Les systèmes socialistes et l'évolution économique - Première partie : Les théories. Les systèmes de société socialiste - Livre II : Des formes socialistes qui conservent la valeur régie par l’offre et la demande
Livre 2. Des formes socialistes qui conservent la valeur régie par l'offre et la demande
Chapitre 7. Socialisme d'État et socialisme communal.
Section I. Collectivisme altéré.
Les systèmes réunis sous cette rubrique sont des variétés particulières du collectivisme. On y trouve, en effet, l'exploitation par l'État de tous les moyens de production, et même la monnaie en bons de travail propre au collectivisme; mais le régime y est altéré par l'intervention plus ou moins large de l'offre et la demande. Ces systèmes forment donc une transition naturelle entre le pur collectivisme et le socialisme d'État, qui conserve les prix en monnaie métallique dans un milieu de production administrative.
* § I. Collectivisme de M. Georges Renard.
Le type de société décrit par M. Georges Renard, dans son étude
sur le régime socialiste, est celui qui s'écarte le moins du collectivisme
proprement dit.
M. Renard se propose de tracer une organisation sociale conforme à la justice, dans laquelle la liberté de l'individu sera respectée. Comme Proudhon jadis, il cherche la solution des antinomies dans une synthèse; il veut concilier dans une harmonieuse unité la concurrence et la solidarité, les intérêts individuels et l'intérêt général, l'utilité et la justice, l'individualisme et le communisme, la liberté et l'autorité, la décentralisation politique et la centralisation économique, l'aristocratie naturelle et la démocratie, la réciprocité des services et la fraternité.
De même encore, M. Renard combine les deux théories de la valeur; pour lui, la valeur normale est constituée à la fois par le travail du producteur et le besoin du consommateur; la valeur varie avec ces deux éléments, elle se mesure sur eux, suivant une loi sujette à de fréquentes dérogations dans la société actuelle, mais toujours observée dans une société collectiviste.
S'appuyant sur de principe composite de la valeur, l'auteur cherche à corriger le collectivisme sur deux points particulièrement faibles, le recrutement des travailleurs et l'attribution des objets rares. L'ensemble du système est respecté; la production, s'exerçant sur des moyens socialisés, reste intégralement soumise à la direction de l'autorité publique; la valeur elle même, mesurée en bons sociaux, résulte d'une taxation faite par l'autorité suivant une règle fixe. Mais la règle de calcul est nouvelle, et le principe de la taxation se trouve même complètement écarté pour les objets rares.
Si l'on veut que les travailleurs se répartissent librement entre les emplois dans la proportion des besoins, on doit graduer le tarif suivant la « pénibilité des professions; mais on doit aussi, pour écarter tout arbitraire, adopter une règle de calcul générale et uniforme. L'heure de travail social, qui reste toujours l'unité de mesure de la valeur, aura donc, dans chaque métier, un coefficient variable, déterminé d'une façon mathématique par le rapport entre le nombre des travailleurs et les besoins de la production.
On suppose connus, par la statistique, les produits de tout genre nécessaires à la consommation nationale pendant une année; en conséquence, l'autorité publique détermine, pour chaque branche de la production, les quantités de produits et les quantités de travail à fournir. On calculera d'abord la moyenne sociale qui servira de base aux coefficients particuliers. Si la production nationale tout entière demande 15 milliards d'heures de travail social, et qu'il y ait dans le pays 10 millions de travailleurs, chacun d'eux doit donner en moyenne l.500 heures de travail par an. Mais voici un métier peu recherché où le nombre des travailleurs est insuffisant; pour satisfaire à la demande des produits; il y faudrait par exemple 4500000 heures de travail dans l'année, et les travailleurs ne sont que 1000. Le travail que chacun d'eux devrait fournir, dans l'année, pour élever la production à la hauteur des besoins serait de 4500 heures, c'est-à-dire 3 fois la moyenne sociale. Le coéfficient de l'heure de travail sera donc 3 dans cette industrie; chaque heure de travail sera payée 3 bons, et cette rémunération supérieure à la normale suffira pour attirer dans cette branche les travailleurs qui y manquent. A l'inverse, dans une profession encombrée, si chaque travailleur ne doit fournir, d'après le même calcul, que 500 heures de travail annuel, le coefficient sera 1/3, et les travailleurs s'élimineront d'eux-mêmes jusqu'à ce que la rétribution se rapproche de la moyenne. Finalement, l'équilibre s'établira très vite; dans chaque métier, le nombre des travailleurs, la quantité de travail à fournir et le coefficient graviteront autour de la normale dans un cercle très étroit.
Quant aux produits, ils seront taxés, en principe, suivant le nombre des heures de travail qui auront servi à les créer; cette règle signifie, sans aucun doute, que leur valeur résultera des bons qu'ils auront coûtés d'après les coefficients du travail. Toutefois les objets rares, d'une reproduction difficile ou impossible, comme les oeuvres d'art, les pierres précieuses, les vins de grand cru, seront soustraits à la règle et attribués au plus offrant; la société entière beneficiera du surplus payé pour les acquérir.
