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modifications
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== Chapitre 10. Position du problème et aperçu préliminaire. == | == Chapitre 10. Position du problème et aperçu préliminaire. == | ||
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s'engagent-elles dans la voie du collectivisme autoritaire, ou dans | s'engagent-elles dans la voie du collectivisme autoritaire, ou dans | ||
celle de l'individualisme libertaire ? | celle de l'individualisme libertaire ? | ||
== Chapitre 11. La concentration industrielle et commerciale. == | |||
* Section 1. Agrandissement des entreprises. | |||
La concentration dans l'industrie manufacturière, les transports, | |||
le commerce de détail, les banques, les assurances, etc., est un fait | |||
si universellement connu, si fortement établi par des observations | |||
nombreuses et concordantes, qu'il est devenu banal de le constater; | |||
toutefois, il n'est pas inutile de mesurer par des chiffres l'étendue | |||
actuelle du mouvement, et surtout la vitesse de son cours. Sur ce | |||
dernier point, nous n'avons guère à notre service que les statistiques | |||
allemandes, les seules qui aient été établies sur les mêmes bases à deux | |||
époques différentes. Il est vrai que l'Allemagne, dont le développement | |||
industriel a été si remarquable dans les dernières années du | |||
XIXème siècle, nous offre une excellente illustration du phénomène. | |||
Dans l'intervalle de treize ans qui sépare les deux derniers recensements | |||
professionnels allemands de 1883 et 1895, le nombre des | |||
petites exploitations industrielles (travailleurs isolés et établissements | |||
occupant 5 personnes au plus) a sensiblement diminué, | |||
tandis qu'augmentait celui des moyennes (6 à 50 personnes) et des | |||
grandes exploitations. Les premières ont perdu 79000 personnes | |||
, alors que les secondes en gagnaient 793000 | |||
et les troisièmes 353000; aussi la | |||
proportion du personnel des petites entreprises dans l'ensemble | |||
est-elle tombée de 55 à 40 p. 100. A l'intérieur de chacune de ces | |||
trois grandes classes, même tendance à l'accroissement proportionnel | |||
du personnel des établissements les plus importants. Si l'on tient compte, à côté du personnel, de l'importance des forces inanimées employées dans les diverses exploitations, en comptant un cheval-vapeur comme l'équivalent de 24 forces humaines, la prépondérance des grandes entreprises apparait bien plus forte | |||
encore. Dans l'industrie et le commerce (les statistiques allemandes | |||
ne nous permettent pas de les séparer pour ce calcul nous observons | |||
que, si les petits établissements occupent encore 46 p. 100 du | |||
personnel, ils n'emploient plus que 15 p. 100 du total des forces en hommes et en moteurs, tandis que les grands établissements de plus de 100 personnes, avec leurs différentes branches et succursales, | |||
comprennent plus de la moitié de ces forces réunies (exactement | |||
54,8 p. 100),. Dans ce chiffre, les exploitations géantes, celles qui | |||
emploient plus de 1000 personnes, comptent à elles seules pour 18 p. 100; la maison Krupp occupe pour sa part 44000 ouvriers et employés, et dispose d'une force de 36 560 chevaux-vapeur. Ces immenses établissements d'industrie et de commerce ont plus que doublé en nombre et en personnel dans l'espace de treize ans. | |||
La concentration est donc extrêmement rapide en Allemagne depuis | |||
quelques années. Elle se fait sentir principalement dans les industries | |||
textiles, les industries chimiques, les mines, la construction des machines, | |||
la minoterie, le travail des métaux et l'industrie du bâtiment. | |||
