1. Le terme "planisme"
Il est évident que dans cet âge de division internationale du travail d'une part et d'intervention étatique dans la vie économique d'autre part, la souveraineté illimitée de chaque nation doit conduire au nationalisme économique et par lui au conflit. Personne ne peut nier que nationalisme économique et paix sont incompatibles. C'est pourquoi tous les projets pour l'institution d'un état des affaires mondiales plus satisfaisant contiennent des propositions pour substituer une sorte quelconque de coopération internationale aux antagonismes permanents du nationalisme économique. Les plus populaires de ces suggestions sont appelées planisme mondial ou planisme international. Le planisme est le remède officiel de notre époque, on est convaincu qu'il guérira tous les maux des affaires nationales et extérieures. Le prestige du slogan planisme est si grand que le seul fait de le mentionner est considéré comme une solution de tous les problèmes économiques.
Dans le domaine national, planisme est utilisé comme synonyme de socialisme. Quelquefois seul le type de socialisme allemand — Zwangswirtschaft — est appelé planisme, tandis que le terme propre, socialisme, est réservé pour le type russe. En tout cas, planisme signifie toujours plan conçu par les autorités composant le gouvernement et exécution de ce plan sous les ordres du gouvernement avec mise en vigueur par le pouvoir de police. La planisme est l'antithèse de l'entreprise libre et de la propriété privée des moyens de production. Planisme et capitalisme sont absolument incompatibles. Dans un système planifié, la production est réalisée suivant les ordres du gouvernement et non suivant les plans d'entrepreneurs capitalistes avides de réaliser des profits en servant le mieux possible les besoins des consommateurs.
C'est une illusion de croire que planisme et entreprise libre puissent être réconciliés. Aucun compromis n'est possible entre les deux méthodes. Là où les différentes entreprises sont libres de décider ce qu'elles doivent produire et comment, il y a capitalisme. Là où par contre les autorités administratives exercent la direction, il y a planisme socialiste. Alors les diverses entreprises ne sont plus des entreprises capitalistes : elles sont des organes subordonnés de l'État, forcés d'obéir aux ordres. L'ancien entrepreneur devient un directeur comme le Betriebsführer dans l'Allemagne nazie.
L'idée d'un planisme par les groupes organisés des diverses branches de la production est très populaire auprès de quelques hommes d'affaires. Elle équivaut à substituer des cartels obligatoires à l'entreprise libre et à la concurrence. Le capitalisme serait écarté et un syndicalisme d'entrepreneurs prendrait sa place, offrant en quelque sorte une réplique au système médiéval des guildes. Cela n'introduirait pas le socialisme, mais un monopole général avec toutes ses conséquences nuisibles. L'offre serait diminuée et mettrait de sérieux obstacles au progrès technique. L'entreprise libre ne serait pas conservée, mais une position privilégiée serait donnée à ceux qui possèdent et dirigent actuellement des usines, les protégeant contre la concurrence de nouveaux venus efficaces. Cela signifierait une abdication partielle de l'État au profit de petits groupes d'hommes riches.
Dans le domaine international le mot planisme signifie quelquefois socialisme mondial avec direction mondiale unitaire. Plus souvent, cependant, il signifie substitution d'un interventionnisme auquel coopéreraient tous les gouvernements ou un plus grand nombre d'entre eux à l'interventionnisme indépendant de chaque gouvernement national. Nous aurons à examiner ces deux conceptions.
Mais avant de commencer une étude économique des problèmes en cause, il est désirable de présenter quelques observations sur les causes psychologiques de la popularité de l'idée de planisme.
2. Le complexe de dictature
Par sa nature l'homme est un être asocial et antisocial. L'enfant nouveau-né est un sauvage. L'égoïsme est sa nature. Seule l'expérience de la vie et les enseignements de ses parents, frères, soeurs, camarades et plus tard des autres personnes le forcent à reconnaître les avantages de la coopération sociale et à y adapter sa conduite. Le sauvage se forme aussi à la civilisation et à la citoyenneté. Il apprend que sa volonté n'est pas toute-puissante, qu'il doit s'accommoder des autres et adapter ses actions au milieu social et que les buts et actions des autres individus sont des faits qu'il doit reconnaître.
Le névrosé manque de cette capacité à s'adapter à son milieu. Il est asocial ; il ne parvient jamais à s'adapter aux faits ; mais, qu'il l'aime ou non, la réalité va son chemin. Il est en dehors du pouvoir du névrosé d'éliminer la volonté et les actions de ses concitoyens et de balayer toute chose devant lui ; aussi fuit-il dans les rêveries. Le faible, auquel fait défaut la force de s'accorder avec la vie et la réalité, s'abandonne aux rêveries sur la dictature et le pouvoir de soumettre le reste du monde. Le pays de ses rêves est le pays dans lequel sa volonté seule décide ; c'est le royaume dans lequel lui seul donne des ordres et tous les autres lui obéissent. Dans ce paradis il n'arrive que ce qu'il veut qu'il arrive. Tout est sain et raisonnable, c'est-à-dire que tout correspond exactement à ses idées et à ses désirs tout est conforme au point de vue de sa raison.
