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On comptait donc sur un petit nombre de monopoleurs, qui pouvaient faire un gros bénéfice en vendant peu, plutôt que sur un grand nombre de marchands, qui ne pouvaient faire un gros bénéfice, qu’en vendant beaucoup. | On comptait donc sur un petit nombre de monopoleurs, qui pouvaient faire un gros bénéfice en vendant peu, plutôt que sur un grand nombre de marchands, qui ne pouvaient faire un gros bénéfice, qu’en vendant beaucoup. | ||
Il faut un salaire aux marchands : il leur est dû. Mais ce n’est ni au souverain, ni au peuple à régler ce salaire : c’est à la concurrence, à la concurrence seule. Or, ce salaire sera moindre, à proportion que la concurrence sera plus grande. Le bled sera donc à plus bas prix, lorsque les marchands se multiplieront avec la liberté, que lorsque le nombre en sera réduit par des | Il faut un salaire aux marchands : il leur est dû. Mais ce n’est ni au souverain, ni au peuple à régler ce salaire : c’est à la concurrence, à la concurrence seule. Or, ce salaire sera moindre, à proportion que la concurrence sera plus grande. Le bled sera donc à plus bas prix, lorsque les marchands se multiplieront avec la liberté, que lorsque le nombre en sera réduit par des règlements de police. J’ajoute qu’on en aura bien plus sûrement. Car il ne sera à plus bas prix, que parce que tous les marchands à l’envie les uns et des autres, l’offriront au rabais, et se contenteront du plus petit bénéfice. | ||
Ils ont autant besoin de vendre, que nous d’acheter. Occupés à prévoir où le bled doit renchérir, ils se hâtent d’autant plus de venir à notre secours, que ceux qui arrivent les premiers, sont ceux qui vendent à plus haut prix. Il y a plutôt lieu de juger qu’ils nous apporteront trop de bleds, que de craindre qu’ils ne nous en apportent pas assez. | Ils ont autant besoin de vendre, que nous d’acheter. Occupés à prévoir où le bled doit renchérir, ils se hâtent d’autant plus de venir à notre secours, que ceux qui arrivent les premiers, sont ceux qui vendent à plus haut prix. Il y a plutôt lieu de juger qu’ils nous apporteront trop de bleds, que de craindre qu’ils ne nous en apportent pas assez. | ||
Ces raisons ne faisaient rien sur l’esprit du peuple. Il croyait que l’unique affaire du gouvernement était de lui procurer du pain à bon marché. Les | Ces raisons ne faisaient rien sur l’esprit du peuple. Il croyait que l’unique affaire du gouvernement était de lui procurer du pain à bon marché. Les règlements de police paraissaient avoir été donnés dans cette vue. Ils produisaient à la vérité un effet contraire : mais on ne le savait pas ; et on voulait des règlements de police, parce qu’on voulait le pain à bon marché. Toutes les fois donc qu’il renchérissait le peuple demandait au gouvernement d’en faire baisser le prix. | ||
Il n’y avait que deux moyens de le satisfaire. Il fallait que le gouvernement achetât lui-même des bleds pour les revendre à perte, ou qu’il forçât les marchands à livrer les leurs au prix qu’il avait taxé. | Il n’y avait que deux moyens de le satisfaire. Il fallait que le gouvernement achetât lui-même des bleds pour les revendre à perte, ou qu’il forçât les marchands à livrer les leurs au prix qu’il avait taxé. | ||
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De ces deux moyens, le premier tendait à ruiner l’état; le second était injuste et odieux ; et tous deux accoutumaient le peuple à penser que c’était au gouvernement à lui procurer le pain à bon marché, quoiqu’il en coûtât, soit de l’argent, soit des injustices. | De ces deux moyens, le premier tendait à ruiner l’état; le second était injuste et odieux ; et tous deux accoutumaient le peuple à penser que c’était au gouvernement à lui procurer le pain à bon marché, quoiqu’il en coûtât, soit de l’argent, soit des injustices. | ||
De-là un autre préjugé, plus contraire encore, s’il est possible, au commerce des grains. C’est que le peuple, qui croyait les violences justes, parce qu’on les faisait pour lui, regardait les marchands de bleds comme des hommes avides qui abusaient de ses besoins. Cette opinion une fois établie, on ne pouvait plus, si on était jaloux de sa réputation, s’engager dans ce commerce : il fallait l’abandonner à ces | De-là un autre préjugé, plus contraire encore, s’il est possible, au commerce des grains. C’est que le peuple, qui croyait les violences justes, parce qu’on les faisait pour lui, regardait les marchands de bleds comme des hommes avides qui abusaient de ses besoins. Cette opinion une fois établie, on ne pouvait plus, si on était jaloux de sa réputation, s’engager dans ce commerce : il fallait l’abandonner à ces âmes viles, qui comptent l’argent pour tout et l’honneur pour rien. | ||
