Différences entre les versions de « Les systèmes socialistes et l'évolution économique - Deuxième partie : Les faits. L’évolution économique - Livre III : Le développement des formes d’organisation économique à l’époque contemporaine »

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superposent, s'unissent par des liens contractuels, et réalisent tous
superposent, s'unissent par des liens contractuels, et réalisent tous
les jours un peu mieux le fédéralisme coopératif.
les jours un peu mieux le fédéralisme coopératif.
== Chapitre 15. Les unions professionnelles de patrons
et de salariés; le contrat collectif de travail. ==
Au grand courant d'association qui transforme peu à peu la structure
des sociétés contemporaines se rattachent encore les unions
formées par les patrons et les salariés pour la défense de leurs intérêts
respectifs. Ces associations professionnelles sont loin d'avoir la même
ampleur dans tous les pays; mais partout elles naissent et s'accroissent
à la faveur des mêmes circonstances 1.
Dans cette voie comme dans celle de la coopération, l'Angleterre a
pris les devants, montrant par son exemple la direction que suivra
le mouvement ouvrier dans les pays de civilisation semblable. La
révolution industrielle, en effet, s'est accomplie en Angleterre bien
plus tôt qu'ailleurs. Avec la grande industrie anglaise se sont développées
les associations ouvrières pendant tout le cours du xix" siècle,
de sorte qu'elles sont parvenues aujourd'hui, dans les principales
industries, à leur pleine maturité. Si les unions anglaises sont
encore loin d'embrasser la totalité, ou même la majorité de la classe
ouvrière, du moins leurs 2 millions de membres forment-ils un
corps nombreux et discipliné, une élite qui constitue, pour les populations
industrielles, le véritable centre d'attraction et de direction.
Dans les branches les plus importantes de la grande industrie,
mines de bouille, construction des navires, construction mécanique
et autres, les unionistes forment la majorité numérique, parfois
même la presque totalité des ouvriers de la profession.
Les unions anglaises sont plus remarquables encore par la
i. Voir Annexe VII, 1°.
LES UNIONS PROFESSIONNELLES 253
puissance de leur organisation et rétendue de leurs ressources que
par le nombre de leurs membres. Ce n'est pas le lieu de retracer ici
les détails de cette organisation, que des travaux de premier ordre
nous ont fait connaître. On sait que les grandes unions sont formées
de nombreux syndicats locaux amalgames, appartenant tous à un
même métier. L'administration, savante et compliquée dans les
unions les plus considérables, est confiée à des agents salariés et
permanents. A la tête de l'union, un organe commun, le comité
central exécutif, se tient en relations constantes avec les fonctionnaires
des branches locales, centralise les fonds et décide souverainement
des grèves. Les unions de métiers connexes dans une même
industrie s'amalgament aussi parfois entre elles, ou se relient les
unes aux autres par les liens plus lâches d'une fédération. Quelquesunes
de ces associations ouvrières sont colossales; la Fédération des
travailleurs de l'industrie textile compte 103 000 membres, celle des
mécaniciens et constructeurs de navires 240000, la Fédération des
mineurs de la Grande-Bretagne 340 000. Enfin la Fédération générale
des TVef~MOM~ compte 403000 membres, et les congrès annuels
-réunissent les représentants de 1 300 OOQ~inionistes.
La force du mouvement s'apprécie surtout par la continuité et la
rapidité de son cours. Depuis 10 ans, les unions se sont accrues
d'un tiers, passant de iSOOOOO à 2 millions de membres. Telle
association, celle des constructeurs de navires en fer et de chau-
.dières, qui ne comptait pas 2000 membres en 1833, en possède
33000 en 1890, et 48 000 en 1903; telle autre, la Société amalgamée
des mécaniciens, passe de SOOOmembres en 1881 à .68000 en 1890.
et 93 000 en 1903; celle des charpentiers, de 618 en 1860 à 31000
en 1890, et 71000 actuellement, etc.
Les grandes unions anglaises, se recrutant parmi les ouvriers
qualiGés qui reçoivent de hauts salaires et possèdent généralement
de fortes qualités morales, peuvent obtenir de leurs membres des
cotisations élevées (en moyenne 0 fr. 90 par semaine). Aussi disposent-
elles de ressources importantes; la fortune des cent principales
unions atteint 114 millions de francs, et leurs recettes
annuelles s'élèvent à 50 millions. L'Union des mécaniciens, la plus
riche de toutes, possède un fonds de réserve de 15 millions et un
revenu de 8 millions; d'autres unions, parmi les mineurs, charpentiers,
employés de chemins de fer, fileurs de coton et constructeurs
de navires, ont un fonds de 5 à 9 millions et des recettes périodiques
d'une importance correspondante.
Ces ressources leur permettent non seulement de soutenir la
354 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'EVOLUTION ÉCONOMIQUE
rréeasciicsfttzannncne temn ncaacs rd~er~ Og"rrèà'vt1e"l,~ mmaa;eis rd7eml;e+dri;hs.t,nreibuer ,rné.ig;Ru.Wliiè. rement des
secours à leurs membres en cas de chômage involontaire, de maladie
et de décès. Cette destination est même devenue la principale; car
tandis que les unions, au moins celles pour lesquelles le relevé a été
fait, ne consacrent guère qu'un dixième de leurs ressources aux
grèves, elles en affectent les deux cinquièmes et souvent plus aux
secours mutuels. Les secours pour chômage involontaire, notamment,
représentent en moyenne le cinquième de leurs dépenses, et
atteignent une proportion de 40 à 50 p. 100 dans certains
syndicats.
Cet office d'assistance est aujourd'hui capital dans les grandes
unions anglaises (68 p. 100 de leurs dépenses totales), et l'on ne saurait
trop insister sur son importance pour les associations ouvrières.
Les caisses de chômage sont indispensables pour prévenir les offres
de travail au rabais et assurer par là l'observation des tarifs d&
salaires syndicaux. Par-dessus tout, l'assistance mutuelle dans le
syndicat ouvrier est le seul moyen efficace de maintenir la cohésion
du groupe par la permanence des adhésions en dehors des périodes
de conflit. Le droit aux secours prévient les défections qui, partout
ailleurs, débilitent si dangereusement les syndicats ouvriers. En
Angleterre même, les unions nouvelles d'ouvriers non qualifiés, dans
lesquelles les cotisations beaucoup plus faibles ne suffisent pas à
alimenter une caisse de secours, souffrent de cette instabilité du personnel.
Les nouvelles unions de manoeuvres sont surtout des coalitions
éphémères, des syndicats de résistance qui, en dehors des
périodes de grève, ne comptent qu'un petit nombre d'adhérents
fixes. Le néo-unionisme, aux allures plus combatives, est donc
loin de présenter la même force que les anciennes unions; dans
l'évolution des associations ouvrières, l'établissement d'une cotisation
élevée en vue de l'assistance mutuelle paraît être la condition
essentielle de leur accessibilité à des formes supérieures d'organisation.
En dehors de l'Angleterre, les associations ouvrières, de formation
plus récente, sont moins nombreuses, moins riches et moins puissantes
la plupart d'entre elles se trouvent encore au même degré de
développement que les unions anglaises de dockers et autres ouvriers
unskilled; ce sont, en général, de simples syndicats de résistance à
personnel instable, qui n'ont pas encore pu établir un service régulier
de secours pour chômage et maladie. Toutefois, depuis vingt ou
trente ans, l'impulsion est donnée dans tous les pays industriels, et
le courant syndical, sans être toujours très profond, est aujourd'hui
LES UNIONS PROFESSIONNELLES 2SSsi
rapide que les dernières statistiques connues, vite dépassées, sont.
déjà surannées quand on les utilise.