Ces combinaisons sont ingénieuses. La première semble assurer le recrutement des travailleurs en nombre suffisant dans toutes les professions, sans recours à la contrainte et sans échelle arbitraire de tarifs; elle évite toute distinction a priori entre le travail de l'orfèvre et celui du terrassier, entre le travail du vidangeur et celui du garçon de café; les premiers ne sont mieux payés que si leurs métiers sont moins recherchés, et dans la mesure où ils le sont moins que les autres. La seconde combinaison écarte l'arbitraire dans l'attribution des objets rares, et conserve à la société le benefice de la rareté. Sans doute, la liberté des consommations n'est pas mieux garantie que dans le collectivisme ordinaire, puisque l'autorité publique garde le pouvoir de régler toute la production. Mais n'est-ce pas déjà un progrès d'avoir une méthode de distribution satisfaisante pour les objets rares, et surtout de conserver aux travailleurs le libre choix de leur profession et de leur domicile?
Il le semble; et cependant, la correction apportée ici au collectivisme est tout à fait insuffisante. Ce n'est pas seulement qu'il serait très difficile, en pratique, d'estimer à l'avance le temps de travail nécessaire dans les différentes productions, notamment en agriculture ; c'est encore au point de vue théorique que la transaction est imparfaite.
Malgré les apparences, le système des coéfficients ne dispense pas du recrutement forcé, parce que l'offre et la demande y jouent un rôle trop restreint. Il est bien entendu que la valeur, sauf pour les objets rares, ne varie pas suivant l'offre et la demande des produits; mais on pourrait croire au moins que la rétribution du travail varie suivant l'offre et la demande des travaux. En réalité, l'offre et la demande du travail, au lieu de déterminer directement le taux du coefficient, n'ont d'influence que sur les éléments qui servent à le calculer; les variations du coefficient sont enfermées dans les limites d'un rapport mathématique. Or, cette détermination mathématique enlève au jeu de l'offre et la demande sa souplesse et son efficacité.
Si un métier dangereux ou rebutant est déserté, ce n'est pas le procédé du coefficient qui y attirera un nombre suffisant de travailleurs car il est contradictoire que le nombre normal des travailleurs y fasse tomber le coefficient au taux normal, et que ce taux soit considéré par les travailleurs comme donnant une rémunération insuffisante pour un travail particulièrement pénible. En supposant qu'il faille dans ce métier 4 500 000 heures de travail par an, soit 3 000 personnes travaillant chacune 1500 heures suivant la moyenne sociale, on trouvera peut-être 1500 personnes pour donner 2250 000 heures, et même pour fournir un travail supplémentaire, parce que le coefficient 2 exercera sur elles un attrait assez puissant; mais on ne recrutera jamais 3000 travailleurs pour exécuter le travail au coefficient 1. Il faudra donc recourir à la contrainte pour assurer le service, à moins d'attribuer dans tous les cas aux travailleurs le bénéfice d'un coefficient surélevé, même s'ils sont en nombre suffisant pour produire les quantités demandées en ne fournissant chacun que la moyenne sociale de travail. Mais admettre ce tempérament, c'est abandonner la règle de calcul mathématique pour revenir purement et simplement à la loi de l'offre et de la demande.
Le procédé des variations mathématiques serait efficace, s'il s'agissait seulement de corriger des défauts d'équilibre accidentels dans des métiers également appréciés; il ne l'est pas pour opérer une juste répartition des travailleurs entre des emplois inégalement recherchés. La corvée obligatoire reste menaçante, tant que le tarif du travail n'est pas affranchi de tout rapport mathématique, et librement abandonné aux fluctuations de l'offre et de la demande.
Pour la valeur des produits, la concession faite par M. Renard à la loi dû l'offre et de la demande est encore insuffisante. Seuls, les objets rares doivent être mis aux enchères; mais quelle est la limite des objets rares? Tous les produits dont l'offre est inférieure à la demande sont rares, au moins momentanément; il n'y a ni raison suffisante, ni moyen rationnel de faire entre eux une distinction pour établir leur valeur sur des bases différentes. Il ne suffit pas de dire que le besoin, étant prévu et aussitôt satisfait, n'aura plus d'action sur la valeur des produits ordinaires; on sait que l'équilibre théorique entre la production d'un article et les besoins, entre la demande et les quantités en magasin, ne peut jamais être atteint exactement, tant à cause de l'incertitude des récoltes que des fautes de direction. Il faut donc généraliser le procédé des enchères pour écouler les produits en excès, pour répartir équitablement ceux qui sont en déficit et faire bénéficier l'État de leur rareté. On ne s'arrête pas où l'on veut dans la voie des concessions dès que l'on abandonne le principe de la taxation pour quelques objets, on se trouve inévitablement conduit à l'abandonner pour tous.
