Différences entre les versions de « Max Stirner:B. Mes relations »

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indiquée dans les « États libres ». Dans ceux-ci, dit-il, l'individu a le droit d'exprimer
indiquée dans les « États libres ». Dans ceux-ci, dit-il, l'individu a le droit d'exprimer
tout ce qu'il pense, et ce droit ne lui est pas contesté parce qu'il n'est plus seulement
tout ce qu'il pense, et ce droit ne lui est pas contesté parce qu'il n'est plus seulement
un individu isolé, mais bien un membre solidaire d'un tout réel et intelligent 1. Ce
un individu isolé, mais bien un membre solidaire d'un tout réel et intelligent <ref>II, p. 91 sqq.</ref>. Ce
n'est donc pas l'individu mais le membre qui jouit de la liberté de la presse. Mais si,
n'est donc pas l'individu mais le membre qui jouit de la liberté de la presse. Mais si,
pour jouir de la liberté de la presse, il faut que l'individu ait prouvé sa fidélité à la
pour jouir de la liberté de la presse, il faut que l'individu ait prouvé sa fidélité à la
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contre le Peuple — mon ennemi ; je ne l'obtiens que si je la conquière réellement, si
contre le Peuple — mon ennemi ; je ne l'obtiens que si je la conquière réellement, si
je la prends. Et si je la prends, c'est qu'elle est ma propriété.
je la prends. Et si je la prends, c'est qu'elle est ma propriété.


Sander, que combat Edgar Bauer, considère la liberté de la presse comme « le
Sander, que combat Edgar Bauer, considère la liberté de la presse comme « le
droit et la liberté du citoyen dans l'État ». Bauer ne dit rien d'autre. Pour lui aussi elle
droit et la liberté du citoyen dans l'État ». Bauer ne dit rien d'autre. Pour lui aussi elle
n'est que le droit du citoyen libre.
n'est que le droit du citoyen libre.
On réclame encore la liberté de la presse comme un « droit commun à tous les
On réclame encore la liberté de la presse comme un « droit commun à tous les
hommes ». À cela il a été objecté que tous les hommes ne savent pas en faire bon
hommes ». À cela il a été objecté que tous les hommes ne savent pas en faire bon
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établissant qu'il est vraiment Homme, car ce n'est pas à l'individu, c'est à
établissant qu'il est vraiment Homme, car ce n'est pas à l'individu, c'est à
l'Homme qu'il accorde la liberté de la presse.
l'Homme qu'il accorde la liberté de la presse.
1 II, p. 91 sqq.
 
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 230
C'est justement sous le prétexte que cela n'est pas humain qu'on m'a enlevé ce qui
C'est justement sous le prétexte que cela n'est pas humain qu'on m'a enlevé ce qui
est à Moi ! Et on m'a laissé ce qui est à l'Homme.
est à Moi ! Et on m'a laissé ce qui est à l'Homme.
La liberté de la presse ne peut produire qu'une presse responsable. Une presse
La liberté de la presse ne peut produire qu'une presse responsable. Une presse
irresponsable ne peut naître que de la propriété de la presse.
irresponsable ne peut naître que de la propriété de la presse.
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**
 
Les relations des hommes entre eux sont régies, pour tous ceux qui vivent religieusement,
Les relations des hommes entre eux sont régies, pour tous ceux qui vivent religieusement,
par une loi formelle dont on peut bien parfois, au risque de pécher,
par une loi formelle dont on peut bien parfois, au risque de pécher,
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de l'amour, leur amour est même plus profond et plus pur : ils aiment l'Homme et
de l'amour, leur amour est même plus profond et plus pur : ils aiment l'Homme et
l'Humanité.
l'Humanité.
Si nous tâchons de formuler le sens de cette loi, nous dirons à peu près : Chaque
Si nous tâchons de formuler le sens de cette loi, nous dirons à peu près : Chaque
homme doit tenir quelque chose pour plus que lui-même. Tu dois oublier ton « intérêt
homme doit tenir quelque chose pour plus que lui-même. Tu dois oublier ton « intérêt
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etc., doivent être pour toi plus que toi-même, et ton « intérêt privé » doit s'effacer
etc., doivent être pour toi plus que toi-même, et ton « intérêt privé » doit s'effacer
devant leur intérêt ; car il ne faut pas être un — égoïste !
devant leur intérêt ; car il ne faut pas être un — égoïste !
