862
modifications
Ligne 461 : | Ligne 461 : | ||
prêtre en eux, et c'est pourquoi ils n'en sont jamais quittes : ils s'entendent | prêtre en eux, et c'est pourquoi ils n'en sont jamais quittes : ils s'entendent | ||
intérieurement prêcher chaque dimanche. | intérieurement prêcher chaque dimanche. | ||
Combien les hommes ont travaillé et médité pour arriver à concilier cette dualité | Combien les hommes ont travaillé et médité pour arriver à concilier cette dualité | ||
de leur essence! Ils ont entassé idée sur idée, principe sur principe, système sur | de leur essence! Ils ont entassé idée sur idée, principe sur principe, système sur | ||
Ligne 469 : | Ligne 470 : | ||
dissimulée. — En sera-t-il de même de l’individualité ? N'est-elle, elle aussi, | dissimulée. — En sera-t-il de même de l’individualité ? N'est-elle, elle aussi, | ||
qu'un essai de conciliation ? | qu'un essai de conciliation ? | ||
À quelque principe que je me sois adressé, à celui de la Raison, par exemple, j'ai | À quelque principe que je me sois adressé, à celui de la Raison, par exemple, j'ai | ||
toujours été finalement obligé de le rejeter. Ou bien puis-je être perpétuellement | toujours été finalement obligé de le rejeter. Ou bien puis-je être perpétuellement | ||
Ligne 477 : | Ligne 479 : | ||
mon imagination, dans ma pensée ; il est dans mon coeur, dans mon cerveau, il est en | mon imagination, dans ma pensée ; il est dans mon coeur, dans mon cerveau, il est en | ||
moi, comme mon coeur est en moi, mais il n'est pas moi et je ne suis pas lui. | moi, comme mon coeur est en moi, mais il n'est pas moi et je ne suis pas lui. | ||
Ce qu'on entend sous le nom d'influence morale est tout spécialement du ressort | Ce qu'on entend sous le nom d'influence morale est tout spécialement du ressort | ||
des esprits sacerdotaux. | des esprits sacerdotaux. | ||
L'influence morale commence où commence l'humiliation ; elle n'est que cette | L'influence morale commence où commence l'humiliation ; elle n'est que cette | ||
humiliation même, sous laquelle l'orgueil, forcé de plier ou de rompre, fait place à la | humiliation même, sous laquelle l'orgueil, forcé de plier ou de rompre, fait place à la | ||
Ligne 496 : | Ligne 497 : | ||
la loi ; il doit s'incliner devant une supériorité : humiliation volontaire. « Celui qui | la loi ; il doit s'incliner devant une supériorité : humiliation volontaire. « Celui qui | ||
s'abaisse sera élevé. » | s'abaisse sera élevé. » | ||
Oui, oui, il est bon d'exhorter de bonne heure les enfants à la piété, à la dévotion, | Oui, oui, il est bon d'exhorter de bonne heure les enfants à la piété, à la dévotion, | ||
à l'honnêteté. L'homme bien élevé est celui auquel les bons principes ont été enseignés, | à l'honnêteté. L'homme bien élevé est celui auquel les bons principes ont été enseignés, | ||
inculqués, serinés et entonnés à force de coups ou de sermons. | inculqués, serinés et entonnés à force de coups ou de sermons. | ||
Si cela vous fait sourire, aussitôt les Bons de s'écrier en se tordant les mains de | Si cela vous fait sourire, aussitôt les Bons de s'écrier en se tordant les mains de | ||
désespoir : « Mais, pour l'amour de Dieu, si nous ne donnons pas de bons principes à | désespoir : « Mais, pour l'amour de Dieu, si nous ne donnons pas de bons principes à | ||
Ligne 505 : | Ligne 508 : | ||
sens, certes ils le deviendront, mais votre sens est précisément un très mauvais sens. | sens, certes ils le deviendront, mais votre sens est précisément un très mauvais sens. | ||
Les effrontés ne s'en laisseront plus imposer par vos bavardages et vos lamentations, | Les effrontés ne s'en laisseront plus imposer par vos bavardages et vos lamentations, | ||
et ne sympathiseront plus avec toutes | et ne sympathiseront plus avec toutes les absurdités qui vous font rêver et radoter de temps immémorial ; ils aboliront | ||
les absurdités qui vous font rêver et radoter de temps immémorial ; ils aboliront | |||
le droit de succession en refusant d'hériter des sottises que vous ont léguées vos | le droit de succession en refusant d'hériter des sottises que vous ont léguées vos | ||
pères, et ils extirperont le péché originel. Si vous leur dites : « Incline-toi devant | pères, et ils extirperont le péché originel. Si vous leur dites : « Incline-toi devant | ||
