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entier, conformément au principe socialiste, en un fonds commun de | entier, conformément au principe socialiste, en un fonds commun de | ||
jouissance collective. | jouissance collective. | ||
== Chapitre 9. L'école marxiste vis-à-vis des plans de société collectiviste | |||
et des autres formes de société socialiste. == | |||
Les socialistes de l'école marxiste ont toujours refusé, nous l'avons | |||
vu, de se prononcer catégoriquement sur l'organisation de la société future. Toutefois, il est possible de discerner, derrière leurs réticences, une adhésion tacite ou indirecte au collectivisme pur. | |||
Nous en avons d'abord une preuve négative dans leur attitude vis-à-vis des autres formes plus ou moins tempérées du socialisme; ils ont combattu successivement tous les plans de société qui laissent subsister la valeur soumise aux variations de l'offre et de la demande. | |||
Le coopératisme leur inspire quelque dédain. M. Kautsky met les | |||
ambitions du coopératisme sur le même rang que le calcul bien | |||
connu, d'après lequel un pfennig placé à intérêts depuis la naissance | |||
du Christ représenterait aujourd'hui une somme fabuleuse. Il rappelle qu'au Congrès de l'Internationale tenu à Geneve en 1866, Marx fit adopter une résolution d'après laquelle le mouvement coopératif ne sera jamais en état de transformer la société capitaliste. Le parti socialiste n'accepte la coopération que comme un moyen très limité, et dans de certains conditions. | |||
Les socialistes marxistes ont toujours combattu le régime corporatif, | |||
quel qu'il soit. A leurs yeux, l'ordre sociétaire, avec la propriété | |||
corporative des moyen de production et la concurrence, c'est encore | |||
l'inégalité possible des profits, la persistance de certains revenus | |||
capitalistes, l'anarchie toujours menaçante dans l'organisation de la | |||
production. | |||
Rodbertus rejetait déjà la propriété des communes ou des associations | |||
de travailleurs, comme étant une forme de la propriété privée | |||
Schaeffle, se plaçant au point de vue socialiste, considère que le | |||
système des groupes de production autonomes et concurrents est | |||
essentiellement contraire au principe de la propriété collective; il est | |||
vrai qu'il ne parait pas songer aux associations ouvertes; Engels, | |||
de son côté, a vigoureusement critiqué le plan de socialisme communal | |||
de M. Dûhring. M. Gabriel Deville déclare nettement que | |||
" les inconvénients de la propriété individuelle se retrouvaient dans | |||
la propriété communale, et aussi dans la propriété corporative, à | |||
cause, notamment, des partages inégaux qui en seraient la conséquence, | |||
de la productivité différentedes moyens de production, etc.". | |||
M. Jules Guesde écrit " Seuls, les anarchistes, qui ne sont | |||
que des individualistes d'une forme particulière, ont pu penser à | |||
communaliser ou à corporatiser la propriété et la production "; les | |||
socialistes, eux, ne veulent pas plus du monopole corporatif ou communal | |||
que du monopole individuel; cette forme, qui pousse les | |||
groupes propriétaires à se fermer, est une source d'inégalités et d'antagonismes. | |||
Enfin, M. Kautsky a mis à l'index le ''Freiland'' de | |||
M. Hertzka, qu'il traite d'utopie superficielle. | |||
Le socialisme d'État évolutionniste, se réalisant par extension | |||
progressive des services publics, n'est pas moins vivement combattu | |||
par les principaux représentants de l'école. | |||
Sans doute, en remontant au ''Manifeste communiste'', on trouverait | |||
exposé, à titre de mesures transitoires et variables, tout un programme | |||
de socialisme d'État progressif; c'est l'extension des exploitations | |||
agricoles et industrielles de l'État, la centralisation des industries | |||
de transport et des instruments de crédit entre ses mains, par | |||
