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{{titre|L’Unique et sa propriété|[[Max Stirner]]<br><small>(1845)</small>|§ 2. Le Libéralisme social}} | {{titre|L’Unique et sa propriété|[[Max Stirner]]<br><small>(1845)</small>|§ 2. Le Libéralisme social}} | ||
Nous sommes des hommes, nous sommes nés libres, et de quelque côté que nous | |||
tournions les yeux, nous nous voyons réduits en servitude par des égoïstes ! Devonsnous | |||
donc, nous aussi, devenir des égoïstes ? Le ciel nous en préserve ! Nous | |||
préférons rendre tout égoïsme impossible, et, pour cela, faire de tous des « gueux »; si | |||
personne n'a rien, « tous » auront. | |||
Ce sont des Socialistes qui parlent. | |||
— Qui est cette personne que vous nommez « tous »? — C'est la « Société » ! — | |||
A-t-elle donc un corps ? — Nous sommes son corps. — Vous ? Allons donc ! Vous | |||
n'êtes pas un corps ; toi, tu as un corps, et toi aussi, et ce troisième là-bas également ; | |||
mais vous tous ensemble vous êtes des corps, et non un corps. Par conséquent, la | |||
Société, en admettant que ce soit quelqu'un, aurait bien des corps à son service, mais | |||
non pas un corps unique, lui appartenant en propre. Comme la « Nation » des politiciens, | |||
elle n'est qu'un Esprit, un fantôme, et son corps n'est qu'une apparence. | |||
La liberté de l'homme est, pour le Libéralisme politique, la liberté vis-à-vis des | |||
personnes, de la domination personnelle, du Maître ; c'est la liberté personnelle, garantissant | |||
chaque individu contre les autres individus. Nul n'a le droit d'ordonner, | |||
seule la Loi ordonne. Mais si les personnes sont égales, ce qu'elles possèdent n'est pas | |||
égal. Le pauvre a besoin du riche comme le riche du pauvre ; le premier a besoin de la | |||
richesse du second, et celui-ci du travail du premier ; si chacun a besoin de l'autre, ce | |||
n'est toutefois pas de cet autre comme personne, mais comme fournisseur, comme | |||
ayant quelque chose à donner, comme détenant ou possédant quelque chose. C'est | |||
donc ce qu'il a qui fait l'homme. Et, par leur avoir, les hommes sont inégaux. | |||
Le Socialisme conclut que nul ne doit posséder, de même que le Libéralisme politique | |||
concluait que nul ne doit commander. Si pour l'un l'État seul commandait, pour | |||
l'autre la Société seule possède. | |||
Par là même qu'il protège contre les autres la personne et la propriété de chacun, | |||
l'État isole les individus : ce que je suis et ce que j'ai ne regarde que moi. Celui qui se | |||
contente de ce qu'il est et de ce qu'il a n'essaie pas d'aller plus loin; mais celui qui | |||
voudrait être et avoir plus cherche ce surplus et le trouve au pouvoir d'autres personnes. | |||
Nous aboutissons à une contradiction que les Socialistes ne se font pas faute | |||
de relever : l'un n'est personnellement pas plus que l'autre, et cependant l'un a ce que | |||
l'autre n'a pas et désirerait avoir ; donc, l'un est personnellement plus que l'autre, | |||
puisque l'un possède ce qu'il lui faut et l'autre pas, puisque l'un est riche et l'autre | |||
pauvre. | |||
Devons-nous donc, continuent les Socialistes, laisser ressusciter ce que nous | |||
avions enterré avec tant de raison, et devons-nous laisser restaurer par un subterfuge | |||
cette inégalité des personnes que nous avons voulu abolir ? Non, il faut au contraire | |||
achever la besogne qui n'a été qu'à moitié faite. Il manque encore à notre liberté vis-àvis | |||
des personnes la liberté vis-à-vis de ce qui leur permet d'opprimer celle d'autrui, | |||
de ce qui est le fondement de la puissance personnelle, c'est-à-dire la liberté vis-à-vis | |||
de la « propriété personnelle ». Supprimons donc la propriété personnelle. Que nul ne | |||
possède plus rien, que chacun soit un — gueux. Que la propriété soit impersonnelle, | |||
qu'elle appartienne à la — Société. | |||
Devant le Maître suprême, l'unique commandant, nous étions tous devenus égaux, | |||
