquent, que la vérité de la pensée ne m'est pas | Liberté de penser implique, par conséquent, que la vérité de la pensée ne m'est pas | ||
propre, car si elle l'était, comment voudrait-on m'en exclure ? | propre, car si elle l'était, comment voudrait-on m'en exclure ? | ||
Le penser est devenu tout à fait libre et a codifié une foule de vérités auxquelles je | Le penser est devenu tout à fait libre et a codifié une foule de vérités auxquelles je | ||
dois me soumettre. Il cherche à se compléter par un système et à s'élever à la hauteur | dois me soumettre. Il cherche à se compléter par un système et à s'élever à la hauteur | ||
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qu'il ait instauré l’ « État-raison », et dans l'homme (l'anthropologie), jusqu'à ce qu'il | qu'il ait instauré l’ « État-raison », et dans l'homme (l'anthropologie), jusqu'à ce qu'il | ||
ait « découvert l'Homme ». | ait « découvert l'Homme ». | ||
Celui qui pense ne diffère de celui qui croit qu'en ce qu'il croit beaucoup plus que | Celui qui pense ne diffère de celui qui croit qu'en ce qu'il croit beaucoup plus que | ||
ce dernier, qui, lui, pense en revanche beaucoup moins à sa foi (articles de foi). Celui | ce dernier, qui, lui, pense en revanche beaucoup moins à sa foi (articles de foi). Celui | ||
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met de la liaison entre eux et prend cette liaison pour mesure de leur valeur. Si l'un ou | met de la liaison entre eux et prend cette liaison pour mesure de leur valeur. Si l'un ou | ||
l'autre ne fait pas son affaire, il le met au rebut. | l'autre ne fait pas son affaire, il le met au rebut. | ||
Les aphorismes chers aux penseurs font exactement le pendant de ceux qu'affectionnent | Les aphorismes chers aux penseurs font exactement le pendant de ceux qu'affectionnent | ||
les croyants ; au lieu de : « Si cela vient de Dieu, vous ne le détruirez pas, ils | les croyants ; au lieu de : « Si cela vient de Dieu, vous ne le détruirez pas, ils | ||
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Dieu » — « Rendez hommage à la Vérité ». Mais peu m'importe qui de Dieu ou de la | Dieu » — « Rendez hommage à la Vérité ». Mais peu m'importe qui de Dieu ou de la | ||
Vérité est vainqueur ; ce que je veux, c'est vaincre, Moi. | Vérité est vainqueur ; ce que je veux, c'est vaincre, Moi. | ||
Comment peut-on imaginer une « liberté illimitée » dans l'État ou dans la | Comment peut-on imaginer une « liberté illimitée » dans l'État ou dans la | ||
Société ? L'État peut bien protéger l'un contre l'autre, mais il ne peut se laisser mettre | Société ? L'État peut bien protéger l'un contre l'autre, mais il ne peut se laisser mettre | ||
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limites convenables, l'État fixe son but à la liberté de penser, car les gens, c'est la | limites convenables, l'État fixe son but à la liberté de penser, car les gens, c'est la | ||
règle, ne pensent pas plus loin que leurs maîtres n'ont pensé. | règle, ne pensent pas plus loin que leurs maîtres n'ont pensé. | ||
Écouter ce que dit le ministre Guizot | |||
Écouter ce que dit le ministre Guizot <ref>Chambre des Pairs, 25 avril 1844.</ref>: « La grande difficulté de notre temps, | |||
c'est la direction, le gouvernement des esprits...; vous le savez bien, et le clergé luimême | c'est la direction, le gouvernement des esprits...; vous le savez bien, et le clergé luimême | ||
le sait bien, ce grand corps spirituel ne peut suffire aujourd'hui à une telle | le sait bien, ce grand corps spirituel ne peut suffire aujourd'hui à une telle | ||
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du roi, d'y veiller sans cesse... La Charte veut la libert. de la pensée et la liberté de | du roi, d'y veiller sans cesse... La Charte veut la libert. de la pensée et la liberté de | ||
conscience. » | conscience. » | ||
Le Catholicisme appelle le candidat au forum de l'Église, et le Protestantisme à | Le Catholicisme appelle le candidat au forum de l'Église, et le Protestantisme à | ||
celui du Christianisme biblique. Le progrès réalisé serait encore assez mince si on le | celui du Christianisme biblique. Le progrès réalisé serait encore assez mince si on le | ||
citait devant le tribunal de la Raison, comme le veut par exemple A. Ruge | citait devant le tribunal de la Raison, comme le veut par exemple A. Ruge <ref>Anekdota, I, 120.</ref>: que | ||
l'autorité sacrée soit l'Église, la Bible ou la Raison (à laquelle en appelaient d'ailleurs | l'autorité sacrée soit l'Église, la Bible ou la Raison (à laquelle en appelaient d'ailleurs | ||
déjà Luther et Huss), cela ne fait aucune différence essentielle. | déjà Luther et Huss), cela ne fait aucune différence essentielle. | ||
La « question de notre temps » ne sera pas soluble tant qu'on la posera ainsi : La | La « question de notre temps » ne sera pas soluble tant qu'on la posera ainsi : La | ||