En France, nous ne pouvons constater la progression par des chiffres que pour les fabriques de sucre, qui décroissent en nombre alors qu'elles augmentent leur production. Quant à l'état statique de l'industrie dans son ensemble, tel qu'il ressort du ''Recensement des industries et des professions'' de 1896, il dénote une concentration | |||
déjà très avancée, puisque les grands établissements industriels; | |||
occupant au moins 5O salariés comprennent à eux seuls 45 p. 100 du | |||
personnel de l'industrie (sans les transports). Même proportion à | |||
peu près en Belgique pour les établissements de même importance, d'après le Recensement des industries et des métiers de 1896. Les exploitations de plus de 1000 ouvriers comprennent, comme en France, à peu près le dixième de la population ouvrière. | |||
Pour l'Angleterre, nous ne pouvez suivre le mouvement que dans l'industrie textile, on la moyenne par établissement des broches, | |||
des métiers et des ouvriers s'élève régulièrement. Aux États-Unis, il | |||
nous est possible de mesurer la vitesse de la concentration dans | |||
l'industrie tout entière par le même procédé des moyennes progressives. | |||
Dans l'ensemble, l'importance moyenne des entreprises en | |||
capital, en personnel et en produit s'élève d'une façon à peu près | |||
continue depuis 1850, bien que le nombre des établissements se | |||
soit beaucoup accru dans le dernier Census de 1900, à la suite d'un | |||
relevé plus soigneux des petits métiers. Pour quelques grandes industries, | |||
machines agricoles, cordonnerie mécanique, tapis, fer et acier, | |||
cuirs, liqueurs, constructions des navires, lainages, etc., le nombre | |||
absolu des entreprises a même une tendance à diminuer. Si l'on | |||
remonte jusqu'en 1850, les différences de moyennes sont énormes; | |||
depuis 1880 même, la progression est très sensible dans les principales | |||
industries. Ainsi, depuis cette époque jusqu'en 1900, l'importance | |||
moyenne des établissements a doublé ou triplé dans la plupart | |||
des divisions; l'accroissement est même plus rapide encore dans la | |||
construction des navires, dans celle des machines agricoles et dans | |||
l'industrie des cuirs i. | |||
En même temps qu'elle se concentre, l'industrie obéit à deux autres | |||
tendances, qui agissent en sens contraire l'une de l'autre sans être | |||
cependant contradictoires. | |||
D'un côté, les entreprises industrielles subissent certainement la | |||
loi générale de la spécialisation progressive. C'est ainsi que les filatures | |||
de coton anglaises restreignent leur fabrication à une série de | |||
numéros très limitée, de manière à éviter les arrêts résultant des | |||
changements de numéros sur les métiers, et à conquérir une supériorité | |||
décisive dans un genre de production très spécialisé. Quand une | |||
grande société industrielle possède plusieurs établissements, il arrive | |||
souvent que la division du travail s'opère par l'affectation de chaque | |||
établissement à une spécialité distincte. | |||
D'autre part, on observe aussi que les grandes entreprises, lors | |||
même qu'elles restent spécialisées, tendent à embrasser la série complète | |||
des fabrications nécessaires à la production d'une marchandise | |||
achevée, et cherchent parfois à étendre leurs opérations depuis | |||
l'extraction des matières premières jusqu'à la vente au consommateur, | |||
de manière à se rendre indépendantes des industries connexes | |||
et des intermédiaires, et à fournir le maximum de rendement sans | |||
arrêts dans la production. Ainsi une fabrique d'horlogerie, tout en | |||
i. Voir AnnexeI, 2°. | |||
LA CONCENTRATION INDUSTRIELLE ET COMMERCIALE 137 | |||
se consacrant à un genre d-e'1-.ftat.b_rLic_a~tti_o_nJ. s~p1é! cialisé, r_ai.s,is.e1m.wble autour | |||
de son moteur des opérations multiples jusque-là disséminées dans | |||
une multitude d'ateliers à domicile. Une grande filature possède des | |||
ateliers de réparation; un grand tissage s'annexe une blanchisserie | |||