nous étions tous devenus des personnes égales, c'est-à-dire des zéros. | |||
Devant le Propriétaire suprême, nous devenons tous des — gueux égaux ; jusqu'à | |||
présent on pouvait n'être, à côté de son voisin, qu'un « gueux », un « pauvre diable »: | |||
désormais toute distinction s'efface, tous étant des gueux, et la Société communiste se | |||
résume dans ce qu'on peut appeler la « gueuserie » générale. | |||
Quand le prolétaire aura réussi à réaliser la « Société » qu'il a en vue, et dans | |||
laquelle doit disparaître toute différence entre riche et pauvre, il sera un gueux ; mais | |||
être un gueux est pour lui être quelque chose, et il pourrait faire de ce mot « gueux » | |||
un titre aussi honorable qu'est devenu le titre de « bourgeois » grâce à la Révolution. | |||
Le gueux est son idéal, et nous devons devenir tous des gueux. | |||
Tel est le second vol fait à la « personnalité » au profit de l’« humanité ». On ne | |||
laisse à l'individu ni le droit de commander ni le droit de posséder : l'État prend l'un, | |||
la Société prend l'autre. | |||
La société actuelle présentant les inconvénients les plus choquants, ceux qui ont le | |||
plus à en souffrir, c'est-à-dire les membres des régions inférieures de la société, en | |||
sont aussi le plus frappés, et ils croient pouvoir attribuer tout le mal à la société ellemême | |||
; aussi se donnent-ils pour tâche de découvrir la société telle qu'elle doit être. | |||
On reconnaît là l'illusion, vieille comme le monde, qui fait que l'on commence toujours | |||
par rejeter la faute commise sur un autre que soi-même ; dans le cas présent, on | |||
incrimine l'État, l'égoïsme des riches, etc., alors que c'est bien notre faute s'il y a un | |||
État et s'il y a des riches. | |||
Les réflexions et les conclusions du Communisme paraissent des plus simples : | |||
dans l'état actuel des choses, les uns sont lésés par les autres, et, en fait, c'est la | |||
majorité qui souffre à cause de la minorité. Les uns jouissent du bien-être, les autres | |||
sont dans le besoin ; la situation présente, c'est-à-dire l'État (status = situation) ne | |||
peut subsister. Que mettre à sa place ? — Le bien-être général, le bien-être de tous, | |||
au lieu du bien-être de quelques-uns. | |||
La Révolution a rendu la Bourgeoisie toute-puissante et a supprimé toute inégalité | |||
en ce sens que chacun a été, selon sa position antérieure, élevé ou abaissé au rang de | |||
« citoyen » »; le plébéien a été — élevé, et le noble — abaissé ; le tiers état est | |||
devenu l'unique état, l'état des citoyens. | |||
À cela, le Communisme répond : Ce qui fait notre valeur, notre dignité, ce n'est | |||
pas notre qualité d'enfants tous égaux de notre mère l'État, et nés tous avec les mêmes | |||
droits à son amour et à sa protection, mais le fait que nous existons les uns pour les | |||
autres. Notre égalité, ou ce qui nous fait égaux, consiste en ce que moi, toi, nous tous, | |||
tant que nous sommes, nous agissons ou « travaillons »; autrement dit, si nous | |||
sommes égaux, c'est parce que chacun de nous est un travailleur. L'essentiel en nous | |||
n'est pas ce que nous sommes pour l'État, c'est-à-dire notre qualité de citoyen ou | |||
notre bourgeoisie, mais ce que nous sommes les uns pour les autres : chacun existe | |||
par et pour autrui ; vous soignez mes intérêts et réciproquement je veille sur les | |||
vôtres. Ainsi, par exemple, vous travaillez à me vêtir (tailleur), moi à vous amuser | |||
(poète dramatique, danseur de corde, etc.) ; vous travaillez à me nourrir (aubergiste, | |||
etc.), moi à vous instruire (savant, etc.). C'est le travail qui fait notre dignité et notre | |||
— égalité. | |||
Quel avantage retirons-nous de la Bourgeoisie ? Des charges ! Et comment | |||
estime-t-on notre travail ? Aussi bas que possible. Le travail fait cependant notre | |||
unique valeur ; le travailleur est en nous ce qu'il y a de meilleur, et si nous avons une | |||