Ligne 517 : | Ligne 517 : | ||
le règne des revenants touchera à sa fin, et les contes de nourrice ne trouveront plus | le règne des revenants touchera à sa fin, et les contes de nourrice ne trouveront plus | ||
de créance. | de créance. | ||
Mais ne sont-ce pas encore une fois les Libéraux qui insistent sur la bonne | Mais ne sont-ce pas encore une fois les Libéraux qui insistent sur la bonne | ||
éducation et sur la nécessité d'améliorer l'instruction publique ? Comment d'ailleurs | éducation et sur la nécessité d'améliorer l'instruction publique ? Comment d'ailleurs | ||
Ligne 524 : | Ligne 525 : | ||
Respect humain, c'est-à-dire à la crainte de l'Homme, et c'est à la discipline à inspirer | Respect humain, c'est-à-dire à la crainte de l'Homme, et c'est à la discipline à inspirer | ||
« l'enthousiasme pour la véritable mission humaine ». | « l'enthousiasme pour la véritable mission humaine ». | ||
On se contenta pendant longtemps de l'illusion de posséder la vérité, sans qu'il | On se contenta pendant longtemps de l'illusion de posséder la vérité, sans qu'il | ||
vînt à l'esprit de personne de se demander sérieusement s'il ne serait peut-être pas | vînt à l'esprit de personne de se demander sérieusement s'il ne serait peut-être pas | ||
Ligne 533 : | Ligne 534 : | ||
sur le sensible et le matériel. De même qu'on doit longuement exercer son oeil | sur le sensible et le matériel. De même qu'on doit longuement exercer son oeil | ||
avant d'arriver à saisir la perspective des objets éloignés, et qu'il faut que la main | avant d'arriver à saisir la perspective des objets éloignés, et qu'il faut que la main | ||
fasse de | fasse de péniblesefforts avant que les doigts aient acquis la dextérité nécessaire pour frapper les | ||
touches selon les règles de l'art, de même on s'est soumis aux mortifications les plus | touches selon les règles de l'art, de même on s'est soumis aux mortifications les plus | ||
variées afin de devenir capable d'embrasser entièrement le suprasensible. Mais ce | variées afin de devenir capable d'embrasser entièrement le suprasensible. Mais ce | ||
Ligne 545 : | Ligne 543 : | ||
rien à la découverte de la vérité ; autant eût valu exercer ses pieds à la danse pendant | rien à la découverte de la vérité ; autant eût valu exercer ses pieds à la danse pendant | ||
des années dans l'espoir de leur apprendre à jouer de la flûte. | des années dans l'espoir de leur apprendre à jouer de la flûte. | ||
Luther, avec qui finit ce qu'on nomme le Moyen Âge, fut le premier à comprendre | Luther, avec qui finit ce qu'on nomme le Moyen Âge, fut le premier à comprendre | ||
que si l'homme veut embrasser la vérité, il doit commencer par devenir autre qu'il | que si l'homme veut embrasser la vérité, il doit commencer par devenir autre qu'il | ||
Ligne 557 : | Ligne 556 : | ||
ressort que de la « conscience supérieure », et non de celle qui « n'est ouverte qu'aux | ressort que de la « conscience supérieure », et non de celle qui « n'est ouverte qu'aux | ||
choses de la terre ». | choses de la terre ». | ||
Luther met donc en lumière ce principe que la Vérité, étant pensée, n'existe que | Luther met donc en lumière ce principe que la Vérité, étant pensée, n'existe que | ||
pour l'homme pensant. Et cela revient à dire que l'homme doit simplement se placer, | pour l'homme pensant. Et cela revient à dire que l'homme doit simplement se placer, | ||
désormais, à un point de vue différent, au point de vue céleste, croyant, scientifique, | désormais, à un point de vue différent, au point de vue céleste, croyant, scientifique, | ||
au point de vue du penser en face de son objet, la pensée, ou de l'Esprit | au point de vue du penser en face de son objet, la pensée, ou de l'Esprit | ||
en face de l'Esprit. L'égal seul reconnaît l'égal. « Tu es l'égal de l'Esprit que tu | en face de l'Esprit. L'égal seul reconnaît l'égal. « Tu es l'égal de l'Esprit que tu | ||
comprends | comprends <ref>Faust. (Note du Traducteur.).</ref>» | ||
Le Protestantisme ayant abattu la hiérarchie du Moyen Âge, cette opinion put | Le Protestantisme ayant abattu la hiérarchie du Moyen Âge, cette opinion put | ||
s'enraciner que toute hiérarchie, la hiérarchie en général, avait été par lui détruite, et | s'enraciner que toute hiérarchie, la hiérarchie en général, avait été par lui détruite, et | ||