ou une teinturerie; une grande usine fait subir à ses sous-produits | |||
les préparations complémentaires qui doivent en faire des produits | |||
marchands; les fabriques de papier achètent des établissements de | |||
défibrage du bois, tandis que les chocolateries acquièrent des fabriques | |||
de sucre; les entreprises de navigation sur le Rhin sont propriétaires | |||
de docks et d'engins de manutention; les grandes entreprises d'abattoirs | |||
à Chicago ont leurs wagons et dépôts frigorifiques dans les | |||
places principales où elles expédient la viande, etc. | |||
Nulle part ce phénomène d'intégration ne se manifeste avec autant | |||
de force que dans l'industrie du fer et de l'acier, où les entreprises | |||
importantes se suffisent complètement à elles-mêmes, possédant, à | |||
côté de leurs hauts fourneaux, laminoirs et usines de transformation, | |||
des mines de houille, des gisements de minerais et des voies | |||
ferrées; en Allemagne, en Autriche et aux États-Unis, les houillères | |||
fusionnent avec les établissements sidérurgiques et métallurgiques. | |||
D'autres industries, comme celles du zinc et des glaces, des | |||
produits chimiques, présentent une organisation analogue; des | |||
fabriques de machines et des compagnies maritimes achètent des | |||
mines de houille. (V. Annexe II, l", Allemagne.) | |||
La grande industrie s'annexe aussi le commerce. Le syndicat | |||
houiller du Rhin a créé une filiale qui monopolise le commerce et | |||
le transport de la houille dans la région. Des entreprises anglaises | |||
et américaines pour la production du thé, du tabac, de la bière, se | |||
subordonnent les détaillants ou établissent dans les grandes villes | |||
des bureaux de vente au détail. De même, des fabriques de machines | |||
agricoles, d'instruments de musique, de machines à coudre, de bicyclettes | |||
et automobiles, de meubles et tapis, tiennent des magasins | |||
de vente dans les principaux centres d'écoulement. | |||
Même accroissement dans les entreprises de navigation. Les petits | |||
armateurs conservent encore la pêche et le cabotage; mais la navigation | |||
au long cours, surtout par bateaux à vapeur, appartient | |||
presque exclusivement à de grandes sociétés. Des compagnies | |||
anglaises se sont agrandies en achetant les flottes de leurs concurrents. | |||
La moyenne du tonnage par entreprise, dans la navigation à | |||
vapeur du monde, a doublé de 1880 à 1903, passant de 2 372 à | |||
5 486 tonnes. Les grandes entreprises possédant une flotte supérieure | |||
à 100000 tonneaux, qui n'étaient que 3 en 1880 avec 387 163 | |||
138 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
tonneaux, soit 5,2 p. 100 de l'ensemble de la navigation à vapeur, | |||
sont au nombre de 39 en 1905, avec 7849S90 tonneaux, soit 27,6 | |||
p. 100 de l'ensemble; parmi elles, deux compagnies allemandes possèdent | |||
respectivement 523 000 et 708000 tonneaux | |||
Le commerce est soumis à la même loi de centralisation, bien | |||
que d'une façon moins sensible. En Allemagne, de 1883 à 1895, les | |||
petits établissements de commerce et de transport occupant moins | |||
de 6 personnes n'ont certes pas décru en nombre et en personnel | |||
comme les petites exploitations industrielles ils ont, au contraire, | |||
augmenté d'une façon absolue. Mais leur augmentation proportionnelle | |||
a été moins rapide que celle des moyens et grands établissements, | |||
de sorte qu'en définitive l'importance relative du petit commerce | |||
dans l'ensemble a diminué; la proportion de son personnel est | |||
tombée de 76 à 70 p. 10& | |||
En France, nous ne pouvons faire de semblables comparaisons | |||
d'une époque à une autre. Nous savons seulement qu'en 1896 les | |||
établissements commerciaux employant 5 salariés et plus occupent la | |||
PT7ftTi't1ltPTTlüt~QllTTI~~9~TrtM®du commerce. moitié du | |||
personnel | |||
