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Mais du début du XVIIIe siècle, même en Angleterre, l’économie villageoise fermée était toujours la règle. Il y avait un certain commerce intérieur et international. Mais son volume et surtout son caractère étaient de fort peu d’importance, car il ne concernait « que dans une mesure relativement faible le transport des marchandises de première nécessité. Chaque nation se suffisait presque à elle-même pour les principaux articles de consommation, les produits alimentaires fondamentaux, le vêtement, le mobilier, et les principaux instruments de l’économie. Chacune ne produisait guère que ce qu’elle consommait, et ne consommait guère que ce qu’elle produisait »<ref>John A. Hobson, ''The Evolution of Modern Capitalism'', p. 32, éd. De 1910</ref>.
Mais du début du XVIIIe siècle, même en Angleterre, l’économie villageoise fermée était toujours la règle. Il y avait un certain commerce intérieur et international. Mais son volume et surtout son caractère étaient de fort peu d’importance, car il ne concernait « que dans une mesure relativement faible le transport des marchandises de première nécessité. Chaque nation se suffisait presque à elle-même pour les principaux articles de consommation, les produits alimentaires fondamentaux, le vêtement, le mobilier, et les principaux instruments de l’économie. Chacune ne produisait guère que ce qu’elle consommait, et ne consommait guère que ce qu’elle produisait »<ref>John A. Hobson, ''The Evolution of Modern Capitalism'', p. 32, éd. De 1910</ref>.
En 1730, les exportations de l’Angleterre consistaient toujours en « lainages en autres tissus, un peu de cuir, de fer, de plomb, d’argenterie et d’orfèvrerie, et quelques produits réexportés, comme le tabac et les calicots des Indes. Les importations consistaient en vins et liqueurs, riz, sucre, café, huile, fourrures et un peu de fils de laine, de chanvre, de soie et de lin à l’usage de nos industries spécialement favorisées »<ref>''ibid'', p. 40</ref>.


== Notes et références ==  
== Notes et références ==  

Version du 15 mars 2009 à 13:44

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Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 9 - la grande révolution et la montée de la "grande association"


Anonyme


Chapitre 9 - La grande révolution et la montée de la « grande association »
La Cité libre
The Good Society
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Auteur : Walter Lippmann
Genre
histoire, philosophie
Année de parution
1937
« Les doctrines auxquelles on veut que les hommes souscrivent sont partout hostiles à celles au nom desquelles les hommes ont lutté pour conquérir la liberté. Les réformes sont partout aux prises avec la tradition libérale. On demande aux hommes de choisir entre la sécurité et la liberté. On leur dit que pour améliorer leur sort il leur faut renoncer à leurs droits, que pour échapper à la misère, ils doivent entrer en prison, que pour régulariser leur travail il faut les enrégimenter, que pour avoir plus d'égalité, il faut qu'ils aient moins de liberté, que pour réaliser la solidarité nationale il est nécessaire d'opprimer les oppositions, que pour exalter la dignité humaine il faut que l'homme s'aplatisse devant les tyrans, que pour recueillir les fruits de la science, il faut supprimer la liberté des recherches, que pour faire triompher la vérité, il faut en empêcher l'examen. »
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La mise hors la loi de la guerre par la conscience moderne

Le renouveau actuel de la guerre totale se manifeste à une époque à laquelle presque tous les hommes sentent instinctivement que la guerre n'est plus qu'un monstrueux anachronisme. C’est là une révolution dans les idées. Il a fallu attendre le XIXe siècle pour que l’humanité, dans son ensemble, considérât la guerre comme profondément irrationnelle et immorale. Il y avait eu, jadis, des protestations de certaines petites sectes religieuses ; aux XVIIe et XVIIIe siècles, on avait fait quelques efforts pour limiter l’étendue des guerres ; on avait discuté, de plus en plus activement, autour de spéculations académiques sur la paix perpétuelle. Mais le pacifisme en tant que grande conviction humaine est un phénomène nouveau dans le monde occidental.