L'Amour est un commandement religieux d'une grande portée ; il ne se borne pas
L'Amour est un commandement religieux d'une grande portée ; il ne se borne pas
à l'amour de Dieu et des hommes, mais il préside à tous nos rapports. Quoi que nous
à l'amour de Dieu et des hommes, mais il préside à tous nos rapports. Quoi que nous
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N'est-ce pas comme si on disait : il ne faut pas que sa critique l'anéantisse, il doit la
N'est-ce pas comme si on disait : il ne faut pas que sa critique l'anéantisse, il doit la
laisser subsister, et subsister en tant que chose sacrée et indestructible ?
laisser subsister, et subsister en tant que chose sacrée et indestructible ?
Il en est de même de notre critique des hommes : l'amour doit en rester la tonique
Il en est de même de notre critique des hommes : l'amour doit en rester la tonique
invariable. Il est certain que les jugements que nous dicte la haine ne sont pas nos
invariable. Il est certain que les jugements que nous dicte la haine ne sont pas nos
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indulgents », mais ce ne sont pas nos propres jugements, ni par conséquent, réellement,
indulgents », mais ce ne sont pas nos propres jugements, ni par conséquent, réellement,
des jugements.
des jugements.
Celui qui brûle d'amour pour la justice s'écrie : fiat justitia, pereat mundus ! Il lui
Celui qui brûle d'amour pour la justice s'écrie : fiat justitia, pereat mundus ! Il lui
est permis de se demander et d'examiner ce que c'est, à proprement parler, que la
est permis de se demander et d'examiner ce que c'est, à proprement parler, que la
justice, ce qu'elle exige et en quoi elle consiste, mais non pas si elle est quelque
justice, ce qu'elle exige et en quoi elle consiste, mais non pas si elle est quelque
chose.
chose.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 231
 
Il est bien vrai que « Celui qui demeure dans l'amour, celui-là demeure en Dieu et
Il est bien vrai que « Celui qui demeure dans l'amour, celui-là demeure en Dieu et
Dieu en lui » (ler ép. de Jean, IV, 16). Le Dieu demeure en lui, il ne peut s'en défaire et
Dieu en lui » (ler ép. de Jean, IV, 16). Le Dieu demeure en lui, il ne peut s'en défaire et
devenir sans dieu, et lui-même demeure en Dieu, il reste confiné dans l'amour de Dieu
devenir sans dieu, et lui-même demeure en Dieu, il reste confiné dans l'amour de Dieu
et ne peut devenir sans amour.
et ne peut devenir sans amour.
« Dieu est l'Amour ! » Tous les siècles et toutes les générations reconnaissent
« Dieu est l'Amour ! » Tous les siècles et toutes les générations reconnaissent
dans cette parole le fondement du Christianisme. Mais ce Dieu qui est amour est un
dans cette parole le fondement du Christianisme. Mais ce Dieu qui est amour est un
Dieu importun : il ne peut pas laisser le monde en repos, il veut lui infuser la sainteté.
Dieu importun : il ne peut pas laisser le monde en repos, il veut lui infuser la sainteté.
« Dieu s'est fait homme pour rendre les hommes divins 1. » Sa main se retrouve
« Dieu s'est fait homme pour rendre les hommes divins <ref> Athanase.</ref>.» Sa main se retrouve
partout, et rien n'arrive que par lui. En tout se révèlent ses « desseins excellents », ses
partout, et rien n'arrive que par lui. En tout se révèlent ses « desseins excellents », ses
« vues et ses décrets impénétrables ». La raison, qui est lui-même, doit aussi se
« vues et ses décrets impénétrables ». La raison, qui est lui-même, doit aussi se
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combat la déraison et l'irrationnel. Dieu ne laisse aucun être suivre la voie qui lui
combat la déraison et l'irrationnel. Dieu ne laisse aucun être suivre la voie qui lui
est propre, et l'Homme ne veut nous permettre qu'une conduite humaine.
est propre, et l'Homme ne veut nous permettre qu'une conduite humaine.
