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indiquée dans les « États libres ». Dans ceux-ci, dit-il, l'individu a le droit d'exprimer | indiquée dans les « États libres ». Dans ceux-ci, dit-il, l'individu a le droit d'exprimer | ||
tout ce qu'il pense, et ce droit ne lui est pas contesté parce qu'il n'est plus seulement | tout ce qu'il pense, et ce droit ne lui est pas contesté parce qu'il n'est plus seulement | ||
un individu isolé, mais bien un membre solidaire d'un tout réel et intelligent | un individu isolé, mais bien un membre solidaire d'un tout réel et intelligent <ref>II, p. 91 sqq.</ref>. Ce | ||
n'est donc pas l'individu mais le membre qui jouit de la liberté de la presse. Mais si, | n'est donc pas l'individu mais le membre qui jouit de la liberté de la presse. Mais si, | ||
pour jouir de la liberté de la presse, il faut que l'individu ait prouvé sa fidélité à la | pour jouir de la liberté de la presse, il faut que l'individu ait prouvé sa fidélité à la | ||
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contre le Peuple — mon ennemi ; je ne l'obtiens que si je la conquière réellement, si | contre le Peuple — mon ennemi ; je ne l'obtiens que si je la conquière réellement, si | ||
je la prends. Et si je la prends, c'est qu'elle est ma propriété. | je la prends. Et si je la prends, c'est qu'elle est ma propriété. | ||
Sander, que combat Edgar Bauer, considère la liberté de la presse comme « le | Sander, que combat Edgar Bauer, considère la liberté de la presse comme « le | ||
droit et la liberté du citoyen dans l'État ». Bauer ne dit rien d'autre. Pour lui aussi elle | droit et la liberté du citoyen dans l'État ». Bauer ne dit rien d'autre. Pour lui aussi elle | ||
n'est que le droit du citoyen libre. | n'est que le droit du citoyen libre. | ||
On réclame encore la liberté de la presse comme un « droit commun à tous les | On réclame encore la liberté de la presse comme un « droit commun à tous les | ||
hommes ». À cela il a été objecté que tous les hommes ne savent pas en faire bon | hommes ». À cela il a été objecté que tous les hommes ne savent pas en faire bon | ||
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établissant qu'il est vraiment Homme, car ce n'est pas à l'individu, c'est à | établissant qu'il est vraiment Homme, car ce n'est pas à l'individu, c'est à | ||
l'Homme qu'il accorde la liberté de la presse. | l'Homme qu'il accorde la liberté de la presse. | ||
C'est justement sous le prétexte que cela n'est pas humain qu'on m'a enlevé ce qui | C'est justement sous le prétexte que cela n'est pas humain qu'on m'a enlevé ce qui | ||
est à Moi ! Et on m'a laissé ce qui est à l'Homme. | est à Moi ! Et on m'a laissé ce qui est à l'Homme. | ||
La liberté de la presse ne peut produire qu'une presse responsable. Une presse | La liberté de la presse ne peut produire qu'une presse responsable. Une presse | ||
irresponsable ne peut naître que de la propriété de la presse. | irresponsable ne peut naître que de la propriété de la presse. | ||
Les relations des hommes entre eux sont régies, pour tous ceux qui vivent religieusement, | Les relations des hommes entre eux sont régies, pour tous ceux qui vivent religieusement, | ||
par une loi formelle dont on peut bien parfois, au risque de pécher, | par une loi formelle dont on peut bien parfois, au risque de pécher, | ||
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de l'amour, leur amour est même plus profond et plus pur : ils aiment l'Homme et | de l'amour, leur amour est même plus profond et plus pur : ils aiment l'Homme et | ||
l'Humanité. | l'Humanité. | ||
Si nous tâchons de formuler le sens de cette loi, nous dirons à peu près : Chaque | Si nous tâchons de formuler le sens de cette loi, nous dirons à peu près : Chaque | ||
homme doit tenir quelque chose pour plus que lui-même. Tu dois oublier ton « intérêt | homme doit tenir quelque chose pour plus que lui-même. Tu dois oublier ton « intérêt | ||