Ligne 572 : | Ligne 571 : | ||
barbarie des profanes ; il fallut la Réforme pour retremper les forces de la hiérarchie | barbarie des profanes ; il fallut la Réforme pour retremper les forces de la hiérarchie | ||
et lui donner toute son inflexible rigueur. | et lui donner toute son inflexible rigueur. | ||
« La Réforme, dit Bruno Bauer, fut avant tout le divorce théorique du principe | « La Réforme, dit Bruno Bauer, fut avant tout le divorce théorique du principe | ||
religieux avec l'Art, l'État et la Science, c'est-à-dire son affranchissement vis-à-vis de | religieux avec l'Art, l'État et la Science, c'est-à-dire son affranchissement vis-à-vis de | ||
Ligne 584 : | Ligne 584 : | ||
leur restait de séculier, pour les amener au « royaume de l'esprit » et les rendre | leur restait de séculier, pour les amener au « royaume de l'esprit » et les rendre | ||
religieux. | religieux. | ||
On a, non sans raison, rapproché Luther de Descartes, et le « celui qui croit est un | On a, non sans raison, rapproché Luther de Descartes, et le « celui qui croit est un | ||
dieu » du « je pense, donc je suis » (cogito, ergo sum). Le ciel de l'homme est le | dieu » du « je pense, donc je suis » (cogito, ergo sum). Le ciel de l'homme est le | ||
Ligne 589 : | Ligne 590 : | ||
détruire une foi déterminée, comme la foi en Zeus, Astarté, Jéhovah Allah, etc., mais | détruire une foi déterminée, comme la foi en Zeus, Astarté, Jéhovah Allah, etc., mais | ||
la foi elle-même est indestructible. | la foi elle-même est indestructible. | ||
Penser, c'est être libre. Ce dont j'ai besoin, ce dont j'ai faim, je ne l'attends plus | Penser, c'est être libre. Ce dont j'ai besoin, ce dont j'ai faim, je ne l'attends plus | ||
d'aucune grâce, ni de la Vierge Marie, ni de l'intercession des Saints, ni de l'Église | d'aucune grâce, ni de la Vierge Marie, ni de l'intercession des Saints, ni de l'Église | ||
Ligne 599 : | Ligne 598 : | ||
suis pas ce qu'est mon corps ; ma chair peut être tourmentée de convoitises et de | suis pas ce qu'est mon corps ; ma chair peut être tourmentée de convoitises et de | ||
passions. Je ne suis pas ma chair, mais je suis Esprit, rien qu'Esprit. | passions. Je ne suis pas ma chair, mais je suis Esprit, rien qu'Esprit. | ||
Cette pensée traverse toute l'histoire de la Réforme jusqu'à nos jours. | Cette pensée traverse toute l'histoire de la Réforme jusqu'à nos jours. | ||
Ce n'est que depuis Descartes que la philosophie moderne s'est appliquée sérieusement | Ce n'est que depuis Descartes que la philosophie moderne s'est appliquée sérieusement | ||
à tirer toutes leurs conclusions des prémisses chrétiennes, en faisant de la | à tirer toutes leurs conclusions des prémisses chrétiennes, en faisant de la | ||
Ligne 612 : | Ligne 613 : | ||
absurdes, renferment de la Raison, car « il faut tout faire servir à sa « meilleure fin », | absurdes, renferment de la Raison, car « il faut tout faire servir à sa « meilleure fin », | ||
c'est-à-dire au triomphe de la Raison. | c'est-à-dire au triomphe de la Raison. | ||
Le dubitare cartésien implique ce jugement que seul le cogitare, le penser, l'Esprit | Le dubitare cartésien implique ce jugement que seul le cogitare, le penser, l'Esprit | ||
— est. C'est une rupture complète avec le « sens commun » qui accorde une réalité | — est. C'est une rupture complète avec le « sens commun » qui accorde une réalité | ||
Ligne 617 : | Ligne 619 : | ||
existent. Tel est le principe de la philosophie moderne, et c'est le principe chrétien | existent. Tel est le principe de la philosophie moderne, et c'est le principe chrétien | ||
dans toute sa pureté. Descartes séparait | dans toute sa pureté. Descartes séparait | ||
déjà nettement le corps de l'esprit, et « c'est l'esprit qui se bâtit un corps », dit | déjà nettement le corps de l'esprit, et « c'est l'esprit qui se bâtit un corps », dit | ||
Goethe. | Goethe. | ||
Mais cette philosophie elle-même, philosophie toute chrétienne, ne s'écarte pas | Mais cette philosophie elle-même, philosophie toute chrétienne, ne s'écarte pas | ||
du raisonnable ; aussi se tourne-t-elle contre le « pur subjectif », contre « les caprices, | du raisonnable ; aussi se tourne-t-elle contre le « pur subjectif », contre « les caprices, |
modifications