Le mécanisme de l'offre et de la demande, même limité à certains objets rares, serait-il capable de fonctionner avec des "bons sociaux" remplaçant la monnaie métallique? La question est d'un ordre plus général; elle prêtera mieux à la discussion, lorsque nous aurons étudié les systèmes qui présentent une combinaison semblable sur une échelle plus large.
* § II. Systèmes de MM. Gronlund et Sulzer.
Le collectivisme de M. Gronlund implique non seulement la gestion
par l'État de tout le service de la production et des échanges, mais
aussi l'usage d'une monnaie en bons de travail, représentant soi-disant
l'unité de travail simple moyen. Les salaires et les prix,
payables en bons de travail, doivent être fixés, en principe, d'après
la quantité de travail fournie par le travailleur ou contenue dans le produit.
Mais le principe de la taxation de la valeur d'après le travail,
une fois proclamé, est aussitôt remplacé par le principe contraire de l'offre
et la demande. En effet, dit l'auteur, la valeur en bons pourra
être abaissée pour les produits qui se trouveront en excès sur la
demande, et élevée, au contraire, pour ceux qui seront en quantité
insuffisante, de telle sorte que la société entière profitera de la rente
de rareté. Quant aux salaires, ils seront fixés suivant les prix par
les groupes de producteurs eux-mêmes, qui établiront des tarifs gradués pour les différents genres de travaux. Au lieu que, dans le
pur collectivisme, le coût du travail, calculé d'après le temps, détermine
la taxe du produit, c'est ici le prix du produit, tel qu'il s'établit
sur le marché, qui doit former la base du salaire, après déduction
de la rente de rareté et des autres prélèvements sociaux.
M. George Sulzer, président du tribunal de cassation du canton de Zurich, a présenté une organisation collectiviste analogue, quoique plus tempérée encore et plus éloignée du type classique. Dans le système de M. Sulzer, la socialisation ne serait pas intégrale, et la production, par conséquent, ne serait pas dirigée tout entière par l'autorité publique. L'État, laissant aux particuliers les petits métiers, la petite culture et l'exploitation des inventions nouvelles, se chargerait de toutes les autres entreprises, après avoir exproprié les possesseurs moyennant indemnité. Les valeurs seraient calculées et payées en bons, et ces bons auraient le caractère d'un papier-monnaie inconvertible, sans relation avec des espèces métalliques. L'État, centralisant tous les échanges dans ses magasins, fixerait les salaires et les prix en se conformant aux variations de l'offre et la demande; suivant que les approvisionnements d'une marchandise seraient inférieurs ou supérieurs à la demande, l'autorité élèverait ou abaisserait les prix, et ferait varier en même temps les salaires de manière à attirer ou repousser les travailleurs suivant les besoins de la production. Les prix du marché dépasseraient, comme aujourd'hui, le coût de production en salaires, et contiendraient un excédent, une plus-value correspondant aux revenus capitalistes actuels. Sur cet excédent, l'État servirait un intérêt aux particuliers qui lui auraient prêté des capitaux – car M. Sulzer n'interdit pas la possession des capitaux individuels et n'exclut pas tout revenu capitaliste; l'État prélèverait encore les dépenses publiques d'éducation et de culture, et les frais d'entretien des incapables. Ces déductions opérées, le reste serait distribué aux travailleurs en proportion de leurs salaires, à titre de bonification et de participation aux bénéfices collectifs
Notre attention doit se porter sur la monnaie introduite dans ce système, sur les bons inconvertibles destinés à remplir les fonctions de la monnaie métallique. M. Sulzer pense que l'État socialiste serait parfaitement capable d'adopter comme étalon ce papier-monnaie, et de le maintenir en circulation, à la condition de ne pas commettre de fautes, c'est-à-dire, je suppose, à la condition de ne pas faire d'émissions excessives. En effet, dit-il, la circulation de ce papier serait particulièrement large et sûre dans un État qui, payant tous les travaux, vendant toutes les marchandises et centralisant tout le commerce avec l'étranger, ne donnerait ou n'accepterait en paiement, dans les relations intérieures, que son papier-monnaie à l'exclusion de la monnaie métallique.
Les certificats de valeur ou bons de circulation de MM. Sulzer, Gronlund et Georges Renard semblent avoir la même nature que les bons de travail du collectivisme ordinaire. Néanmoins, les conditions de leur circulation se trouveraient transformées par le fait que la valeur se déterminerait d'une façon toute différente; aussi peut-on se demander si cette monnaie serait encore possible dans ces conditions.
- § III. Incompatibilité d'une unité de valeur purement idéale avec le jeu de l'offre et de la demande.
Le régime de la valeur, dans les diverses variétés du collectivisme
qui cherchent à combiner la monnaie en bons sociaux avec l'offre et
la demande, diffère à la fois du mode actuel et du mode collectiviste.