C'est ainsi que, dans le petit État du Danemark, la grande masse
de la population ouvrière industrielle, les trois quarts peut-être, est.
syndiquée et fortement concentrée dans une Fédération générale.
Les TVa~e-~MOH~ de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande sont toutespuissantes
et favorisées par les lois sur l'arbitrage. Aux États-Unis,
2 millions de salariés au moins appartiennent à des unions, qui sont
affiliées entre elles suivant des combinaisons variées; la plupart de
ces associations, simples ou composées, forment à leur tour par leur
agglomération un groupe colossal, la Fédération américaine du travail,
qui compte 1 700 000 adhérents. L'organisation syndicale aux
États-Unis est remarquable par la discipline qu'elle a su imposer à
des éléments hétérogènes, et par l'adoption généralisée du label, désignant
aux consommateurs les marchandises fabriquées dans des
conditions de travail approuvées par les syndicats.
En Allemagne, malgré la division des forces ouvrières en syndicats
socialistes, chrétiens et libéraux, la constitution syndicale est
déjà avancée. Le nombre des ouvriers syndiqués s'élève à plus de-
-1466000, répartis entre les divers groupes suivant leurs affinités
politiques et religieuses; dans chacune des trois grandes divisions
politiques, les syndicats d'un même métier sont fédérés entre eux, et
ces unions centrales de métier forment à leur tour une fédération
générale. Ainsi les syndicats socialistes, qui sont aujourd'hui les
plus importants, comptent 1 million de membres; ils disposent d'une
recette annuelle de 25 millions de francs; ils se composent de
7 000 branches locales affiliées à 63 unions centrales de métier, dont.
quelques-unes sont fortes de 78000 (mineurs), 97000 (ouvriers
du bois), 128000 (maçons), 176000 membres mémo (ouvriers desmétaux)
ils constituent par leur union la Fédération générale des
GeMc~scAa/'ten. Mêmes divisions en Belgique, où les syndicats
socialistes ont une prépondérance plus marquée encore 95 000 membres,
dont 48000 ouvriers mineurs, sur un total de 132000 syndiqués.
En France, le nombre des salariés syndiqués, depuis que la liberté
a été donnée aux associations professionnelles par la loi de 1884, est
en progression rapide, et atteint aujourd'hui 780000; la proportion
des syndiqués sur l'ensemble des travailleurs de l'industrie et du
commerce, moins forte qu'en Angleterre et en Allemagne, s'élève
cependant à 22 p. 100, si l'on ne tient compte que des salariée
adultes du sexe masculin travaillant en dehors de leur domicile.
'356 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE
On~t~compte~ïï~t actuellement 1<3) rf~é–td: érations e-tt s-–y–nd-ïi'tc- ats ouvriers diont
le personnel dépasse 10 000 syndiques. Certaines fédérations nationales
de métier ou d'industrie présentent des effectifs assez considérables
le Syndicat national des travailleurs des chemins de fer,
42000 membres; la Fédération nationale des mineurs, 48000 membres.
La centralisation se complète par la Confédération générale du
travail, où se trouvent groupés 330 000 syndiqués.
A côté des unions nationales, qui comprennent les syndicats d'un
même métier ou de métiers connexes, il existe, dans la plupart des
États, des fédérations locales entre syndicats appartenant à des
industries différentes. Ces fédérations, qui ont leur siège dans les
grandes villes et les principaux centres industriels, ne représentent
pas, comme les fédérations propres à un métier, des intérêts professionnels
nettement déterminés; aussi les ?'a'<~M-6'ouMCt~ anglais
sont-ils loin de jouer un rôle aussi important que les ?Va<~e-6'K!ONS.
Néanmoins, ces organisations locales rendent encore de grands
services à la classe-ouvrière, en inspirant aux travailleurs des différentes
professions le sentiment de la communauté d'intérêts qui les
unit, et en fournissant aux syndicats d'une même ville un local
commun pour leurs réunions et leurs services permanents, offices de
placement, secours de route, enseignement professionnel et autres.
Telle est la destination des Bourses du travail françaises, qui
comptent parmi leurs adhérents une notable fraction des travailleurs
(377 000 syndiqués et 2360 syndicats dans 114 Bourses). On retrouve
la même institution en Allemagne; ce sont les CeM'e~eAa/A'a~c~e
pour les syndicats socialistes (3S3 avec 482 000 adhérents au moins),
€t les 0?'~M~an<f6 pour les syndicats Hirsch-Duneker. Ce sont encore
les Canzere del lavore italiennes, les CcK<t'<~Za6oM?' Unions américaines,
les 7'ra~M-~a~s australiennes, etc. En Belgique, les syndicats
d'une même ville se trouvent compris dans des fédérations
locales plus larges, qui embrassent en même temps des mutualités,
des coopératives et associations diverses appartenant au même parti.
Enfin, dans la plupart de ces pays, les unions de métiers et Bourses
du travail se fédèrent entre elles ou se rattachent aux grandes fédérations
existantes.
Les conditions du travail, pour chaque pays, se trouvent aujourd'hui
dans l'étroite dépendance des facteurs économiques internationaux
les salaires peuvent être déprimés par des crises de surproduction
résultant de causes extérieures les réductions de la journée de
travail et les hausses de salaires trouvent leur principal obstacle dans
la concurrence étrangère, et les résistances des ouvriers en grève
LES MtONS PROFESSIONNELLES as?
1 .U'P"VJ~ cw.
LESMM'tMESSOCtAt.ISTES. 7
sLoantclassosueveonutvrièbrreiséeasurapitar dol'ninctrogdruacntdionintérêdte àtraovragiallneiusresr séotlriadnegmeersn.t
des fédérations internationales. Mais les travailleurs éprouvent de
très grosses difficultés dans leurs essais d'entente internationale, et
n'ont obtenu jusqu'ici que de médiocres résultats.
On est parvenu, dans certaines professions, à réunir en congrès
périodique les délègues syndicaux des différents pays, et même à
instituer un bureau international, un secrétariat permanent qui sert
de lien entre les organisations nationales, au moins pour la correspondance,
les informations et la préparation des congrès. C'est ainsi
qtiueentladFesédécroantigornès inantenrunealtsionaolùe sièdgeesntminleesurrse,précsreénéetanàtsLonddr'eusn emn i1ll8io9n3
deet dFeramniced'eotuvdreierBselgimquinee.urMs aisd'Acensglfeétdeérrrea,tionsd'Alnle'omnatgnjaem, aisd'Aéutétridaisesez
fortes pour exercer une influence générale sur la production et les
salaires; elles n'ont jamais pu recueillir des ressources sufSsantes
pour soutenir des grèves, ni même pour distribuer régulièrement des
secours de route. Faute de subventions importantes à fournir, les
comités permanents n'ont jamais exercé un contrôle efficace sur les
déclarations de grève, et les congrès eux-mêmes ne sont pas parvenus
à s'entendre pour les réglementer. Bref, dans aucune fédération
itsineotsenrndanétcaiitosinoioannlaesl,e, clol'a'oocrrcgdoaomnnenpelirsesxemélecesuntitefffonrdt'ase eseuetsaososbbetezlingiadrt'iaoudnteosrictéhfaéqdupéeoraulreosrigmaepnsoissseaen-rtielles,
comme l'acquittement de la cotisation proportionnelle. Tout
éatuabplilusà pBeeurnt-eondecpiuteirs l1e89S3e,crqéutairidaitstriibnuteernadtieosnaslecoudrse dlaérotyupteogrcaopnhfieo,rmément
à un règlement international et soutient certaines grèves
par des levées extraordinaires; encore s'en faut-il que le service fonctionne
avec la régularité désirable
Plus difficile encore parait être la fédération internationale de
toutes les forces ouvrières. Sans doute, depuis la dissolution de
l'Association internationale des travailleurs, de nombreux congrès
lcdmMIDeomesoiursiepd.uso.oléfCuOeeénvueNdfnsrruUéiiaos.eert'ccearr.eei,ssrttaid~,oldu,cmc1neh/8MsMétarl9tpa'aiéi9/vnne&lm-llatd1uieeioue9rlrtirg,snC0rstiae4Lr,estsi.t~cieeeoeosMstntu,<eanpdVxlMl~eeeotpaius,scM.lrreui4set,ccm-r1zi&tal4t.aeevéi:nseeal<QlttsioesolMsl,uuMp,e.a,rvuerumsorl~r,éisafpeMnetroresasdstMxs,ietied1speoFru9,asnci0,gsnhtica2edleehbs,ilmaleaepemrcni.~s,n,'aOsA11lneeM89x&tdsa08ieris<v0erttee,foeetiernrs!r~r~,-csi,,eh.ss8recyc4s"zuen,.ulvdpllxoieetcKtessEa.du,ulgnereolpsaseud,nambpvsetbireosahreilirnaoergmtssarrses-,s,,,,
seurs, carrossiers, travailleurs des transports, employés, etc.
