Friedrich A. Hayek:La Constitution de la liberté - Préface

De Librairal
Révision datée du 15 mai 2007 à 11:00 par Copeau (discussion | contributions)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)
Aller à la navigation Aller à la recherche


Friedrich A. Hayek:La Constitution de la liberté - Préface


Anonyme


Préface

L'objectif de ce livre est exposé dans l'introduction, et les principales dettes sont énoncées dans les paragraphes qui précèdent les notes finales. Il ne me reste ici qu'à présenter une observation préliminaire et exprimer un regret.

Le présent livre ne porte pas principalement sur ce que nous enseigne la science. Je n'aurais, bien sûr, pu écrire si je n'avais consacré la majeure partie de ma vie à l'étude de l'économie, et entreprit plus récemment de me familiariser avec les conclusions de plusieurs autres sciences sociales ; mais je ne me préoccupe pas seulement des faits, ni ne me cantonne dans les jugements de causalité. Mon but est de décrire un idéal, de montrer comment on peut le réaliser, et d'expliquer ce que sa concrétisation signifierait en pratique. Pour cela, le débat scientifique est un moyen, non une fin. Je crois avoir fait honnêtement usage de ce que je sais du monde où nous vivons. Le lecteur aura à décider s'il souhaite adhérer aux valeurs au service desquels j'ai employé ce savoir.

Mon regret concerne l'état dans lequel j'ai décidé de soumettre au lecteur le résultat de mes efforts. Sans doute est-il inévitable que, plus la tâche est ambitieuse, moins l'exécution soit adéquate. Lorsqu'on traite d'un sujet aussi vaste que celui abordé ici, l'effort pour rendre ce qu'on écrit aussi bon que possible ne semble jamais suffisant tant qu'on est en possession de ses moyens. Je découvrirai bientôt sans aucun doute que j'aurais dû dire ceci où cela mieux que je ne l'ai fait, et que j'ai commis des erreurs que j'aurais pu corriger moi-même si j'avais prolongé un peu mon travail. Le respect du lecteur exige, c'est certain, qu'on lui présente un produit passablement achevé. Mais je ne suis pas sûr qu'il faille attendre jusqu'à ne plus pouvoir apporter d'amélioration.

A fortiori, lorsque les problèmes sont de ceux qui occupent de nombreux chercheurs, ce serait, me semble-t-il, exagérer sa propre importance que de retarder une publication jusqu'à ce qu'on soit convaincu de ne pouvoir corriger quoi que ce soit. Si on a fait progresser l'analyse, comme je crois y être parvenu, de nouveaux efforts risquent de n'avoir qu'un rendement décroissant. D'autre que moi seront sans doute mieux placés pour ajouter de nouvelles pierres l'édifice auquel j'ai voulu contribuer. Je dirai simplement que j'ai travaillé à ce livre jusqu'au point où je n'ai plus vu comment présenter plus brièvement mon argument essentiel.

Peut-être convient-il d'informer le lecteur de ceci : bien que j’aie rédigé ce livre aux États-Unis, où je réside depuis près de dix ans, je ne puis prétendre écrire comme un Américain. Mon esprit a été formé par une jeunesse passée dans mon Autriche natale et par deux décennies de mon âge mûr vécues en Grande-Bretagne, pays dont je suis devenu et reste citoyen. Savoir cela à mon sujet peut aider le lecteur, car le livre est dans une large mesure un produit de cet arrière plan.

Friedrich Hayek,
Chicago, 8 mai 1959