salarié du commerce*. | |||
Mais qu'est-il besoin de statistiques, pour établir un fait qui | |||
s'affirme aux yeux du public le moins initié par la croissance extraordinaire | |||
des grands magasins et des bazars? Partout ils s'agrandissent | |||
et se multiplient; ils étendent le cercle de leur clientèle bien | |||
au delà de la ville ou ils sont situés, grâce aux facilités nouvelles des | |||
expéditions par petits colis ils cherchent à atteindre les couches les | |||
plus nombreuses de la population par des procédés rajeunis de vente | |||
à crédit ou à tempérament. On ne rencontre qu'à Paris des magasins | |||
au chiffre d'affaires de 1SO ou 180 millions, comme le Louvre ou le | |||
Bon Marché. Mais Londres possède les établissements Spiers et Pond | |||
(capital, 48 millions de francs} et le bazar Whiteley (SS millions d'affaires) | |||
à Chicago, c'est Siegel Cooper and C° (90 millions d'affaires), | |||
Marshal Field (80 millions); à Berlin, c'est le bazar Wertheim (40 millions), | |||
etc. | |||
Dans des branches de commerce plus spécialisées, les grands magasins | |||
s'étendent d'une autre manière. Tandis que la maison Potin multiplie | |||
ses correspondants en province, l'épicerie Lipton, au capital | |||
de 63 millions, répand ses 300 succursales sur tout le solde l'Angleterre. | |||
Une grande maison de tabacs anglaise, Salmon et Gluckstein, | |||
possède 140 magasins de débit; telle maison de librairie française | |||
i. Voir Annexe I, 3°. | |||
2. Voir Annexe1,1°. | |||
LA CONCENTRATIONINDUSTRIELLEET COMMERCIALE 139' .1. | |||
établit des succursales dans les dîSérents quartiers de Paris et dans | |||
les villes de province; certaines entreprises, tant à Londres qu'à | |||
Paris, possèdent des restaurants de quartier multiples; les commerces | |||
de la boucherie, de la boulangerie et de la laiterie présentent des cas | |||
d'extension analogues dans certaines grandes villes; des sociétés | |||
possèdent de grands hôtels disséminés dans un même pays ou dans | |||
les diverses contrées du monde. Sous cette forme, la concentration | |||
ne s'opère plus par la création ou l'agrandissement d'un magasin | |||
gigantesque, mais par la multiplication des comptoirs locaux qui | |||
dépendent d'une même entreprise et constituent les organes d'une | |||
maison mère | |||
Le grand commerce de détail, comme la grande industrie, tend à la | |||
fois à la spécialisation et à l'intégration. Lorsqu'une grande maison | |||
de détail s'annexe le commerce du gros, lorsqu'une grande épicerieentreprend | |||
de fabriquer elle-même certains des produits qu'elle met | |||
en vente, lorsqu'un grand magasin établit pour ses besoins des. | |||
ateliers de confection, de tapisserie, d'ébénisterie et autres, l'intégration | |||
consiste à réunir sous une même direction une série d'opérations | |||
connexes pour un même genre de marchandises, et se concilie | |||
avec la spécialisation. Mais lorsque l'intégration s'effectue par la | |||
concentration dans un même établissement de plusieurs branches de | |||
commerce différentes, il n'en est plus de même; les deux tendances, | |||
spécialisation et intégration, sont alors contradictoires; aussi s'observent- | |||
elles dans des entreprises différentes. Tandis que certains | |||
grands magasins multiplient leurs rayons dans les spécialités les | |||
plus disparates, de manière à attirer la clientèle par la plus grande | |||
variété possible d'objets à sa convenance, d'autres magasins prospèrent | |||
et grandissent en présentant au public tous les modèles possibles | |||
d'une même spécialité, quincaillerie, épicerie, verrerie, meubles, | |||
fourrures, vêtements pour hommes, etc. | |||
La banque se concentre de la même manière que le commerce | |||
de détail. Les banques constituées par actions ont pris à la fin | |||
du xix° siècle un développement considérable; elles étendent maintenant | |||