SS8 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE
internationaux ouvriers et socialistes se sont réunis dans différentes
capitales; mais ces assemblées passionnées et souvent tumultueuses,
dans lesquelles l'élément politique s'est toujours trouvé mêlé à l'élément
professionnel, paraissent peu propres à créer une organisation
internationale permanente d'un caractère vraiment syndical. Des
efforts faits depuis 1901 pour réunir des délégués nationaux en conférences
internationales périodiques ne semblent pas avoir donné de
résultats.
Si les efforts de la classe ouvrière pour former des fédérations
internationales n'ont pas mieux réussi jusqu'à présent, il ne faut pas
attribuer cet insuccès aux rivalités nationales, ni aux lois restrictives
de diSérents États européens. La véritable cause est interne; elle
réside dans la faiblesse actuelle de la plupart des organisations nationales.
Il en est des syndicats ouvriers comme des sociétés coopératives
le mouvement, pour être fort, doit partir d'en bas, et l'édifice
ne peut se couronner par de vastes fédérations que s'il s'appuie sur
des groupes locaux solidement constitués. Les fédérations internationales
restent en l'air, tant qu'elles ne se relient pas à des fédérations
nationales puissantes, pourvues des organes permanents indispensables,
disposant de ressources abondantes, capables de faire
elles-mêmes les principaux sacrifices et d'imposer le respect de leurs
règlements dans les grèves de leurs propres membres.
Tandis que les salariés s'organisaient pour obtenir des salaires plus
élevés et des journées plus courtes, les patrons recouraient eux-mêmes
à l'association pour la défense de leurs intérêts comme employeurs.
Toutefois, le mouvement a été moins rapide et moins net de leur
côté. Il a toujours été plus facile aux entrepreneurs, qui sont en
petit nombre, de former entre eux des coalitions tacites contre les
prétentions de leurs ouvriers, sans instituer à cet effet des associations
permanentes et publiques. En outre, il a toujours existé de
nombreuses associations patronales d'un caractère plus général; à
toute époque, les entrepreneurs d'une même profession industrielle
ou commerciale, ou de professions diverses, se sont groupés pour
exercer une influence sur la législation, obtenir certains tarifs de
douane ou de transport, provoquer la création de voies de communication,
organiser l'exportation, protéger la propriété industrielle,
pratiquer l'assurance et prévenir les accidents, etc. Ces sociétés
devaient naturellement, à l'occasion, se transformer en groupes de
résistance. Des patrons habitués à se rencontrer dans une association
déjà existante, fût-ce pour un autre objet, arrivent facilement à
LES UNIONS PROFESSIONNELLES SS9
csDr''neee,Fnnswt.ei~»ln.idstrees ceinrcuclaesntdc,e ceotnfdlni'ut nmecnoamçamnutn ouacdcéocrld-a1 réonaveecxclleuut rsdeesmpaltoelyiéesrs.
les promoteurs des coalitions ouvrières. Une maison est-elle mise
à l'index? Les autres lui prêtent leur concours pour l'aider à exécuter
ses contrats de livraison; bien plus, elles épousent sa cause, et
ferment leurs portes toutes ensemble pour déjouer la manoeuvre de
la grève par échelons.
Mais à côté de ces associations industrielles et commerciales d'un
caractère général, les patrons ont fondé aussi des ligues et syndicats
plus spécialement adaptés à la lutte ou à l'entretien de rapports
réguliers avec leurs ouvriers. L'organisation patronale est la contrepartie
nécessaire de l'organisation ouvrière; c'est donc dans les pays
où les unions ouvrières sont les plus fortes, comme l'Angleterre,
que se rencontrent aussi les ligues patronales les mieux constituées.
Aux États-Unis, certaines associations patronales dictent leurs conditions
aux ouvriers et détiennent le service du placement*. En
Allemagne, les 6~?'K<'Am(M~er6c!H< allouent des indemnités aux
maisons atteintes par une grève, et décrètent au besoin le lock-out.
En France, des syndicats mixtes, comprenant à la fois des patrons
et ouvriers d'une industrie régionale, ont été créés, sous l'influence
des idées religieuses, dans le but de prévenir les antagonismes
et de réaliser l'union des classes par une association commune
Mais ces syndicats semblent être plutôt des oeuvres de patronage
et d'assistance mutuelle que des cadres professionnels permettant
aux ouvriers de débattre leurs intérêts avec les patrons sur un pied
d'équilibre, et de conclure des accords collectifs sur les questions de
salaires et de travail. Le mouvement est d'ailleurs limité et en décroissance.
Quant aux syndicats ouvriers dits indépendants, ou syndicats
jaunes, qui s'élèvent dans certaines régions industrielles contre les
unions ouvrières combatives, il est parfois difficile d'en apprécier
exactement le caractère. Certains d'entre eux paraissent n'être que
des créations artificielles, des contre-syndicats suscités et subventionnés
par les patrons pour faire échec aux véritables syndicats
ouvriers telle est, dit-on, en Angleterre, la 7~-ee /,a6oM)~~Mocts~oM,
dont la véritable fonction consisterait à rassembler des éléments
flottants sur le marché du travail pour les diriger vers les maisons
auxt. NWfiaU~-oUag~hMby,M, Luesséeasssoocciaial,tiMonésmpoaitrreosn, aselepst. pi9o0uSr .les relations avec le travail
2. Boissard, L<-syndicat mixte, Rousseau, 1897,in-S°.
360 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'EVOLUTION ECONOMIQUE
victimes d'une grève'. Si l'organisation est factice et sans racines
dans la classe ouvrière, elle ne peut être de longue durée. Sans doute,
des associations indépendantes qui se forment en dehors de la fédération
ouvrière la plus militante et ne veulent pas s'y inféoder
peuvent avoir néanmoins un caractère réellement ouvrier; en Allemagne,
en Belgique et ailleurs, les syndicats ouvriers se divisent en
plusieurs courants et n'obéissent pas tous à un même mot d'ordre.
Ils représentent tous cependant les vrais intérêts ouvriers, et savent,
dans les circonstances graves où ces intérêts sont engagés, marcher
à l'unisson; ils suivent une marche parallèle sur les questions professionnelles
aucun d'eux ne consentirait à fournir des remplaçants
pour faire échouer une grève entreprise par une organisation rivale.
Ainsi, dans la grande grève des mineurs de Westphalie en 190S,
tous les syndicats ouvriers, aussi bien chrétiens et libéraux que
socialistes, ont marché d'accord. L'épreuve est décisive, et permet de
distinguer les véritables syndicats ouvriers indépendants des organes
qui sont alimentés pour trahir la cause ouvrière.