légitimité a-t-elle sa source dans une généralité quelle qu'elle soit ou dans le seul | légitimité a-t-elle sa source dans une généralité quelle qu'elle soit ou dans le seul | ||
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s'inquiète plus d'une « autorisation » et qu'on ne fait plus simplement la guerre aux | s'inquiète plus d'une « autorisation » et qu'on ne fait plus simplement la guerre aux | ||
« privilèges ». | « privilèges ». | ||
Une liberté d'enseignement « raisonnable », qui « ne reconnaît que la conscience | Une liberté d'enseignement « raisonnable », qui « ne reconnaît que la conscience | ||
de la raison | de la raison <ref>Ibid., I, 127.</ref> », ne nous mène pas au but ; nous avons bien plus besoin d'une liberté | ||
d'enseigner égoïste, se pliant à toute individualité, par laquelle je puisse me rendre | d'enseigner égoïste, se pliant à toute individualité, par laquelle je puisse me rendre | ||
compréhensible et m'exposer sans que rien m'en empêche. Que je me fasse intelligible, | compréhensible et m'exposer sans que rien m'en empêche. Que je me fasse intelligible, | ||
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et si je me comprends ainsi moi-même, les autres jouiront de moi comme j'en | et si je me comprends ainsi moi-même, les autres jouiront de moi comme j'en | ||
jouis et me consommeront comme je me consomme. | jouis et me consommeront comme je me consomme. | ||
Que gagnerait-on à voir aujourd'hui le moi raisonnable libre comme le fut autrefois | Que gagnerait-on à voir aujourd'hui le moi raisonnable libre comme le fut autrefois | ||
le moi croyant, légal, moral, etc. Cette liberté est-elle ma liberté ? | le moi croyant, légal, moral, etc. Cette liberté est-elle ma liberté ? | ||
Si je ne suis libre qu'en tant que « moi raisonnable », c'est le raisonnable ou la | Si je ne suis libre qu'en tant que « moi raisonnable », c'est le raisonnable ou la | ||
raison qui est libre en moi, et cette liberté de la raison ou liberté de la pensée a depuis | raison qui est libre en moi, et cette liberté de la raison ou liberté de la pensée a depuis | ||
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jouir de la pensée, je veux être plein de pensées et cependant affranchi des pensées ; | jouir de la pensée, je veux être plein de pensées et cependant affranchi des pensées ; | ||
je me veux libre de pensées au lieu de libre de penser. | je me veux libre de pensées au lieu de libre de penser. | ||
Pour me faire comprendre et pour communiquer avec les autres, je ne puis faire | Pour me faire comprendre et pour communiquer avec les autres, je ne puis faire | ||
usage que de moyens humains, moyens dont je dispose parce que comme eux je suis | usage que de moyens humains, moyens dont je dispose parce que comme eux je suis | ||
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hommes, ce trésor de la pensée humaine. La langue, ou « le mot », exerce sur nous la | hommes, ce trésor de la pensée humaine. La langue, ou « le mot », exerce sur nous la | ||
plus affreuse tyrannie parce qu'elle conduit contre nous toute une armée d'idées fixes. | plus affreuse tyrannie parce qu'elle conduit contre nous toute une armée d'idées fixes. | ||
Examine-toi au moment précis où tu réfléchis et tu t'apercevras que tu ne peux | Examine-toi au moment précis où tu réfléchis et tu t'apercevras que tu ne peux | ||
avancer que si tu es à chaque instant sans pensée et sans parole. Ce n'est pas seulement | avancer que si tu es à chaque instant sans pensée et sans parole. Ce n'est pas seulement | ||
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vis-à-vis du penser, que tu es à toi. C'est seulement grâce à elle que tu arriveras à user | vis-à-vis du penser, que tu es à toi. C'est seulement grâce à elle que tu arriveras à user | ||
du langage comme de ta propriété. | du langage comme de ta propriété. | ||
Si le penser n'est pas mon penser, il n'est que le dévidement d'un écheveau de | Si le penser n'est pas mon penser, il n'est que le dévidement d'un écheveau de | ||
pensées, c'est une besogne d'esclave, d' « esclave des mots ». Le commencement de | pensées, c'est une besogne d'esclave, d' « esclave des mots ». Le commencement de | ||
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(par exemple, l'être). Quand on tient le bout de cette abstraction ou de cette pensée | (par exemple, l'être). Quand on tient le bout de cette abstraction ou de cette pensée | ||
initiale, il ne reste plus qu'à tirer sur le fil pour que tout l'écheveau se dévide. | initiale, il ne reste plus qu'à tirer sur le fil pour que tout l'écheveau se dévide. | ||
Le penser absolu est le fait de l'esprit humain, et celui-ci est un Esprit saint. Aussi | Le penser absolu est le fait de l'esprit humain, et celui-ci est un Esprit saint. Aussi | ||
ce penser est-il le fait des prêtres ; eux seuls en ont l' « intelligence » et ont le sens des | ce penser est-il le fait des prêtres ; eux seuls en ont l' « intelligence » et ont le sens des | ||