leurs rameaux sur toute la surface d'un pays, et fondent | |||
même des succursales sur les places étrangères. En 190S, les cinq | |||
grandes banques françaises par actions (y compris la Banque de | |||
France) possèdent un capital de 1 milliard, et des dépôts et comptes. | |||
courants pour 3 milliards et demi; là-dessus, le Crédit lyonnais, à | |||
1. Maerostv, 7)'!M~and the S~:<e.p. 193 et 194, Londres, Richards, 1901,pet. | |||
m-8". Sombart, Uer moderne .Ka~aHsmus, t. U, p. 397,Leipzig,Duncker, i902, | |||
2 vol. in-8' | |||
HO LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
lui seul, détient plus de 1 milliard de dépôts. Les petites banques | |||
locales disparaissent successivement devant les agences des grandes | |||
sociétés de crédit; les unes sont absorbées, les autres cessent leurs | |||
affaires sans être remplacées, de sorte qu'il n'y a guère, pour subsister | |||
en face des banques par actions et de leurs succursales, que | |||
les banques privées les plus importantes situées dans les grands cen- | |||
,tres d'affaires. De même, en Angleterre, beaucoup de banques privées | |||
ont été absorbées par les Joint stock ~aH/-s, et les amalgamations des | |||
banques de province avec les banques de Londres ont été fréquentes | |||
dans les vingt dernières années. Aussi les banques par actions sontelles | |||
parvenues à un grand développement 21 d'entre elles possèdent | |||
plus de 100 succursales dans le Royaume-Uni; les dépôts, pour | |||
16 banques par actions, s'élèvent à près de 10 milliards de francs, et | |||
le capital, pour les 6 principales, à 1 800 millions | |||
En Allemagne, les grandes banques de Berlin, comme la Deutsche | |||
Bank, n'ont pas seulement créé des succursales; elles ont surtout, | |||
en augmentant leur capital, absorbé des banques considérables | |||
situées dans les grands centres industriels et maritimes. Tantôt elles | |||
se sont contentées d'acquérir la majorité des actions pour dominer | |||
la direction de la banque provinciale; tantôt elles ont acheté la totalité | |||
des actions et transformé la banque en filiale. La crise de 1900-1901 | |||
a eu pour effet de fortifier encore les plus puissantes au détriment | |||
des moyennes et petites banques Aux États-Unis, la formation des | |||
trusts a accélère la concentration dans les affaires de la banque, en | |||
privant les banques locales d'une partie de leur clientèle industrielle, | |||
et en augmentant l'importance des grandes banques de spéculation | |||
de New-York, qui ont fondé les principaux trusts. | |||
Dans la banque comme dans le commerce de détail, un mouvement | |||
d'intégration se poursuit parallèlement à celui de la concentration, | |||
en sens contraire de la spécialisation. Les grands établissements | |||
de crédit du continent ne se bornent pas aux opérations de | |||
banque à court terme, dépôts et comptes courants, escomptes et | |||
avances sur titres; ils se chargent des ordres de bourse et des opérations | |||
de change; beaucoup même, surtout en Allemagne, entreprennent | |||
des émissions d'emprunts et de valeurs industrielles. | |||
Cependant le crédit hypothécaire et le crédit agricole restent généralement | |||
distincts, réservés à des institutions particulières. | |||
Les assurances n'échappent pas non plus à la loi commune. En | |||
1. G. François, Les banques anglaises, Revued'économie politique, juillet 1902. | |||
2. V. Annexe, II, 1', Allemagne. | |||
LA CONCENTRATIONINDUSTRIELLE ET COMMERCIALE i4i | |||
France et en Allemagne, le nombre des compagnies d'assurances. | |||
sur la vie reste stationnaire, ou s'accroît à peine depuis de longues | |||
années, tandis que le chiffre de leurs affaires progresse rapidement; | |||
aussi la moyenne des capitaux assurés, par compagnie, a-t-elle | |||
presque doublé en France, et triplé en Allemagne depuis 1880; degrandes | |||