Dans le secret de ses rêves, le névrosé s'attribue le rôle de dictateur ; il est lui-même César. Quand il s'adresse à ses concitoyens il doit être plus modestes. Il décrit une dictature dirigée par quelqu'un d'autre ; mais ce dictateur n'est que son substitut et son factotum ; il n'agit que comme le névrosé veut qu'il agisse. Un rêveur qui s'abstient de cette réserve prudente et se propose pour le poste de dictateur, risquerait d'être considéré et traité comme un fou. Les psychiatres appelleraient sa folie mégalomanie.
Personne n'a jamais recommandé une dictature visant des fins autres que celles qu'il approuve lui-même. Celui qui défend la dictature, défend toujours le règne illimitée de sa propre volonté, même mise en oeuvre par un intermédiaire, un secrétaire. Il veut un dictateur à son image.
Nous pouvons maintenant saisir les causes de la popularité du planisme. Tout ce que les hommes font est planifié, tout est la réalisation de plans. En ce sens toute activité économique est planisme ; mais ceux qui dénigrent une production anarchique et défendent une économie planifiée sont avides d'éliminer les plans de toute autre personne. Un seul veut qu'il soit le seul à avoir le droit de vouloir, un seul plan doit être réalisé, à savoir le plan approuvé par le névrosé, le plan raisonnable, le seul. Tous les obstacles doivent être supprimés, la puissance de tous les autres individus dit être brisée, rien ne doit empêcher le misérable névrosé d'arranger le monde suivant ses désirs. Tout moyen est bon qui tend à élever sur le trône de la raison du rêveur.
L'approbation unanime du planisme par nos contemporains n'est qu'apparente. Les partisans du planisme sont en désaccord en ce qui concerne leurs plans. Ils ne sont d'accord que pour réfuter les plans proposés par autrui.
Beaucoup d'illusions populaires sur le socialisme sont dues à la croyance erronée que tous les amis du socialisme défendent le même système. Au contraire, chaque socialiste veut son socialisme et non celui des autres. Il conteste aux autres socialistes le droit à se qualifier de socialistes. Aux yeux de Staline, les mencheviks et les trotskystes ne sont pas des socialistes mais des traîtres et vice versa. Les marxistes appellent les nazis suppôts du capitalisme ; les nazis traitent les marxistes de défenseurs du capital juif. Si un homme dit socialisme ou planisme il a toujours en vue sa propre sorte de socialisme, son propre plan. Ainsi le planisme ne signifie pas en fait préparation à coopérer pacifiquement. Il signifie conflit.
3. Un gouvernement mondial
L'institution d'un gouvernement mondial supranational est une vieille idée des pacifistes.
Cependant un tel gouvernement mondial n'est pas nécessaire pour maintenir la paix, si une démocratie et une économie libre de marché prévalent partout. Avec un capitalisme libre et avec le libre échange, aucune disposition spéciale ni institution internationale ne sont nécessaires pour sauver la paix. Là où il n'y a pas discrimination contre les étrangers, quand chacun est libre de vivre et de travailler là où il veut, il n'y a plus de causes de guerre.
Nous pouvons accorder aux socialistes qu'il en est de même d'un État mondial socialiste, pourvu que les gouvernements de cet État ne fassent pas de discrimination contre aucune race, groupe linguistique, ou religions ; mais si, au contraire, la discrimination est appliquée, rien ne peut empêcher le déclenchement de guerres si ceux qui sont lésés par elle croient qu'ils sont assez forts pour l'abolir.
Tous les discours sur l'institution d'une autorité mondiale destinée à prévenir les conflits armés à l'aide d'une force de police mondiale sont vains si les groupes ou nations favorisés ne sont pas prêts à renoncer à leurs privilèges spéciaux... Si ces privilèges doivent subsister, un État mondial ne peut être conçu que comme le règne despotique des nations privilégiées sur les nations défavorisées. Une communauté démocratique de nations libres est incompatible avec aucune discrimination contre de grands groupes.
Un parlement mondial élu au suffrage universel et égal de tous les adultes ne consentirait jamais des barrières aux migrations et aux échanges. Il est absurde d'affirmer que les peuples d'Asie seraient prêts à tolérer les lois sur l'immigration de l'Australie ou de la Nouvelle-Zélande ou que les nations d'Europe à prédominance industrielle accepteraient une politique de protectionnisme de la part des pays produisant des matières premières et des denrées alimentaires.
Il ne faut pas se laisser induire en erreur par le fait que dans des pays séparés, des groupes minoritaires ont réussi à obtenir des privilèges avantageux pour eux-mêmes et nuisibles à la majorité de la nation. Nous avons suffisamment étudié ce phénomène. Nous pouvons supposer que la complexité du problème posé par les conséquences économiques du protectionnisme obscurcisse l'esprit des législateurs internationaux, de telle sorte que ceux qui sont lésés par les barrières douanières soient temporairement trompés et retirent leur opposition. Ce n'est pas très vraisemblable, mais cela pourrait arriver. Néanmoins, il est certain qu'un parlement mondial dans lequel les représentants des pays lésés par le jeu des barrières d'immigration formeraient une majorité compacte, ne consentirait jamais à leur maintien permanent. Tels sont les faits pénibles qui rendent illusoires les plans ambitieux d'un État démocratique mondial ou d'une fédération mondiale.