signification dans le monde, c'est comme travailleurs. Que ce soit donc d'après notre | |||
travail qu'on nous apprécie, et que ce soit notre travail qu'on évalue. | |||
Que pouvez-vous nous opposer ? Du travail, et rien que du travail. Si nous vous | |||
devons une récompense, c'est à cause du travail que vous fournissez, de la peine que | |||
vous vous donnez, et non simplement parce que vous existez ; c'est en raison de ce | |||
que vous êtes pour nous et non de ce que vous êtes pour vous. Sur quoi sont fondés | |||
vos droits sur nous ? Sur votre haute naissance, etc.? Nullement ! Rien que sur ce que | |||
vous faites pour satisfaire nos besoins ou nos désirs. Convenons donc de ceci : vous | |||
ne nous évaluerez que d'après ce que nous ferons pour vous, et nous en userons de | |||
même à votre égard. Le travail crée la valeur, et la valeur se mesure par le travail, | |||
nous entendons le travail qui nous profite, la peine qu'on se donne les uns pour les | |||
autres, le travail d'utilité générale. Que chacun soit aux yeux des autres un travailleur. | |||
Celui qui accomplit une besogne utile n'est inférieur à personne ; en d'autres | |||
termes — tous les travailleurs (dans le sens, naturellement, de producteurs pour la | |||
communauté, travailleurs communistes) sont égaux. Si le travailleur est digne de son | |||
sort, que son sort soit digne de lui. | |||
Tant que la Foi suffit pour assurer à l'homme sa dignité et son rang, on n'eut rien à | |||
objecter au travail, quelque absorbant qu'il fût, du moment qu'il ne détournait pas | |||
l'homme de la foi. Mais aujourd'hui que chacun a en soi une humanité à cultiver, la | |||
relégation de l'homme dans un travail de machine n'a plus qu'un nom : c'est de | |||
l'esclavage. Si l'ouvrier de fabrique doit se tuer à travailler pendant douze heures et | |||
plus par jour, qu'on ne parle plus pour lui de dignité humaine ! Toute besogne doit | |||
avoir un but qui satisfasse l'homme, et il faut pour cela que chaque ouvrier puisse | |||
devenir maître dans son art, et que l'oeuvre qu'il produit soit un tout. Dans une | |||
fabrique d'épingles, par exemple, l'ouvrier qui ne fabrique que des têtes, ou qui ne fait | |||
que passer à la filière le fil de laiton, est ravalé au rang de machine, c'est un forçat et | |||
ce ne sera jamais un artiste ; son travail ne saurait l'intéresser et le satisfaire, il ne peut | |||
que l’éreinter. Son oeuvre, considérée en elle-même, ne signifie rien, n'a aucun but en | |||
soi, n'est rien de définitif; c'est le fragment d'un tout qu'un autre emploie — en | |||
exploitant le producteur. | |||
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 115 | |||
Tout plaisir d'un esprit cultivé est interdit aux ouvriers au service d'autrui ; il ne | |||
leur reste que les plaisirs grossiers, toute culture leur est fermée. Pour être bon | |||
chrétien, il suffit de croire, et croire est possible en quelque situation qu'on se trouve ; | |||
aussi les gens à convictions chrétiennes n'ont-ils en vue que la piété des travailleurs | |||
asservis, leur patience, leur résignation, etc. Les classes opprimées purent à la rigueur | |||
supporter toute leur misère aussi longtemps qu'elles furent chrétiennes, car le Christianisme | |||
est un merveilleux étouffoir de tous les murmures et de toutes les révoltes. | |||
Mais il ne s'agit plus aujourd'hui d'étouffer les désirs, il faut les satisfaire. La Bourgeoisie, | |||
qui a proclamé l'évangile de la joie de vivre, de la jouissance matérielle, | |||
s'étonne de voir cette doctrine trouver des adhérents parmi nous, les pauvres ; elle a | |||
montré que ce qui rend heureux, ce n'est ni la foi ni la pauvreté, mais l'instruction et la | |||
richesse : et c'est bien ainsi que nous l'entendons aussi, nous autres prolétaires ! | |||
La Bourgeoisie s'est affranchie du despotisme et de l'arbitraire individuels, mais | |||
elle a laissé subsister l'arbitraire qui résulte du concours des circonstances et qu'on | |||