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etc., doivent être pour toi plus que toi-même, et ton « intérêt privé » doit s'effacer | etc., doivent être pour toi plus que toi-même, et ton « intérêt privé » doit s'effacer | ||
devant leur intérêt ; car il ne faut pas être un — égoïste ! | devant leur intérêt ; car il ne faut pas être un — égoïste ! | ||
L'Amour est un commandement religieux d'une grande portée ; il ne se borne pas | L'Amour est un commandement religieux d'une grande portée ; il ne se borne pas | ||
à l'amour de Dieu et des hommes, mais il préside à tous nos rapports. Quoi que nous | à l'amour de Dieu et des hommes, mais il préside à tous nos rapports. Quoi que nous | ||
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N'est-ce pas comme si on disait : il ne faut pas que sa critique l'anéantisse, il doit la | N'est-ce pas comme si on disait : il ne faut pas que sa critique l'anéantisse, il doit la | ||
laisser subsister, et subsister en tant que chose sacrée et indestructible ? | laisser subsister, et subsister en tant que chose sacrée et indestructible ? | ||
Il en est de même de notre critique des hommes : l'amour doit en rester la tonique | Il en est de même de notre critique des hommes : l'amour doit en rester la tonique | ||
invariable. Il est certain que les jugements que nous dicte la haine ne sont pas nos | invariable. Il est certain que les jugements que nous dicte la haine ne sont pas nos | ||
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indulgents », mais ce ne sont pas nos propres jugements, ni par conséquent, réellement, | indulgents », mais ce ne sont pas nos propres jugements, ni par conséquent, réellement, | ||
des jugements. | des jugements. | ||
Celui qui brûle d'amour pour la justice s'écrie : fiat justitia, pereat mundus ! Il lui | Celui qui brûle d'amour pour la justice s'écrie : fiat justitia, pereat mundus ! Il lui | ||
est permis de se demander et d'examiner ce que c'est, à proprement parler, que la | est permis de se demander et d'examiner ce que c'est, à proprement parler, que la | ||
justice, ce qu'elle exige et en quoi elle consiste, mais non pas si elle est quelque | justice, ce qu'elle exige et en quoi elle consiste, mais non pas si elle est quelque | ||
chose. | chose. | ||
Il est bien vrai que « Celui qui demeure dans l'amour, celui-là demeure en Dieu et | Il est bien vrai que « Celui qui demeure dans l'amour, celui-là demeure en Dieu et | ||
Dieu en lui » (ler ép. de Jean, IV, 16). Le Dieu demeure en lui, il ne peut s'en défaire et | Dieu en lui » (ler ép. de Jean, IV, 16). Le Dieu demeure en lui, il ne peut s'en défaire et | ||
devenir sans dieu, et lui-même demeure en Dieu, il reste confiné dans l'amour de Dieu | devenir sans dieu, et lui-même demeure en Dieu, il reste confiné dans l'amour de Dieu | ||
et ne peut devenir sans amour. | et ne peut devenir sans amour. | ||
« Dieu est l'Amour ! » Tous les siècles et toutes les générations reconnaissent | « Dieu est l'Amour ! » Tous les siècles et toutes les générations reconnaissent | ||
dans cette parole le fondement du Christianisme. Mais ce Dieu qui est amour est un | dans cette parole le fondement du Christianisme. Mais ce Dieu qui est amour est un | ||
Dieu importun : il ne peut pas laisser le monde en repos, il veut lui infuser la sainteté. | Dieu importun : il ne peut pas laisser le monde en repos, il veut lui infuser la sainteté. | ||
« Dieu s'est fait homme pour rendre les hommes divins | « Dieu s'est fait homme pour rendre les hommes divins <ref> Athanase.</ref>.» Sa main se retrouve | ||
partout, et rien n'arrive que par lui. En tout se révèlent ses « desseins excellents », ses | partout, et rien n'arrive que par lui. En tout se révèlent ses « desseins excellents », ses | ||