Mais celui qui est pénétré de l'amour sacré (religieux, moral, humain) n'a d'amour
Mais celui qui est pénétré de l'amour sacré (religieux, moral, humain) n'a d'amour
que pour le fantôme, pour le « véritable Homme », et il persécute l'individu, l'homme
que pour le fantôme, pour le « véritable Homme », et il persécute l'individu, l'homme
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pas fantôme, c'est-à-dire l'égoïste ou l'individuel. Tel est le sens de cette fameuse
pas fantôme, c'est-à-dire l'égoïste ou l'individuel. Tel est le sens de cette fameuse
manifestation de l'Amour qu'on nomme « Justice ».
manifestation de l'Amour qu'on nomme « Justice ».
L'accusé n'a aucun ménagement à espérer, pas une âme compatissante ne jettera
L'accusé n'a aucun ménagement à espérer, pas une âme compatissante ne jettera
un voile sur sa triste nudité. Sans émotion, le juge austère arrache au pauvre condamné
un voile sur sa triste nudité. Sans émotion, le juge austère arrache au pauvre condamné
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succombe, et où celle-ci règne, ceux-là doivent tomber. Leur antagonisme est
succombe, et où celle-ci règne, ceux-là doivent tomber. Leur antagonisme est
impérissable.
impérissable.
L'ère chrétienne est l'ère de la miséricorde, de l'amour, du souci de rendre aux
L'ère chrétienne est l'ère de la miséricorde, de l'amour, du souci de rendre aux
hommes ce qui leur appartient et de les guider vers l'accomplissement de leur vocation
hommes ce qui leur appartient et de les guider vers l'accomplissement de leur vocation
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Communistes et les Humanitaires attendent de l'homme plus que les Chrétiens, leur
Communistes et les Humanitaires attendent de l'homme plus que les Chrétiens, leur
point de vue reste le même. À l'homme doit appartenir tout ce qui est humain. S'il
point de vue reste le même. À l'homme doit appartenir tout ce qui est humain. S'il
1 Athanase.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 232
suffisait aux pieux que l'homme eût en partage ce qui est de Dieu, les Humanitaires
suffisait aux pieux que l'homme eût en partage ce qui est de Dieu, les Humanitaires
exigent que rien ne lui soit refusé de ce qui est de l'Homme. Quant à ce qui est de
exigent que rien ne lui soit refusé de ce qui est de l'Homme. Quant à ce qui est de
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il faut qu'on le crée soi-même. Le reste, l'amour me l'accordait ; ceci, Moi seul puis
il faut qu'on le crée soi-même. Le reste, l'amour me l'accordait ; ceci, Moi seul puis
me le donner.
me le donner.
Jusqu'à présent, les relations ont été fondées sur l'amour, les égards et les services
Jusqu'à présent, les relations ont été fondées sur l'amour, les égards et les services
réciproques. Si l'on se devait à soi-même de se sanctifier, c'est-à-dire d'introniser en
réciproques. Si l'on se devait à soi-même de se sanctifier, c'est-à-dire d'introniser en
soi l'être suprême et d'en faire une vérité * et une réalité, on devait aussi aux autres de
soi l'être suprême et d'en faire une vérité <ref>« Vérité » en français dans le texte. (Note du Traducteur.)</ref> et une réalité, on devait aussi aux autres de
les aider à réaliser leur essence et leur destinée ; dans les deux cas, on devait à
les aider à réaliser leur essence et leur destinée ; dans les deux cas, on devait à
l'essence de l'homme de contribuer à sa réalisation.
l'essence de l'homme de contribuer à sa réalisation.