peut appeler la fatalité des événements ; il y a toujours une chance qui favorise et | |||
« des gens qui ont de la chance ». | |||
Lorsque, par exemple, une branche de l'industrie vient à s'arrêter et que des | |||
milliers d'ouvriers sont sur le pavé, on pense assez juste pour reconnaître que l'individu | |||
n'est pas responsable, mais que « c'est la faute des circonstances »; changeons | |||
donc ces circonstances, et changeons-les assez radicalement pour qu'elles ne soient | |||
plus à la merci de pareilles éventualités ; qu'elles obéissent désormais à une loi ! Ne | |||
soyons pas plus longtemps les esclaves du hasard. Créons un nouvel ordre de choses | |||
qui mette fin à toutes les fluctuations, et que cet ordre soit sacré ! | |||
Jadis, pour obtenir quelque chose, il fallait « complaire à son maître ; depuis la | |||
Révolution, il faut « avoir de la chance ». Une poursuite de la chance, un jeu de | |||
hasard, telle est la vie bourgeoise ; de là le précepte qu'il ne faut pas risquer de nouveau | |||
au jeu ce qu'on est parvenu y gagner. | |||
Contradiction bizarre, et pourtant toute naturelle : la concurrence, thème unique | |||
autour duquel se déroulent toutes les variations de la vie civile et politique, est | |||
devenue une pure loterie, depuis la spéculation à la Bourse jusqu'à la chasse aux | |||
clients, aux places, au travail, à l'avancement et aux décorations, et jusqu'au misérable | |||
petit négoce des usuriers juifs. Si l'on réussit à battre et à évincer ses concurrents, on a | |||
fait « un heureux coup ». Ce ne peut être en effet que par une faveur du sort que le | |||
vainqueur est doué (quelque application qu'il ait d'ailleurs mise à les acquérir) de | |||
facultés contre lesquelles les autres n'ont pu lutter ; il a eu la chance de ne rencontrer | |||
sur sa route personne de mieux — doué. | |||
Ces gens qui, sans y voir de mal, passent leur vie ballottés par le flux et le reflux | |||
de la « veine » sont saisis de la plus vertueuse indignation quand leur propre principe | |||
se révèle sous son vrai jour de jeu de hasard en leur « portant malheur ». Un cornet de | |||
dés est une image de la concurrence beaucoup trop nette, trop peu déguisée ; comme | |||
toute nudité, elle offense la décence et la pudeur. | |||
C'est à ces caprices de la fortune que les Socialistes veulent mettre un terme, en | |||
fondant une société où les hommes ne soient plus le jouet de la chance. Tout naturellement, | |||
cette tendance se manifeste tout d'abord par la haine des « malheureux » | |||
contre les « heureux », c'est-à-dire de ceux pour lesquels le hasard n'a que peu ou rien | |||
fait contre ceux qu'il a comblés. Mais la mauvaise humeur du malchanceux ne | |||
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 116 | |||
s'adresse pas tant à celui qui a de la chance qu'à la chance elle-même, cette colonne | |||
pourrie de l'édifice bourgeois. | |||
Les Communistes, partant de ce principe que l'activité libre est l'essence de l'homme, | |||
ont besoin du dimanche qu'exige comme compensation leur pensée des jours | |||
ouvrables. Il leur faut le dieu, l'élévation et l'édification que réclame tout effort | |||
matériel pour mettre un peu d'esprit dans leur travail de machines. | |||
Si le Communiste voit en toi un homme et un frère, ce n'est là que sa manière de | |||
voir des dimanches ; les autres jours de la semaine il ne te regarde nullement comme | |||
un homme tout court, mais comme un travailleur humain ou un homme qui travaille. | |||
Si le premier point de vue s'inspire du principe libéral, le second recèle l'illibéralité. | |||
Si tu étais un « fainéant », il ne reconnaîtrait pas en toi l'homme, il y verrait un | |||
« homme paresseux » à corriger de sa paresse, et à catéchiser pour le convertir à la | |||
croyance que le travail est la « destination » et la « vocation » de l'homme. | |||