Nous avons déjà montré que le maintien des barrières de migration dirigées contre les nations totalitaires aspirant à la conquête du monde, est indispensable à la défense politique et militaire. Il serait incontestablement faux d'affirmer que dans les conditions actuelles, toute barrière de migration est la conséquence des intérêts de classe égoïste et mal compris des travailleurs. Cependant, à l'encontre de la doctrine marxiste de l'impérialisme presque généralement acceptée aujourd'hui, il est nécessaire de souligner que les capitalistes et entrepreneurs, en leur qualité d'employeurs, n'ont aucun intérêt à l'établissement de ces barrières d'immigration. Même si nous acceptions la doctrine fallacieuse selon laquelle profits et intérêt se forment uniquement parce qu'entrepreneurs et capitalistes retiennent au travailleur une fraction de sa juste part, il est évident que ni les intérêts à court terme ni les intérêts à long terme ne conduisent les capitalistes et les entrepreneurs vers des mesures qui font monter les taux des salaires nominaux. Le capital n'encourage pas l'établissement des barrières d'immigration, pas plus que la politique sociale, dont la conséquence inévitable est le protectionnisme. Si les intérêts égoïstes de classe des grandes entreprises étaient souverains dans le monde, comme les marxistes l'affirment, il n'y aurait aucune barrière douanière. Les propriétaires des usines qui ont le meilleur rendement — sous un régime de liberté économique intérieure — n'ont aucun intérêt à la protection. Il ne demanderaient pas de droits d'importation si ce n'était pour compenser la hausse des coûts provoquée par la politique sociale.
Aussi longtemps qu'il existe des barrières aux migrations, le taux des salaires sur le marché intérieur de la main-d'oeuvre demeurera plus élevé dans les pays où les conditions matérielles de production sont plus favorables — comme, par exemple, aux États-Unis — que dans les pays présentant des conditions moins favorables. Les tendances vers une égalisation des taux de salaires font défaut quand la migration des ouvriers est empêchée. Avec le libre échange combiné avec les barrières aux migrations, une tendance prévaudrait aux États-Unis à l'expansion des branches de production dans lesquelles les salaires forment une part relativement faible du coût de production. Les branches qui exigent comparativement plus de main-d'oeuvre (par exempel, l'industrie du vêtement) se contracteraient. Les importations en résultant ne provoqueraient ni mauvaise situation économique, ni chômage. Elles seraient compensées par une augmentation des exportations des produits qui peuvent être produits au meilleur coût dans ce pays. Elles élèveraient le niveau de vie à la fois en Amérique et à l'étranger. Tandis que quelques entreprises sont menacées par le libre échange, les intérêts de la plus grande partie de l'industrie et de toute la nation ne le sont pas. Le principal argument avancé en faveur du protectionnisme américain, à savoir que la protection est nécessaire pour maintenir le niveau de vie élevé de la nation, est fallacieux. Les taux américains de salaires sont protégés par les lois sur l'immigration.
La législation sociale et la tactique syndicale aboutissent à faire monter les taux de salaires au-dessus du niveau assuré par les lois d'immigration. Les gains sociaux réalisés par de telles méthodes ne sont qu'apparents. S'il n'y a pas de tarif douanier, elles conduisent ou à une baisse des salaires ou au chômage, parce qu'elles affaiblissent la capacité de concurrence des industries nationales, dont les ventes diminuent concurremment. S'il existe un tarif protecteur, elles font monter les prix des marchandises qui, par suite de l'accroissement des coûts de la production nationale demandent une protection. Ainsi les ouvriers sont touchés en leur quantité de consommateurs.
Les investisseurs ne subiraient pas de dommage si la protection était refusée aux industries nationales. Ils sont libres d'investir dans le pays où les conditions semblent offrir les meilleures chances de profit. Seuls les intérêts du capital déjà investi dans quelques branches d'industrie sont favorisés par la protection.
La meilleure preuve que les grandes entreprises ne tirent aucun avantage de la protection, est fournie par le fait que les plus grandes firmes ont des usines dans divers pays [1]. Il serait cependant plus profitable pour elles (et évidemment en même temps plus avantageux pour les consommateurs) de pouvoir concentrer toute leur production dans des usines situées là où les conditions sont les plus favorables.
La barrière réelle à un plein usage des forces productives n'est pas, comme disent les marxistes, le capital ou le capitalisme, mais les politiques destinées à réformer et à faire échec au capitalisme que Marx stigmatise comme petit bourgeois. En même temps ces politiques engendrent le nationalisme économique et substituent le conflit international à la coopération pacifique résultant de la division internationale du travail.
Note
[1] Par exemple les fabricants américains d'automobiles ou les grandes affaires de pétrole, de margarine et de savon. Les fabricants américains d'automobiles ne défendent pas la protection. En Allemagne, l'Association des Industriels de la Mécanique était la seule organisation qui (jusqu'en 1933) avait le courage de combattre ouvertement le programme protectionniste des partis nationalistes.