« vues et ses décrets impénétrables ». La raison, qui est lui-même, doit aussi se | « vues et ses décrets impénétrables ». La raison, qui est lui-même, doit aussi se | ||
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combat la déraison et l'irrationnel. Dieu ne laisse aucun être suivre la voie qui lui | combat la déraison et l'irrationnel. Dieu ne laisse aucun être suivre la voie qui lui | ||
est propre, et l'Homme ne veut nous permettre qu'une conduite humaine. | est propre, et l'Homme ne veut nous permettre qu'une conduite humaine. | ||
Mais celui qui est pénétré de l'amour sacré (religieux, moral, humain) n'a d'amour | Mais celui qui est pénétré de l'amour sacré (religieux, moral, humain) n'a d'amour | ||
que pour le fantôme, pour le « véritable Homme », et il persécute l'individu, l'homme | que pour le fantôme, pour le « véritable Homme », et il persécute l'individu, l'homme | ||
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pas fantôme, c'est-à-dire l'égoïste ou l'individuel. Tel est le sens de cette fameuse | pas fantôme, c'est-à-dire l'égoïste ou l'individuel. Tel est le sens de cette fameuse | ||
manifestation de l'Amour qu'on nomme « Justice ». | manifestation de l'Amour qu'on nomme « Justice ». | ||
L'accusé n'a aucun ménagement à espérer, pas une âme compatissante ne jettera | L'accusé n'a aucun ménagement à espérer, pas une âme compatissante ne jettera | ||
un voile sur sa triste nudité. Sans émotion, le juge austère arrache au pauvre condamné | un voile sur sa triste nudité. Sans émotion, le juge austère arrache au pauvre condamné | ||
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succombe, et où celle-ci règne, ceux-là doivent tomber. Leur antagonisme est | succombe, et où celle-ci règne, ceux-là doivent tomber. Leur antagonisme est | ||
impérissable. | impérissable. | ||
L'ère chrétienne est l'ère de la miséricorde, de l'amour, du souci de rendre aux | L'ère chrétienne est l'ère de la miséricorde, de l'amour, du souci de rendre aux | ||
hommes ce qui leur appartient et de les guider vers l'accomplissement de leur vocation | hommes ce qui leur appartient et de les guider vers l'accomplissement de leur vocation | ||
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Communistes et les Humanitaires attendent de l'homme plus que les Chrétiens, leur | Communistes et les Humanitaires attendent de l'homme plus que les Chrétiens, leur | ||
point de vue reste le même. À l'homme doit appartenir tout ce qui est humain. S'il | point de vue reste le même. À l'homme doit appartenir tout ce qui est humain. S'il | ||
suffisait aux pieux que l'homme eût en partage ce qui est de Dieu, les Humanitaires | suffisait aux pieux que l'homme eût en partage ce qui est de Dieu, les Humanitaires | ||
exigent que rien ne lui soit refusé de ce qui est de l'Homme. Quant à ce qui est de | exigent que rien ne lui soit refusé de ce qui est de l'Homme. Quant à ce qui est de | ||
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il faut qu'on le crée soi-même. Le reste, l'amour me l'accordait ; ceci, Moi seul puis | il faut qu'on le crée soi-même. Le reste, l'amour me l'accordait ; ceci, Moi seul puis | ||
me le donner. | me le donner. | ||
Jusqu'à présent, les relations ont été fondées sur l'amour, les égards et les services | Jusqu'à présent, les relations ont été fondées sur l'amour, les égards et les services | ||
réciproques. Si l'on se devait à soi-même de se sanctifier, c'est-à-dire d'introniser en | réciproques. Si l'on se devait à soi-même de se sanctifier, c'est-à-dire d'introniser en | ||
soi l'être suprême et d'en faire une vérité | soi l'être suprême et d'en faire une vérité <ref>« Vérité » en français dans le texte. (Note du Traducteur.)</ref> et une réalité, on devait aussi aux autres de | ||
les aider à réaliser leur essence et leur destinée ; dans les deux cas, on devait à | les aider à réaliser leur essence et leur destinée ; dans les deux cas, on devait à | ||