« intérêts suprêmes de l'humanité », de l' « Esprit ». | « intérêts suprêmes de l'humanité », de l' « Esprit ». | ||
Les vérités sont pour le croyant une chose accomplie, un fait ; pour le libre penseur, | Les vérités sont pour le croyant une chose accomplie, un fait ; pour le libre penseur, | ||
elles sont une chose qui doit encore être décidée. Quelque débarrassé de toute | elles sont une chose qui doit encore être décidée. Quelque débarrassé de toute | ||
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Esprit. Mais tout penser qui ne pèche pas contre le Saint-Esprit n'est qu'une foi aux | Esprit. Mais tout penser qui ne pèche pas contre le Saint-Esprit n'est qu'une foi aux | ||
esprits et aux fantômes. | esprits et aux fantômes. | ||
Je ne puis pas plus me défaire de la pensée que de la sensation, ni de l'activité de | Je ne puis pas plus me défaire de la pensée que de la sensation, ni de l'activité de | ||
l'esprit que de l'activité des sens. De même que le sentir est notre vision des choses, le | l'esprit que de l'activité des sens. De même que le sentir est notre vision des choses, le | ||
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leur supériorité et leur force. Les hommes à convictions sont des prêtres qui résistent | leur supériorité et leur force. Les hommes à convictions sont des prêtres qui résistent | ||
aux pièges de Satan. | aux pièges de Satan. | ||
Le Christianisme n'a enlevé aux choses de ce monde que leur irrésistibilité et nous | Le Christianisme n'a enlevé aux choses de ce monde que leur irrésistibilité et nous | ||
a laissés sous leur dépendance. Je fais de même à l'égard des vérités et de leur puissance, | a laissés sous leur dépendance. Je fais de même à l'égard des vérités et de leur puissance, | ||
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moyen des richesses du monde, mais par leurs pensées. par le « resplendissement de | moyen des richesses du monde, mais par leurs pensées. par le « resplendissement de | ||
l'idée ». | l'idée ». | ||
Après les biens du monde, tous les biens sacrés doivent aussi être dépréciés. | Après les biens du monde, tous les biens sacrés doivent aussi être dépréciés. | ||
Les vérités sont des phrases, des expressions, des mots [en Grec dans le texte]; | Les vérités sont des phrases, des expressions, des mots [en Grec dans le texte]; | ||
reliés les uns aux autres, enfilés bout à bout et rangés en lignes, ces mots forment la | reliés les uns aux autres, enfilés bout à bout et rangés en lignes, ces mots forment la | ||
logique, la science, la philosophie. | logique, la science, la philosophie. | ||
J'emploie les vérités et les mots pour penser et pour parler comme j'emploie les | J'emploie les vérités et les mots pour penser et pour parler comme j'emploie les | ||
aliments pour manger ; sans elles et sans eux je ne puis ni penser, ni parler, ni manger. | aliments pour manger ; sans elles et sans eux je ne puis ni penser, ni parler, ni manger. | ||
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quoique mes propres créatures, elles s'éloignent de moi aussitôt après l'acte de | quoique mes propres créatures, elles s'éloignent de moi aussitôt après l'acte de | ||
création. | création. | ||
L'homme chrétien est celui qui a foi dans la pensée, celui qui croit à la souveraineté | L'homme chrétien est celui qui a foi dans la pensée, celui qui croit à la souveraineté | ||
des pensées et veut faire régner certaines pensées qu'il appelle « principes ». | des pensées et veut faire régner certaines pensées qu'il appelle « principes ». | ||
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vérité », toujours il fondera un culte, toujours il proclamera un Esprit appelé à | vérité », toujours il fondera un culte, toujours il proclamera un Esprit appelé à | ||
la souveraineté et établira une loi pour tous. | la souveraineté et établira une loi pour tous. | ||
Tant qu'il reste une seule vérité à laquelle l'homme doit vouer sa vie et ses forces | Tant qu'il reste une seule vérité à laquelle l'homme doit vouer sa vie et ses forces | ||
parce qu'il est homme, il est asservi à une règle, à une domination, à une loi, etc. : il | parce qu'il est homme, il est asservi à une règle, à une domination, à une loi, etc. : il | ||
reste serf. L'Homme, l'Humanité, la Liberté sont des vérités de ce genre. | reste serf. L'Homme, l'Humanité, la Liberté sont des vérités de ce genre. | ||
On peut dire au contraire : si tu veux continuer à t'occuper des pensées, il ne tient | On peut dire au contraire : si tu veux continuer à t'occuper des pensées, il ne tient | ||
qu'à toi ; sache seulement que si tu veux y parvenir à quelque chose de considérable, | qu'à toi ; sache seulement que si tu veux y parvenir à quelque chose de considérable, |
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