Il est essentiel d'en bien saisir les caractères propres.
L'unité de valeur ne serait plus, comme aujourd'hui, une marchandise matérielle déterminée, un certain poids d'or ou d'argent, tirant de la valeur d'usage de sa matière spécifique une certaine valeur d'échange variable vis-à-vis des marchandises. Elle ne serait pas non plus un billet de papier convertible à vue, simple titre représentatif circulant à la place des espèces, et confondant sa valeur avec celle de l'or qu'il permet d'obtenir instantanément. Le bon de papier ne ressemblerait même pas au papier-monnaie ordinaire momentanément inconvertible, qui porte désignation d'espèces, et qui constitue une promesse plus ou moins solide de payer en numéraire, à échéance indéterminée, la somme désignée sur sa vignette. Un billet de cent francs auquel l'État donne cours forcé peut être plus ou moins déprécié à cause de son inconvertibilité; néanmoins, toute la vateur qu'il porte, il la doit à l'éventualité plus ou moins précaire d'un remboursement, et il la perdrait totalement, si toute chance de reprise des paiements en espèces venait à disparaître. La valeur du papier-monnaie inconvertible, dans la mesure où elle existe, est donc elle-même dérivée, empruntée tout entière à celle de l'or; la monnaie-marchandise en métal, celle qui tire toute sa valeur de son utilité comme marchandise, reste la base de toute mesure de la valeur; c'est toujours elle qui, derrière l'étalon direct des prix et d'une façon invisible, joue le rôle d'étalon essentiel et autonome, auquel l'étalon de papier suspend sa valeur amoindrie. En un mot, dans toutes les sociétés et sous tous les régimes monétaires, la mesure de la valeur n'a jamais été donnée, jusqu'ici, que par une monnaie-marchandise.
Rien de tel dans le régime qui nous occupe. Le bon de circulation est un papier sans désignation d'espèces, sans relation aucune avec l'or ou toute autre marchandise, sans éventualité de remboursement en espèces; c'est une monnaie parfaitement autonome qui doit se suffire à elle-même. Evidemment une pareille monnaie, qui n'a de valeur ni par sa matière propre, ni par assignation sur une marchandise déterminée, ne peut être qu'un simple signe; c'est le symbole d'une unité de valeur purement abstraite, conçue par l'esprit indépendamment de toute détermination physique; c'est un porte-valeur symbolique, qui représente par convention une certaine grandeur de la substance valeur, grandeur arbitrairement fixée pour servir d'étalon comme mesure des valeurs, grandeur uniforme et invariable dans le temps et dans l'espace. Aussi le signe lui-même n'a-t-il rien d'essentiel; sa matière, son existence même, n'ont aucune importance; tous les mouvements de valeur pourraient s'opérer au besoin par de simples jeux d'écriture, dans lesquels les chiffres désigneraient l'unité idéale, sans aucun rapport avec un certain poids de métal ou une certaine unité de marchandise prise comme terme commun des rapports de valeur.
Telle nous apparaît, dans sa nature essentielle, l'unité de valeur des systèmes que nous étudions : une unité de mesure immatérielle, représentée dans la circulation par une monnaie purement symbolique. Il semble que cette analyse soit déjà suffisante pour en faire ressortir le caractère utopique. Et pourtant, nous n'avons pas soulevé d'objection théorique contre l'usage des bons de travail, lorsque nous avons exposé la critique du collectivisme ordinaire. L'unité de valeur collectiviste n'est-elle pas aussi de nature immatérielle ?
Il est vrai; mais elle se présente dans de tout autres conditions, qui rendent possible, au moins en théorie, la circulation des bons de travail. L'unité de valeur du collectivisme pur est bien elle-même, jusqu'à un certain point, une unité idéale, puisqu'elle est constituée par l'heure de travail social ou moyen, qui n'est qu'une abstraction. Cette unité, déterminée par de multiples calculs de moyennes et à la suite de diverses déductions pour les charges publiques, est aussi une abstraction; peut-être même ne correspond-elle jamais à l'heure de travail effectif, dans aucun des cas individuels où elle sert à mesurer la valeur. Néanmoins, on conçoit encore, à la rigueur, que le système collectiviste ordinaire puisse fonctionner, parce que la taxation des valeurs s'y fait d'après des règles fixes qui s'exercent sur des éléments appréciables. Sans doute, personne ne peut se représenter, par une image saisissable, la grandeur de l'unité abstraite de la valeur-travail; mais, au moins, l'unité de valeur qui doit permettre à l'autorité publique de taxer les travaux et les produits est construite suivant des règles de calcul qui se basent sur des données concrètes. Très probablement, ces règles seraient impraticables, à cause de la complication du calcul des moyennes. Le calcul n'en est pas moins théoriquement possible, parce qu'il opère sur deux éléments matériels : l'heure, division du temps, et les travaux individuels. Si l'on divise, en effet, la somme des produits individuels d'un certain genre par la somme des heures de travail consacrées à leur production, on obtient le produit-type d'une heure de travail social. L'autorité chargée de la taxation peut donc suivre la règle de calcul qui lui est prescrite, et fixer la valeur des travaux individuels et de leurs produits par comparaison avec le type concret qui sert d'étalon de leur côté, les travailleurs savent exactement ce qu'ils doivent recevoir, et les consommateurs ce qu'ils doivent payer.
