Il y a quelques vingt-cinq ans, j'ai écrit un livre intitulé Préface à la politique, que je me proposais de compléter plus tard. Je croyais alors discerner clairement les grandes lignes de l'avenir de l'humanité. Nous étions aux plus beaux jours du Nouveau Nationalisme de Théodore Roosevelt, de la Nouvelle Liberté wilsonienne, et rien ne me faisait pressentir que la longue période de paix qui durait depuis Waterloo allait bientôt se terminer. Mon maître Graham Wallas annonçait cependant l'éventualité d'une guerre qui devait, selon lui, bouleverser les fondements de la société. Mais je ne comprenais pas cet avertissement prophétique. J'étais à vrai dire bien incapable de me représenter ce que pourrait être une telle guerre, et je ne savais pas ce qu'étaient les fondements qu'elle pourrait bouleverser.
Les hommes de cette génération avaient, pour la plupart, oublié les labeurs auxquels ils devaient leur prospérité, les luttes au prix desquelles ils avaient conquis la liberté, les victoires qui leur avaient donné la paix. Ils trouvaient tout naturels, aussi naturels que l'air qu'on respire et que le sol sur lequel on marche, les bienfaits de la civilisation occidentale. Aussi, dans ma Préface, avais-je affirmé catégoriquement que sous un régime de liberté personnelle, l'exercice sans cesse étendu de la souveraineté populaire permettrait à chaque nation de se donner un ordre social généreusement aménagé et intelligemment dirigé. J'étais tellement sûr de cet avenir que je m'empressais d'écrire un second livre[1], dont le titre proclamait la fin de l'ère des improvisations et l'avènement de celle de la maîtrise de l'ordre social par l'homme.
Notes et références
- ↑ Drift and Mastery.