Bien que l'appareil des unions et fédérations ouvrières se présente
sous un aspect déjà imposant, il est encore de création trop récente
dans la plupart des pays pour ne pas avoir ses faiblesses.
Certaines catégories importantes de salariés échappent à peu près
complètement à l'action syndicale. Les simples manoeuvres, les
déchargeurs et les matelots, malgré la modicité de leurs ressources,
commencent à entrer dans le mouvement; mais les femmes, les
ouvriers à domicile et les ouvriers agricoles y sont restés généralement
étrangers.
Pour les femmes, il est rare qu'elles forment des syndicats distincts,
ou même qu'elles entrent dans les syndicats ouvriers; en
dehors des syndicats de l'industrie textile, où elles figurent d'ailleurs
en nombre relativement restreint, même en Angleterre, leur participation
est assez faible.
Chez les travailleurs à domicile, les unions sont également difficiles
à constituer, à cause de leur faiblesse et de leur dispersion. On
cite bien quelques grèves parmi les tailleurs des grandes villes, et
même chez certains ouvriers disséminés à la campagne tels que les
rubaniers de la région de Saint-Étienne mais les associations
fortes et durables, comme celle des ouvriers gantiers de Bruxelles,
sont infiniment rares dans l'industrie à domicile.
Pour des raisons analogues, les ouvriers agricoles sont encore
1. P. Mantoux et M. Alfassa, La crise du trade-unionisme, p. i94 et s.,
Rousseau, 1903,m-8".
LES UNIONS PROFESSIONNELLES 36!
inorganisés. Les domestiques il L'année, logés et nourris à la ferme,
vivant rapproches de leur employeur, dans une situation à la fois
stable et dépendante, n'ont ni le moyen, ni généralement la pensée
de s'associer pour défendre leurs intérêts collectifs; et les journaliers
eux-mêmes n'ont guère l'occasion de se réunir par grandes masses
et de se concerter. En France, les jardiniers, les bûcherons et les
ouvriers de la viticulture sont les seuls qui aient tenté de se grouper
encore l'initiative est-elle partie des Bourses du travail urbaines,
tant pour l'organisation des ouvriers vignerons du Languedoc que
pour celle des bûcherons du Cher depuis 1899. Des grèves morcelées,
dues à l'insuffisance des salaires, ont éclaté chez les bûcherons en 1891,
chez les vignerons en 1903-1904; dans les deux cas, grèves et syndicats
n'ont été possibles qu'à cause de l'existence indépendante de
ces ouvriers et de la nature particulière de leur travail, qui les
réunit par groupes sur les lieux d'opération et d'embauchage'. En
Angleterre, où la grande culture capitaliste semble offrir des conditions
favorables à l'association des salariés, les unions d'ouvriers
agricoles, après un développement éphémère provoqué par l'ardente
propagande de Joseph Arch, sont tombées dans le néant (1 800 membres
en 1900). Il faut un régime de la propriété foncière bien oppressif,
et des souffrances bien vives chez les travailleurs de la terre pour
qu'une grève éclate parmi eux. Encore la grève ne suppose-t-elle pas
nécessairement l'existence du syndicat. Des deux grandes agitations
agraires qui ont soulevé les journaliers agricoles dans ces dernières
années, celle d'Italie en 1901-1902 et celle de la Galicie orientale
en 1902, la première seule s'appuyait sur une organisation syndicale
permanente~.
Dans la grande industrie elle-même, les ouvriers syndiqués ne
sont encore qu'une minorité. Cette minorité, il est vrai, peut avoir
une importance prépondérante si elle forme un groupe cohérent,
riche et discipliné. Mais, sur le continent, beaucoup de syndicats ne
sont guère qu'un assemblage d'éléments instables autour d'un noyau
1. Ro.Nin, Les bitcherons du C/ e~ de la A'Mt~'e,leurs M/~tM~s, [mp. du
Mouvement socialiste, 1903,in-S". Augé-Laribé, Les OMMr!e)'e la c:<cMMM'e
~a~K~octMne e<leurs syndicale, Muséesocial, Mémoires,nov. 1903et déc. 1904,
et Annales, fév. 1904,p. 39 et s.
2. H-Bcker,Les grèves des OMM':eta'~gricoles en Galicie, Mouvementsocialiste,
1M5usseépetS. o1c9ia0l2,.MémGohiiroe,s,Lfeésvd. et9rn0i3è.re–s <Dae~H'<oMcqMu!gangyr,a'Mire~sMdeaesn<s pl'rlelaMlisededupayNsnarnds,,
p. 5Get ch. vt, Rousseau, 1904,in-12. –Au Congrèsde Bologneen i90t se trouvaient
représentées 704 ligues comprenant iMOM membres; en I90t, ces ligues
paraissaient sommeiller, sauf dans quelques provinces. Il s'est formé aussi des
ligues catholiques de paysans.
262 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE
d'hommes fidèles et dévoués, une union précaire et dénuée de ressources
plutôt qu'une corporation solidement assise; il y manque
l'esprit de discipline et de solidarité, la pratique des hautes cotisations
régulièrement acquittées, les méthodes d'administration qui
ont porté si haut la puissance des unions anglaises.
Ces lacunes et ces faiblesses ne peuvent être contestées; mais elles
sont inévitables dans un mouvement qui est encore à ses débuts
partout ailleurs qu'en Angleterre; et s'il y a lieu de s'étonner, c'est
plutôt de la force qu'il a prise si rapidement que des infirmités
qui l'accompagnent. Au point de vue du nombre, la croissance des
syndicats ouvriers a pris une allure accélérée depuis une vingtaine
d'années. Entre 1890 et 1904, le nombre des ouvriers syndiqués a
passé, en chiffres ronds, de 1 million et demi à 2 millions en Angleterre,
de 140000 à 800000 en France, de 350 000 à 1SOOOOOen
Allemagne, de 800000 à 2000 000 aux États-Unis; et si nous possédions
des chiffres pour l'Australasie et le Danemark, la progression
nous y apparaîtrait sans doute aussi forte. Dans certaines professions,
industrie houillère, typographie et quelques autres, les associations
ouvrières s'étendent à la majorité, ou même, en Angleterre
et aux États-Unis, à l'ensemble des ouvriers de la profession.
Au point de vue des méthodes administratives et financières, il
semble aussi que l'exemple des unions anglaises commence à porter
ses fruits. Certains syndicats, en Allemagne, en Belgique et en
France, ont senti la nécessité de fortifier l'autorité du comité central,
et d'assurer la continuité de la direction en rétribuant convenablement
leurs agents et en prolongeant leurs pouvoirs. Ils se rendent
compte, en même temps, que c'est par des cotisations élevées, donnant
droit à des allocations de chômage et de maladie, qu'un syndicat
parvient le mieux à retenir ses membres et à grossir leur nombre.
Les unions américaines sont largement entrées dans cette voie
depuis 1880; ainsi les unions des typographes, des cigariers, des
machinistes et chauffeurs, dépensent ensemble 5 millions de francs
par an pour les secours. Les syndicats socialistes allemands ont
presque tous haussé leur cotisation depuis une dizaine d'années, et
ils affectent aujourd'hui plus du tiers de leurs ressources a l'assistance
mutuelle. Les syndicats autrichiens distribuent, de leur côté,
des secours de chômage importants. En France, les caisses de
secours syndicales, encore médiocrement alimentées, il est vrai, sontt
assez nombreuses dans certaines professions telles que la typographie,
l'industrie des métaux et celle du vêtement. Les mineurs
belges n'ont pu reconstituer leurs syndicats en décadence qu'en
LES UNIONSPROFESSIONNELLES M3
majorant la cotisation; la tendance en Belgique est de donner aux
unions ouvrières, comme en Angleterre, la double fonction de résistance
et de mutualité; là où jadis on ne parvenait plus même à
recouvrer des cotisations de cinq ou dix centimes par mois, on
perçoit aujourd'hui sans difficulté des contributions mensuelles de
1 franc, 2 francs et même plus. La hausse des salaires, qui parait
être la conséquence naturelle des progrès de la production dans la
grande industrie mécanique, permet aux associations ouvrières
d'exiger de leurs membres des impositions d'une importance croissante
et par un effet en retour, l'accroissement de leurs ressources
permet aux syndicats d'accélérer le mouvement de hausse des
salaires.