des moyens tels que l'impôt progressif, l'abolition de l'héritage et la | |||
confiscation de la propriété foncière. Le prolétariat usera de sa | |||
suprématie politique pour arracher peu à peu à la bourgeoisie tous | |||
les capitaux, pour centraliser entre les mains de l'État, c'est-à-dire | |||
du prolétariat constitué en classe dirigeante, les instruments de | |||
production. Mais il ne faut pas oublier que le Manifeste date de 1847 et que, depuis lors, les idées de leurs auteurs se sont modifiées sur le point qui nous occupe. Dans la préface du Manifeste écrite en 1872, Marx et Engels déclare en effet n'attacher aucune importance à ces | |||
mesures révolutionnaires, qui, disent-ils, devraient être modifiées | |||
sur plusieurs points. | |||
Quelques années plus tard, dans ''l'anti-Durhing'', dont la première édition date de 1878, Engels se prononce d'une façon plus nette. Il déclare que l'État moderne, quelle que soit sa forme, est essentiellement une machine capitaliste; c'est pour ainsi le capitaliste collectif ideal. Plus l'Etat accapare de forces productives, et plus il exploite les citoyens; car ses ouvriers restent des salariés, des prolétaires, et la relation capitaliste entre salariés et salariants, loin d'être abolie se trouve ainsi poussée à bout. L'appropriation par l'État des forces productives n'est donc pas la solution du conflit. | |||
Mais Engels ajoute immédiatement qu'elle en contient les éléments. | |||
Effectivement, la solution qu'il esquisse consiste à substituer à l'État | |||
transforme les moyens de production en propriété publique. La | |||
société prendra donc ouvertement et franchement possession des | |||
fnoisrcaenst plarodpurocdtiuvcetsi,on etsomcieatltera suli'ovradnrte uànlaplapnlacedétdeerml'iannéa,rcheien laenrégolragnatd'après | |||
ses besoins et ceux de chacun de ses membres. Elle s'approedpt'reiexlariasistesenlrecase | |||
plreeostduidnitedsivjoiduduiesssstainnécsse'a~p.pàreonptrrieetrenirceuext àqudiévecloonpspisetrentla pernodumcotiyoenn,s | |||
M. Jules Guesde expose les mêmes vues en 1883. L'absorption | |||
graduelle des industries privées par l'État, qui forme, dit-il, le | |||
lbaagfaogrece sodceiacliosmtepredsessionpseuddoe-clo'Émtamt uncisatpeistalisted,e paaccocrtiollîetr,aitauglme enntoemrabitre | |||
aduuensxe sscaorlcaisiréeiétsés, aaqyuuax'nilt deéaxsbposlroodrirtbeeés, eodtu'osùofounsddtrouaiitratisotourtteisrunlel'eosprdacrretliaessleidbseérealanteupurr.ondeucSsteeiuoulnlee,, | |||
également propriétaire et également productrice, peut donner lieu à | |||
des services réellement publics. Cette société doit sortir des excès du | |||
So«c'iéténouMvaerlxleetdeElnibgrealsir,ieL,ei9~0<i-, brochcuorme.muniste,éd. Andler, I, rp. 6, 53 et 34, | |||
e4At .?séo'd~c.,iapli.s3m0e0MetMs.~, ~ESMutug-te,tgnpar.d3,0Deitetsz.,,1PD9~0e?!r,vpeeatu. xin,1-8S;8t0rWa,bdir.sosdceahnnussrcehS.aofcti(a~l-iDsmaAeurt~o)p,ique | |||
ii6 LES SYSTEMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
_m; | |||
capitalisme, et non d'une extension progressive des services publics. | |||
monopolisés par l'État. Dans la production capitaliste, ce qui importe | |||
aux socialistes révolutionnaires, c'est la centralisation industrielle et | |||
commerciale, la création de moyens de production de plus en plus. | |||
gigantesques, et leur possession par un nombre de plus en plus restreint | |||
de capitalistes inutiles et incapables; ce n'est pas leur monopole | |||
par l'État 1. t | |||
En procédant par élimination, nous venons, de voir les marxistes. | |||
repousser tour à tour le coopératisme, le socialisme sociétaire, le | |||
socialisme communal et le socialisme d'État progressif. Pour ceux | |||
qui ont conservé la vraie tradition révolutionnaire, ces voies sont. | |||
trop lentes et conduisent à des résultats incomplets. Seule, la socialisation | |||
intégrale des moyens de production peut abolir la distinction | |||