Il y a cent ans, les citoyens de Londres, voulant rendre hommage à lord Chatham, lui firent élever un monument sur lequel une inscription, rédigée par Burke, déclarait que sous son gouvernement on avait vu pour la première fois « le commerce uni à la guerre et rendu prospère par elle ». Aujourd'hui quand les hommes entendent Mussolini dire que « seule la guerre porte l’énergie humaine à son plus haut degré de tension et imprime un cachet de noblesse sur le peuple qui a le courage d’y faire face »[1], quand ils entendent Hitler dire que « c’est dans d’interminables batailles que l’humanité est parvenue à la grandeur ; dans la paix perpétuelle elle serait vouée à la destruction »[2], ils ne sont pas moins surpris que s’ils entendaient prononcer un éloge du servage ou de l’exposition des nouveau-nés. Car bien que toutes les nations se préparent à la guerre, et que la plupart d’entre-elles aient encore une politique qui mène à la guerre, la guerre en tant qu’instrument de politique nationale a été mise hors la loi par la conscience de l’homme moderne.

Une transformation aussi radicale des sentiments humains ne saurait être le résultat d’une compréhension subite ni une manifestation spontanée de bonne volonté. Car les guerres modernes, une fois commencées sont tout aussi sauvages que toutes celles d’autrefois. Il n’y a par conséquent aucune raison de croire que la répulsion de l’homme moderne à l’égard de la guerre est due à une transformation de la nature humaine. Elle ne saurait pas davantage être attribuée au fait que tout le monde connaît le caractère effroyablement meurtrier de l’armement moderne. En fait, on exagère en général des dévastations matérielles de la guerre moderne. Certes, les canons, les bombes et les gaz mutilent, tuent et détruisent sur une grande échelle, mais une nation moderne possède une très grande capacité de réparation des dommages causés. Les régions dévastées de la zone de combat dans la dernière guerre ont été reconstruites en quelques années, et si, au point de vue humain, les morts sont irremplaçables, leur nombre est rapidement reconstitué.

On se rapproche de la vérité en considérant que pendant la grande guerre, plus d’êtres humains ont été mutilés et tués par la maladie et la famine que par les armes, et ces mutilations et cette tuerie ont continué pendant des années après l’armistice. De plus, les biens détruits pendant les opérations militaires n’ont représenté qu’une faible part du total des richesses détruites. L’Allemagne et l’Angleterre, par exemple, n’ont pas été envahies ; cependant, ces deux pays ont vu leur capacité de production considérablement réduite par la dislocation des marchés et des sources d’approvisionnement auxquels leurs économies avaient été adaptées. La ruine causée par une guerre moderne est beaucoup plus profonde et plus étendue que celle que manifestent les listes de pertes et la dévastation de la zone de feu. Le dommage irréparable ne commence que lorsque la nation entière est mobilisée et que la guerre vient s’attaquer à la population civile sous forme de blocus et de bombardements aériens. Le dommage durable est causé par la rupture et la dislocation qu’inflige la guerre au système économique auquel appartiennent tous les belligérants.

Car toutes les guerres sont aujourd'hui des guerres civiles. Ce ne sont pas des batailles contre un ennemi étranger, mais des luttes intestines à l’intérieur d’une collectivité unique, dont tous les membres sont intimement liés et dépendent étroitement les uns des autres. La guerre moderne déchire d’immenses populations qui ont besoin les unes des autres pour maintenir leur niveau de vie, voire jusqu’à un certain point pour subsister. C’est pourquoi la guerre moderne est aussi désastreuse pour les vainqueurs que pour les vaincus. C’est pourquoi la guerre ne peut plus être employée avec succès comme instrument de politique nationale[3]. C’est pourquoi ceux qui prêchent et provoquent la guerre sont considérés comme des gens en rébellion contre la paix et l’ordre de la communauté internationale, et c’est pourquoi, lorsqu’ils attaquent leur victime, ils soulèvent tout autour d’eux l’hostilité de cette communauté. C’est pourquoi le pacifisme a récemment cessé d’être une aspiration fantaisiste et est devenu pour les hommes un principe d’action pratique. C’est au XIXe siècle que les nations, les collectivités locales et les individus cessent de se suffire à eux-mêmes pour vivre dans une dépendance profonde et complexe à l’égard les uns des autres. Les hommes se mettent à vivre unis dans une grande association[4].