4. La production planifiée
Les suggestions les plus réalistes de planisme mondial n'impliquent pas la création d'un État mondial avec parlement mondial. Elles proposent des accords et des règlements internationaux concernant la production, le commerce extérieur, la monnaie et le crédit et finalement les prêts et les investissements étrangers.
Les planistes présentent quelquefois leurs propositions comme des mesures destinées à combattre la pauvreté et le besoin. Cette présentation est ambiguë. Toutes les politiques économiques ont conçues comme des remèdes contre la pauvreté. Le laissez-faire aussi est une méthode pour abolir la pauvreté. Histoire et théorie économique démontrent toutes les deux qu'il a été plus fructueux que n'importe quelle autre politique. Quand les Japonais essayaient de développer leurs exportations en vendant le meilleur marché possible, ils cherchaient aussi à améliorer le sort des masses japonaises. Si le nationalisme économique des autres pays n'avait pas paralysé leurs efforts, ils n'auraient pas seulement atteint ce but, mais ils auraient en même temps élevé le niveau de vie des pays importateurs en leur fournissant des marchandises meilleur marché.
Il est nécessaire de souligner que nous ne traitons pas ici de plans de charité internationale. Beaucoup de souffrances seraient soulagées si quelques nations étaient disposées à aider les masses affamées des pays pauvres en distribuant gratuitement nourriture et vêtement ; mais de telles actions ne sont pas du domaine de considérations strictement économiques. Ce sont des modes de consommation et non de production des biens.
Nous pouvons d'abord examiner les propositions de réglementer — par des accords internationaux des divers gouvernements ou par ordre d'une ordre d'une autorité internationale créée à cet effet — la production des différentes marchandises.
Dans un marché libre, les prix sont les guides et les régulateurs de la production. Des biens sont créées quand ils peuvent être produits avec un profit et ne sont pas créés quand la production implique une perte. Une industrie bénéficiaire tend à se développer et une industrie non bénéficiaire à se contracter. Une industrie n'est pas bénéficiaire quand les prix obtenus par le producteur ne paient pas le coût des matières premières et de la main-d'oeuvre nécessaires à la production. C'est pourquoi les consommateurs déterminent en achetant ou en s'abstenant quelles quantités doivent être produites dans chaque branche d'industrie. La quantité de blé produite est déterminée par le prix que les consommateurs sont prêts à payer. Une expansion de la production au delà de ces limites signifierait que les facteurs de production (travail et capital), qui d'après les demandes des consommateurs sont nécessaires à la production d'autres biens, seraient détournés pour la satisfaction de besoins que les consommateurs considèrent comme moins urgents. Avec un capitalisme sans entraves, une tendance prévaut à fixer dans chaque domaine l'importance de la production à un niveau tel que le ou les producteurs marginaux, c'est-à-dire ceux travaillant dans les moins bonnes conditions, ne fassent un profit ou ne subissent une perte.
Telles étant les conditions, un règlement entraînant un développement de la production d'une marchandise serait inutile si le gouvernement ou l'autorité internationale ne subventionnait pas es producteurs submarginaux afin de les indemniser des pertes subies ; mais cela aboutirait à une déduction correspondante de la production d'autres biens. Des facteurs de production seraient retirés aux autres branches pour servir à développer l'industrie subventionnée. Les consommateurs, qui, en tant que contribuables, fourniraient les fonds nécessaires à la subvention, devraient réduire leur consommation. Ils reçoivent des quantités plus faibles de biens dont ils veulent recevoir davantage et ont l'occasion de recevoir davantage de biens pour lesquels leur demande est moins intense. L'intervention du gouvernement ne se conforme pas à leurs désirs individuels. Finalement, ils ne peuvent considérer ce résultat comme une amélioration de leur situation.
Les gouvernements n'ont pas le pouvoir d'accroître l'offre d'une marchandise sans provoquer une restriction correspondante de l'offre d'autres marchandises que les consommateurs demandent de façon plus urgente. L'autorité administrative ne peut réduire le prix d'un bien qu'en augmentant les prix des autres.
Il y a évidemment des centaines de millions de personnes qui seraient disposées à consommer davantage de blé, de sucre, de caoutchouc ou d'étain, si les prix étaient plus bas. Les ventes de toute marchandise augmentent avec la baisse des prix ; mais aucune intervention étatique ne peut faire baisser le prix de ces marchandises, sans faire monter le prix des autres produits, par exemple viande, laine, ou pulpe. Un accroissement général de la production ne peut être obtenu que par l'amélioration des méthodes techniques, par l'accumulation de capital supplémentaire et par un usage plus efficace de tous les facteurs de production. Aucun planisme — qu'il soit national ou international — ne peut entraîner une baisse générale des prix réels et obéir aux plaintes de ceux pour qui les prix sont trop élevés.
Mais la plupart des partisans d'un planisme international n'ont pas la moindre intention de faire baisser les prix des matières premières et des denrées alimentaires, au contraire. Ce qu'ils projettent en réalité est la hausse des prix et la réduction de l'offre. Ils voient les meilleures promesses dans les politiques, par lesquelles les gouvernements — surtout dans les vingt dernières années — ont essayé d'appliquer des restrictions de production e des hausses de prix en faveur de groupes spéciaux de producteurs et au détriment des consommateurs. A la vérité, quelques-uns de ces plans n'agirent que peu de temps, puis s'effondrèrent, tandis que beaucoup n'agirent pas du tout. Mais, selon les planistes, cela était dû à ses erreurs d'exécution technique. L'essence de tous leurs projets de planisme économique d'après guerre est d'améliorer les méthodes appliquées pour les faire réussir à l'avenir.