des classes; et il semble ressortir des passages cités plus haut quecette | |||
socialisation doit s'effectuer d'un seul coup, par la brusque et | |||
totale absorption des entreprises privées, le jour où le prolétariat se | |||
sera emparé du pouvoir politique. La principale raison que l'on | |||
invoque contre le socialisme d'État progressif, c'est qu'il accroîtrait | |||
la force d'oppression de l'État capitaliste; on ne prévoit pas cependant | |||
que le prolétariat, devenu maître du pouvoir, procéderait à | |||
une transformation successive. Jusqu'ici, c'est la thèse de la catastrophe, | |||
de la révolution prolétarienne, qui domine dans le marxisme. | |||
Mais si la socialisation doit être intégrale, quel sera le mode des. | |||
échanges dans cette société nouvelle? Le régime pourrait être aussi bien | |||
un socialisme d'État intégral, dans lequel les prix, variables suivant | |||
l'offre et la demande, fourniraient des indications sur les besoins des | |||
consommateurs, qu'un collectivisme pur, dans lequel l'État réglerait. | |||
la production d'après les statistiques, et taxerait les travaux et les produits | |||
en unités de travail. Les socialistes marxistes, attachés à la socialisation | |||
intégrale des moyens de production et à l'établissement d'un | |||
modesocialistede production et d'échange, sont ils restés indifférents | |||
au régime de la valeur qui doit être l'âme de ce mode d'échange? Je ne | |||
le pense pas. Sans sortir des limites d'une interprétation légitime de | |||
leur pensée, on peut conclure de certains indices que les fondateurs | |||
de l'école n'entrevoyaient pas, pour l'avenir, un autre collectivisme | |||
que celui dans lequel travaux et produits seraient taxés suivant le, | |||
temps de travail social. | |||
Nous trouvons, il est vrai, dans les oeuvres de Marx et d'Engels, | |||
i J. Guesde,Servicespublics et socialisme;J. Guesdeet P. Lafargue, ~p~ | |||
p~ ouvrier; brochures de la Bibliothèquesocialiste, Oriol, 1883(se | |||
trouvent a bibliothèquedu Muséesocial). | |||
L'ÉCOLE MARXISTE ET LE COLLECTIVISME in 7 | |||
d~eo nombreux passages ou · ils traitent d'utopiques les systèmes de | |||
Jmoehnnt lG'emrapyl,oi Brdaeys, boPnrosuddheontravaeitl Rcoodmbmeretus,monqnuaiieadrmepertétasieennttativejusted-e | |||
la valeur en travail. Mais pourquoi Marx et Engels voyaient-ils là | |||
une utopie? C'est uniquement parce que Proudhon, Rodbertus et | |||
autres voulaient introduire cette monnaie dans le milieu actuel de la | |||
concurrence, et qu'ils pensaient réaliser ainsi, dans tous les échanges | |||
individuels, la « valeur normale », la valeur constituée par le seul | |||
temps de travail, sans abolir en même temps la production libre, les | |||
-échanges privés et la concurrence. | |||
Or, dit Engels, cette conception est contradictoire. En régime de | |||
concurrence, la valeur des marchandises déterminée par le temps de | |||
ttrraavvaeirls lseoscifalluecmtueanttionsnécedsessairperix,n'aqpupiarsaoîtnt cinoémvmitaebleusn. e Lré'uatloitpéie que'sàt | |||
donc de « vouloir, dans une société de producteurs échangeant leurs | |||
marchandises, établir la valeur par le temps de travail, tout en | |||
empêchant la concurrence de déterminer cette valeur suivant le seul | |||
mode qui lui soit possible, par pression sur les prix ». En outre, si | |||
l'on supprime ces fluctuations, on supprime par là-même le seul | |||
raéugxulabteesuorins qsuoiciapuexrm'. ette aux producteurs d'ajuster leur production | |||
Le point de vue est le même chez Karl Marx, dans la critique qu'il | |||
dirige contre Proudhon et ses prédécesseurs, Bray et Gray. Vouloir | |||
que les produits s'échangentdans la proportion exacte du temps de travail | |||
qu'ils ont coûté, alors qu'ils sont fabriqués comme marchandises | |||
sep'naértaicdtoenscfauiirntredeinvecinedusradpopiaotgrtistsoauenxjtoaucrtsisoalvésem'caecnclaot,mdepmlci'raenstdecosumepmtpoeasveersci llqeauedperglo'rédécuhcadtin'ougnteilité | |||
