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Intervient un troisième élément au début du XVIIIeme siècle, dont on peut souligner la puissance, ce sont les grands planteurs des Antilles. Ils ont fort mauvaise réputation, à cause de l'esclavage, et il n'est nullement dans mes intentions de défendre ici l'esclavage, bien entendu. Je tiens seulement à souligner que ce milieu de grands planteurs, très lié à la cour, est composé souvent de gens très évolués politiquement, souhaitant l'indépendance, la semi-indépendance ou l'autonomie des colonies, et pratiquant une ouverture massive vers la Hollande, et l'Angleterre, contraire à toute la théorie de l'exclusivisme sur lequel repose aussi bien le commerce colonial anglais que le commerce colonial français. Ce qui m'amène à dire que l'exutoire pratique qui a permis la machine de ne pas sauter ( ceci est une hypothèse ), c'est l'intensité, l'énormité de la contrebande ; contrebande aux colonies, contrebande entre la France et l'Angleterre, contrebande terrestre, qui est tout simplement le moyen de tourner les réglementations. C'est le même phénomène que les effets de la grande gabelle sur les bandes de Mandrins, etc., etc.. Tout cela suscite évidemment le mouvement politique, et le mouvement de réflexion politico-économique, et c'est ainsi qu'apparaissent finalement à partir des années 1740, les idées qui vont aboutir à un code de doctrines relativement anti-mercantilistes, anti-commercial, qui aboutit avec Quesnay à la mise en place de la physiocratie. Ceci constitue une première étape relative de libération de souhait, de libération efficace avec Silhouette, qui est le premier contrôleur général (1759) à avoir supprimé tes corvées, le premier à avoir pensé à supprimer les corporations, et évidemment, le mouvement lié à Turgot.
Intervient un troisième élément au début du XVIIIeme siècle, dont on peut souligner la puissance, ce sont les grands planteurs des Antilles. Ils ont fort mauvaise réputation, à cause de l'esclavage, et il n'est nullement dans mes intentions de défendre ici l'esclavage, bien entendu. Je tiens seulement à souligner que ce milieu de grands planteurs, très lié à la cour, est composé souvent de gens très évolués politiquement, souhaitant l'indépendance, la semi-indépendance ou l'autonomie des colonies, et pratiquant une ouverture massive vers la Hollande, et l'Angleterre, contraire à toute la théorie de l'exclusivisme sur lequel repose aussi bien le commerce colonial anglais que le commerce colonial français. Ce qui m'amène à dire que l'exutoire pratique qui a permis la machine de ne pas sauter ( ceci est une hypothèse ), c'est l'intensité, l'énormité de la contrebande ; contrebande aux colonies, contrebande entre la France et l'Angleterre, contrebande terrestre, qui est tout simplement le moyen de tourner les réglementations. C'est le même phénomène que les effets de la grande gabelle sur les bandes de Mandrins, etc., etc.. Tout cela suscite évidemment le mouvement politique, et le mouvement de réflexion politico-économique, et c'est ainsi qu'apparaissent finalement à partir des années 1740, les idées qui vont aboutir à un code de doctrines relativement anti-mercantilistes, anti-commercial, qui aboutit avec Quesnay à la mise en place de la physiocratie. Ceci constitue une première étape relative de libération de souhait, de libération efficace avec Silhouette, qui est le premier contrôleur général (1759) à avoir supprimé tes corvées, le premier à avoir pensé à supprimer les corporations, et évidemment, le mouvement lié à Turgot.