Au contraire, le mécanisme de la valeur me paraît impossible, même théoriquement, dans tout système qui, comme celui de JM. Sulzer ou même de M. Georges Renard, adopte comme étalon un simple signe de valeur abstraite, tout en faisant une place plus ou moins large à l'offre et à la demande.
Ce n'est pas que l'équilibre entre les bons émis par l'Administration et les prix des produits, équilibre certainement difficile à observer dans le collectivisme pur, soit absolument impossible dans le nouveau système. Des valeurs qui varient librement suivant l'offre et la demande et qui, en conséquence, se fixent à des taux différents pour les travaux et les produits, seraient sans doute plus difficiles à maintenir en équilibre que des valeurs qui sont taxées d'office suivant une règle uniforme pour les travaux et les produits. Néanmoins, une Administration habile et rigoureuse pourrait peut-être y réussir encore, à la condition de ne pas laisser les prix de revient dépasser les prix de vente, ni les dépenses administratives dépasser les recettes nettes.
Mais le véritable vice du système tient à la nature purement abstraite de l'unité de valeur. J'ai cherché à montrer, dans une étude antérieure sur La mesure de la valeur, qu'une unité de valeur absolument idéale est un non-sens, parce que l'absolu nous échappe nécessairement. On conçoit encore une unité de mesure idéale, quand elle peut être construite au moyen d'éléments matériels et tangibles fournissant les bases d'un calcul mathématique; c'est le cas du mètre cube, unité de volume qui n'est représentée par aucun objet matériel, mais qui peut être obtenue par un calcul prenant pour base le mètre de platine déposé aux Arts et Métiers; c'est aussi le cas, nous l'avons vu, pour l'unité de valeur collectiviste. Mais l'unité de mesure de M. Sulzer n'est plus l'heure de travail social, lors même qu'elle continue à en porter le nom; le travail cesse d'être la substance créatrice et la mesure de la valeur, puisque les variations de l'offre et de la demande entraînent constamment la valeur en dehors du coût mesuré en travail social; l'unité de valeur, affranchie de toute règle de calcul et de toute attache matérielle, même indirecte,, devient absolument idéale. Or, une grandeur de cette nature est en dehors des limites de l'intelligence humaine.
Si ces unités de valeur, représentées par des certificats, sont insaisissables et ne figurent rien à l'esprit, comment pourrait-on s'en servir dans les échanges? Sur quelle base estimerait-on qu'une marchandise vaut deux ou trois certificats, si ces chiffons de papier ne sont que les symboles d'une valeur qui n'a de corps nulle part? Comment le public et l'Administration elle-même, ayant à établir les prix en dehors de toute règle mathématique de taxation, pourraient- ils apprécier le nombre d'unités qu'il conviendrait d'offrir ou de demander comme prix des travaux et des marchandises? Car cette appréciation serait toujours nécessaire, non seulement si les salaires et les prix devaient sortir des enchères, mais même s'ils étaient taxés par l'Administration; la taxe, en pareil cas, ne serait qu'une indication du salaire offert ou du prix demandé par l'Administration d'après l'état du marché; elle serait établie sans autre régie que l'obligation de se conformer à des courants d'opinion, et resterait subordonnée à leurs variations. Dans ces conditions, il me paraît évident que la monnaie-signe, inintelligible pour tous, n'aurait aucune valeur et ne pénétrerait pas dans la circulation; les comptes ne pourraient pas s'établir en unités idéales, et l'usage s'établirait infailliblement de mesurer les valeurs sur une tierce marchandise, monnaie métallique émise par des banques privées ou billets convertibles revêtus de leur signature.
Toute combinaison tendant à faire jouer l'offre et la demande sur des unités de compte abstraites est impraticable, parce que toute recherche de l'absolu est théoriquement irrationnelle et condamnée à l'insuccès.
Section II. Socialisme d'Etat.