Ainsi donc, dans tous les pays industriels, les syndicats ouvriers
parcourent les mêmes étapes que l'unionisme anglais. Le monde du
travail tend partout à s'organiser et à prendre une conscience collective
le courant est universel, irrésistible, il surmonte tous les obstacles,
non seulement la faible digue des restrictions légales ou des
tracasseries judiciaires, mais même l'entrave autrement sérieuse des
antagonismes politiques, religieux et nationaux. A un phénomène
aussi général doit correspondre une cause également générale
d'ordre économique; cette cause ne peut être que la transformation
industrielle subie par les pays civilisés dans le cours du xix" siècle.
Serait-ce donc, comme on l'a maintes fois répété, la machine qui
aurait créé cet état de choses? Il est incontestable que la machine y
a beaucoup contribué, en précipitant la concentration des masses
ouvrières autour des moteurs mécaniques. Par ailleurs, le machinisme
a exercé une influence profonde sur l'esprit des associations
ouvrières. En révolutionnant les anciennes formes de la production,
et en ouvrant l'accès des métiers aux faibles et aux ouvriers non
exercés, le machinisme, partout où il a dominé le travail, a ruiné
les antiques prétentions des corporations ouvrières au monopole de
leur métier. Les traces de l'ancien esprit particulariste, les exigences
relatives à la limitation des apprentis, l'hostilité contre les machines,
les conflits avec d'autres associations ouvrières au sujet du droit au
métier, n'apparaissent plus que dans les professions où la machine
n'a pas encore accompli son oeuvre révolutionnaire.
Mais, en y regardant de plus près, les meilleurs observateurs ont
reconnu que la concentration des forces ouvrières était moins une
conséquence du machinisme en particulier que du régime capitaliste
dans son ensemble.
Le capitalisme, en détruisant le régime du petit atelier et en
264 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE
agglomérant les travailleurs dans les manufactures dès avant l'introduction
du machinisme, a disjoint les éléments réunis dans la
corporation d'autrefois, et opposé aux chefs d'industrie une armée
sans cesse grossissante de travailleurs salariés, destinés à rester
tels, et conscients de leurs intérêts de classe. Est-ce nécessairement
la guerre de classes qui doit sortir de cette division? C'est une question
à réserver; mais il résulte au moins de cet état de fait une oppo
sition d'intérêts qui détermine des groupements séparés.
En même temps que les entreprises se concentraient, les obstacles à
la concurrence intérieure et extérieure disparaissaient ou s'abaissaient
par l'abolition des règles restrictives du système corporatif, par la
suppression des douanes intérieures et- la réduction des droits prohibitifs,
et surtout par le progrès des transports. Sous la pression d'une
concurrence sans frein, et vis-à-vis d'une clientèle toujours en quête
des prix les plus bas, les chefs d'industrie ont dû peser sur les
salaires, dans des conditions d'autant plus fâcheuses pour les travailleurs
que des perfectionnements mécaniques incessants soumettaient
les ouvriers de métier à la concurrence des travailleurs faibles et sans
apprentissage.
Ainsi les deux facteurs nouveaux de la société économique, concentration
et concurrence, agissaient dans le même sens pour provoquer
la formation des associations ouvrières, puisqu'ils avaient ce
double effet de faciliter l'entente des salariés en les réunissant par
masses, et de rendre cette entente plus nécessaire que jamais pour la
défense de leur étalon de vie menacé par la concurrence.
Par le fait de cette évolution économique, l'individualisme atomique
a fait son temps; l'isolement individuel a dû cesser en même
temps que la pulvérisation des entreprises; la centralisation industrielle
appelait nécessairement la coalition ouvrière. Dans un état
développé de la grande industrie, la position est trop inégale pour
l'ouvrier isolé vis-à-vis du patron; les parties en présence, dans la
discussion du salaire et des autres clauses du contrat, sont en réalité
le capital et le travail non pas le patron et son ouvrier, non pas
même un patron et l'ensemble de ses ouvriers, mais plutôt l'ensemble
des patrons d'une même industrie régionale ou nationale et l'ensemble
des ouvriers de la profession.
Plus les marchés s'élargissent par le progrès des communications,
plus s'étendent les rapports de concurrence et les connexités industrielles,
et plus s'impose aux salariés la nécessité d'agrandir la sphère
de leurs unions pour suivre le mouvement d'extension des solidarités
économiques. Aussi voit-on les syndicats locaux s'amalgamer, se
LES UNIONS PROFESSIONNELLES 2&S
-r-eT!lier aux s~y1.tn. dicats d_1e- _m_t.éa~tiers connexes ou d.3':i7n.s.dustries dtailCfdf.éx.rentes,
se former en fédérations régionales et nationales, et même ébaucher
aujourd'hui des fédérations internationales.
C'est au prix de luttes douloureuses et d'efforts incessants que la
classe ouvrière parvient à réaliser les formes de concentration qui
sont en harmonie avec le développement industriel. Le malaise dont
souffrent les États modernes tient en grande partie à la survivance
des rapports individuels de l'ancien régime économique, qui sont
incompatibles avec l'état nouveau de la grande industrie moderne.
Car l'évolution capitaliste des entreprises précède toujours celle des
unions professionnelles; l'adaptation ne se fait qu'à la longue, et les
métamorphoses se suivent à distance dans les deux séries.
Lorsque la production capitaliste s'établit dans un pays, elle
trouve en face d'elle une population ouvrière généralement. ignorante
et complètement inorganisée. Le travail subit alors toutes
les capitulations que le capital lui impose, jusqu'à l'extrême limite
d'un minimum nécessaire à l'entretien de la vie physiologique. De
loin en loin, dans ces milieux de prolétaires misérables agglomérés sur
un même point par les nouvelles formes de la production, des grèves
éclatent, soulèvements spasmodiques, révoltes de la faim marquées
par des attentats sanglants, réprimées par la violence et suivies d'affaissements
plus profonds.
Tel, en Angleterre, avant l'abrogation des lois contre les coalitions
en 1824-182S, et même jusqu'en 1842, l'état insurrectionnel de la
classe ouvrière réduite à la misère par un capitalisme sans contrepoids.
Conspirations, meurtres, bris de machines, terrorisme des
sociétés secrètes, répression aussi impuissante qu'impitoyable, ce fut
vraiment pour l'Angleterre une période d'anarchie sociale, résultant
d'un désaccord prolongé entre l'état centralisé de l'industrie et
l'état inorganique des classes ouvrières abandonnées par la législation
les ouvriers étaient restés, suivant les expressions de M. et
M" Webb, « les serfs batailleurs à demi émancipés de 1823 ))~.
De cette décomposition primitive devait sortir, en Angleterre, l'ordre
unioniste contemporain; mais, aujourd'hui encore, nous retrouvons
les mêmes traits dans les insurrections anarchistes delà Catalogne,
et, à certains égards, dans les séditions agraires de l'Ukraine et de
la Sicile.
Lorsque les associations ouvrières commencent à se former, elles
i. Sidneyet Beatrice Webb, Histoire du trade-unionisme, trad. Metm, p. t57,
Giard, )897, in-8".