Seulement, on ne se doit pas à soi-même de faire quelque chose de soi, ni aux
Seulement, on ne se doit pas à soi-même de faire quelque chose de soi, ni aux
autres de faire d'eux quelque chose : on ne doit rien ni à son essence ni à celle des
autres de faire d'eux quelque chose : on ne doit rien ni à son essence ni à celle des
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rapports avec Moi, et mes rapports avec l'essence de l'Homme ne sont pas des rapports
rapports avec Moi, et mes rapports avec l'essence de l'Homme ne sont pas des rapports
avec les hommes.
avec les hommes.
De l'amour, tel qu'il est naturel à l'homme de le ressentir, la civilisation a fait un
De l'amour, tel qu'il est naturel à l'homme de le ressentir, la civilisation a fait un
commandement. Mais en tant que commandé, l'amour appartient à l'Homme comme
commandement. Mais en tant que commandé, l'amour appartient à l'Homme comme
tel, et non à moi ; il est mon essence, cette essence que l'on tient pour si « essentielle
tel, et non à moi ; il est mon essence, cette essence que l'on tient pour si « essentielle
», et n'est pas ma propriété. C'est l'Homme, c'est-à-dire l'humanité, qui me l'impose
», et n'est pas ma propriété. C'est l'Homme, c'est-à-dire l'humanité, qui me l'impose: l'amour est obligatoire, aimer est mon devoir. Ainsi, au lieu d'avoir sa source
: l'amour est obligatoire, aimer est mon devoir. Ainsi, au lieu d'avoir sa source
réellement en Moi, il l'a dans l'Homme en général, dont il est la propriété, l'attribut
réellement en Moi, il l'a dans l'Homme en général, dont il est la propriété, l'attribut
particulier : « Il sied à l'Homme, c'est-à-dire à chaque homme, d'aimer ; aimer est le
particulier : « Il sied à l'Homme, c'est-à-dire à chaque homme, d'aimer ; aimer est le
devoir et la vocation de l'homme, etc. »
devoir et la vocation de l'homme, etc. »
Il faut, par conséquent, que je revendique l'amour pour Moi, et que je le soustraie
Il faut, par conséquent, que je revendique l'amour pour Moi, et que je le soustraie
à la puissance de l'Homme.
à la puissance de l'Homme.
On en est arrivé à me concéder comme un fief dont la propriété appartient à
On en est arrivé à me concéder comme un fief dont la propriété appartient à
l'Homme ce qui était primitivement à moi, mais sans raison logique, instinctivement.
l'Homme ce qui était primitivement à moi, mais sans raison logique, instinctivement.
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l'Homme ou à l'humanité et où rien n'appartient au Moi. En dépouillant l'individu de
l'Homme ou à l'humanité et où rien n'appartient au Moi. En dépouillant l'individu de
tout pour attribuer tout à l'Homme, on a fondé une énorme féodalité.
tout pour attribuer tout à l'Homme, on a fondé une énorme féodalité.
L'individu n'apparaît plus en fin de compte que comme « foncièrement mauvais ».
L'individu n'apparaît plus en fin de compte que comme « foncièrement mauvais ».
Faut-il peut-être ne prendre aucun intérêt actif à la personne d'autrui ? Dois-je
Faut-il peut-être ne prendre aucun intérêt actif à la personne d'autrui ? Dois-je
n'avoir à coeur ni sa joie ni son intérêt, ne puis-je préférer la jouissance que je lui
n'avoir à coeur ni sa joie ni son intérêt, ne puis-je préférer la jouissance que je lui
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lui, me serait le plus cher, ma vie, ma prospérité, ma liberté. En effet, c'est pour moi
lui, me serait le plus cher, ma vie, ma prospérité, ma liberté. En effet, c'est pour moi
un plaisir et un bonheur que le spectacle de son bonheur et de son plaisir. Mais je ne
un plaisir et un bonheur que le spectacle de son bonheur et de son plaisir. Mais je ne
* « Vérité » en français dans le texte. (Note du Traducteur.)