sociale des marchandises. Mais, dans un système de production | |||
irnitdéisvidquuei,llee,n mlaoyreèngnlee, nesefcaoitmploeinsqeunet peatr slee djeéutruaisveenutglemudteuselliermréegnutl.a- | |||
Lorsqu'une marchandise est produite en excès, le travail individuel | |||
dépensé pour sa production l'a été en pure perte; l'effet est le même | |||
'~°e' de DRanosdcbeet~rtteMusep.~rEéenfdaercéeal,alEiténp,gheielltostesosnepemhipbeol,erptrdeéifrqaiguceeer cdco'eEntnttergeeclrlsei,tisqpyu.set2è2mc,oenGthriaeyr.db~,ru~1ve8re0de6, | |||
.i~Dioua~npcVroaè~nds(tmilr8eaiTinrsteie)s,u,trllaattecimvriepteistquddeeetntar'xaaatvttadeioiialnnntnseoplneramqusunaleieltl,éspsleausndrsepctroqriaxlulveesacolitalnivstpoifrsicomxidaéeuls,,cleptexiaorpsnoyl'scsaéteuèstmposaereridtdé'nêetoprdpuerbboletiidbrqturnuecsc.- | |||
~apital, pp. 129~e~ti~130). et en 1852dans Das Kapilal (Rodbertus, Le | |||
US LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
< -– –t:m~n!t QTvtT\1r\~r~T~rm~an mnrque | |||
si chaque producteur en particulier avait employé, pour sa marchandise | |||
individuelle, plus que le temps nécessaire socialement. | |||
Aussi des marchandises issues de travaux particuliers et indépendants | |||
n'ont-elles pas directement le caractère de produits du travail | |||
social, et ne peuvent-elles pas s'échanger immédiatement entre elles | |||
dans la mesure du travail social qu'elles renferment. Elles n'expriment | |||
et ne mesurent leur qualité de produits du travail social que lorsqu'elles | |||
s'échangent contre une tierce marchandise, l'or ou l'argent, | |||
qui a été adoptée comme équivalent universel et qui, à ce titre, est | |||
l'incarnation du temps de travail général. Mais dans cette aliénation | |||
gît la possibilité d'une. divergence entre la valeur de la marchandise, | |||
-constituée par le temps de travail socialement nécessaire | |||
à sa production, et son prix en monnaie, qui est soumis | |||
aux variations de l'offre et la demande; c'est seulement sur l'ensemble | |||
que ces écarts se compensent. L'échange de quantités égales | |||
de travail n'est donc pas possible dans le régime des échanges | |||
individuels 1. | |||
Mais si Marx considère la « monnaie ou bon de travail )) comme | |||
une utopie dans le milieu actuel de production, il n'adresse au contraire | |||
aucune critique au bon de travail de Robert Owen, parce que | |||
Owen suppose d'abord un travail socialisé'. En effet, le bon de travail | |||
est bien la monnaie qui convient, par déduction du principe | |||
marxiste de la valeur, à un régime de production socialisée. Pour | |||
s'en rendre compte, il faut examiner de près les indications que peuvent | |||
contenir les écrits de Marx et d'Engels sur leurs conceptions de | |||
l'avenir. | |||
Dans la phase supérieure du développement de la société communiste, | |||
lorsque le Droit se sera complètement émancipé des caractères | |||
de l'ancienne économie nationale, la société inscrira sur ses drapeaux | |||
Chacun selon sa capacité; à chacun selon ses besoins. Mais | |||
dans la première phase de la société communiste, la plus rapprochée | |||
de l'ère capitaliste, le droit égal devra subir encore une limite | |||
i. Karl Marx, ~M philosophie,p. 77à <07;C~<~ politrad | |||
Remy, p. 96à 101,SoMeicher,1899,in-i2; Lecapital, liv. trad. Roy, | |||
n~ ~'inSe i, et p. 42 & 45. Kart Marx et Engels ajoutent que, si Fon | |||
confie régime de la production privée, on conserve nécessairementaussi la | |||
plus-value au profit des détenteurs des moyensde production,puisque la force de | |||
~este~une marchandise dont la valeur est déterminée par le temps de travail | |||
nécessaire & sa production. Pour ne pas compliquer l'exposé de la the°r.e | |||
marxiste, j'ai négtigé les écarts entre la valeur et le prix qui n'ont pas pour cause | |||
les irrégularités de la production libre. n, av-.it | |||