C’est la conduite du gouvernement, qui avait produit ces préjugés. Ils avaient si fort prévalu, que souvent, avec de l’honnêteté et avec ce qu’on appelle esprit, on ne s’en garantissait pas. Il faut respecter sans doute les droits de propriété, disaient des personnes qu’on ne pouvait pas soupçonner de mauvaise intention ; mais nous réclamons pour le peuple les droits d’humanité. De là elles concluaient que le gouvernement peut, doit même régler le prix du bled, et forcer les marchands à le livrer au taux qu’il y a mis. | C’est la conduite du gouvernement, qui avait produit ces préjugés. Ils avaient si fort prévalu, que souvent, avec de l’honnêteté et avec ce qu’on appelle esprit, on ne s’en garantissait pas. Il faut respecter sans doute les droits de propriété, disaient des personnes qu’on ne pouvait pas soupçonner de mauvaise intention ; mais nous réclamons pour le peuple les droits d’humanité. De là elles concluaient que le gouvernement peut, doit même régler le prix du bled, et forcer les marchands à le livrer au taux qu’il y a mis. | ||
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Des droits d’humanité opposés à des droits de propriété ! Quel jargon ! Il était donc arrêté qu’on dirait les choses les plus absurdes pour combattre les opérations du nouveau ministre. Mais vous, qui croyez-vous intéresser au peuple, voudriez-vous que, sous prétexte de faire l’aumône, on forçât les coffres des hommes à argent ? Non sans doute : et vous voulez qu’on force les greniers ! Ignorez-vous d’ailleurs que le bon marché est nécessairement toujours suivi de la cherté ; et que, par conséquent, il est une calamité pour le peuple, autant que pour le marchand et le propriétaire ? Si vous l’ignorez, je vous renvoie à ce que j’ai dit. | Des droits d’humanité opposés à des droits de propriété ! Quel jargon ! Il était donc arrêté qu’on dirait les choses les plus absurdes pour combattre les opérations du nouveau ministre. Mais vous, qui croyez-vous intéresser au peuple, voudriez-vous que, sous prétexte de faire l’aumône, on forçât les coffres des hommes à argent ? Non sans doute : et vous voulez qu’on force les greniers ! Ignorez-vous d’ailleurs que le bon marché est nécessairement toujours suivi de la cherté ; et que, par conséquent, il est une calamité pour le peuple, autant que pour le marchand et le propriétaire ? Si vous l’ignorez, je vous renvoie à ce que j’ai dit. | ||
Il semblait que tout le monde fût condamné à raisonner mal sur cette matière : poètes, | Il semblait que tout le monde fût condamné à raisonner mal sur cette matière : poètes, géomètres, philosophes, métaphysiciens, presque tous les gens de lettres, en un mot, et ceux-là surtout dont le ton tranchant permet à peine de prendre leurs doutes pour des doutes, et qui ne tolèrent pas qu’on pense autrement qu’eux. Ces hommes voyaient toujours d’excellentes choses dans tous les ouvrages qui se faisaient en faveur de la police des grains. C’étaient cependant des ouvrages, où, au lieu de clarté, de précision et de principes, on ne trouvait que des contradictions ; et on aurait pu prouver que l’auteur avait écrit pour la liberté qu’il voulait combattre. C’est qu’il est impossible de rien établir de précis, quand on veut mettre des bornes à la liberté du commerce. Où en effet poserait-on ces bornes ? | ||
Sourd à tous les propos, le nouveau ministre montrait du courage. Il laissait parler, écrire, et il persistait dans ses | Sourd à tous les propos, le nouveau ministre montrait du courage. Il laissait parler, écrire, et il persistait dans ses premières démarches. Cependant on était bien loin encore d’éprouver les effets de la liberté. Le bled était cher dans une province, tandis qu’il était à bon marché dans une autre. C’est qu’il ne circulait pas : il n’y avait pas encore assez de marchands. D’ailleurs le peuple, qui croyait que l’exportation était nécessairement l’avant-coureur de la disette, s’alarmait à la vue d’un transport de grains. il ne nous en restera pas, disait-il ; et à ce cri séditieux, il se soulevait. Alors des hommes mal-intentionnés parcouraient les marchés, répandaient de nouvelles alarmes, et causaient des émeutes. Tels sont les principaux obstacles qui s’opposaient au rétablissement de la liberté. Le temps les lèvera, si le gouvernement persévère. | ||
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