La division du travail

On peut dire sans exagération qu’au moment où les hommes, relativement capables de se suffire à eux-mêmes à l’intérieur de collectivités locales, sont devenus dépendants les uns des autres dans une économie mondiale, l’histoire a enregistré l’événement le plus révolutionnaire de tous les temps[5]. Cette révolution a imposé à l’humanité un genre de vie radicalement nouveau ; elle a ébranlé les coutumes, les institutions et les traditions, transformant ainsi toutes les idées humaines.

On ne saurait évidemment assigner une date exacte au début de cette révolution. On en retrouve les traces vers la fin du Moyen Age. Cependant le monde romain a connu jusqu’au Moyen Age une économie entièrement basée sur l’échange. Mais c’est vers le milieu du XVIIIe siècle que les hommes de notre civilisation commencèrent à remarquer, dans leur vie quotidienne, des changements très significatifs qui leur montrèrent qu’ils entraient dans une ère nouvelle. Les premiers à s’en rendre compte furent les populations de l’Angleterre et de l’Ecosse ; ce furent les premières grandes collectivités occidentales qui s’enrichirent en cessant de se suffire à elles-mêmes.

Mais du début du XVIIIe siècle, même en Angleterre, l’économie villageoise fermée était toujours la règle. Il y avait un certain commerce intérieur et international. Mais son volume et surtout son caractère étaient de fort peu d’importance, car il ne concernait « que dans une mesure relativement faible le transport des marchandises de première nécessité. Chaque nation se suffisait presque à elle-même pour les principaux articles de consommation, les produits alimentaires fondamentaux, le vêtement, le mobilier, et les principaux instruments de l’économie. Chacune ne produisait guère que ce qu’elle consommait, et ne consommait guère que ce qu’elle produisait »[6].

En 1730, les exportations de l’Angleterre consistaient toujours en « lainages en autres tissus, un peu de cuir, de fer, de plomb, d’argenterie et d’orfèvrerie, et quelques produits réexportés, comme le tabac et les calicots des Indes. Les importations consistaient en vins et liqueurs, riz, sucre, café, huile, fourrures et un peu de fils de laine, de chanvre, de soie et de lin à l’usage de nos industries spécialement favorisées »[7].

Notes et références

  1. Voir International Conciliation, n° 306, p. 7, publié par la Fondation Carnegie.
  2. Mein Kampf, cité par Florinsky, op. cit, p. 73.
  3. Voir La Grande Illusion, par sir Norman Angell.
  4. Voir The Great Society, de Graham Wallas.
  5. « L’humanité n’a pris que très tard l’habitude de l’échange… et chez les peuples primitifs… l’échange pacifique est dans le meilleur des cas une pratique exceptionnelle. Les Carthaginois eux-mêmes, à en croire Hérodote, trouvaient encore dans la région méditerranéenne des peuples avec lesquels ils ne pouvaient commercer qu’en déposant des marchandises sur le rivage et en se retirant ensuite. » Voir A History of the economic institutions of Modern Europe, par Frederick L. Nussbaum, en particulier aux chap. 1, 2. Ce livre est basé sur Le Capitalisme Moderne de Sombart.
  6. John A. Hobson, The Evolution of Modern Capitalism, p. 32, éd. De 1910
  7. ibid, p. 40
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