Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 3 - le gouvernement de la postérité »

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==L'organisation de l'immobilité==
==L'organisation de l'immobilité==


En raison des limites qui bornent notre entendement et notre puissance, la dynamique des capacités humaines obéit à la règle suivante : plus les intérêts à diriger sont complexes, moins il est possible de les diriger au moyen de la contrainte exercée par une autorité supérieure. Ce n'est pas là l'opinion générale. On suppose généralement que la complexité croissante de l'ordre social nécessite une intervention croissante de l'autorité gouvernementale. Mon avis personnel est au contraire que plus les affaires deviennent compliquées, plus elles prennent d'extension dans le temps et dans l'espace, plus elles s'interpénètrent et dépendent les unes des autres, plus il est nécessaire que l'autorité des représentant du pouvoir se simplifie et devienne moins intensive, moins directe, moins générale.
En raison des limites qui bornent notre entendement et notre puissance, la dynamique des capacités humaines obéit à la règle suivante : plus les intérêts à diriger sont complexes, moins il est possible de les diriger au moyen de la contrainte exercée par une autorité supérieure. Ce n'est pas là l'opinion générale. On suppose généralement que la complexité croissante de l'ordre social nécessite une intervention croissante de l'autorité gouvernementale. Mon avis personnel est au contraire que plus les affaires deviennent compliquées, plus elles prennent d'extension dans le temps et dans l'espace, plus elles s'interpénètrent et dépendent les unes des autres, plus il est nécessaire que l'autorité des représentant du pouvoir se simplifie et devienne moins intensive, moins directe, moins générale. Il faut qu'elle cède la place, comme nous le verrons plus loin, à un contrôle social exercé par une loi commune<ref>Voir au chap. XIII.</ref>.
 
La complexité politique (qu'il convient de distinguer de la complexité juridique) doit être en raison inverse de la complexité des affaires. On peut diriger beaucoup un petit nombre de choses, mais on ne peut administrer que peu un grand nombre de choses.
 
Ce principe essentiel apparaît clairement dans la stratégie. Si l'on compare par exemple la campagne du colonel Lawrence en Arabie à celle des Alliés sur le front occidental, on constate qu'une guerre de mouvement n'est possible que pour des troupes peu nombreuses et légèrement équipées. Au fur et à mesure que les armées deviennent plus grandes et que leur équipement s'alourdit, elles perdent leur capacité de manoeuvre stratégique, et sont réduites à se grignoter tactiquement en rampant. Leur inertie devient telle qu'elles ne peuvent pousser que dans la direction dans laquelle elles sont parties, et qu'essayer stoïquement de durer plus longtemps que l'ennemi. Dans la période finale, toute mobilité peut disparaître, lorsque les services de ravitaillement deviennent si compliqués qu'ils arrivent tout juste à se ravitailler eux-mêmes. A ce moment-là, une armée devient stationnaire, et ne peut avoir d'autre objectif que celui de se maintenir à l'endroit où elle est, où qu'elle soit<ref>Voir ''Future Warfare'', par B. H. Liddell Hart, Atlantic Monthly, décembre 1936.</ref>.


== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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