l'essence de l'homme de contribuer à sa réalisation. | l'essence de l'homme de contribuer à sa réalisation. | ||
Seulement, on ne se doit pas à soi-même de faire quelque chose de soi, ni aux | Seulement, on ne se doit pas à soi-même de faire quelque chose de soi, ni aux | ||
autres de faire d'eux quelque chose : on ne doit rien ni à son essence ni à celle des | autres de faire d'eux quelque chose : on ne doit rien ni à son essence ni à celle des | ||
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rapports avec Moi, et mes rapports avec l'essence de l'Homme ne sont pas des rapports | rapports avec Moi, et mes rapports avec l'essence de l'Homme ne sont pas des rapports | ||
avec les hommes. | avec les hommes. | ||
De l'amour, tel qu'il est naturel à l'homme de le ressentir, la civilisation a fait un | De l'amour, tel qu'il est naturel à l'homme de le ressentir, la civilisation a fait un | ||
commandement. Mais en tant que commandé, l'amour appartient à l'Homme comme | commandement. Mais en tant que commandé, l'amour appartient à l'Homme comme | ||
tel, et non à moi ; il est mon essence, cette essence que l'on tient pour si « essentielle | tel, et non à moi ; il est mon essence, cette essence que l'on tient pour si « essentielle | ||
», et n'est pas ma propriété. C'est l'Homme, c'est-à-dire l'humanité, qui me l'impose | », et n'est pas ma propriété. C'est l'Homme, c'est-à-dire l'humanité, qui me l'impose: l'amour est obligatoire, aimer est mon devoir. Ainsi, au lieu d'avoir sa source | ||
: l'amour est obligatoire, aimer est mon devoir. Ainsi, au lieu d'avoir sa source | |||
réellement en Moi, il l'a dans l'Homme en général, dont il est la propriété, l'attribut | réellement en Moi, il l'a dans l'Homme en général, dont il est la propriété, l'attribut | ||
particulier : « Il sied à l'Homme, c'est-à-dire à chaque homme, d'aimer ; aimer est le | particulier : « Il sied à l'Homme, c'est-à-dire à chaque homme, d'aimer ; aimer est le | ||
devoir et la vocation de l'homme, etc. » | devoir et la vocation de l'homme, etc. » | ||
Il faut, par conséquent, que je revendique l'amour pour Moi, et que je le soustraie | Il faut, par conséquent, que je revendique l'amour pour Moi, et que je le soustraie | ||
à la puissance de l'Homme. | à la puissance de l'Homme. | ||
On en est arrivé à me concéder comme un fief dont la propriété appartient à | On en est arrivé à me concéder comme un fief dont la propriété appartient à | ||
l'Homme ce qui était primitivement à moi, mais sans raison logique, instinctivement. | l'Homme ce qui était primitivement à moi, mais sans raison logique, instinctivement. | ||
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l'Homme ou à l'humanité et où rien n'appartient au Moi. En dépouillant l'individu de | l'Homme ou à l'humanité et où rien n'appartient au Moi. En dépouillant l'individu de | ||
tout pour attribuer tout à l'Homme, on a fondé une énorme féodalité. | tout pour attribuer tout à l'Homme, on a fondé une énorme féodalité. | ||
L'individu n'apparaît plus en fin de compte que comme « foncièrement mauvais ». | L'individu n'apparaît plus en fin de compte que comme « foncièrement mauvais ». | ||
Faut-il peut-être ne prendre aucun intérêt actif à la personne d'autrui ? Dois-je | Faut-il peut-être ne prendre aucun intérêt actif à la personne d'autrui ? Dois-je | ||
n'avoir à coeur ni sa joie ni son intérêt, ne puis-je préférer la jouissance que je lui | n'avoir à coeur ni sa joie ni son intérêt, ne puis-je préférer la jouissance que je lui | ||
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lui, me serait le plus cher, ma vie, ma prospérité, ma liberté. En effet, c'est pour moi | lui, me serait le plus cher, ma vie, ma prospérité, ma liberté. En effet, c'est pour moi | ||
un plaisir et un bonheur que le spectacle de son bonheur et de son plaisir. Mais je ne | un plaisir et un bonheur que le spectacle de son bonheur et de son plaisir. Mais je ne | ||