'2.Part Marx,Le capital, liv. trad. Roy, p. 39 note 1 En fait, Owen avait | |||
cependant tenté l'épreuve de cettemonnaie dans la société actuelle. | |||
L'ÉCOLE MARXISTE ET LE COLLECTIVISME 119 | |||
bourgeoise; le droit des producteurs sera proportionnel au. travail | |||
fourni. Telle est l'idée exprimée par Karl Marx dans une lettre écrite | |||
en 1878, à la veille du Congrès de Gotha 1. | |||
Cette idée correspond d'ailleurs exactement à l'hypothèse qui se | |||
trouve exposée dans un passage du Capital « Représentons-nous | |||
une réunion d'hommes libres travaillant avec des moyens de production | |||
communs, et dépensant, d'après un plan concerté, leurs | |||
nombreuses forces individuelles comme une seule et même force de | |||
travail social. Le produit total des travailleurs unis est un produit | |||
social. Une partie sert de nouveau comme moyen de production et | |||
reste sociale; mais l'autre partie est consommée, et; par conséquente | |||
doit se répartir entre tous. Le mode de répartition variera suivant | |||
l'organisme producteur de ia société et le degré de développement | |||
historique des travailleurs. Supposons, pour mettre cet état de | |||
choses en parallèle avec la production marchande, que la part | |||
accordée à chaque travailleur soit en raison de son temps de travail. | |||
Le temps de travail jouerait ainsi un double rôle. D'un côté, sa distribution | |||
dans la société règle le rapport exact des diverses fonctions | |||
aux divers besoins de l'autre, il mesure la part individuelle de | |||
chaque producteur dans le travail commun, et en même temps la | |||
portion qui lui revient dans la partie du produit commun réservée à | |||
la consommation. ))~2 | |||
D'après Marx et Engels, dans un mode de production socialement | |||
organisée, il ne peut plus y avoir divergence entre la valeur, constituée | |||
par le temps de travail social, et le prix, variable d'après les | |||
besoins; car les besoins, étant exactement satisfaits, n'exercent plus | |||
d'influence perturbatrice sur les prix, qui se confondent désormais | |||
avec la valeur formée par le travail. Les représentants de la société | |||
établissent eux-mêmes la concordance entre le temps de travail social | |||
et le besoin, qu'ils sont chargés d'apprécier exactement. « Ce n'est | |||
que lorsqu'elle contrôle efficacement la production, de manière à | |||
pouvoir la déterminer à l'avance, que la société fait correspondre le | |||
temps de travail consacré à la production d'un article à l'importance | |||
du besoin que cet article doit satisfaire. » Alors les produits, n'étant | |||
plus des marchandises issues de travaux privés indépendants, n'ont | |||
plus besoin de prendre un détour pour exprimer leur qualité de pro- | |||
1. {/HClettre ~ej~~Afa~trad. Platon, Revued'êconomiepolitique, 188~,p. 737 | |||
et 758. | |||
2. Karl Marx, Le eap:'<<!7li,v. T, trad. Roy,p. 3i. | |||
3. Karl Marx, Lecapital, Mv.111,1'. partie, p. iOO,trad. Borchardt et Vanderrydt. | |||
Giard, iOOi,in-8. | |||
120 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
duits du travail social; ils peuvent se passer de la mesure relative, | |||
Tacillante et toujours incertaine d'une monnaie-marchandise; ils ont | |||
en effet par eux-mêmes, et immédiatement, le caractère de produits | |||
du travail social, et peuvent s'échanger directement entre eux dans | |||
la proportion des quantités de travail qu'ils contiennent 1. | |||
Ainsi, dans la pensée de Marx et d'Engels, il suffit que la production | |||
soit entièrement socialisée pour que les produits correspondent | |||
exactement aux besoins sociaux. Jamais Marx et Engels n'ont supposé | |||
que, dans un régime de production organisée et dirigée suivant un plan | |||
d'ensemble, les approvisionnements d'un produit pussent s'écarter | |||
tant soit peu des quantités demandées; jamais ils n'ont songé non | |||