266 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE
ont une tendance, dans beaucoup de pays, à comprendre tous les
salariés sans distinction de métier, et à poursuivre des fins idéalistes
de transformation sociale. Il en fut ainsi, en Angleterre, de l'Association
nationale de '1830 et de la <??'aK<i! ~Vct~MMs~Tt'ad'M-~MMM,
fondée en 1834 sous l'influence de Robert Owen; ainsi encore du
CeM~AM/M/~s&MH~crée à Berlin en 1868 par Schweitzer, et même,
à une époque plus récente, de l'Ordre des Chevaliers du travail
aux États-Unis. Les associations ouvrières ne tardent pas d'ailleurs
à s'établir sur la base plus solide du métier, dans le but de défendre
leurs intérêts professionnels; mais longtemps encore le mouvement
syndical reste lié au mouvement politique, sans être considéré comme
ayant sa fin propre et indépendante.
Longues et difficiles sont ensuite les étapes à parcourir avant d'arriver
ii une coordination durable des forces individuelles. A ses
débuts, dans une population ouvrière amorphe et dénuée de l'esprit
.de solidarité, le syndicat se confond presque avec la coalition éphémère
de la grève; c'est une ébauche d'association, groupe instable
qui se gonne au moment de la lutte pour se réduire aussitôt après à
un mince noyau d'adhérents fidèles, sans fonds de caisse alimenté
par des cotisations sufnsantes et régulières. II est toujours possible
de provoquer, par des paroles ardentes, un mouvement convulsif
chez des hommes qui souffrent; un concert permanent, impliquant
des sacrifices à longue portée, ne peut être que le fruit d'une éducation
prolongée.
Tant que les associations ouvrières sont aussi faibles, les relations
entre employeurs et salariés restent nécessairement individuelles.
Les patrons, dont l'éducation économique est aussi incomplète que
celle de leurs ouvriers, sont imbus de l'idée que toute intervention
du syndicat dans la discussion des salaires serait une usurpation sur
leurs pouvoirs de direction et une atteinte intolérable à leur autorité.
D'ailleurs, le syndicat n'est encore qu'une minorité de militants ou
une agglomération passagère, menée par des hommes remuants et
énergiques, mais souvent exaltés par les souffrances et les rancunes,
ignorants des conditions industrielles, parfois même étrangers à la
profession, à cause de l'ostracisme dont les chefs d'établissement
frappent les ouvriers coupables d'une initiative syndicale. Les
patrons refusent donc de reconnaître le syndicat et d'entrer en pourparlers
avec ses délégués ils s'obstinent dans leur prétention de ne
discuter qu'avec leurs ouvriers pris individuellement; ils luttent
pour briser le syndicat, excluant les chefs de leurs ateliers, organisant
contre eux le boycottage des listes noires, obligeant même
LES UNIONSPROFESSIONNELLES 267
parfois leurs ouvriers à se démettre de l'association. Comme ils ne
rencontrent pas de résistance sérieuse dans leur personnel, ils ne
savent réduire les frais qu'aux dépens de la main-d'oeuvre. Nuleffort
pour sortir de la routine et renouveler l'outillage; l'exploitation des
forces de travail à bon marche permet de soutenir la concurrence
sans s'imposer les frais d'un matériel perfectionné.
A cette phase du mouvement ouvrier, la résistance à la pression
patronale affecte volontiers la forme sournoise du «bousillâmes ou
«sabotage » individuel; et lorsqu'elle se traduit par un soulèvement
collectif, la grève, sans être nécessairement violente et insurrectionnelle,
reste encore tumultueuse et chaotique. Au lieu d'être décidée
après mûre réflexion par les syndicats, elle éclate d'une façon impulsive,
et se propage par entraînement ou par crainte devant les
injonctions de bandes anonymes. Les grévistes ne savent ni choisir
le moment où les circonstances économiques sont favorables, ni présenter
un programme de revendications précises. De leur côté, les
patrons luttent isolément, et tentent d'obtenir la reprise du travail
par des concessions individuelles. Satisfait d'un avantage souvent
apparent, le personnel d'un établissement cesse la grève, sans songer
à stipuler des garanties pour l'observation des conditions mal définies
qui lui sont faites verbalement, tandis que les autres ouvriers de la
même industrie, affaiblis par cette défection ou entrés plus tard dans
la lutte, sont obligés de se soumettre sans conditions. Dans ces mouvements
spontanés, nulle pensée directrice et nul plan d'ensemble
des chefs improvisés, incapables d'imposer une ligne uniforme, un
plan raisonné d'attaque et de défense, doivent céder aux mouvements
irréfléchis de la foule. Aussi les quelques avantages qui ont pu être
obtenus par surprise s'émiettent-ils au jour le jour sous l'action de
la concurrence que les travailleurs se font a eux-mêmes, lorsque la
période de fièvre est passée les grèves partielles se multiplient et se
renouvellent à bref délai, perpétuant l'état d'instabilité dans lequel
se débat l'industrie à cette phase d'associations rudimentaires.
C'est l'histoire des rapports du capital et du travail dans la plupart
des métiers de l'Europe continentale. Cette période chaotique a
pu prendre fin dans les pays dont l'évolution industrielle est la plus
avancée; elle est moins prolongée chez certains peuples que chez.
d'autres, grâce à des qualités de race particulières et à diverses circonstances;
mais aucun peuple ne peut la franchir sans s'y arrêter, parce
que nulle population ouvrière ne peut passer brusquement de la
misère et de l'abaissement a la maturité. Il faut que le syndicat sorte
de la grève et se fortifie par de longues épreuves, avant de devenir
368 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE
l'union résistante qui représente réellement le travail vis-à-vis du
capital.
Lorsque les associations ouvrières sont puissantes par le nombre
de leurs adhérents, la permanence de leur personnel et l'ampleur de
leurs ressources, elles n'ont plus besoin de lutter pour l'existence,
et savent se faire reconnaître comme une représentation sérieuse
et durable des travailleurs. Sous la direction de chefs expérimentés,
exactement renseignés sur l'état du marché et soucieux de leur responsabilité,
hostiles à toute aventure dans laquelle les fonds sociaux
seraient inutilement compromis, les associations n'engagent la lutte
qu'à bon escient. Les statuts d'un syndicat national centralisé ne
permettent une grève locale que si elle a été autorisée par le comité
central, après épuisement des moyens ordinaires de conciliation. Les
grèves sont donc plus rares et plus pacifiques; mais elles sont aussi
plus étendues et plus prolongées, se propageant chez tous les ouvriers
d'une môme industrie et des industries connexes, et se poursuivant
pendant de longues périodes grâce aux ressources considérables des
deux parties 1.
Vis-à-vis des unions ouvrières, les patrons doivent à leur tour
constituer des associations de même nature. Entre les deux groupes
peuvent alors intervenir des accords, de véritables traités réglant
pour l'avenir les conditions du travail. D'abord conclues par des
négociateurs improvisés ou des arbitres de circonstance pour prévenir
un conflit menaçant ou terminer une grève, ces conventions
finissent par entrer dans la pratique courante de l'industrie. Des
organes permanents, des comités mixtes ou séparés, composés de
délégués des deux parties, sont établis pour débattre et arrêter,
avant toute cessation de travail, les clauses du contrat; parfois même,
un arbitre est désigné li l'avance pour le cas où les plénipotentiaires
siégeant dans le comité ne parviendraient pas à s'entendre. Le contrat,
valable pour tous les établissements d'une même industrie
dans une région déterminée, porte non seulement sur les salaires,
mais sur la durée du travail et les conditions accessoires de sa prestation.
