Différences entre les versions de « Max Stirner:A. Ma puissance »

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Sur la question du droit de propriété, la lutte est ardente et tumultueuse. Les
Sur la question du droit de propriété, la lutte est ardente et tumultueuse. Les
Communistes soutiennent 1 que « la terre appartient à celui qui la cultive, et ses
Communistes soutiennent <ref>1 Auguste BECKER : Volksphilosophie, p, 23 sq.</ref> que « la terre appartient à celui qui la cultive, et ses
produits à ceux qui les font naître ». Je pense qu'elle appartient à celui qui sait la
produits à ceux qui les font naître ». Je pense qu'elle appartient à celui qui sait la
prendre ou qui ne se la laisse pas enlever. S'il s'en empare et la fait sienne, il aura non
prendre ou qui ne se la laisse pas enlever. S'il s'en empare et la fait sienne, il aura non
seulement la terre, mais encore le droit à sa possession. C'est là le droit égoïste, qui
seulement la terre, mais encore le droit à sa possession. C'est là le droit égoïste, qui
peut se formuler ainsi : « Je le veux, donc c'est juste. »
peut se formuler ainsi : « Je le veux, donc c'est juste. »
Autrement compris, le droit est une chose dont on fait ce qu'on veut. Le tigre qui
Autrement compris, le droit est une chose dont on fait ce qu'on veut. Le tigre qui
m'attaque est dans son droit, et moi qui l'abats, je suis également dans mon droit. Ce
m'attaque est dans son droit, et moi qui l'abats, je suis également dans mon droit. Ce
n'est pas mon droit que je défends contre lui, c'est moi.
n'est pas mon droit que je défends contre lui, c'est moi.
Le droit humain étant toujours un droit accordé, il n'est jamais autre chose qu'un
Le droit humain étant toujours un droit accordé, il n'est jamais autre chose qu'un
don, une « concession » que les hommes se font l'un à l'autre. Si l'on reconnaît par
don, une « concession » que les hommes se font l'un à l'autre. Si l'on reconnaît par
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« Du droit qui est né avec nous,
« Du droit qui est né avec nous,
de celui-là, hélas ! il n'est pas question. »
de celui-là, hélas ! il n'est pas question. »
Mais quelle espèce de droit pourrait bien être né avec moi ? Est-ce le droit
Mais quelle espèce de droit pourrait bien être né avec moi ? Est-ce le droit
d'aînesse, le droit d'hériter d'un trône, de recevoir une éducation princière — ou bien
d'aînesse, le droit d'hériter d'un trône, de recevoir une éducation princière — ou bien
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dit un homme. Je vous accorde que tous naissent hommes, et qu'en cela tous sont
dit un homme. Je vous accorde que tous naissent hommes, et qu'en cela tous sont
égaux.
égaux.
Mais pourquoi le sont-ils? Pour cette seule raison qu'ils ne se montrent, se
Mais pourquoi le sont-ils? Pour cette seule raison qu'ils ne se montrent, se
manifestent encore que comme de simples — enfants des hommes, de petits hommes
manifestent encore que comme de simples — enfants des hommes, de petits hommes
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d'eux-mêmes quelque chose, qui se sont faits quelque chose et ont cessé d'être
d'eux-mêmes quelque chose, qui se sont faits quelque chose et ont cessé d'être
uniquement « enfants des hommes » pour devenir fils de — leur propre activité
uniquement « enfants des hommes » pour devenir fils de — leur propre activité
créatrice. Ces derniers possèdent plus que les simples droits trouvés dans leur berceau
créatrice. Ces derniers possèdent plus que les simples droits trouvés dans leur berceau: ils ont acquis des droits. Quel sujet de discussions, et quel champ de bataille ! C'est le vieux combat des droits innés de l'homme et des droits acquis qui se rallume.
: ils ont acquis des droits. Quel sujet de discussions, et quel champ de bataille ! C'est
1 Auguste BECKER : Volksphilosophie, p, 23 sq.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 164
le vieux combat des droits innés de l'homme et des droits acquis qui se rallume.