Supposons que l'État se soit emparé, d'une manière ou d'une autre, de tous les instruments de production; il exploite les terres de culture, les mines, les usines et les ateliers, les transports par terre et par eau; non pas en ce sens qu'il exploite toutes les entreprises - peut-être confie-t-il la plupart des exploitations aux communes, aux associations et aux individus, - mais en ce sens qu'il garde la direction de la production tout entière, assignant à chaque groupe ses instruments et sa tâche; il se charge de la distribution des produits sur le territoire, et de leur vente aux consommateurs; en un mot, il réalise une socialisation de la production et de la circulation aussi complète que dans le collectivisme pur. Mais la valeur, au lieu d'être taxée en unités de travail, varie librement sous l'influence de l'offre et de la demande, et s'exprime, non pas en bons symboliques d'une unité de valeur idéale, mais en monnaie métallique. Le régime diffère essentiellement sur ce point du véritable collectivisme; nous l'étudierons sous le nom de socialisme d'Etat, que nous lui avons réservé par convention.
Cette conception socialiste est bien plus facile à saisir que celle du collectivisme, parce qu'elle ne bouleverse pas notre notion habituelle de la valeur. Salaires et prix s'établissent, se mesurent et se paient en espèces ou en billets gagés par le métal. L'État ouvre des enchères pour l'adjudication des travaux et des marchandises ou bien il fixe lui-même les prix qu'il offre aux travailleurs et ceux qu'il demande aux acheteurs, mais en observant toujours les fluctuations de l'offre du travail et celles de la demande des marchandises.
Ce socialisme n'est pas seulement plus simple, il est aussi mieux équilibré et plus favorable au progrès matériel que le collectivisme.
L'équilibre de la production et des besoins est le problème fondamental de toute organisation sociale; comment se règle-t-il dans un régime de socialisme d'État intégral? L'État peut être considéré comme une sorte de Trust immense et unique, ou plutôt comme une grande Coopérative nationale de production et de consommation, exerçant un monopole absolu vis-à-vis des travailleurs et des consommateurs. Mais ce monopoleur poursuit des fins plus hautes qu'un trust capitaliste; au lieu de rechercher le plus grand bénéfice, il recherche la plus grande utilité sociale. Tandis qu'un monopoleur individuel pousse les prix au delà du coût de production, jusqu'au point où le retrait des consommateurs ferait tomber son bénéfice au-dessous du maximum, l'État socialiste ne doit viser qu'à couvrir ses charges de toute nature et à développer son outillage productif. Dans ses frais, il comptera l'amortissement du capital usé ou consommé mais l'intérêt, qui entre nécessairement dans le coût de production en régime individualiste, parce que la production s'arrêterait s'il n'était pas couvert, cessera d'y figurer dans un régime où le capitaliste et producteur unique n'aura pas pour objectif de réaliser un profit. L'État, en principe, étendra donc sa production jusqu'au point d'équilibre où l'offre sera suffisante pour satisfaire toutes les demandes au prix coûtant. Toutefois, pour les produits dont les prix de revient sont inégaux, l'État ne pourra pas se contenter du prix coûtant moyen; le pouvoir d'achat des consommateurs ne se limitant plus, comme dans le pur collectivisme, à la valeur globale des produits taxée par l'autorité, il serait impossible d'établir l'équilibre de l'offre et de la demande au prix coûtant moyen dans les diverses branches des productions naturelles. Il faudra donc, comme aujourd'hui, arrêter la production agricole et minière lorsque l'offre et la demande s'équilibreront sur le prix de revient des quantités les plus coûteuses. L'État profitera de la rente différentielle, et pourra l'affecter aux dépenses d'administration, à l'entretien des incapables et à l'accroissement du capital collectif.
L'Administration, restant chargée de diriger la production, saurat- elle mieux réaliser l'équilibre que dans le collectivisme pur? Trouvera- t-elle dans les prix un guide sûr, une garantie contre les erreurs inévitables auxquelles elle est exposée lorsqu'elle doit estimer directement les besoins sur des renseignements statistiques? La réponse peut paraître douteuse; car une organisation économique qui supprime toute concurrence du côté de l'offre ne semble pas, à cet égard, très différente du collectivisme.
Lorsque la production est libre, les prix des marchandises, résultant des offres et des demandes faites en concurrence de part et d'autre, se fixent en dehors de la volonté des producteurs individuels soumis à l'action d'une force indépendante, les prix offrent aux producteurs un point d'appui extérieur, un indicateur autonome des besoins du marché et de la direction qu'il convient de donner à la production.
Rien de pareil, semble-t-il, quand l'offre vient d'un producteur unique, État, trust ou coopérative; les prix ne résultent alors que des quantités produites et offertes par le monopoleur, et ne lui procurent par eux-mêmes aucun élément objectif et indirect d'appréciation sur les besoins de la consommation, indépendamment de l'estimation directe qu'il a du faire pour produire ses marchandises; ils ne le dispensent donc pas de faire cette estimation pour l'avenir. Quand l'État socialiste abaisse le prix de la toile en magasin, cette baisse ne lui fournit aucun renseignement qu'il ne possède déjà par l'inventaire de son stock invendu, puisque c'est lui-même qui la décidé en conséquence de l'inventaire, pour accélérer la vente d'une marchandise qui s'écoule difficilement; et de même en cas de hausse. Le prix est toujours la conséquence, et non jamais la cause des restrictions ou des accroissements de la production; ces variations du prix suivant l'offre et la demande ont leur importance pour la distribution des produits existants, mais non pour la détermination des quantités à produire, qui doit se faire, comme en collectivisme, sur renseignements directs.