Mais, pour bien comprendre le phénomène - au fond nous sommes là pour tenter de comprendre les phénomènes, - les idées étant supposées évidemment au point de départ connues, c'est que nous assistons à une autre évolution tout à fait parallèle et d'une énorme influence. Mettez vous à la place d'un Louis XIII ou d'un Richelieu, (Richelieu qui d'ailleurs sur ce domaine avait des idées fort originales) quelles étaient les conséquences prévisibles des mesures politiques ou des mesures économiques, faute de statistique, faute de connaissances pratiques, voire géographiques. Rappelez-vous que c'est en 1676 que la nouvelle carte de France fondée par les Cassini permet d'établir la superficie exacte du Royaume en le diminuant d'1/3 de ce que l'on pensait être, la population française n'était pas connue. Cela veut dire que ces politiques économiques, ces penseurs, étaient obligés de penser dans le vague, dans le brouillard. Un brouillard dont tous les états européens tentent de sortir et je serai tenté de dire que la France est ici un peu victime de sa superficie et de son énormité relative. Un ordre donné à Versailles et transmis à Marseille met trois semaines pour y parvenir, et trois semaines évidemment pour un accusé de réception. Je passe sur les possibilités, il ne faut pas oublier que la France de l'époque a ses marges, finalement plus loin que ne l'était en 1939 le Sénégal et Djibouti vis-à-vis du pouvoir central. Or il se produit un très grand mouvement qui se traduit par ce que les Anglais ont appelé les mathématiques politiques (King, Petty, Davenant), mais qui se traduit également par le très grand mouvement caméraliste allemand. Le caméralisme allemand est singulièrement sous-estimé par les historiens français et il constitue, par l'accumulation des ouvrages d'érudition universitaire de la fin du XVIIème et surtout du XVIIIème, une mine de connaissances économiques à peu près inépuisable. En d'autres termes il se produit quelque chose de semblable à. l'une des multiples redécouvertes de l'Antiquité du XVIème, c'est la découverte des possibilités réelles des Etats, Dans ces conditions, il ne pouvait pas être question de mettre au point une théorie économique avant que ces données soient relativement fiables ; vous avez là dessus un admirable article de l'un de nos collègues allemands qui enseigne maintenant aux Etats Unis, Monsieur Kossleck, sur la prévisibilité de la politique de Frédéric II le Grand, qui me paraît être l'une des méthodes de réflexion possible. Au milieu du XVIIIème siècle, la maîtrise d'un Etat moyen comme la France (au XVIIIème siècle on disait la France est un Etat " raisonnable ", alors qu'au XVIIème siècle on disait la France est un pays de possibilité illimitée, voir à cet égard au XVIème siècle les deux mémoires de Machiavel sur la France, qui nage dans le délire le plus absolu dès qu'il s'agit de chiffres). Disons qu'on arrive à maîtriser, on arrive à avoir une idée de la balance du commerce pratiquement à partir de 1715. Dès lors on dispose d'instruments qui valent ce qu'ils valent, mais comme ils sont restés les mêmes, les variations n'en sont pas moins discernables en gros.
Le dernier élément c'est la désacralisation de la politique. N'oubliez pas que la politique est considérée comme un secret, et que les Français ne pouvaient pas connaître l'état des finances de la France, avant le grand ouvrage de Necker, qui est d'une fausseté parfaite, mais qui est la première grande révélation et qui de ce fait, bat tous les records de tirage de l'Ancien Régime (plus de 100 000 exemplaires). A titre de comparaison, une édition moyenne compte entre 1000 et 1500 exemplaires ; il est vrai qu'en Allemagne le saut a été fait avec Luther dès la fin du XVIème siècle. C'est dans ce contexte là que je voudrais vous placer pour apprécier les idées politiques, les idées économiques, la difficile montée, la difficile naissance du libéralisme. Qu'il fallait libéraliser le commerce, pratiquement tout le monde, au XVIIème, moins au XVIIIème, en était d'accord ; car nous assistons effectivement, à la fin du XVIIIème siècle, à une renaissance assez paradoxale du colbertisme principalement dans les bureaux du secrétariat d'État à la marine (et, au fond, si nous connaissons Colbert, c'est à cette école mercantiliste, néo-mercantiliste, que nous le devons ), D'ailleurs, là encore il faudrait peut-être nuancer un certain nombre de choses : après tout Colbert a écrit un certain nombre de mémoires qu'il serait bon de relire. Quel est son but ? Lorsqu'il parle des manufactures d'État, de quoi est-il question ? Et bien voilà une phrase colbertienne assez typique : " Une entreprise qui est soutenue par l'Etat, si elle ne fait pas de bénéfices au bout de cinq ans, doit être abandonnée ".
Voilà qui cadre assez mal, et je me demande si on l'appliquait de nos jours ce qu'il arriverait. Colbert ne l'a appliquée qu'en petite partie et ceci pour une raison très simple : le but colbertien est de faire de la force militaire française la force la plus importante d'Europe, et par conséquent on doit créer une industrie de guerre, des arsenaux, terrestres et maritimes, de manière à assurer une indépendance totale vis à vis de l'étranger.
Rappelez-vous qu'en 1661 pratiquement la France importait la quasi totalité de son armement léger et lourd ; en 1690, pratiquement tous les besoins sont couverts et peut-être la grande réussite de Colbert et de ses successeurs, c'est à dire son fils et de Pontchartrain, le dénigré de Saint-Simon, est précisément la mise en place de cette industrie lourde qui représente une fraction plus que marginale certes, mais une fraction de l'économie française traditionnelle. D'ailleurs, là aussi je voudrais un petit peu combattre les idées reçues : savez-vous que de 1660 à 1670, l'industrie textile, le taux de croissance de l'industrie de la laine est de l'ordre de 0,5 % par an et à partir de 1670 de 1 % par an : pour une économie préindustrielle, ce n'est pas négligeable.
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