compagnies y ont absorbé des sociétés moindres. Aux Etats- | |||
Unis, le nombre des sociétés d'assurances sur la vie est tombé de 71 | |||
en 1870 à 37 en 1889, et la moyenne par société des sommes assurées | |||
a sextuplé, passant de 140 a 845 millions de francs. L'actif des | |||
sociétés d'assurance-vie s'élève à 11,5 milliards de francs aux États- | |||
Unis, 7,2 milliards en Angleterre, 2,1 milliards en France, celui des | |||
sociétés d'assurance de toute nature monte à 5 milliards eu Allemagne | |||
les grands établissements d'assurances, devenus d'immenses | |||
réservoirs de l'épargne privée, disposent par là d'une puissance | |||
financière considérable~. | |||
La concentration a eu deux conséquences naturelles, que les statistiques | |||
nous permettent de saisir l'agglomération des capitaux dans | |||
les sociétés par actions, et la décroissance continue de la proportion | |||
des entrepreneurs vis-à-vis des salariés. | |||
Dans l'industrie manufacturière, les mines, les chemins de fer, la | |||
navigation, le commerce, la banque, les assurances, etc., les entreprises | |||
les plus considérables ont du, pour la plupart, se constituer en | |||
sociétés par actions. En France (1899), le capital de ces sociétés | |||
monte à 13 milliards 1/2, non compris 22 milliards en obligations. | |||
Pour l'Angleterre (1904), leur capital s'élève à 70 milliards 1/2 de | |||
francs, y compris celui des compagnies de chemins de fer. En Allemagne | |||
(1896), capital et réserves des sociétés' par actions montent | |||
a 10 milliards de francs, sans compter 8 milliards en obligations. | |||
Aux États-Unis (1900) les sociétés par actions fournissent 89,S p. 100 | |||
du produit total de l'industrie; la proportion s'élève même à | |||
81,4 p. 100 dans l'industrie chimique, à 89,9 p. 100 dans celle du | |||
coton, et 93,6 p. 100 dans celle du fer et de l'acier~. | |||
L'industrie, à mesure qu'elle grandit, devient une propriété imperi. | |||
Voir AnnexeI, 4". | |||
2. Bulletüxde statistique et de Z~gisZatâocnompraréem, ai l~Jüt, p.â80.-Statistical | |||
~SM.BrMaeM<e/Hb?n- t~hee sC~n<tM)~t~~Mf~<g?'e~<Ot!Ne/~c!Mm~a~<!MK~coo<~NMOt'~p,e.,m2a3i6t9e0tt,2p0.a.80–.–HS~a/nMdw~'Serc-r~ | |||
tcrbacb der Staatswissenschaften,20éd., v°.~Me~eM~eAa/Yen, p. 194. ?'M)~/<A | |||
Census of Me United States ~N00,t. Vn, p. Lxvtet Lxvti. D'après le Recensement | |||
professionnelaHemand (GeU).u. Hand.MaD. R. 1895,p. i84), les entreprises | |||
collectives en Allemagne,y compris celles de t'Ëtat et des municipalités, | |||
emploient 33,t p. tOOdu personnel total de l'industrie et du commerce en 1895, | |||
au lieu de 30,3 p. 100en 1882. | |||
143 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ECONOMIQUE | |||
sonnelle, mo-nTni-ayée s1o-us forme d-1e- tairtnr_es _m·r_obiliers. A ce deg-r1é-, elle | |||
subit de plus en plus la domination de la haute finance. Les grandes | |||
entreprises ne peuvent plus se passer du concours des maisons de | |||
banque, soit pour l'émission de leurs titres, soit pour des avances et | |||
des commandites. L'inQuence de la finance sur l'industrie est surtout | |||
sensible à l'égard des trusts et des cartels, qui sont formés et cré- | |||
-dites par la haute banque. | |||
II résulte aussi de la centralisation industrielle et commerciale que | |||
ta proportion des patrons indépendants diminue vis-à-vis du nombre | |||
sans cesse grossissant des salariés. La diminution est particulièrement | |||
rapide en Allemagne de 3S p. 100 en 1882, la proportion des | |||
.entrepreneurs d'industrie et de commerce (en comptant parmi eux | |||
les chefs d'ateliers à domicile, et parmi les salariés les ouvriers à | |||
domicile isolés) est tombée à 26 p. 100 en 189S; si l'on met de côté | |||
les travailleurs isolés, la proportion tombe d'une époque à l'autre | |||
de 17,3 à 12,3 p. 100 dans l'industrie, et de 26,3 à 22,9 p. 100 dans le | |||