Alléguez vos droits innés, et quelqu'un ne manquera pas de vous objecter les droits
Alléguez vos droits innés, et quelqu'un ne manquera pas de vous objecter les droits
acquis ; vous vous appuyez tous deux sur le « terrain du droit », car chacun a un
acquis ; vous vous appuyez tous deux sur le « terrain du droit », car chacun a un
« droit » qui s'oppose à celui des autres : l'un a un droit inné ou naturel, l'autre un
« droit » qui s'oppose à celui des autres : l'un a un droit inné ou naturel, l'autre un
droit acquis et « bien acquis ».
droit acquis et « bien acquis ».
Tant que vous vous tiendrez sur le terrain du droit, vous ne sortirez pas de la —
Tant que vous vous tiendrez sur le terrain du droit, vous ne sortirez pas de la —
chicane et vous ergoterez indéfiniment. Autrui ne peut ni vous donner raison, ni faire
chicane et vous ergoterez indéfiniment. Autrui ne peut ni vous donner raison, ni faire
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rien, vous vous ferez de la bile en silence ou vous serez sacrifiés comme des fous
rien, vous vous ferez de la bile en silence ou vous serez sacrifiés comme des fous
encombrants.
encombrants.
Bref, Chinois, mes amis, n'invoquez pas le droit ; ne pariez pas du « droit qui est
Bref, Chinois, mes amis, n'invoquez pas le droit ; ne pariez pas du « droit qui est
né avec vous »; c'est aussi inutile que de parier de vos « droits acquis ».
né avec vous »; c'est aussi inutile que de parier de vos « droits acquis ».
Vous reculez avec effroi devant les autres parce que vous croyez voir se dresser
Vous reculez avec effroi devant les autres parce que vous croyez voir se dresser
auprès d'eux le spectre du droit, combattant à leur côté comme une déesse secourable
auprès d'eux le spectre du droit, combattant à leur côté comme une déesse secourable
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simplement : Est-ce que je veux ce que veut mon adversaire ? Non ! Eh bien ! quand
simplement : Est-ce que je veux ce que veut mon adversaire ? Non ! Eh bien ! quand
mille diables ou mille dieux combattraient avec lui, je l'attaque !
mille diables ou mille dieux combattraient avec lui, je l'attaque !
Un « État fondé sur le Droit », État tel que la Gazette de Voss entre autres en
Un « État fondé sur le Droit », État tel que la Gazette de Voss entre autres en
pourrait être l'organe, exige qu'un employé ne puisse être révoqué que par un juge et
pourrait être l'organe, exige qu'un employé ne puisse être révoqué que par un juge et
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coupable » d'un des « crimes » prévus par la loi, et, le cas échant, après preuve faite,
coupable » d'un des « crimes » prévus par la loi, et, le cas échant, après preuve faite,
de prononcer contre lui la révocation « de par la loi ».
de prononcer contre lui la révocation « de par la loi ».
Le juge est perdu s'il cesse d'être « mécanique » et s'écarte de « la lettre du code ».
Le juge est perdu s'il cesse d'être « mécanique » et s'écarte de « la lettre du code ».
Car s'il ne fait pas abstraction de toute opinion qu'il peut avoir en tant qu'homme
Car s'il ne fait pas abstraction de toute opinion qu'il peut avoir en tant qu'homme
privé, s'il se laisse influencer par cette opinion, il cesse de faire acte de magistrat ;
privé, s'il se laisse influencer par cette opinion, il cesse de faire acte de magistrat ;
comme juge, il ne peut être que l'organe impersonnel de la loi. Mais parlez-moi de ces
comme juge, il ne peut être que l'organe impersonnel de la loi. Mais parlez-moi de ces
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 165
vieux parlements français qui ne prétendaient pas qu'un texte eût force de loi avant
vieux parlements français qui ne prétendaient pas qu'un texte eût force de loi avant
d'avoir subi leur examen et reçu leur approbation ! Ceux-là au moins jugeaient
d'avoir subi leur examen et reçu leur approbation ! Ceux-là au moins jugeaient
suivant leur droit à eux et ne se prêtaient pas à n'être que des machines dans les mains
suivant leur droit à eux et ne se prêtaient pas à n'être que des machines dans les mains
du législateur, encore qu'ils fussent en somme, comme juges, leurs propres machines.
du législateur, encore qu'ils fussent en somme, comme juges, leurs propres machines.