me sacrifie pas à lui, je reste égoïste et je — jouis de lui. En lui sacrifiant tout ce que, | me sacrifie pas à lui, je reste égoïste et je — jouis de lui. En lui sacrifiant tout ce que, | ||
n'était mon amour pour lui, je me réserverais, je fais une chose très simple et même | n'était mon amour pour lui, je me réserverais, je fais une chose très simple et même | ||
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à laquelle il a perdu le pouvoir de se soustraire. Il a abdiqué devant elle, parce | à laquelle il a perdu le pouvoir de se soustraire. Il a abdiqué devant elle, parce | ||
qu'il ne sait plus se détacher d'elle et par conséquent s'en affranchir. Il est possédé. | qu'il ne sait plus se détacher d'elle et par conséquent s'en affranchir. Il est possédé. | ||
Moi aussi, j'aime les hommes, non seulement quelques-uns, mais chacun d'eux. | Moi aussi, j'aime les hommes, non seulement quelques-uns, mais chacun d'eux. | ||
Mais je les aime avec la conscience de mon égoïsme : je les aime parce que l'amour | Mais je les aime avec la conscience de mon égoïsme : je les aime parce que l'amour | ||
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m'afflige et ce qui le soulage me soulage : je pourrais le tuer, je ne saurais le martyriser. | m'afflige et ce qui le soulage me soulage : je pourrais le tuer, je ne saurais le martyriser. | ||
Au contraire, le noble et vertueux philistin qu'est le prince Rodolphe des Mystères | Au contraire, le noble et vertueux philistin qu'est le prince Rodolphe des Mystères | ||
de Paris s'ingénie à martyriser les méchants parce qu'ils l' « exaspèrent » | de Paris s'ingénie à martyriser les méchants parce qu'ils l' « exaspèrent » <ref> Voir l'étude de Max Stirner sur Les Mystères de Paris, d'Eugène Sue, publiée dans les Berliner | ||
Monatschriften en 1843, et réimprimée par les soins de J. H. Mackay dans les Max Stirner's | |||
kleinere Schriften (Berlin, Schuster et Loeffler, 1898). (Note du Traducteur.)</ref>. Ma | |||
sympathie prouve simplement que le sentiment de ceux qui sentent est aussi le mien, | sympathie prouve simplement que le sentiment de ceux qui sentent est aussi le mien, | ||
qu'il est ma propriété — tandis que le procédé impitoyable de l' « homme de bien » | qu'il est ma propriété — tandis que le procédé impitoyable de l' « homme de bien » | ||
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Rodolphe ne sent pas comme le notaire ; il sent, au contraire, que « le scélérat a ce | Rodolphe ne sent pas comme le notaire ; il sent, au contraire, que « le scélérat a ce | ||
qu'il a mérité ». Ce n'est pas là de la sympathie. | qu'il a mérité ». Ce n'est pas là de la sympathie. | ||
Vous aimez l'Homme, et ce vous est une raison pour torturer l'individu, l'égoïste ; | Vous aimez l'Homme, et ce vous est une raison pour torturer l'individu, l'égoïste ; | ||
votre amour de l'Homme fait de vous les bourreaux des hommes. | votre amour de l'Homme fait de vous les bourreaux des hommes. | ||
Quand je vois souffrir celui que j'aime, je souffre avec lui, et je n'ai pas de repos | Quand je vois souffrir celui que j'aime, je souffre avec lui, et je n'ai pas de repos | ||
que je n'aie tout tenté pour le consoler et l'égayer. Quand je le vois joyeux, sa joie me | que je n'aie tout tenté pour le consoler et l'égayer. Quand je le vois joyeux, sa joie me | ||
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s'agit de la douleur corporelle, que je ne ressens pas comme lui : c'est sa dent qui lui | s'agit de la douleur corporelle, que je ne ressens pas comme lui : c'est sa dent qui lui | ||
fait mal, et ce qui me fait mal à moi, c'est sa souffrance. | fait mal, et ce qui me fait mal à moi, c'est sa souffrance. | ||
Et c'est parce que je ne puis supporter ce pli douloureux sur le front aimé, c'est par | Et c'est parce que je ne puis supporter ce pli douloureux sur le front aimé, c'est par | ||
