« Les adversaires du collectivisme ont principalement insisté jusqu’ici sur son caractère oppressif, et longtemps les socialistes sont contentés de répondre qu’il n’y a pas de vraie liberté, en régime capitaliste, pour la masse de ceux qui, vivant au jour le jour de leur salaire, sont à la discrétion du capital. Quelle que soit la valeur de cette contre-attaque, le collectivisme est blessé à mort, s’il ne parvient pas lui-même à se laver du reproche de sacrifier la liberté. Or, il n’est pas une seule liberté qui ne paraisse compromise, dans un régime qui subordonne toute consommation au bon vouloir des arbitres tout-puissants de la production et de la distribution. Que reste-t-il à l’individu, si la satisfaction de ses besoins et de ses goûts est abandonnée à la discrétion de l’autorité publique ? Quelle peut-être la garantie des minorités, contre un pouvoir aussi formidable des majorités ? Toute manifestation d’activité individuelle ou collective, même de l’ordre intellectuel et moral, se traduisant par un usage ou une consommation de choses matérielles, toute liberté, liberté de la presse, liberté des élections, liberté de réunion, liberté des théâtres, liberté de l’enseignement, liberté religieuse, se trouve soumis à l’arbitraire des personnages préposés à la direction des fonctions économiques. Il n’y pas jusqu’à là liberté du choix de la profession, jusqu’à celle du domicile et du foyer familial, qui ne soient à la merci de l’autorité publique, si le collectivisme ne laisse pas altérer son système de la valeur en admettant le jeu de l’offre de la demande. »
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