plus aux objets rares dont la reproduction est impossible. Aussi le | |||
problème de l'équilibre entre la demande et les produits se trouve-t-il | |||
bien simplifié à leurs yeux; en régime communiste, l'offre et la | |||
demande coïncident de plein .droit; elles ne peuvent donc provoquer | |||
aucune divergence entre valeur et prix. | |||
Évidemment, dans ces conditions hypothétiques, la monnaie ne | |||
peut être que le signe de la valeur-travail, et la représentation de la | |||
valeur par une monnaie symbolique ne joue qu'un rôle secondaire. | |||
Comme le dit Engels, en parlant des échanges qui s'accomplissent à | |||
l'intérieur de la commune collectiviste imaginée par M. Dühring, le | |||
signe représentatif employé, qu'il soit en papier, en cuivre ou en or, | |||
n'est pas plus une monnaie-marchandise que ne le serait une contremarque | |||
de théâtre; c'est un simple certificat de travail, représentant | |||
la part individuelle du producteur dans le travail commun et dans | |||
le produit commun; c'est un pur signe, qui pourrait être remplacé | |||
par des inscriptions d'unités au débit et au crédit de chacun sur les | |||
livres de la comptabilité publique2. | |||
Est-ce à dire qu'Engels admette indifféremment. la représentation | |||
de l'unité de travail par des. chiffons de papier ou par des jetons | |||
d'or? Nullement; Engels reproche au contraire à M. Dühring d'avoir | |||
conservé, dans son organisation socialiste, les pièces d'or comme | |||
contre-marques du travail, parce que le métal précieux risque toujours | |||
d'abandonner son rôle de signe pour jouer celui de monnaie | |||
réelle. Certains membres de la société communiste prêteront à intérêt | |||
les pièces d'or, s'en serviront au dehors pour faire le commerce et la | |||
banque, et finiront par dominer toute la production, même à l'intérieur | |||
de la commune. Toutes les communautés historiques se sont | |||
1. Engels, ~KK-DM/trh~,p. 335. | |||
2. Mêmeidée chez Karl Marx, a propos des bons de travail d'Owen dans une | |||
sociétéoù le travail est soeiaUsé(Le capital, liv. 1, trad. Roy, p. 39, note 1). | |||
L'ÉCOLE MARXISTE ET LE COLLECTIVISME 131 | |||
dissoutes sous l'influence de l'argent'. Marx dit que « si la production | |||
nationale était organisée, la monnaie métallique ne serait nécessaire | |||
que pour solder les différences du commerce international )). | |||
Telles paraissent être, sur l'organisation de l'avenir, les idées fondamentales | |||
des chefs du socialisme contemporain socialisation | |||
intégrale des moyens de production, ne laissant subsister ni la propriété | |||
du paysan, ni celle de l'artisan ou du boutiquier; organisation | |||
de la production suivant un plan d'ensemble, de telle sorte qu'elle | |||
sera exactement adaptée aux besoins; répartition du produit dans | |||
la proportion du travail fourni par chacun, au moins pendant une | |||
période transitoire; élimination, par le fait même du mode de production, | |||
de toute divergence possible entre la valeur-travail et le | |||
prix résultant de l'offre et la demande; exclusion de la monnaie | |||
métallique, mémo comme signe du temps do travail social. C'est | |||
bien le collectivisme dans toute sa pureté. Aussi les socialistes | |||
marxistes, si rigoureux dans leur critique des autres systèmes socialistes, | |||
n'ont-ils jamais combattu, à ma connaissance, les exposés | |||
didactiques du collectivisme proprement dit. Schseffte ne s'est donc | |||
pas trompé, quand il a décrit ce régime comme se déduisant logiquement | |||
des principes de l'école. Le tableau du contenu positif du | |||
socialisme qu'il a présenté est bien, comme il le dit, la conséquence | |||
rigoureuse des données principales, tant critiques que positives, des | |||
théories socialistes contemporaines. C'est là ce qui donne au collectivisme | |||
son importance, et ce qui justifie la place que nous lui avons | |||
