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Le choix de termes aussi ternes que « friction » et « perturbation » révèle à lui seul l'insensibilité de la pensée doctrinaire. Aux yeux des victimes, les frictions et les perturbations étaient de cruelles injustices, de la misère, du malheur, et de la déception. Il était vain de dire aux victimes que dans l'ensemble, dans l'abstrait, et à la longue, tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il était stupide de leur dire qu'on ne pouvait leur donner ni réforme ni secours et qu'ils n'en avaient pas besoin, et que le système était juste encore qu'il leur semblât injuste. Les défauts que les économistes appelaient frictions et perturbations et les victimes injustice et misère, étaient trop nombreux pour qu'on pût les supprimer en enseignant la résignation aux masses. Ils auraient dû être le premier souci des libéraux, le principal objet de leurs recherches, le soin constant de leur politique. La négligence accumulée à l'égard des abus finit par compromettre le respect dû au système. A partir de 1870, les classes ouvrières et les penseurs dirigeants de tous les pays finissent par se persuader que l'ordre existant est radicalement injuste et intolérable. | Le choix de termes aussi ternes que « friction » et « perturbation » révèle à lui seul l'insensibilité de la pensée doctrinaire. Aux yeux des victimes, les frictions et les perturbations étaient de cruelles injustices, de la misère, du malheur, et de la déception. Il était vain de dire aux victimes que dans l'ensemble, dans l'abstrait, et à la longue, tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il était stupide de leur dire qu'on ne pouvait leur donner ni réforme ni secours et qu'ils n'en avaient pas besoin, et que le système était juste encore qu'il leur semblât injuste. Les défauts que les économistes appelaient frictions et perturbations et les victimes injustice et misère, étaient trop nombreux pour qu'on pût les supprimer en enseignant la résignation aux masses. Ils auraient dû être le premier souci des libéraux, le principal objet de leurs recherches, le soin constant de leur politique. La négligence accumulée à l'égard des abus finit par compromettre le respect dû au système. A partir de 1870, les classes ouvrières et les penseurs dirigeants de tous les pays finissent par se persuader que l'ordre existant est radicalement injuste et intolérable. | ||
Cette conviction était humainement justifiée. Cependant les libéraux avaient eu raison d'affirmer à l'origine que les abus étaient accidentels et non fondamentaux. Ils avaient eu raison parce que l'économie de la division du travail réglée sur des marchés est un mode de production tout comme l'agriculture sédentaire ou le nomadisme pastoral. On peut l'aimer ou le détester. C'est là une préférence d'ordre esthétique ; on peut préférer la vie du chasseur ou du pâtre à celle du fermier ou de l'ouvrier d'usine. Mais on ne peut considérer un mode de production comme fondamentalement juste ou injuste. Les questions de justice ne peuvent naître que d'une mauvaise adaptation des lois, des institutions, de l'éducation, et des habitudes sociales à un mode de production donné. | |||
Les hommes d'aujourd'hui peuvent réformer l'économie sociale en changeant les lois. Mais ils ne peuvent révolutionner le mode de production par des moyens politiques. L'humanité ne pourra pas avoir d'autre économie que celle de la division du travail et des marchés tant qu'on n'aura pas inventé un mode de production radicalement différent, et l'éventualité de cette invention n'est même pas théoriquement à envisager. Le genre de révolution qui rendrait périmée l'économie marchande serait une série d'inventions permettant aux hommes, par leur effort individuel et sans avoir besoin de personne, d'obtenir un niveau de vie meilleur que celui auquel ils aspirent maintenant. Ce résultat pourrait être atteint par une machine qui, au moyen d'une faible dépense d'énergie musculaire, produirait de la nourriture, des vêtements, un abri, du confort et du luxe sur n'importe quel sol et avec un peu de lumière. On bien encore par un médicament dont l'effet serait d'enlever aux hommes leur besoin des produits variés de l'industrie moderne. | |||
Dans le monde réel, et avec les connaissances que nous possédons, il est hors du pouvoir des Lénine, des Staline, des Hitler, des Mussolini de révolutionner le mode de production. Ils ne peuvent que l'attaquer et l'abîmer. | |||
== Notes et références == | == Notes et références == |