conséquent dans mon intérêt, que je l'efface par un baiser. Si je ne t'aimais pas, tu | conséquent dans mon intérêt, que je l'efface par un baiser. Si je ne t'aimais pas, tu | ||
pourrais froncer les sourcils tant que tu voudrais sans m'émouvoir ; je ne veux | pourrais froncer les sourcils tant que tu voudrais sans m'émouvoir ; je ne veux | ||
dissiper que mon chagrin. | dissiper que mon chagrin. | ||
Y a-t-il maintenant quelqu'un ou quelque chose que je n'aime pas et qui a le droit | Y a-t-il maintenant quelqu'un ou quelque chose que je n'aime pas et qui a le droit | ||
d'être aimé par moi ? Qui passe le premier, mon amour ou son droit ? Les parents, les | d'être aimé par moi ? Qui passe le premier, mon amour ou son droit ? Les parents, les | ||
amis, le peuple, la patrie, la ville natale, etc., enfin, en général, mes semblables « mes | amis, le peuple, la patrie, la ville natale, etc., enfin, en général, mes semblables « mes | ||
frères », prétendent avoir droit à mon amour et le réclament impérieusement. Ils le | frères », prétendent avoir droit à mon amour et le réclament impérieusement. Ils le | ||
considèrent comme leur propriété, et moi, si je ne respecte pas cette propriété, ils me | considèrent comme leur propriété, et moi, si je ne respecte pas cette propriété, ils me | ||
considèrent comme un voleur qui leur enlève ce qui leur appartient. | considèrent comme un voleur qui leur enlève ce qui leur appartient. | ||
Je dois donc aimer. Mais si l'amour est un commandement et une loi, il faut qu'on | Je dois donc aimer. Mais si l'amour est un commandement et une loi, il faut qu'on | ||
m'y forme et qu'on m'y dresse, et qu'on me punisse si je viens à l'enfreindre. On | m'y forme et qu'on m'y dresse, et qu'on me punisse si je viens à l'enfreindre. On | ||
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génération en génération, on peut se haïr uniquement parce que les ancêtres des uns | génération en génération, on peut se haïr uniquement parce que les ancêtres des uns | ||
étaient Guelfes et ceux des autres Gibelins. | étaient Guelfes et ceux des autres Gibelins. | ||
Mais l'amour n'est pas un commandement. Comme tous mes autres sentiments, il | Mais l'amour n'est pas un commandement. Comme tous mes autres sentiments, il | ||
est ma propriété. Méritez, c'est-à-dire achetez ma propriété, et je vous la céderai. Je | est ma propriété. Méritez, c'est-à-dire achetez ma propriété, et je vous la céderai. Je | ||
n'ai pas à aimer une religion, un peuple, une patrie, une famille, etc., qui ne savent pas | n'ai pas à aimer une religion, un peuple, une patrie, une famille, etc., qui ne savent pas | ||
mériter mon amour ; je vends ma tendresse au prix qu'il me plaît de fixer. | mériter mon amour ; je vends ma tendresse au prix qu'il me plaît de fixer. | ||
L'amour intéressé est bien différent de l'amour désintéressé, mystique ou romantique. | L'amour intéressé est bien différent de l'amour désintéressé, mystique ou romantique. | ||
On peut aimer une foule de choses, on peut aimer non seulement l'homme, mais | On peut aimer une foule de choses, on peut aimer non seulement l'homme, mais | ||
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conscience, le serment. Dans les deux cas, l'objet ne m'appartient plus, c'est moi qui | conscience, le serment. Dans les deux cas, l'objet ne m'appartient plus, c'est moi qui | ||
lui appartiens. | lui appartiens. | ||
Si l'amour est une possession, ce n'est pas en tant qu'il est mon sentiment (en cette | Si l'amour est une possession, ce n'est pas en tant qu'il est mon sentiment (en cette | ||
qualité, au contraire, j'en reste maître comme de ma propriété), mais bien parce que | qualité, au contraire, j'en reste maître comme de ma propriété), mais bien parce que |
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