Charles Gave:Evangiles et endettement

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Charles Gave:Evangiles et endettement


Anonyme


CHAPITRE XI
Evangiles et endettement
Un libéral nommé Jésus
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Auteur : Charles Gave
Genre
essai, actualité
Année de parution
2005
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Jésus n’aime pas les rentiers, voilà qui nous semble acquis. Sur le versant opposé à la rente, il y a quelque chose qui s’appelle… la dette.ce sont ceux qui se sont endettes qui payent les rentiers.

Il convient, par conséquent, au point où nous en sommes de se demander si par hasard le Christ avait, également, quelque chose à nous dire sur la dette.

Ô Combien !

"Un roi voulait régler ses comptes avec ses serviteurs.
On lui amena quelqu’un qui lui devait dix mille talents, c'est-à-dire soixante millions de pièces d’argent.
Comme cet homme n’avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette.
Alors, tombant à ses pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait
"Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout "
Saisi de pitié, le maître le laissa partir et lui remit toute sa dette.
Mais en sortant, le serviteur trouva un de ses compagnons qui lui devait cent pièces d’argent.
Il se jeta sur lui pour l’étrangler en disant
" Rembourse ta dette ! "
Alors tombant à ses pieds, son compagnon le suppliait :
"Prends patience avec moi, et je te rembourserai"
Mais l’autre refusa et le fit jeter en prison jusqu'à ce qu’il ait tout remboursé.
Ses compagnons en voyant cela, furent profondément attristés et allèrent tout raconter a leur maître.
Alors celui-ci le fit appeler et dit
"Serviteur mauvais, je t’avais remis cette dette parce que tu m’avais supplié.
Ne devais-tu pas à ton tour avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ?
Dans sa colère le maître le livra aux bourreaux, jusqu'à ce qu’il ait tout remboursé.

A l'évidence, pour le Christ, ce n’est pas une bonne idée d’avoir une dette, car cela met en danger la liberté personnelle et on se retrouve assez facilement en prison.

Dostoïevski disait aussi, "l’argent, c’est de la liberté frappée ". De même quiconque a connu un état d’endettement sait au fond de lui-même à quel point il s’agit d’un enfermement, d’un emprisonnement. Encore aujourd’hui, alors que j'ai eu la chance dans ma vie de gagner de l’argent, j'ai des sueurs froides quand mon banquier m'informe que je suis débiteur sur mon compte courant…

Plus sérieusement, dans mon métier de financier, j'ai pu mesurer les immenses désastres d’origine financière qui ont engendré d’insupportables souffrances humaines. Le Mexique en 1982, la crise asiatique en 1997, l'Argentine, Vivendi ou Enron récemment… A l’origine, encore et toujours des excès de dette.

Et mes cheveux se dressent sur la tête – du moins ceux qui me restent –, quand je constate que la dette de mon pauvre pays atteint aujourd’hui 1 000 milliards d’euros, soit à peu près la valeur d’une coquette résidence secondaire par Français. Et ceci dans un schéma démographique qui s’effondre, avec des systèmes de retraite non capitalisés, ce qui ajoute d'autres milliards d’euros à la dette existante. Que cette dette-là liée à nos retraites, à notre démographie ne figure pas dans les livres comptables de la France, ne veut pas du tout dire qu’elle n'existe pas.

Elle est là et bien là. Je l'ai déjà dit, mais je le répète, le futur de la France, sur les tendances actuelles et, si aucune décision n'est prise, c’est l’Argentine…

Foin de tout ce pessimisme.

Le pessimisme est une faute contre l’espérance laquelle, nul ne doit l'ignorer, est une vertu théologale.

Il nous faut donc espérer et nous tourner une fois de plus vers les Evangiles à la recherche d’une solution.

Si la dette est trop lourde, à terme dangereuse, le Christ a-t-il une recette pour la résorber ? Jésus a bel et bien indiqué une façon de se sortir de cette nasse.

Un homme riche avait un gérant qui lui fut dénoncé parce qu’il gaspillait ses biens.
Il le convoqua et lui dit
"Qu’est ce que j’entends dire de toi ?
Rends-moi les comptes de ta gestion, car désormais, tu ne pourras plus gérer mes affaires".
Le gérant pensa
« Que vais-je faire, puisque mon maître me retire le gérance ?
Travailler la terre, je n’ai pas la force.
Mendier ? J’aurais honte
Je sais ce que je vais faire, pour qu’une fois renvoyé de ma gérance, je trouve des gens pour m’accueillir".
Il fit alors venir, un par un, ceux qui avaient des dettes envers son maître.
Il demanda au premier :
"Combien dois-tu à mon maître ?"
"Cent barils d’huile".
Le gérant lui dit :
« Voici ton reçu ; vite, assieds-toi et écris cinquante »
Puis il demanda à un autre :
"Et toi, combien dois tu ?
« Cent sacs de blé »
Le gérant lui dit :
« Voici ton reçu, écris quatre vingt"
Ce gérant trompeur, le maître fit son éloge.
(…)
Eh bien moi, je vous le dis :
"Faites vous des amis avec l’argent trompeur, afin que le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent".

Il nous faut actualiser cette parabole qui pour la plupart des gens apparaît comme une apologie non dissimulée de la malhonnêteté. Ce qu’elle n’est pas.

Le gérant avait prêté bien des choses à beaucoup de braves gens. Il faisait donc office de banquier. Comme tout bon banquier, il connaissait ses clients, et il était au courant de leur capacité de remboursement. S'il ferme boutique, pour ses clients, le changement sera brutal. Ils vont se trouver en face d’un nouveau banquier qui ne connaîtra pas leurs affaires et pourrait leur demander un remboursement immédiat et total de leurs emprunts.

Ruine générale, y compris du maître, dont tous les débiteurs font faillite.

La solution la plus élégante est, de loin, celle que le gérant -serviteur a choisi : il demande à ses débiteurs de rembourser ce qu'ils peuvent – il les connaît bien – sans mettre en danger leurs entreprises.

De ce fait, il protége tout le monde, et en plus, il est populaire, ce qui, on nous l’accordera, est fort rare pour un banquier. Quant au maître, mieux vaut qu’il touche 80 % de son argent que rien. Ce qui paraît l’évidence même. En clair Jésus nous dit : quand quelqu'un est dans une passe financière difficile, il est préférable et plus intelligent de lui faire payer ce qu’il peut, que ce qu’il doit.

De surcroît, son débiteur lui en sera reconnaissant.

Voilà une leçon que le FMI aurait intérêt à méditer. Présente dans les Evangiles, elle l'est aussi dans Le marchand de Venise, où Shakespeare nous rappelle qu’un contrat n’est exécutable en droit, que s’il est conforme à la morale. C'est pourquoi il nous faut maintenant aborder deux points fondamentaux qui concernent le contrat : son importance et sa souplesse.

Notes et références


CHAPITRE X - Evangiles, investissement et rente << Charles Gave  —  Un libéral nommé Jésus >> CHAPITRE XII - Les Evangiles et le contrat