commerce. En Belgique, dans l'industrie, la chute est moins rapide, | |||
parce que le développement industriel y est plus ancien; néanmoins, | |||
au lieu d'une proportion de 1 patron pour 1,8 ouvrier en 1846, on | |||
n'y trouve plus en 1896 que 1 patron pour 3 ouvriers. Mêmeproportion | |||
à la même époque dans l'industrie française, tandis que le | |||
commerce compte un peu plus de patrons que de salariés'. | |||
En même temps que diminue le nombre des entrepreneurs relativement | |||
aux salariés, le capital des entreprises, principalement le | |||
capital fixe, augmente plus vite que le personnel salarié. L'évolution | |||
industrielle a donc pour conséquence d'amoindrir l'importance relative | |||
des facteurs personnels à l'égard des facteurs matériels dans le | |||
procès de production. | |||
La cause du mouvement universel de concentration capitaliste est | |||
bien connue; c'est la supériorité des grandes entreprises dans la concurrence | |||
qui le provoque, avec la force irrésistible d'une loi naturelle. | |||
Considérons l'industrie. Une grande entreprise, disposant de larges | |||
capitaux, peut se procurer les meilleures machines, et tenir sans cesse | |||
son outillage à hauteur des inventions les plus récentes; elle achète | |||
les brevets pour l'exploitation des procédés les plus perfectionnés | |||
elle attire les directeurs et ingénieurs les plus capables, les ouvriers | |||
les plus habiles et les plus laborieux par des salaires plus élevés et | |||
des journées plus courtes. Dans les ateliers, le travail est organisé de | |||
t. Voir AnnexeI, 5*. | |||
LA CONCENTRATIONINDUSTRIELLE ET COMMERCIALE m | |||
manière à donner la plus grande production aux moindres frais | |||
spécialisation extrême des tâches, application des ouvriers saperieurs | |||
à certains travaux délicats, qui permettent de donner ensuite | |||
la besogne courante à des ouvriers ordinaires recevant un salaire | |||
réduit, utilisation complète et continue des machines, traitement | |||
industriel des déchets et des sons-produits par quantités suffisantes. | |||
De toutes manières, le grand établissement réalise des économies: sur | |||
la main-d'oeuvre, moins coûteuse malgré les hauts salaires de certains | |||
ouvriers; sur les matières, utilisées sans déperdition sur le | |||
machinisme, d'autant moins onéreux par unité de force qu'il est plus | |||
puissant; sur les frais généraux, d'autant moins élevés par unité | |||
de produit que l'entreprise est plus considérable. Par la supériorité | |||
de son organisation du travail, le grand établissement procède avec | |||
plus de rapidité et de simplicité dans l'exécution, et obtient une plus | |||
grande homogénéité des produits il peut ainsi fournir des livraisons | |||
régulières, ponctuelles et uniformes aux prix les plus bas, et | |||
renouveler promptement ses assortiments; il est capable d'exécuter | |||
les commandes les plus considérables et les plus pressées, et d'entreprendre | |||
les travaux de construction les plus gigantesques. | |||
Ces avantages au point de vue technique de la production ne sont | |||
pas les seuls; dans la partie commerciale de sa tâche, le grand entrepreneur | |||
n'est pas moins favorisé. Qu'il s'agisse d'achats de matières | |||
premières ou de matériel, qu'il s'agisse de transports on même | |||
d'obligations fiscales, les conditions sont généralement meilleures | |||
pour celui qui opère par grandes masses. Au point de vue de la | |||
vente, les grandes maisons peuvent se charger des plus vastes commandes, | |||
et organiser elles-mêmes l'exportation; elles ont le moyen | |||
de se passer des intermédiaires onéreux. L'étendue de leur capital et | |||
l'élasticité de leur crédit leur permettent de profiter des occasions | |||
favorables pour leurs approvisionnements, d'attendre un relèvement | |||
des cours pour l'écoulement de leurs marchandises, et de surmonter | |||