Le fait dangereux est que, tandis que le gouvernement est paralysé dans ses efforts pour faire baisser le prix d'une marchandise, il a certainement le pouvoir de le faire monter. Les gouvernements peuvent créer des monopoles ; ils peuvent forcer les consommateurs à payer des prix des monopoles et ils usent de ce pouvoir immodérément.
Dans le domaine des relations économiques internationales rien de plus désastreux ne pourrait arriver que la réalisation de tels plans. Ils diviseraient le monde en deux groupes : exploiteur et exploité ; ceux restreignant la production et imposant des prix de monopole et ceux forcés de payer des prix de monopole. Ainsi naîtraient des conflits d'intérêts aboutissant inévitablement à des guerres nouvelles.
Les défenseurs de ces plans essaient de justifier leurs suggestions en faisant remarquer que les conditions sont très peu satisfaisantes pour les producteurs de matières premières et de denrées alimentaires. Dans ces domaines, insistent-ils, il y a surproduction et les prix sont si bas que les producteurs perdent de l'argent. Le but de leurs plans, disent-ils, est de rétablir le caractère rémunérateur de la production.
Il est exact qu'une grande partie de la production de ces marchandises ne paie pas. La tendance à l'autarcie rend plus difficile, pour les nations industrielles, la vente à l'étranger de leurs produits manufacturés ; en conséquence ils doivent réduire leurs achats de denrées alimentaires et de matières premières. Il est donc nécessaire de diminuer la production de denrées alimentaires et de matières premières ; les producteurs submarginaux doivent cesser leur activité. C'est très malheureux pour eux, mais ils ne peuvent blâmer que les hommes politiques de leur propre pays qui ont été responsables de la politique hyperprotectionniste. La seule façon d'accroître les ventes de café et de faire monter les prix sur un marché non monopolisé est d'acheter davantage de produits dans les pays où la consommation de café se développerait si leurs exportations augmentaient ; mais les regroupements de producteurs coalisés rejettent cette solution et cherchent à obtenir des prix de monopole. Ils veulent substituer des plans de monopole au jeu d'un marché libre. Sur un marché libre, la diminution de la production de matières premières et de denrées alimentaires, rendue inévitable par les politiques protectionnistes des pays producteurs, se produirait automatiquement par l'élimination des producteurs submarginaux, c'est-à-dire ceux dont la production ne paie pas au prix du marché ; mais le gouvernement veut réaliser une diminution beaucoup plus grande pour établir des prix de monopole.
On a souvent dit que le mécanisme du marché capitaliste ne fonctionnait plus dans les conditions actuelles. Les producteurs submarginaux, d'après ce raisonnement, ne cessent pas leur activité ; ils continuent à produire ; aussi les prix descendent-ils à un niveau auquel la production ne rémunère plus aucun producteur. C'est pourquoi l'intervention de l'État est nécessaire.
Le fait est exact ; mais son interprétation et les conclusions qui en sont tirées sont entièrement fausses. La raison pour laquelle les producteurs submarginaux n'arrêtent pas de produire est qu'ils font confiance à l'intervention étatique pour rendre de nouveau leur activité rémunératrice. Leur production continuée encombre le marché de telle sorte que les prix ne couvrent même plus les coûts des autres producteurs. Dans ce cas, comme dans de nombreux autres, les effets nuisibles d'une précédente intervention étatique sont mis en avant comme arguments en faveur d'une intervention ultérieure. Les ventes à l'exportation diminuent parce que les importations ont été empêchées ; aussi les prix des produits d'exportation baissent également ; et alors une demande de majoration des prix est présentée.
Considérons une fois encore les conditions de l'agriculture américaine. Depuis les premiers commencements coloniaux, il s'est produit un continuel glissement des cultures des sols moins fertiles. Il y a toujours eu des exploitations submarginales dans lesquelles la production a dû être arrêtée parce que la concurrence des agriculteurs produisant meilleur marché les a rendues déficitaires ; mais avec le New Deal, les choses ont pris un nouvel aspect. L'État intervint dans l'intérêt des agriculteurs submarginaux. Tous les agriculteurs durent se soumettre à une réduction proportionnelle de la production. Le gouvernement s'engagea dans un vaste plan de diminution de la production, de hausse des prix, et de subventions aux agriculteurs. En intervenant pour le bénéfice particulier du fermier submarginal, il agit au détriment de tous les consommateurs de nourriture et de coton et à celui du contribuable, imposant le reste de la nation afin de payer des primes à quelques groupes. Ainsi la nation est séparée en deux classes en conflit : une classe de bénéficiaires de primes et une classe plus nombreuse de payeurs de primes. C'est la conséquence inévitable de l'interventionnisme. Le gouvernement ne peut donner à un groupe que ce qu'il prend à un autre.