réservée dans cette discussion. | |||
Mais aujourd'hui, les représentants plus autorisés de la doctrine | |||
marxiste, sans rompre ouvertement avec le collectivisme et avec la | |||
révolution totale qu'il suppose, appliquent à la révolution sociale | |||
une définition si large, qu'elle convient parfaitement à une transformation | |||
lente de l'ordre économique. Ils admettent une socialisation | |||
progressive des moyens de production, opérée par le prolétariat | |||
investi de la puissance politique, et ne manifestent plus aucune | |||
répugnance pour le socialisme d'État partiel et progressif'. | |||
M. Kautsky a lui-même élaboré un plan d'organisation sociale qui | |||
se rapproche beaucoup du programme de César de Paepe, de | |||
1. Engels, ~M7iftM.?, p. 327 et s. | |||
2. Marx, Le capital, 1. IU, 2° p., trad. Borchardt, p. C6. – Bebeldéclare qu'un | |||
certificat quelconque en papier, en or ou en fer-blanc, constatera le temps de | |||
travail fourni, et mettra ['intéressé enmesure d'échanger ces marques contre les | |||
objets dont il aura besoin (La femme,trad. Ravé, p. &73,Cajre, f80!). | |||
3. Kautshy,Rf/brmes MCM~M et révolution sociale,Mouvementsocialiste, sept. | |||
1902,p. 1541;Le lendemain de ~'euo~. sociale, t" et 15février, et 1"' mars IUÛ3. | |||
122 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION | |||
ÉCONOMIQUE | |||
AMf . TB1_ rousse et.' t des autre es socivaliWstes partiWsans tv d'une extension n successive | |||
des services publics. Est-ce bien un plan? C'est plutôt, dans | |||
la pensée de son auteur, une étude indépendante des théories, présentée | |||
comme un exercice de la pensée et un moyen de propagande. | |||
Son but immédiat est de rechercher ce que le prolétariat au pouvoir | |||
sera contraint de faire sous la pression des circonstances, s'il veut agir | |||
efficacement. | |||
Il socialisera les exploitations capitalistes, c'est-à-dire les moyens | |||
de production mis en oeuvre par le travail salarié. Non pas qu'on | |||
doive nécessairement recourir à la forme brutale de la confiscation | |||
pure et simple; on pourrait inscrire des indemnités sur le livre de la | |||
dette publique, sauf à établir un impôt progressif dont le taux | |||
accéléré permettrait d'arriver un jour à la suppression totale du | |||
revenu, et par conséquent du capital de l'indemnité. | |||
La socialisation ne se ferait pas uniquement au profit de l'État les | |||
communes et les associations coopératives recevraient dans leur | |||
domaine les entreprises qui n'auraient pas un intérêt général. La | |||
socialisation ne serait même pas intégrale; elle n'atteindrait pas les | |||
petites exploitations paysannes, ni les métiers où le travail à la main | |||
conserve sa raison d'être. La propriété et l'exploitation des moyens | |||
de production et de transport affecteraient donc toutes les formes | |||
imaginables, bureaucratique, communale, coopérative, et même | |||
individuelle; des producteurs individuels pourraient encore vendre | |||
leurs marchandises aux particuliers et les porter sur le marché. | |||
Même variété dans la rétribution du travail, à la journée, à la tâche, | |||
à l'ouvrage collectif, avec ou sans participation aux bénéfices, etc. | |||
Même liberté dans les échanges; on pourrait acheter les marchandises | |||
aux magasins publics, aux coopératives, aux producteurs individuels. | |||
« Le mécanisme économique d'un État socialiste admet la | |||
même variété que celui d'aujourd'hui. » | |||
Est-ce donc la société actuelle, avec la monnaie, l'offre et la | |||
demande, la concurrence, le salariat, etmême les revenus capitalistes? | |||
Le régime actuel ne subirait-il d'autre changement qu'une extension | |||
des entreprises étatistes, municipales et coopératives aux dépens des | |||
entreprises capitalistes, et une réduction progressive des revenus | |||
capitalistes par un procédé raffiné de confiscation? Effectivement, | |||