les crises qui écrasent les faibles. Leur capital, circulant plus vite, | |||
est aussi pl~s productif. Le crédit leur est facile, et l'escompte largement | |||
ouvert au taux le plus bas. Grâce à l'ampleur de leurs transactions, | |||
elles peuvent aussi se contenter d'un moindre profit sur chaque | |||
marchandise. Pour toutes ces raisons d'ordre industriel et commércial, | |||
les grandes entreprises peuvent vendre moins cher et réaliser | |||
des bénénces plus élevés; elles l'emportent naturellement dans la | |||
concurrence, et survivent quand los autres succombent. | |||
Dans le commerce de détail, les avantages de la concentration sont, | |||
pour la plupart, de même nature que dans l'industrie et les trans144 | |||
LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
1 1 /1. Il | |||
ports économies sur les frais généraux, conditions favorables pour | |||
les achats, ampleur et bon marché du crédit, circulation rapide du | |||
capital, etc. Les grands magasins peuvent éliminer un grand nombre | |||
d'intermédiaires coûteux, et se rendre indépendants des négociants | |||
en gros; ils dictent leurs conditions aux fabricants, qu'ils se subordonnent | |||
par des participations, des avances et des contrats à livrer. | |||
Ils attirent la clientèle par l'étendue, la variété, la fraîcheur de leurs | |||
approvisionnements sans cesse renouvelés, par les facilités qu'ils | |||
donnent à l'acheteur d'exercer son choix, de faire rapidement des | |||
achats multiples et de s'en dégager dès qu'il le désire. | |||
Quant aux grandes banques par actions, leur supériorité ne vient | |||
pas de la modicité relative de leurs frais; mais l'importance des capitaux | |||
dont elles disposent leur permet d'abaisser le taux de l'escompte | |||
au profit de leurs meilleurs clients, sans avoir à se préoccuper d'un | |||
réescompte onéreux, dont les petites banques sont toujours obligées | |||
au contraire de tenir compte à l'avance; par-dessus tout, la puissance | |||
du crédit attaché à leur signature et l'étendue de leur sphère d'action | |||
leur assurent la prééminence. C'est en effet par leur rayonnement sur | |||
tout le territoire d'un grand pays qu'elles peuvent drainer partout | |||
les capitaux flottants, pour les porter sur les points où ils sont le | |||
plus nécessaires, et par conséquent le plus lucratifs; c'est par la multiplicité | |||
de leurs comptoirs qu'elles peuvent attirer une immense clientèle | |||
et répandre dans le public les titres qu'elles se chargent de | |||
placer fructueusement. En particulier, les banques qui émettent des | |||
valeurs industrielles doivent avoir un capital-actions considérable, | |||
pour entreprendre les grandes affaires et diviser les risques en créant | |||
des entreprises multiples et variées. | |||
L'analyse qui vient d'être présentée montre suffisamment que les | |||
avantages de la concentration ne sont pas toujours attachés à la | |||
dimension de l'établissement, mais qu'ils le sont plutôt à la dimension | |||
de l'entreprise. La distinction est essentielle, car une entreprise | |||
peut réunir sous une même direction industrielle et commerciale | |||
plusieurs établissements distincts et éloignés. II ya des limites qu'un | |||
établissement ne peut dépasser dans sa croissance sans une lourde | |||
surcharge des frais généraux, et sans une aggravation périlleuse des | |||
difncultés de surveillance et de direction; il n'y a pas de limite, | |||
semble-t-il, à l'extension des entreprises. Une entreprise trouve donc | |||
avantage, dans certaines circonstances, à s'étendre par multiplication | |||
de ses établissements, agences ou succursales, plutôt que par agrandissement | |||
d'un siège unique. Nous en avons déjà cité quelques | |||
exemples; nous le verrons mieux encore en étudiant les trusts. |
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