Les conflits intérieurs engendrés par de telles politiques sont très graves ; mais dans le domaine des relations internationales ils sont incomparablement plus désastreux. Dans la mesure où des prix de monopole sont imposés pour les denrées alimentaires et les matières premières, les plaintes des haves-nots sont justifiées.
Telles sont les perspectives du planisme international ou mondial dans le domaine de la production des matières premières et des denrées alimentaires. Il serait difficile d'imaginer aucun programme dont la réalisation contribuerait davantage à engendrer pour l'avenir des conflits et des guerres.
5. Accords de libre échange
A l'époque du laissez-faire, les traités commerciaux étaient considérés comme un moyen d'abolir peu à peu des barrières commerciales et toutes les autres mesures de discrimination contre les étrangers. La clause de la nation la plus favorisée était alors la condition indispensable de ces traités.
Puis le vent tourna. Avec la montée de l'interventionnisme les importations semblaient désastreuses pour la prospérité économique d'une nation. La discrimination contre les étrangers en vint à être considérée comme un bon moyen de promouvoir le bien-être d'un pays. La signification des traités commerciaux changea radicalement. Les gouvernements devinrent avides de se duper dans les négociations. Un traité était apprécié dans la mesure où il gênait le commerce d'exportation de l'autre nation et semblait encourager le sien. Le traitement de la nation la plus favorisée donnait lieu à une discrimination hostile.
A la longue, il ne peut pas y avoir de protectionnisme modéré. Si l'on considère les importations comme un mal, on ne s'arrêtera pas sur la voie de l'autarcie. Pourquoi tolérer un mal s'il semble exister un moyen de s'en débarrasser ? Le protectionnisme devait évoluer vers le système des licences et des contingentements et le contrôle des changes. Le but ultime de la politique commerciale de presque toutes les nations est d'empêcher toute importation. C'est l'autarcie.
Il est vain d'attendre quoi que ce soit de changements purement techniques dans les méthodes appliquées aux négociations internationales sur le commerce extérieur. Si Atlantis est résolue à interdire l'accès des vêtements fabriqués à l'étranger, il est sans importance que ses délégués négocient directement avec les délégués de Thulé ou que le sujet soit traité par un service international où d'autres nations sont représentées. Si Atlantis est prête à admettre une quantité limitée — un contingent — de vêtements de Thulé seulement parce qu'elle veut vendre un contingent correspondant de blé à Thulé, il y a peu de chances qu'elle cède à la suggestion d'allouer à d'autres nations une partie de ce contingent. Si la pression ou la violence sont employées pour forcer Atlantis à modifier ses règles d'importation pour que de plus grandes quantités de vêtements puissent être importées, elle recourra à d'autres méthodes d'interventionnisme. Sous un régime d'intervention étatique, un gouvernement dispose d'innombrables moyens pour pénaliser les importations. Ils peuvent être moins faciles à manier, mais ils peuvent être aussi efficaces que les tarifs, les contingents et la prohibition totale d'importations.
A l'heure actuelle, un organisme international de planification du commerce extérieur serait une assemblée de délégués de gouvernements attachés aux idées hyperprotectionnistes. C'est une illusion de supposer qu'une telle autorité serait en mesure de contribuer de façon authentique et durable au fonctionnement des échanges internationaux.
Quelques personnes croient encore que tandis qu'un libre échange universel et une division mondiale du travail sont tout à fait nuisibles, des pays voisins pourraient se réunir en une coopération économique plus étroite. Leurs économies pourraient être complémentaires, dit-on, s'ils étaient disposés à former des blocs économiques régionaux. Cette doctrine, développée d'abord par le nationalisme allemand, est fausse.
En général, des pays voisins présentent des conditions naturelles de production analogues, surtout en agriculture. Leurs systèmes économiques ont moins de chances de se compléter que de les rendre concurrents sur le marché mondial. Une union douanière entre l'Espagne et le Portugal, ou entre la Bulgarie et la Yougoslavie, ou entre l'Allemagne et la Belgique aurait peu d'intérêt. Les problèmes principaux du commerce extérieur ne sont pas régionaux. Les conditions d'exportation de vin d'Espagne ne pourraient pas être améliorées grâce au libre-échange avec le Portugal, ou vice versa. C'est également vrai de la production de machines en Allemagne et en Belgique, ou de la production agricole en Bulgarie et en Yougoslavie.
6. Planisme monétaire
L'étalon-or était un étalon international. Il assurait la stabilité des changes. C'était un corollaire du libre-échange et de la division internationale du travail. C'est pourquoi les partisans de l'étatisme et du protectionnisme radical le dénigraient et demandaient sa suppression. Leur campagne fut couronnée de succès.
Même au sommet du libéralisme, les gouvernements ne renoncèrent pas à essayer d'appliquer des plans d'argent facile. L'opinion publique n'est pas préparée à se rendre compte que l'intérêt est un phénomène de marché, qui ne peut être supprimé par intervention étatique. Chacun attribue une plus grande valeur à un pain disponible aujourd'hui qu'à un pain qui ne sera seulement disponible que dans dix ans ou cent ans. Tant que cela est vrai, toute activité économique doit en tenir compte. Même une direction socialiste serait forcé d'y apporter toute son attention.