Le raisonnement est juste, en effet, lorsqu'il s'agit de marchandises comme la toile, qui peuvent être reproduites à prix de revient uniforme. Pour les produits naturels, au contraire, le prix qui sort du débat entre le seul vendeur et la masse des acheteurs, bien que résultant encore des quantités offertes parle monopoleur, lui fournit cependant, sur les quantités à produire ultérieurement, une indication nouvelle, indépendante des renseignements qu'il possède sur l'état des besoins. Ce prix, en effet, est supérieur, égal ou inférieur au prix de revient des quantités les plus coûteuses que l'État a cru devoir produire; il indique donc à l'Administration, de la façon la plus précise, que ces quantités sont préférées par les consommateurs à toute autre production, ou inversément; il la renseigne sur la mesure des frais qu'il convient de consacrer à chaque production suivant l'ordre d'urgence des besoins collectifs, beaucoup mieux que ne pourraient le faire des statistiques et des informations directes. L'Administration reste toujours exposée aux défaillances dans l'exécution du service; au moins est-elle préservée des fautes les plus graves dans l'appréciation des besoins. A ce point de, vue, le socialisme d'État est réellement supérieur au collectivisme; il ne subordonne pas aussi étroitement l'équilibre à la volonté faillible des gouvernants.
Sur les autres questions d'équilibre, la supériorité du socialisme d'État est plus visible et plus décisive encore. Il est évident que les variations des prix établissent naturellement l'équilibre entre la demande et les approvisionnements, entre l'offre du travail et les besoins de la production, sans les procédés arbitraires ou coercitifs auxquels le collectivisme est obligé de recourir. L'Administration hausse ou baisse les prix suivant que les quantités en magasin sont inférieures ou supérieures à la demande; elle hausse ou baisse les salaires dans les différentes professions et localités, pour attirer ou repousser les travailleurs suivant les besoins.
Le régime est aussi plus favorable au progrès matériel que le collectivisme. Les travailleurs sont personnellement intéressés à satisfaire les goûts du public par des améliorations et des perfectionnements de qualité, parce que l'accroissement de la demande doit provoquer, au moins momentanément, une hausse de leurs salaires. S'ils sont encouragés par des primes, ils sauront veiller soigneusement à l'entretien du matériel et à l'économie des matières. S'ils sont payés aux pièces, ils seront même intéressés à l'introduction des machines qui multiplient les produits; car, en supposant que la demande s'accroisse dans la même mesure que la production, leur salaire journalier s'élèvera avec la masse des produits, jusqu'au jour où le tarif s'abaissera sous la pression des travailleurs attirés par la hausse.
Au point de vue socialiste, l'organisation qui vient d'être décrite n'est pas moins conforme que le collectivisme aux principes essentiels de la doctrine. Pas de crises par l'effet de la concurrence, puisque la production se fait sans concurrence. Pas d'inégalités capitalistes dans la répartition des produits, puisque l'État est seul capitaliste. Parmi les revenus capitalistes, l'intérêt et le profit disparaissent; la rente économique subsiste, il est vrai, mais au profit de l'État seulement. Le bénéfice que l'État réalise sur les produits dont l'offre est momentanément inférieure à la demande compense les pertes qu'il éprouve dans l'hypothèse inverse; quant à la rente du sol, si elle excède les charges publiques et les besoins de l'épargne collective, elle peut être distribuée aux travailleurs en proportion de leurs salaires. Les seules inégalités qui subsistent sont des inégalités de salaires; les unes, permanentes, résultent de ce que certains travaux sont plus difficiles ou plus pénibles que d'autres; les autres, temporaires, résultent des oscillations accidentelles de l'offre et de la demande dans des emplois également recherchés. En aucun cas, ces inégalités ne sont en contradiction essentielle avec le principe A chacun suivant son travail.
Mais, dira-t-on peut-être, le socialisme d'État conserve le salariat! Il est vrai, puisque les producteurs ne sont pas indépendants, propriétaires de leurs instruments et de leurs produits, libres de régler la production à leur guise sous la seule sanction des profits et des pertes. Mais le collectivisme ne réduit-il pas lui-même tous les producteurs à l'état de salariés? Ne les soumet-il pas, comme le socialisme d'État, à des autorités qui, même si elles sont élues par le groupe professionnel, exercent le pouvoir au nom d'une personne supérieure? Le salaire, estimé et payé en bons de travail dans un cas, l'est en argent dans l'autre; mais qu'importe, si la répartition des produits s'opère tout de même en proportion du travail, sans prélèvements capitalistes?
