Ken Schoolland:Les aventures de Jonathan Gullible - Chapitre 3

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Ken Schoolland:Les aventures de Jonathan Gullible - Chapitre 3


Anonyme


Chapitre 3 :
La tragédie des biens communs

Le chemin se faisait un peu plus large alors qu'il pénétrait dans une jungle dense. Le soleil de midi était devenu bien chaud lorsqu'il atteignit la rive d'un petit lac. Alors qu'il écopait un peu d'eau pour se rafraîchir, Jonathan entendit une voix l'avertir : "Je ne boirais pas ça si j'étais vous."

Jonathan regarda autour de lui et vit un vieil homme à genoux sur la rive, en train de vider quelques petits poissons. Près de lui se trouvait un panier, un moulinet et trois gaules plantées dans la vase, chacune avec une ligne pendant dans l'eau. "Est-ce que la pêche est bonne ?" demanda Jonathan.

Sans daigner le regarder, l'homme répondit, d'un ton quelque peu maussade : "Pas du tout. Ces petites bestioles sont tout ce que j'ai pris aujourd'hui." Il entreprit de tailler des filets dans le poisson et de les placer dans une poêle chaude installée sur un feu fumant. Le poisson grésillant dans la poêle sentait délicieusement bon. Jonathan remarqua que le rude chat à la queue rayée jaune qu'il avait suivi attrapait déjà des déchets de poisson. L'eau lui venait à la bouche.

Jonathan, qui se considérait lui-même comme un pêcheur accompli, demanda : "Qu'avez-vous utilisé comme appât ?"

L'homme regarda alors Jonathan attentivement. "Rien qui cloche avec mon appât, mon petit gars. J'ai attrapé ce qu'il reste de mieux dans ce lac-ci."

Percevant l'humeur solitaire de ce pêcheur, Jonathan pensa qu'il apprendrait plus de ce vieil homme en restant simplement silencieux pendant un moment. Finalement, le vieux pêcheur lui fit signe de venir s'asseoir près du feu et partagea un peu de poisson et de pain. Jonathan mangea son repas avec appétit, bien qu'il se sentit coupable de prendre une portion du maigre déjeûner de cette homme. Après qu'ils eurent fini, Jonathan demeura silencieux et, évidemment, le vieil homme se mit à parler.

"Il y a bien des années, on pouvait attraper ici de vraiment gros poissons, dit l'homme pensivement. Mais ils ont été tous pris. Il ne reste maintenant que les petits."

"Mais les petits vont grandir, n'est-ce pas ?" demanda Jonathan. Il fixa les herbes luxuriantes poussant dans les eaux peu profondes de la côte, où de nombreux poissons auraient pu se tapir.

"Niet. Les petits sont pris trop tôt par tous ceux qui pêchent ici. De plus, les gens jettent des ordures à l'extrémité du lac. Tu vois cette écume épaisse le long de la rive là-bas ?"

Jonathan avait l'air perplexe. "Pourquoi les autres prennent-ils votre poisson et jettent-ils des ordures dans votre lac ?"

"Oh, non, dit le pêcheur. Ce lac n'est pas à moi. Il appartient à tout le monde, exactement comme les forêts et les cours d'eau."

"Alors ces poissons appartiennent en fait à tout le monde, y compris moi?" demanda Jonathan, se sentant moins coupable d'avoir partagé un repas à la confection duquel il n'avait pas pris part.

"Pas vraiment, répondit l'homme. Ce qui appartient à tout le monde n'appartient vraiment à personne - enfin, jusqu'à ce qu'un poisson morde à mon appât. Alors il est à moi."

"Je ne comprends pas," dit Jonathan, perplexe, en frronçant les sourcils. Se parlant à moitié à lui-même, il répéta : "Le poisson appartient à tout le monde, ce qui veut dire qu'il n'appartient à personne, jusqu'à ce qu'il y en ait un qui morde à votre hameçon. Alors le poisson est à vous. Mais est-ce que vous vous occupez du poisson ou l'aidez à grossir ?"

"Bien sûr que non, dit l'homme en grognant de dérision. Pourquoi m'occuperais-je du poisson pour que quelqu'un d'autre puisse venir ici n'importe quand et l'attraper ? Si quelqu'un d'autre prenait le poisson ou polluait le lac avec des ordures, j'aurais alors fait tout ça pour rien !"

En regardant l'eau d'un air désolé, le vieux pêcheur ajouta avec tristesse : "J'aimerais pouvoir vraiment posséder le lac. Je ferais alors en sorte de veiller au poisson. Je prendrais soin du lac comme l'éleveur de bétail qui dirige la ferme dans la vallée voisine. J'élèverais le poisson le plus résistant et le plus gros, et tu peux être sûr que j'empêcherais qui que ce soit d'effrayer le poisson ou de jeter des ordures. Je ferais en sorte…"

"Qui s'occupe du lac en ce moment ?" interrompit Jonathan.

Le visage buriné du pêcheur se durcit. "Le lac est administré par le Conseil des Seigneurs. Ils sont élus tous les cinq ans et nomment un directeur qu'ils paient grassement avec mes impôts. Le directeur des pêches doit normalement empêcher la pêche excessive et le dépôt d'ordures. Ce qui est curieux, c'est que les amis des Seigneurs ont le droit de pêcher et de jeter des ordures comme ça leur plaît."

Ils s'assirent tous deux et observèrent le motif d'ondulation créé par le vent sur le lac argenté. Jonathan remarqua que le chat jaune se tenait droit, reniflant et fixant une tête de poisson sur son assiette. Il lança la tête et le chat l'attrapa adroitement avec sa patte recourbée. Le félin avait l'air coriace avec l'une de ses oreilles déchirée au cours d'un ancien combat.

Jonathan réfléchit là-dessus pendant un moment et demanda : "Le lac est-il bien géré ?"

"A toi d'en juger, grommela le vieux pêcheur. Regarde la taille de ma pêche minable. Il semble que le poisson devienne plus petit au fur et à mesure que le salaire du directeur des pêches augmente."

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