On dit, lorsqu'un criminel est puni, qu'il n'a que ce qu'il mérite : le châtiment est
On dit, lorsqu'un criminel est puni, qu'il n'a que ce qu'il mérite : le châtiment est
son droit ; mais l'impunité est tout autant son droit. Si son entreprise réussit, il est
son droit ; mais l'impunité est tout autant son droit. Si son entreprise réussit, il est
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que nous lui infligeons n'est que notre droit à nous et non le sien. Notre droit réagit
que nous lui infligeons n'est que notre droit à nous et non le sien. Notre droit réagit
contre le sien, et si le droit est contre lui, c'est que — nous avons le dessus.
contre le sien, et si le droit est contre lui, c'est que — nous avons le dessus.
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Ce qui dans une société est conforme au droit, ce qui est juste, est formulé par la
Ce qui dans une société est conforme au droit, ce qui est juste, est formulé par la
Loi.
Loi.
Quelle que soit la loi, le devoir de tout citoyen loyal est de la respecter. Ainsi
Quelle que soit la loi, le devoir de tout citoyen loyal est de la respecter. Ainsi
l'esprit de légalité de la vieille Angleterre est célèbre. Que l'on rapproche de ce
l'esprit de légalité de la vieille Angleterre est célèbre. Que l'on rapproche de ce
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qu'ils soient. » La Loi quelle qu'elle soit, Dieu quel qu'il soit, nous en sommes encore
qu'ils soient. » La Loi quelle qu'elle soit, Dieu quel qu'il soit, nous en sommes encore
là aujourd'hui.
là aujourd'hui.
On s'efforce de distinguer la Loi de l'ordre arbitraire, ukase, ordonnance ou décret,
On s'efforce de distinguer la Loi de l'ordre arbitraire, ukase, ordonnance ou décret,
en disant que la première émane d'une autorité légitime. Mais toute loi qui régit des
en disant que la première émane d'une autorité légitime. Mais toute loi qui régit des
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traite en ennemi, mais jamais je ne tolérerai qu'il use de moi comme de sa créature et
traite en ennemi, mais jamais je ne tolérerai qu'il use de moi comme de sa créature et
qu'il me fasse une règle de sa raison ou de sa déraison.
qu'il me fasse une règle de sa raison ou de sa déraison.
Les États ne peuvent subsister qu'à condition qu'il y ait une volonté souveraine,
Les États ne peuvent subsister qu'à condition qu'il y ait une volonté souveraine,
considérée comme traduisant la volonté individuelle. La volonté du maître est — la
considérée comme traduisant la volonté individuelle. La volonté du maître est — la
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les laisse imposer ? L'État ne peut renoncer à la prétention de régner sur la volonté de
les laisse imposer ? L'État ne peut renoncer à la prétention de régner sur la volonté de
l'individu, de compter et de spéculer dessus. Il lui est absolument indispensable que
l'individu, de compter et de spéculer dessus. Il lui est absolument indispensable que
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 166
nul n'ait de volonté propre ; celui qui en aurait une, l'État serait obligé de l'exclure
nul n'ait de volonté propre ; celui qui en aurait une, l'État serait obligé de l'exclure
(emprisonner, bannir, etc.), et si tous en avaient une, ils supprimeraient l'État. On ne
(emprisonner, bannir, etc.), et si tous en avaient une, ils supprimeraient l'État. On ne
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vouloir être le maître de tous ses membres, et cette volonté porte le nom de volonté de
vouloir être le maître de tous ses membres, et cette volonté porte le nom de volonté de
l'État.
l'État.
Celui qui doit, pour exister, compter sur le manque de volonté des autres est tout
Celui qui doit, pour exister, compter sur le manque de volonté des autres est tout
bonnement un produit de ces autres, comme le maître est un produit du serviteur. Si la
bonnement un produit de ces autres, comme le maître est un produit du serviteur. Si la
soumission venait à cesser, c'en serait fait de la domination.
soumission venait à cesser, c'en serait fait de la domination.
Ma volonté d'individu est destructrice de l'État ; aussi la flétrit-il du nom d'indiscipline.
Ma volonté d'individu est destructrice de l'État ; aussi la flétrit-il du nom d'indiscipline.