c'est la conclusion qui s'impose à la suite de cet exposé. | |||
M. Kautsky a soin de nous dire, cependant, que l'autorité réglera | |||
la production, qu'elle assignera à chaque fabrique sa part de production | |||
suivant les moyens dont elle dispose et suivant les besoins. | |||
Il ne veut pas de la lutte à outrance à laquelle nous condamne le | |||
L'ÉCOLE MARXISTE ET LE COLLECTIVISME 123- | |||
1 t" 1 1 1 Il r. | |||
régime actuel de la concurrence; il ne veut pas d'une production | |||
réglée par le seul jeu des prix variant suivant les lois de la concurrence. | |||
Il conserve l'argent, qui reste indispensable comme moyen | |||
de circulation tant que l'on n'aura rien trouvé de mieux; il admet | |||
le salaire en argent, déterminé d'après les quantités produites et | |||
d'après l'offre et la demande du travail mais il affirme que « l'argent | |||
ne sera plus la mesure des valeurs, ne sera plus un objet de valeur. | |||
La monnaie métallique pourra être remplacée par toute autre monnaie. | |||
Les produits pourront être maintenus à des prix indépendants deleur | |||
valeur ». | |||
Mais ces réserves sont contradictoires et sans portée. En ce qui concerne | |||
la concurrence, il est très réel qu'elle sera restreinte si l'État dispose | |||
des productions les plus importantes; dans ces branches socialisées, | |||
les prix subiront moins de variations, parce que l'État, agissant. | |||
comme un trust et envisageant les ensembles, pourra mieux régler | |||
la production d'après les besoins de la consommation. Néanmoins, | |||
les prix des produits monopolisés par l'État varieront encore dans | |||
une certaine mesure d'après l'état de la demande, et ces variations | |||
indiqueront même à l'autorité directrice les limites à observer dans | |||
les productions où le prix de revient n'est pas uniforme. Quant | |||
aux prix des marchandises produites par les communes, les corporations | |||
et les individus, quant aux salaires des travailleurs, ils subiront | |||
les effets de la concurrence et les variations de l'offre et la, | |||
demande tout comme aujourd'hui, puisque le régime des échangea | |||
privés subsistera tout entier; on ne saurait même concilier avec ce | |||
régime de libre marché la tutelle administrative que M. Kautskyveut | |||
imposer à la production corporative et individuelle. | |||
C'est surtout au sujet du rôle de l'argent que M. Kautsky me' | |||
paraît se méprendre. A cet égard, il n'y a pas de moyen terme si | |||
l'on n'adopte pas le système de la valeur taxée par l'autorité publique | |||
en unités de travail social et il y a de bonnes raisons pour que | |||
les socialistes contemporains renoncent à cette illusion, -il faut de. | |||
toute nécessité conserver à l'argent sa fonction de mesure de la | |||
valeur, à titre de marchandise servant de terme commun pour tous. | |||
les rapports d'échange. Dans ce régime de socialisme partiel, rien | |||
n'est changé au mode de la valeur; l'argent reste indispensable, la | |||
monnaie de base ne peut être que métallique, et la mesure des | |||
valeurs ne peut être donnée que par un certain poids d'or ou | |||
d'argent. | |||
Peu importent d'ailleurs ces quelques méprises. Ce qu'il est intéressant | |||
de noter ici, c'est la nouvelle phase dans laquelle le marxisme< | |||
24 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
est entre. La thèse de la catastrophe est presque reniée; la révolution | |||
violente et brusque à peu près écartée, le coHectivisme pur ignoré le | |||
socialisme d'État lui-même, loin d'être pris dans le sens intégral, se | |||
présente comme progressif; il subit l'alliage du socialisme municipal, | |||
du coopératisme et même de l'individualisme. Le socialisme se | |||
dégage de l'utopie, et cherche à se rendre acceptable en s'éloignant | |||
tous les jours un peu plus du collectivisme des temps héroïques. |
modifications