Il établit des tarifs minima de salaires au temps et aux pièces
I. La grève des mécaniciens anglais en tS97-98a dure 7 mois; elle a fait chômer
plus de )00000 ouvriers, et coûté II millions de francs aux caisses des unions. La
~smMPr'eeliausnvttseesis-meUduêednrmss'iasdegn,oértcohètekvnrnaeetcdrsasiuttdeedteee&ianLmt4ofi2annd2iedte0urs0ercss0phoreôaounmnpvgoe)rtSirraet8iirHso8sn.ae7ostv0nasa0tiet0émdtcmuéborilnénaacebu4eulsrersmnssié;oceeiltosannvias/gi2irrddo.èéunvCrreaeé1br8dlt50eaesi0nm;0iec90ose0tigrls2la.revèdCvadaieelneslllse,eiu8alrdu9esesx3.
WestphaUeen t903 a fait chômerpendant Ssemaines19a000mineurs sur2C8000
LES UNIONS PROFESSIONNELLES 269
communs à toute L'industrie, ou des tarifs types destinés à servir
de base aux conventions particulières des groupes locaux. 11fixe la
période de validité, prévoit les délais de dénonciation, et remet à des
experts-arbitres le soin de trancher les difficultés d'application et
d'interprétation qui pourraient provoquer des contestations individuelles
ou collectives pendant la période d'exécution. Enfin il interdit,
bien entendu, l'emploi de travailleurs quelconques, même non
syndiqués, dans des conditions inférieures à celles de la convention,
et il établit des garanties d'exécution particulières, telles que
ledépôt d'une somme d'argent qui répond de l'observation des engagements
réciproques.
Tel est le contrat de travail collectif, par opposition au contrat
individuel. C'est le seul mode de relations entre employeurs et salariés
qui soit en harmonie avec les nouvelles formes de la production
capitaliste, et qui résolve les contradictions inhérentes au contrat
individuel dans un régime de grande production. Aux salariés, il
permet de traiter sur le pied d'égalité avec les acheteurs de leur forc&
de travail, comme pourraient le faire des vendeurs de matières premières.
Au lieu que leur faculté intégrale de travail et leur personnalité
tout entière soient livrées à la discrétion de l'employeur par
l'imprécision d'un accord verbal et individuel, les prestations de
services qu'ils s'engagent à fournir en échange d'un salaire déterminé
sont limitées par les clauses précises du contrat collectif.
Aux chefs d'entreprise, ce régime assure des conditions stables pendant
la durée d'application du contrat, et confère les plus solides
garanties contre les malfaçons volontaires et les grèves inopinées.
Aux uns et aux autres, il fixe une règle commune qui s'applique à
toute l'industrie, et donne un moyen de défense contre les rabais de
la concurrence.
Un régime contractuel aussi régulier suppose nécessairement une
organisation corporative très forte, aussi bien du côté des patrons
que des ouvriers. Car il faut que les unions soient assez riches pour
répondre sur leur caisse de l'exécution du contrat; il faut surtout
que les représentants des parties aient assez d'autorité, chacun dans
leur groupe, pour imposer à tous les membres de la profession,
syndiqués et même non syndiqués, l'observation des décisions prises
et le respect des conventions arrêtées.
A cet égard, l'arrangement direct entre les parties est bien supérieur
à l'arbitrage. Les décisions d'un arbitre de circonstance ou
d'une cour d'arbitrage officielle ne sauraient avoir qu'une autorité
purement morale, à la merci du caprice des intéressés, sous la seule270
LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE
.saarn_ction de l'opinion publique. La conciliation elle-même n'est réellement
efficace que dans certaines conditions. Des comités officiels
de conciliation qui se bornent à rapprocher les parties, et même des
comités mixtes qui émanent d'elles, mais sont élus au cours d'un
conflit par la foule inorganisée, ne sauraient jouer le même rôle ni
edxesercaesrsoclaiatmioênms e apuattororintéalesqueetdeosuvcroimèrietsés ppueirsmsaamnemnetsn,t dcéolnégstuitéuséesp.ar
Il faut que le syndicat patronal représente la majorité des intérêts
dpaetsronoauuvxri.ers Il dfaeutla aupsrosifesqsuioen,l'unieotn quo'eulvlerièraeit caosmsepzrendneeforlcae,mpaajorristées
lopefosfuicrpeastcroodnnetsrpôllaeectreomueevfnrftii,ecrascesme«secnsôtetcooylueersusrsemdeb»arorueucshtteeangteest csaepsinadbcilaveissidseudseelsd.perocpThoaôsnmetragqeou,ue
.ttpdrièoosuAnarcuvcssuaesyevpinatdennirdcc''éeaadeslneetsc-s,eielclnlaeoanpnepdpaeirrtanittoetdirnnqaéasuteenet dddaeednutscàraecvsolalneairstloraugmtainrgoeafenécusrdorielselueccroeqtriispufnoedrueaàssctttihrcfeiseiezml.lepdsqoeussdLsi ie'bpAfloolneapn'g.utlcleaotdteniérovrsneeosn,r--
-cMmc'eoa.sEmitMsnituécsnhpAdeanzreptgieilelareemltleearednrneeeq,nu1stes8a6d3lca'o,idnnnesdsstatciintotulusnettisciooilnlanimabtiéootninaensroesptceeriraitsileoedù,unadceilesesosstnaNtnrolucaetetntiinopgcnaophyslaaslrmec.ptdlia'f'iétnrloiedtncieataitlotiervnsaevaidldeeets
ouvrières sont fortes, nul ne peut exercer une profession s'il ne se
soumet à la règle commune établie par contrat; il y a même des
idnedsusoturiversiers,oùonlets aussneioznsd'emoupvirreièrepso,ur coexmcplurerenandtu ml'éimtiemrentoseut minadjiovriidtéu
qui n'adhère pas à l'union ou n'acquitte pas régulièrement ses coti.
ddscouatentiunocrensorsit.eodneCcmhehteéazculaednlsieèisqrteuusoellu,isvteretisela,drsepdnoaadtnveurisireef,eslr'ineledantufdsbeterrrai,els'scaehcriediezeur,lebsemâtmtéimcidna'eanenuuicttr,risee,snsd,laenisnsdcoouulnsvatsrrtiirceeuors-srencore,
c'est le système du contrat collectif qui domine et régit les
rapports du capital et du travail. Dans quelques-unes de ces professssoiaoinensnst,
qiuvleeneuxlisesstel'cehneattrnagfvoeenmrcetinootnsunel'ailntrécéregesrusaalinètrsemenotpérésdepduainss vliengtm-caicnhqinismanes,
~D21g..,SAuLr'trIoh~lnue.dr rcFeoson,ntLrtaaotiDnnceg~o,m~ILclaeyencssti,.f~e1Mn8!9PA7,pn2agrlvteliaoteel,ucrcromehn,eacvspioml.iianr-t8,ipTo'.rhnine,cCiDMpoaleielnetRh,moo1ued8ns9oit7efSr,cbsio,drolnLlceeehcyuteirvtee.BBeaatrrgiacieLES
UNIONS PROFESSIONNELLES 371 i
TL..ens ncll.na,sses -oluvrières so1-nt donc "p,na'nr-vWe'rnt.ues en AA ngle-t7e-rre, dans les
métiers organisés, à conquérir leur indépendance et à faire reconnaitre
leurs droits comme collectivités. Et loin que cette politique ait avivé
la guerre du capital et du travail, elle a contribué au contraire à
écarter bien des causes de conflit. La pratique habituelle du contrat
collectif dans la grande industrie a fait pénétrer la conciliation dans
les moeurs elle a fait naitre des organes qui, s'ils ne peuvent pas
toujours prévenir les conflits, sont du moins à la disposition des
parties pour les résoudre quand ils ont éclaté. Aussi les grèves
décroissent-elles en nombre et en importance globale. Si l'on compare
les moyennes annuelles des périodes 1891-9S et 1901-1904, on
voit le nombre des conflits descendre de 813 à 417, celui des travailleurs
atteints par la grève de 370 000 à 138 000, et celui des journées
de chômage de 14 millions à 3 millions; à la fin de la seconde
période, la dégression est encore plus sensible. Tout au contraire, en
France, les grèves s'accroissent en nombre et en importance totale,
suivant une progression particulièrement rapide dans ces dernières
années. Il n'est pas déraisonnable d'attribuer en grande partie cette
différence à celle des organisations professionnelles
Ce n'est pas à dire qu'en Angleterre même, tout soit parfait dans
les relations entre employeurs et salariés, ni que les unions ouvrières
échappent aux accusations d'adversaires passionnés; il est inévitable
qu'il se produise, a certaines époques de crise ou simplement de
stagnation économique, des retours offensifs de l'ancien esprit
patronal. Mais il faut rendre cette justice à l'unionisme anglais
qu'il remplit virilement sa tâche, avec fermeté et modération, et qu'il
a la gloire de montrer à tous les peuples la voie par laquelle des
classes ouvrières parvenues à un niveau élevé de caractère et de
moralité peuvent réaliser pacifiquement la démocratie industrielle2.