Aussi le Communisme s'offre-t-il sous un double aspect : d'une part, il attache | |||
grande importance à la satisfaction de l'homme spirituel; d'autre part, il avise aux | |||
moyens de satisfaire l'homme matériel ou charnel. Il pourvoit l'homme d'un double | |||
bénéfice, à la fois matériel et spirituel. | |||
La Bourgeoisie avait proclamé libres les biens spirituels et matériels, et s'en était | |||
remise à chacun du soin de chercher à obtenir ce qu'il convoitait. Le Communisme | |||
donne réellement ces biens à chacun, les lui impose, et l'oblige à en tirer parti ; | |||
considérant que ce ne sont que les biens matériels et spirituels qui font de nous des | |||
hommes, il regarde comme essentiel que nous puissions acquérir ces biens sans que | |||
rien nous fasse obstacle, afin d'être hommes. La Bourgeoisie rendait la production | |||
libre, le Communisme force à la production et n'admet que les producteurs, les artisans. | |||
Il ne suffit pas que les professions te soient ouvertes, il faut que tu en pratiques | |||
une. | |||
Il ne reste plus à la Critique qu'à démontrer que l'acquisition de ces biens ne fait | |||
encore nullement de nous des hommes. | |||
Le postulat du Libéralisme, en vertu duquel chacun doit faire de soi un homme et | |||
acquérir une « humanité », implique la nécessité pour chacun d'avoir le temps de se | |||
consacrer à cette « humanisation » et de travailler à soi-même. | |||
Le Libéralisme politique pensait avoir fait le nécessaire en livrant à la concurrence | |||
tout le champ de l'activité humaine et en permettant à l'individu de tendre vers | |||
tout ce qui est humain. « Que tous puissent lutter contre tous. » | |||
Le Libéralisme social juge cette permission insuffisante, parce que « permis | |||
« signifie simplement « qui n'est défendu à personne » et non « qui est rendu possible | |||
à chacun ». Il part de là pour soutenir que la Bourgeoisie n'est libérale qu'en paroles, | |||
mais, en fait, suprêmement illibérale. Lui, de son côté, prétend nous fournir à tous le | |||
moyen de travailler à nous-mêmes. | |||
Le principe du travail supprime évidemment celui de la chance et de la concurrence. | |||
Mais il a également pour effet de maintenir le travailleur dans ce sentiment que | |||
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 117 | |||
l'essentiel en lui est le « travailleur » dégagé de tout égoïsme ; le travailleur se soumet | |||
à la suprématie d'une société de travailleurs, comme le bourgeois acceptait sans | |||
objection la concurrence. | |||
Le beau rêve d'un « devoir social » est aujourd'hui encore le rêve de bien des | |||
gens, et l'on imagine encore que la Société nous donnant ce dont nous avons besoin, | |||
nous sommes ses obligés, à elle à qui nous devons tout 1. On persiste à vouloir servir | |||
un « dispensateur suprême de tout bien ». | |||
Que la société n'est pas un « moi » capable de donner, de prêter ou de permettre, | |||
mais uniquement un moyen, un instrument dont nous nous servons — que nous | |||
n'avons aucun devoir social, mais uniquement des intérêts à la poursuite desquels | |||
nous faisons servir la société — que nous ne devons à la société aucun sacrifice, mais | |||
que si nous sacrifions quelque chose ce n'est jamais qu'à nous-mêmes — ce sont là | |||
des choses dont les Socialistes ne peuvent s'aviser : ils sont « libéraux », et, comme | |||
tels, imbus d'un principe religieux ; la Société qu'ils rêvent est ce qu'était auparavant | |||
l'État : — sacrée ! | |||
La Société dont nous tenons tout est un nouveau maître, un nouveau fantôme, un | |||
nouvel « être suprême » qui nous impose « service et devoir ». | |||
L'examen plus approfondi du Libéralisme tant politique que social trouvera sa | |||
place plus loin. Contentons-nous pour le moment de les appeler au tribunal du libéralisme | |||
humanitaire ou Libéralisme critique. | |||
== Notes et références == | == Notes et références == |
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