Il nous faut passer en revue les différents genres de pessimisme pour voir comment et jusqu'à quel point ils conduisent à l'individualisme.
Quand on étudie un penseur pessimiste, il convient avant tout de se demander au nom quelle conception de la vie, au nom de quel idéal, en raison de quelles constatations ou de quelles expériences, ce pessimiste condamne l'existence et l'humanité.
Est-ce au nom d'un idéal subjectif, expression des aspirations sentimentales et esthétiques d'un individu ou d'une époque ? - Est-ce au nom d'un idéal historique, rétrospectif, que l'on croit voir réalisé dans le passé et dont le présent est déchu ? - Est-ce en conséquence d'une constatation attristante de la sottise, de la vanité et de la méchanceté humaines ? - Est-ce au nom d'une conception sceptique et agnostique de la connaissance ? - Est-ce au nom d'une conception scientifique du monde ? - Est-ce au nom d'un dogme théologique ?
Suivant que les penseurs pessimistes ont jugé le monde en se plaçant à l'un ou à l'autre de ces divers points de vue, nous avons six variétés principales de pessimisme : 1° Pessimisme romantique ; 2° Pessimisme historique ; 3° Pessimisme misanthropique ; 4° Pessimisme agnosticiste ou irrationaliste ; 5° Pessimisme scientifique ; 6° Pessimisme théologique.
Nous ne faisons pas du pessimisme social un genre à part, parce qu'il n'est, la plupart du temps, qu'un aspect particulier ou une conséquence des formes de pessimisme que nous venons de distinguer.