Dans une économie de marché, le taux d'intérêt a tendance à correspondre à la différence d'évaluation entre les biens futurs et présents. A vrai dire, les gouvernements peuvent réduire le taux d'intérêt à court terme. Ils peuvent émettre du papier monnaie supplémentaire, ils peuvent ouvrir les voies à l'expansion de crédit par les banques. Ils peuvent créer ainsi un essor et l'apparence de la prospérité ; mais un tel essor est condamné tôt ou tard à s'effondrer et à provoquer une dépression.
L'étalon-or peut mettre un frein aux plans gouvernementaux d'argent facile. Il était impossible de se livrer à une expansion de crédit et rester fidèle à la parité or fixée de façon permanente de la loi. Les gouvernements devaient choisir entre l'étalon-or et leur politique — si désastreuse à la longue — d'expansion de crédit. L'étalon ne s'effondra pas. Les gouvernements l'ont détruit. Il était aussi incompatible avec l'étatisme que l'était le libre échange. Les divers gouvernements se débarrassèrent de l'étalon-or parce qu'ils cherchaient à faire monter les prix et les salaires nationaux au-dessus du niveau mondial et parce qu'ils voulaient stimuler les exportations et paralyser les importations. La stabilité des changes était à leurs yeux un mal, non un bienfait [1].
Aucun accord ni planisme international n'est nécessaire si un gouvernement veut retourner à l'étalon-or. Toute nation riche ou pauvre, puissante ou faible, peut à tout moment adopter à nouveau l'étalon-or. La seule condition requise est l'abandon d'une politique d'argent facile et des efforts pour combattre les importations par la dévaluation.
La question débattue ici n'est pas de savoir si une nation doit retourner à la parité or jadis en vigueur et depuis longtemps abandonnée. Une telle politique ne signifierait évidemment pas déflation à l'heure actuelle. Mais tout gouvernement est libre de stabiliser le rapport existant entre sa monnaie nationale et l'or et de maintenir ce rapport stable. S'il n'y a pas de nouvelle expansion de crédit et pas de nouvelle inflation le mécanisme de l'étalon-or et de l'étalon de change-or fonctionnera de nouveau.
Tous les gouvernements sont, cependant, fermement résolus à ne pas abandonner inflation et expansion du crédit. Ils ont tous vendu leur âme au démon de l'argent facile. C'est une grande facilité pour toute administration que de pouvoir rendre ses administrés heureux en dépensant, car l'opinion publique attribuera alors l'essor consécutif aux gouvernants au pouvoir. L'effondrement inévitable se produira plus tard et pèsera sur leurs successeurs. C'est la politique typique d'après nous le déluge. Lord Keynes, le champion de cette politique, dit : Plus tard nous serons tous morts [2]. Mais malheureusement nous survivons presque tous à ce court terme. Nous sommes voués à payer pendant des décades les conséquences de l'orgie d'argent facile de quelques années.
L'inflation est essentiellement antidémocratique. Le contrôle démocratique est un contrôle budgétaire. L'État n'a qu'une source de revenus, les impôts. Aucune imposition n'est légale sans consentement du Parlement ; mais si le gouvernement a d'autres sources de revenus, il peut se libérer de ce contrôle.
Si une guerre devient inévitable, un gouvernement vraiment démocratique est forcé de dire la vérité au pays. Il doit dire : Nous sommes forcés de combattre pour notre indépendance. Vous, citoyens, devez en porter le poids. Vous devez payer des impôts plus lourds, vous devez donc réduire votre consommation. Mais si le parti au pouvoir ne veut pas mettre en péril sa popularité par une lourde fiscalité, il a recours à l'inflation.
L'époque est passée où la majorité des personnes en place considérait la stabilité des changes comme un avantage. La dévaluation monétaire est devenue maintenant pour un pays un moyen régulier de réduire ses importations et d'exproprier les capitaux étrangers. C'est l'une des méthodes du nationalisme économique. Peu de personnes souhaitent actuellement que les changes soient stables dans leur pays. Leur pays, on le voit bien, combat les barrières commerciales des autres nations et la dévaluation progressive des systèmes monétaires étrangers. Pourquoi oserait-on détruire ses propres barrières commerciales ?
Quelques-uns des défenseurs d'une nouvelle monnaie internationale croient que l'or ne convient plus pour cette fonction précisément parce qu'il met un frein à l'expansion de crédit. Leur idée est un papier monnaie universel émis par une autorité mondiale internationale ou une banque d'émission mondiale. Les nations individuelles seraient obligées de conserver leurs monnaies au pair de la monnaie mondiale. L'autorité mondiale seule aurait le droit d'émettre un supplément de papier monnaie ou d'autoriser l'expansion de crédit par la banque mondiale. Ainsi serait assurée la stabilité des changes entre les divers systèmes monétaires nationaux tandis que les prétendus bienfaits de l'inflation et de l'expansion de crédit seraient conservés.