nisme en Angleterre, ch. i et passim, Colin, 1S97,in-M. J. Bruce M"Pherson,
~'o~M~n'yconciliation and a)-&<r<!<tOH:'nGnBMri~tain, Bull. of the Dep. of Lab.,
Washington, mai 1900.
1. Voir AnnexeVU, 2°.
2. Il parait difficilede considérer les ouvriers anglais comme des facteurs politiques
sans importance, venant à cet égard bien après les ouvriers de Russie. Tel
cesotmcmepeednedapnettiltes bpoouinrgtedoeisvsuaensdeidMéa.lK, faruatpspitéys,qdueidséecraedpernécseenmteorlaelse oeut vinriteerllseacntugelallies,
employant sottement leurs heures de loisir au football et aux courses, et n'ayant
d'autre objectif que les livres sterling (Kautsky, Be/'o;-me~sociales et révolution
sociale,Mouvementsocialiste, iS octobre j902,p. 1890).Ondevine le motifde cette
antipathie; les ouvriers anglais n'ont pas la consciencerévolutionnaire. La classe
eotuvproièrtreerelna lAunttgelemteêrmreessauitr ploeutretrarnatindépfoelnitdiqreues;esodnroleitsvoqiutabniednialsujsoounrtdm'huéci;onmnauiss,
elle le fait sans se convertir au socialisme révolutionnaire.
873 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ECONOMIQUE
La méthode du contrat collectif, si largement pratiquée dans la
grande industrie anglaise, reçoit également des applications fréquentes
aux États-Unis depuis quelques années. On la signale notamment
dans la construction des machines et la métallurgie, où le
système d'une échelle mobile des salaires a été essayé dès 1865 dans
les mines, dans l'industrie du b&timent depuis la grève de Chicago
en 1900; dans l'industrie du coton, la verrerie, la cordonnerie mécanique,
etc. En Australie et en Nouvelle Zélande, le régime du
contrat collectif s'est généralisé, sous l'influence des grandes unions
ouvrières et de la législation sur l'arbitrage obligatoire
Mais, dans la plupart des autres pays, le contrat collectif n'a été
pratiqué que d'une façon tout à fait exceptionnelle et incomplète. En
France, on a quelques exemples de conventions établies par l'arbitrage
d'un tiers à l'occasion d'un conflit. Les tullistes de Calais et
les mineurs du Pas-de-Calais ont même, à diverses reprises, conclu
directement des accords avec les représentants des patrons; mais il
n'est pas sorti de ces accords l'institution de comités permanents de
conciliation 3. A l'inverse, les conseils d'usine, que l'on rencontre
dans certains établissements de France, de Belgique, d'Allemagne et
d'Autriche, sont bien des organes fixes de conciliation, des « chambres
d'explication Hcomposées de délégués du patron et des ouvriers
ils ont bien pour fonction d'aplanir les différends individuels, et
même de conclure des accords collectifs pour l'avenir; mais ils sont
particuliers à un établissement, et ne peuvent que difficilement
régler les questions de salaires, parce que les salaires sont liés aux
conditions générales de la concurrence. Quant aux conseils syndicaux
institués dans les syndicats mixtes du Nord et du Pas-de-Calais, ils
ne semblent pas faits pour discuter et conclure des conventions collectives.
En Allemagne, la méthode du contrat collectif s'est introduite
dans quelques industries locales'. Il est môme remarquable que le
1p. 1V0ig12o, 6u5reetusx.., IL.<a:ceoonncceen?t:r<aati<o:nonfd~eMs /Wb)t'Hceo~uogMhbLy'r,t~e'ya'rde&~oHMNf2a~'lMe e?<'t~Mc<e<~MAC'o:&)'<'a<:OK
p. .Ë~cb-tfnM, Colin, 1899,septembreWilloughby,L'arbitrage et la conciliation
aur Ztafs-Unis, Muséesocial, septembre 1!JOj;Lesassociationspatronales pour les
relations avec le <)'aM: aux JE~a~-b'nMM, émoires,sept. 1905. Deux importantes
conventions, conclues en 1S!)9et 1900dans l'industrie sidérurgique et la
constructionmécanique, ont été dénoncéesdepuis lors par les syndicatspatronaux.
2. Office du travail, Métin, Législation OMO)'!efeet sociale en ~[Msh'aKeet
A'OMt'eHf-Ze~n~1f9, 0t, in-S".
3. Officedu travail, Les associations professionnellesOMM':et'et~. ,I, p. 388, et
t. 11,p. 43f et 445. Raynaud, Le contrat collectif de travail, p. 80, Rousseau,
1901,iti-S°.
4. Kulemann, Die Get<jer~cAa/'<x6e!ce~upn.y6,24et s. – Dupin, Du mouvement
LES UNIONS PROFESSIONNELLES 373
LKSSYSTÈMESSOCïAUSTËS. 18.
Congrès général des CeMe~c&a/'<eH socialistes réuni à Francfort en
1899 a voté une résolution favorable aux conventions établissant des
tarifs communs.
En comparant ces résultats, on est tenté de croire que l'état
d'équilibre et de paix industrielle réalisé par le contrat collectif est
un régime propre aux pays anglo-saxons, et qu'il a peu de chances
de s'acclimater ailleurs. Il est possible, en effet, que le succès des
unions anglaises, américaines et australiennes s'explique en grande
partie par le caractère particulier des ouvriers anglo-saxons. Toutefois,
il faut noter que le pays du continent européen où les associations
ouvrières sont les plus fortes, le Danemark, est celui, dit-on, où
le contrat collectif s'est le mieux établi. Il est également remarquable
que les typographes, dans tous les pays avancés, pratiquent le
système des ententes; ils concluent avec les patrons des accords sur
les tarifs de salaires et les délais de dénonciation, et établissent des
organes permanents de conciliation. Ce n'est pas seulement en
Angleterre et aux États-Unis que les imprimeurs recourent à ces
procédés; c'est aussi en Allemagne, où le tarif commun s'appliquait,
en 1901, dans 3372 maisons employant 34000 ouvriers; c'est encore
en Autriche, en Belgique, et dans une certaine mesure en France'.
Or, les typographes comptent certainement parmi les ouvriers les
plus intelligents, les plus instruits et les mieux payés; presque partout,
leur profession est celle où l'on relève la plus forte proportion
de syndiqués, et leurs corporations sont les plus riches et les mieux
organisées. Ils sont donc, en tout pays, les pionniers de l'idée nouvelle,
et tout porte à croire que le régime qu'ils ont su établir dans
leurs rapports avec le patronat s'étendra, sans distinction de race,
aux diverses couches de la classe ouvrière à mesure qu'elles atteindront
le même niveau de culture.
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