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 233
me sacrifie pas à lui, je reste égoïste et je — jouis de lui. En lui sacrifiant tout ce que,
me sacrifie pas à lui, je reste égoïste et je — jouis de lui. En lui sacrifiant tout ce que,
n'était mon amour pour lui, je me réserverais, je fais une chose très simple et même
n'était mon amour pour lui, je me réserverais, je fais une chose très simple et même
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à laquelle il a perdu le pouvoir de se soustraire. Il a abdiqué devant elle, parce
à laquelle il a perdu le pouvoir de se soustraire. Il a abdiqué devant elle, parce
qu'il ne sait plus se détacher d'elle et par conséquent s'en affranchir. Il est possédé.
qu'il ne sait plus se détacher d'elle et par conséquent s'en affranchir. Il est possédé.
Moi aussi, j'aime les hommes, non seulement quelques-uns, mais chacun d'eux.
Moi aussi, j'aime les hommes, non seulement quelques-uns, mais chacun d'eux.
Mais je les aime avec la conscience de mon égoïsme : je les aime parce que l'amour
Mais je les aime avec la conscience de mon égoïsme : je les aime parce que l'amour
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m'afflige et ce qui le soulage me soulage : je pourrais le tuer, je ne saurais le martyriser.
m'afflige et ce qui le soulage me soulage : je pourrais le tuer, je ne saurais le martyriser.
Au contraire, le noble et vertueux philistin qu'est le prince Rodolphe des Mystères
Au contraire, le noble et vertueux philistin qu'est le prince Rodolphe des Mystères
de Paris s'ingénie à martyriser les méchants parce qu'ils l' « exaspèrent » *. Ma
de Paris s'ingénie à martyriser les méchants parce qu'ils l' « exaspèrent » <ref> Voir l'étude de Max Stirner sur Les Mystères de Paris, d'Eugène Sue, publiée dans les Berliner
Monatschriften en 1843, et réimprimée par les soins de J. H. Mackay dans les Max Stirner's
kleinere Schriften (Berlin, Schuster et Loeffler, 1898). (Note du Traducteur.)</ref>. Ma
sympathie prouve simplement que le sentiment de ceux qui sentent est aussi le mien,
sympathie prouve simplement que le sentiment de ceux qui sentent est aussi le mien,
qu'il est ma propriété — tandis que le procédé impitoyable de l' « homme de bien »
qu'il est ma propriété — tandis que le procédé impitoyable de l' « homme de bien »
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Rodolphe ne sent pas comme le notaire ; il sent, au contraire, que « le scélérat a ce
Rodolphe ne sent pas comme le notaire ; il sent, au contraire, que « le scélérat a ce
qu'il a mérité ». Ce n'est pas là de la sympathie.
qu'il a mérité ». Ce n'est pas là de la sympathie.
Vous aimez l'Homme, et ce vous est une raison pour torturer l'individu, l'égoïste ;
Vous aimez l'Homme, et ce vous est une raison pour torturer l'individu, l'égoïste ;
votre amour de l'Homme fait de vous les bourreaux des hommes.
votre amour de l'Homme fait de vous les bourreaux des hommes.
Quand je vois souffrir celui que j'aime, je souffre avec lui, et je n'ai pas de repos
Quand je vois souffrir celui que j'aime, je souffre avec lui, et je n'ai pas de repos
que je n'aie tout tenté pour le consoler et l'égayer. Quand je le vois joyeux, sa joie me
que je n'aie tout tenté pour le consoler et l'égayer. Quand je le vois joyeux, sa joie me
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s'agit de la douleur corporelle, que je ne ressens pas comme lui : c'est sa dent qui lui
s'agit de la douleur corporelle, que je ne ressens pas comme lui : c'est sa dent qui lui
fait mal, et ce qui me fait mal à moi, c'est sa souffrance.
fait mal, et ce qui me fait mal à moi, c'est sa souffrance.
Et c'est parce que je ne puis supporter ce pli douloureux sur le front aimé, c'est par
Et c'est parce que je ne puis supporter ce pli douloureux sur le front aimé, c'est par
conséquent dans mon intérêt, que je l'efface par un baiser. Si je ne t'aimais pas, tu
conséquent dans mon intérêt, que je l'efface par un baiser. Si je ne t'aimais pas, tu
pourrais froncer les sourcils tant que tu voudrais sans m'émouvoir ; je ne veux
pourrais froncer les sourcils tant que tu voudrais sans m'émouvoir ; je ne veux
dissiper que mon chagrin.
dissiper que mon chagrin.