La volonté individuelle et l'État sont des puissances ennemies, entre lesquelles
La volonté individuelle et l'État sont des puissances ennemies, entre lesquelles
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elle n'a pas encore pris possession d'elle-même, ni pris conscience de sa valeur ; aussi
elle n'a pas encore pris possession d'elle-même, ni pris conscience de sa valeur ; aussi
est-elle encore incomplète, malléable, etc.
est-elle encore incomplète, malléable, etc.
Tout État est despotique, que le despote soit un, qu’il soit plusieurs, ou que (et
Tout État est despotique, que le despote soit un, qu’il soit plusieurs, ou que (et
c'est ainsi qu'on peut se représenter une république), tous étant maîtres, l'un soit le
c'est ainsi qu'on peut se représenter une république), tous étant maîtres, l'un soit le
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bien dire de pire — de ma participation à la vie de l'État. Parce que hier j'ai voulu,
bien dire de pire — de ma participation à la vie de l'État. Parce que hier j'ai voulu,
aujourd'hui je n'aurai plus de volonté ; maître hier, je serai aujourd'hui esclave.
aujourd'hui je n'aurai plus de volonté ; maître hier, je serai aujourd'hui esclave.
Quel remède à cela ? Un seul : ne reconnaître aucun devoir, c'est-à-dire ne pas me
Quel remède à cela ? Un seul : ne reconnaître aucun devoir, c'est-à-dire ne pas me
lier et ne pas me regarder comme lié. Si je n'ai pas de devoir, je ne connais pas non
lier et ne pas me regarder comme lié. Si je n'ai pas de devoir, je ne connais pas non
plus de loi.
plus de loi.
« Mais on me liera ! » — Personne ne peut enchaîner ma volonté, et je resterai
« Mais on me liera ! » — Personne ne peut enchaîner ma volonté, et je resterai
toujours libre de ne pas vouloir.
toujours libre de ne pas vouloir.
« Mais tout serait bien vite sens dessus dessous, si chacun pouvait faire ce qu'il
« Mais tout serait bien vite sens dessus dessous, si chacun pouvait faire ce qu'il
veut ! Et qui vous dit que chacun pourrait tout faire ? N'êtes-vous pas là, et êtes-vous
veut ! Et qui vous dit que chacun pourrait tout faire ? N'êtes-vous pas là, et êtes-vous
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ne soit un pauvre sire, comme une autorité sacrée. Il ne vous doit ni respect ni hommages,
ne soit un pauvre sire, comme une autorité sacrée. Il ne vous doit ni respect ni hommages,
bien qu'il doive se tenir sur ses gardes en mesurant votre puissance.
bien qu'il doive se tenir sur ses gardes en mesurant votre puissance.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 167
 
Nous classons habituellement les États suivant la façon dont le « pouvoir suprême
Nous classons habituellement les États suivant la façon dont le « pouvoir suprême
» y est partagé ; s'il appartient à un seul, c'est une Monarchie ; s'il appartient à
» y est partagé ; s'il appartient à un seul, c'est une Monarchie ; s'il appartient à
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le crime que l'individu peut détruire la puissance de l'État, quand il est d'avis que c'est
le crime que l'individu peut détruire la puissance de l'État, quand il est d'avis que c'est
lui qui est au-dessus de l'État et non l'État qui est au-dessus de lui.
lui qui est au-dessus de l'État et non l'État qui est au-dessus de lui.
Et maintenant, si je voulais rire, je pourrais, avec une grimace d'orthodoxie, vous
Et maintenant, si je voulais rire, je pourrais, avec une grimace d'orthodoxie, vous
exhorter à ne point faire de loi qui contrarie mon développement individuel, ma
exhorter à ne point faire de loi qui contrarie mon développement individuel, ma
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vous des lois et, ces lois une fois données, les respecter, ou bien se résoudre à
vous des lois et, ces lois une fois données, les respecter, ou bien se résoudre à
l'insubordination, au catégorique refus d'obéir ?
l'insubordination, au catégorique refus d'obéir ?
De bonnes âmes disent que les lois ne devraient prescrire que ce que le sentiment
De bonnes âmes disent que les lois ne devraient prescrire que ce que le sentiment
du peuple estime bon et juste. Mais que m'importe la valeur qu'ont les choses dans le
du peuple estime bon et juste. Mais que m'importe la valeur qu'ont les choses dans le
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