On distingue les productions de la terre en denrées et en matières premières. Les denrées sont les productions qui servent à notre subsistance et à celle des animaux que nous élevons. Les matières premières sont des productions qui peuvent prendre différentes formes, et par là devenir propres à divers usages.
Les productions considérées comme denrées ou comme matières premières, se nomment richesses foncières, parce qu’elles sont le produit des fonds de terre.
Les matières premières, travaillées, manufacturées, mises en œuvre, se nomment richesses mobiliaires, parce que les formes qu’on leur a fait prendre en font des meubles qui servent à nos besoins.
S’il n’y avait point de richesses foncières, il n y aurait point de richesses mobilières ; ou, ce qui est la même chose, s’il n’y avait point de matières premières, il n’y aurait point de matières travaillées.
Les richesses foncières sont donc des richesses du premier ordre, ou des richesses sans lesquelles il n’y aurait point d’autres richesses.
Les richesses mobiliaires ne sont que du second ordre, puisqu’elles supposent les richesses foncières. Mais elles n’en sont pas moins des richesses, les formes qui donnent aux matières premières une utilité leur donnent une valeur.
A parler exactement, le colon ne produit rien, il dispose seulement la terre à produire.
L’artisan, au contraire, produit une valeur, puisqu’il y en a une dans les formes qu’il donne aux matières premières. Produire, en effet, c’est donner de nouvelles formes à la matière ; car la terre, lorsqu’elle produit, ne fait pas autre chose.
Mais parce que la terre, abandonnée à elle-même, nous laisserait souvent manquer des productions qui nous sont le plus nécessaires, on peut regarder comme produit du colon tout ce qu’il recueille sur les champs qu’il a cultivés.
Je dirai donc que le colon produit les richesses foncières et que l’artisan produit les richesses mobiliaires. Si le premier ne travaillait pas, nous manquerions de productions ; et si le second ne travaillait pas, nous manquerions de mobilier.
Nous avons vu que la valeur, fondée sur le besoin, croît dans la rareté et diminue dans l’abondance.
Les ouvrages de l’art ont donc plus de valeur, lorsqu’ils sont de nature à ne pouvoir être faits que par un petit nombre d’artisans, puisqu’alors ils sont plus rares ; et ils en ont moins, lorsqu’ils sont de nature à pouvoir être faits par un plus grand nombre d’artisans, puisqu’alors ils sont plus communs.
Leur valeur est la valeur même de la matière première, plus la valeur de la forme.
La valeur de la forme ne peut être que la valeur du travail qui la donne. Elle est le salaire dû à l’ouvrier.
Si on payait ce salaire avec des productions, on en donnerait à l’ouvrier autant qu’il a droit d’en consommer pendant tout le temps que dure son travail.
Lorsque l’ouvrage est fait, la valeur de la forme est donc équivalente à la valeur des productions que l’ouvrier est censé avoir consommées.
Ces productions ne sont plus. Mais, si on considère qu’elles ont été remplacées par d’autres, on jugera que la quantité des richesses foncières est la même, années communes.
Les richesses foncières ne se remplacent qu’autant qu’elles se détruisent. Produites pour être consommées, elles ne se reproduisent qu’en raison de la consommation ; et la quantité qui s’en consomme est déterminée par le besoin, besoin qui a des limites.
Les richesses mobiliaires font plus que se remplacer, elles s’accumulent. Destinées à nous procurer toutes les jouissances dont nous nous sommes fait autant d’habitudes,elles se multiplient comme nos besoins factices, qui peuvent se multiplier sans fin. Ajoutez qu’elles sont en général d’une matière durable, qui souvent se conserve presque sans déchet.
Par le travail de l’artisan, les valeurs s’accumulent; mais il a consommé en productions des valeurs équivalentes ; et par conséquent les richesses mobiliaires ne se multiplient qu’avec le secours des richesses foncières.
Le colon produit plus qu’il ne consomme. C’est avec son surabondant qu’il fait subsister ceux qui ne cultivent pas. Mais, comme nous l’avons dit, il n’accumule pas valeur sur valeur ; il ne fait que remplacer les productions à mesure qu’elles se détruisent ; et, par son travail, les richesses ou les productions sont toujours en proportion des quantités qui s’en consomment. L’artisan, au contraire, ajoute à la masse des richesses des valeurs équivalentes à la valeur des productions qu’il a consommées, et par son travail les richesses mobiliaires s’accumulent.