Cependant, ces plans ne tiennent pas compte d'un point capital. Dans chaque cas d'inflation ou d'expansion de crédit, il y a deux groupes, celui des gagnants et celui des perdants. Les créanciers sont les perdants ; c'est leur perte qui constitue le profit des débiteurs, mais ce n'est pas tout. Les conséquences les plus néfastes de l'inflation proviennent de ce que la hausse des prix et des salaires se produit à des époques différentes et avec une intensité variable pour les diverses espèces de marchandises et de main-d'oeuvre. Quelques catégories de prix et de salaires montent plus vite et à un niveau plus élevé que les autres. Pendant que l'inflation est en cours certaines personnes jouissent de l'avantage de prix élevés pour les biens et services qu'elles rendent, tandis que les prix des biens et services qu'elles achètent n'ont pas monté ou n'ont pas monté dans la même proportion. Ces individus tirent un profit de leur situation privilégiée. Pour eux l'inflation est une bonne affaire. Leurs gains proviennent des pertes des autres parties de la population. Les perdants sont les individus se trouvant dans l'obligation malheureuse de vendre des services et des biens dont les prix n'ont pas monté ou n'ont pas monté proportionnellement aux prix des choses qu'ils achètent pour leur propre consommation. Deux des plus grands philosophes du monde, David Hume et John Stuart Mill, se sont efforcés de construire un plan de modifications inflationnistes dans lequel la hausse des prix et des salaires se produirait en même temps et de façon égale pour tous les biens et services. Ils ont tous les deux échoué dans leurs tentatives. La théorie monétaire moderne nous a fourni la démonstration irréfutable que cette disproportion et cette absence de simultanéité sont les caractères inévitables de tout changement de la quantité de monnaie et de crédit [3].
Dans un système d'inflation mondiale ou d'expansion mondiale de crédit, chaque nation chercherait à faire partie de la classe des gagnants et non de celle des perdants. Elle demandera pour elle-même la plus grande quantité possible sur le supplément de papier monnaie ou de crédit. Comme aucune méthode ne pourrait éliminer les inégalités mentionnées ci-dessus et qu'aucun principe juste de distribution ne pourrait être trouvé, des antagonismes apparaîtraient, auxquels il n'y aurait aucune solution satisfaisante. Les nations pauvres et surpeuplées d'Asie, par exemple, réclameraient une allocation par tête, procédure qui aboutirait à faire monter les prix des matières premières qu'elles produisent, plus rapidement que les prix des produits manufacturés qu'elles achètent. Les nations riches demanderaient une distribution selon le revenu national ou selon le montant total du chiffre d'affaires ou autres critériums analogues. Il n'y a pas d'espoir de parvenir à un accord.
Notes
[1] Telle est l'essence des théories monétaires de Lord Keynes. L'école de Keynes défend passionnément l'instabilité des changes.
[2] Lord Keynes n'a pas écrit cette phrase afin de recommander les politiques à courte échéance mais afin de critiquer quelques méthodes et affirmations inadéquates de théorie monétaire (Keynes, Monetary Reform, New-York, 1924, p. 88). Cependant cette phrase caractérise très bien la politique économique recommandée par Lord Keynes et son école.
[3] Voir Mises, Theory of money and Credit (New-York, 1934), p. 137-145, et Nationalökonomie (Genève, 1940), p. 375-378.
7. Planisme international des mouvements de capitaux
Les suggestions les plus surprenantes de planisme international concernent les prêts et investissements étrangers. Elles visent à une distribution équitable du capital disponible.
Supposons que les capitalistes américains soient disposés à consentir un prêt au gouvernement du Venezuela ou à investir des capitaux dans une mine chilienne. Qu'est-ce qu'un organisme international peut faire dans ce cas ? Il n'aura certainement pas le pouvoir de contraindre les capitalistes américains à prêter de m'argent à la Chine plutôt qu'au Venezuela ou à faire des investissements dans les chemins de fer persans à la place des mines du Chili.
le gouvernement américain peut vouloir pour diverses raisons subventionner la construction de routes au Mexique. L'autorité internationale lui donnerai-elle l'ordre de subventionner à la place les usines textiles grecques ?
Le marché international des capitaux a été désagrégé par le nationalisme économique, comme toutes les autres branches de la vie économiques internationale. Comme les investissements et les prêts sont du domaine des affaires et non celui de la charité, les capitalistes ont perdu le goût d'investir à l'étranger. Ce sera une tâche difficile et longue que de reconstruire les relations financières internationales et le marché des capitaux. L'intervention des autorités internationales ne favoriserait pas ces efforts, plus vraisemblablement elle les gênerait.
Il y a des chances pour que les syndicats soient hostiles aux exportations de capitaux parce qu'ils cherchent à élever le plus possible la productivité marginale de la main-d'oeuvre nationale. Beaucoup de gouvernements mettent un embargo général à l'exportation de capital ; les investissements à l'étranger sont interdits sans une autorisation spéciale de l'État. Il est peu probable qu'un changement se produise immédiatement après la guerre.
Les pays les plus pauvres ont fait tout ce qu'ils ont pu pour désintégrer le marché international des capitaux. Après avoir infligé autant de dommages que possible aux capitalistes et entrepreneurs étrangers, ils sont maintenant avides de recevoir de nouveaux capitaux étrangers. Aujourd'hui ils ne rencontrent cependant que répugnance. Les capitalistes évitent les débiteurs douteux, et les travailleurs ne consentent pas à laisser partir les capitaux.