D'habitude, les vices procurent du plaisir, au moins pour un temps, et souvent ne se révèlent être des vices, par les effets qu'ils produisent, qu'après avoir été pratiqués pendant de nombreuses années ; peut-être une vie entière. Pour beaucoup, peut-être la plupart de ceux qui s'y adonnent, ils ne se révèlent pas être des vices du tout au cours de leur existence. Les vertus, d'un autre côté, apparaissent souvent comme étant si strictes et rudes, elles réclament le sacrifice d'une telle quantité du bonheur présent, au minimum, et les résultats, seules preuves qu'il s'agit bien de vertus, sont souvent si distants et obscurs, en fait, si absolument invisibles dans l'esprit de tellement de gens, surtout chez les jeunes, que de par la nature même des choses, il ne peut pas y avoir de certitude universelle, ou même généralisée, qu'il s'agit effectivement de vertus. En vérité, d'éminents philosophes se sont épuisés - pas complètement en vain, mais avec des résultats extrêmement minimes - à essayer de définir les frontières entre les vertus et les vices.
Alors, puisqu'il est si difficile, et pratiquement impossible dans la plupart des cas, de déterminer ce qui est, et ce qui n'est pas, un vice ; puisqu'il est tellement difficile, dans quasiment tous les cas, de déterminer où s'arrête la vertu, et où commence le vice, ces questions, auxquelles personne ne peut vraiment répondre avec sincérité pour qui que ce soit hormis pour lui-même, doivent être laissées libres et ouvertes à l'expérimentation de chacun, sinon chaque individu est privé du plus important de tous ses droits en tant qu'être humain, à savoir : de s'informer, d'enquêter, de raisonner, d'expérimenter, de juger, et d'affirmer pour lui-même, ce qui est, à ses yeux, la vertu, et ce qui est, à ses yeux, le vice ; en d'autres termes : ce qui, dans l'ensemble, conduit à son bonheur, et ce qui, dans l'ensemble, tend vers son malheur. Si ce droit fondamental n'est pas laissé libre et ouvert à tous, alors la totalité du droit de chaque homme, en tant qu'être humain doué de raison, à "la liberté et à la quête du bonheur"[1], lui est déniée.
Notes
- ^ Référence à la constitution américaine, qui reconnaît expressément à chaque individu le droit à la liberté et à la quête du bonheur.