Le socialisme d'État intégral observe donc les principes socialistes aussi fidèlement que le collectivisme, sans présenter les mêmes vices de construction. Que reste-t-il donc, contre lui, des critiques adressées à l'autre forme socialiste?
Il en reste que la machine administrative est toujours aussi lourde et aussi compliquée. L'Administration est déchargée de l'estimation directe des besoins dans les productions naturelles; mais, à part cet allégement, les services socialisés de la production, des transports, des logements, des approvisionnements régionaux, des échanges avec l'étranger, sont aussi dangereusement disproportionnés aux forces humaines et aux capacités d'un gouvernement que dans le pur collectivisme.
Au point de vue des améliorations techniques et de l'économie des frais, c'est beaucoup, sans doute, de ne pas se heurter à la résistance ou à l'apathie des travailleurs; mais là n'est pas le principal. Le véritable moteur du progrès économique, dans toute organisation sociale, c'est la tête qui conçoit et qui commande. Or, à cet égard, les deux régimes se valent; c'est toujours une direction purement administrative qui est comptable du progrès; l'incomparable puissance des énergies individuelles tendues vers la production et vers l'épargne est perdue sans compensation, sacrifiée sans être remplacée.
Quant à la liberté individuelle, elle n'est pas beaucoup mieux garantie par le socialisme d'État. On y respecte la liberté du choix de la profession et du domicile; mais la liberté des besoins reste à la discrétion de l'autorité publique; toute indépendance disparait, tant pour le producteur que pour le consommateur; il n'est si mince culture, si petit atelier qui ne tombe sous la domination d'un fonctionnaire électif; aucune des activités extérieures de l'homme n'échappe au pouvoir démesuré de l'État.
Dans cet État formidable, inerte et oppressif, on étouffe et on languit autant que dans la société collectiviste. Il faut y ranimer la vie en y ramenant la liberté; il faut décentraliser, émanciper la commune et la corporation, libérer l'individu! Le socialisme d'État ne peut se concevoir comme un bloc; il doit subir l'alliage du socialisme communal, du socialisme corporatif et de l'individualisme.
Aussi s'explique-t-on que le socialisme d'État intégral n'ait jamais fait l'objet d'un exposé systématique, en dehors des systèmes bâtards que nous avons étudiés précédemment. Si les collectivistes se résignent à l'omnipotence de l'État mal dissimulé sous le nom de société, collectivité, etc., c'est qu'ils pensent que la répartition ne pourrait se faire en proportion du travail, si la valeur n'était pas fixée en unités de travail; or, la valeur-travail n'est certainement possible que dans un régime de socialisation intégrale et de production administrative centralisée. Mais le socialiste affranchi de cette chimère d'une valeur déterminée en travail se refuse généralement à absorber dans l'État toutes les formes de la vie libre; il profite toujours de la souplesse du socialisme d'État pour réserver une large place à l'association et à l'individu. Il tient aussi à ménager les transitions; en politique avisé, il admet la réalisation progressive du socialisme, et respecte la propriété du petit producteur indépendant, parce qu'elle est compatible avec un système qui ne révolutionne pas le régime de la valeur. Aussi le socialisme d'État n'a-t-il jamais été présenté autrement que sous une forme mélangée, partielle et progressive. Il se combine toujours, à doses plus ou moins fortes, avec le socialisme communal, le socialisme corporatif et l'individualisme, suivant des variétés que nous étudierons à la section suivante.
Ces caractères sont bien ceux du programme de Saint-Mandé exposé par M. Millerand en 1896. Le programme de Saint-Mandé n'est pas un plan de société idéal et complet, comme peut l'être le système d'un philosophe; c'est un programme de politique socialiste. Son objectif essentiel d'organisation sociale est ainsi défini " Intervention de l'État pour faire passer du domaine capitaliste dans le domaine national les diverses catégories des moyens de production et d'échange au fur et à mesure qu'elles deviennent mûres pour l'appropriation sociale." Il n'est question, dans ce programme, ni de transformation du régime de la valeur, ni d'appropriation sociale immédiate de tous les moyens de production, ni d'expropriation sans indemnité. La socialisation ne doit pas atteindre les propriétés individuelles exploitées par le travail personnel de leur possesseur; elle ne doit s'appliquer qu'à la propriété capitaliste, exploitée au moyen du travail salarié. Le but immédiat, c'est l'incorporation successive des grandes industries dans le domaine collectif chemins de fer, mines, banques, raffineries, distributions d'eau et de, gaz, tramways, etc.
Le programme de Saint-Mandé n'est donc pas l'exposé d'un système de socialisme intégral; le collectivisme qui s'y trouve est un collectivisme évolutionniste, qui se réalise par l'extension progressive des services publics de l'État, et des municipalités. Nous aurons a apprécier, dans la deuxième partie, la portée de l'évolution contemporaine dans cette direction.