Y a-t-il maintenant quelqu'un ou quelque chose que je n'aime pas et qui a le droit
Y a-t-il maintenant quelqu'un ou quelque chose que je n'aime pas et qui a le droit
d'être aimé par moi ? Qui passe le premier, mon amour ou son droit ? Les parents, les
d'être aimé par moi ? Qui passe le premier, mon amour ou son droit ? Les parents, les
amis, le peuple, la patrie, la ville natale, etc., enfin, en général, mes semblables « mes
amis, le peuple, la patrie, la ville natale, etc., enfin, en général, mes semblables « mes
* Voir l'étude de Max Stirner sur Les Mystères de Paris, d'Eugène Sue, publiée dans les Berliner
Monatschriften en 1843, et réimprimée par les soins de J. H. Mackay dans les Max Stirner's
kleinere Schriften (Berlin, Schuster et Loeffler, 1898). (Note du Traducteur.)
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 234
frères », prétendent avoir droit à mon amour et le réclament impérieusement. Ils le
frères », prétendent avoir droit à mon amour et le réclament impérieusement. Ils le
considèrent comme leur propriété, et moi, si je ne respecte pas cette propriété, ils me
considèrent comme leur propriété, et moi, si je ne respecte pas cette propriété, ils me
considèrent comme un voleur qui leur enlève ce qui leur appartient.
considèrent comme un voleur qui leur enlève ce qui leur appartient.
Je dois donc aimer. Mais si l'amour est un commandement et une loi, il faut qu'on
Je dois donc aimer. Mais si l'amour est un commandement et une loi, il faut qu'on
m'y forme et qu'on m'y dresse, et qu'on me punisse si je viens à l'enfreindre. On
m'y forme et qu'on m'y dresse, et qu'on me punisse si je viens à l'enfreindre. On
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génération en génération, on peut se haïr uniquement parce que les ancêtres des uns
génération en génération, on peut se haïr uniquement parce que les ancêtres des uns
étaient Guelfes et ceux des autres Gibelins.
étaient Guelfes et ceux des autres Gibelins.
Mais l'amour n'est pas un commandement. Comme tous mes autres sentiments, il
Mais l'amour n'est pas un commandement. Comme tous mes autres sentiments, il
est ma propriété. Méritez, c'est-à-dire achetez ma propriété, et je vous la céderai. Je
est ma propriété. Méritez, c'est-à-dire achetez ma propriété, et je vous la céderai. Je
n'ai pas à aimer une religion, un peuple, une patrie, une famille, etc., qui ne savent pas
n'ai pas à aimer une religion, un peuple, une patrie, une famille, etc., qui ne savent pas
mériter mon amour ; je vends ma tendresse au prix qu'il me plaît de fixer.
mériter mon amour ; je vends ma tendresse au prix qu'il me plaît de fixer.
L'amour intéressé est bien différent de l'amour désintéressé, mystique ou romantique.
L'amour intéressé est bien différent de l'amour désintéressé, mystique ou romantique.
On peut aimer une foule de choses, on peut aimer non seulement l'homme, mais
On peut aimer une foule de choses, on peut aimer non seulement l'homme, mais
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conscience, le serment. Dans les deux cas, l'objet ne m'appartient plus, c'est moi qui
conscience, le serment. Dans les deux cas, l'objet ne m'appartient plus, c'est moi qui
lui appartiens.
lui appartiens.
Si l'amour est une possession, ce n'est pas en tant qu'il est mon sentiment (en cette
Si l'amour est une possession, ce n'est pas en tant qu'il est mon sentiment (en cette
qualité, au contraire, j'en reste maître comme de ma propriété), mais bien parce que
qualité, au contraire, j'en reste maître comme de ma propriété), mais bien parce que
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