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Henry Hazlitt:L'Économie politique en une leçon - Préface à l'édition française


Anonyme
Charles Rist


Préface à l'édition française, par Charles Rist

Il y a toujours eu deux écoles en économie politique ; celle qui explique en termes simples des choses difficiles, et celle qui explique en termes difficiles des choses simples. La seconde donne aux ignorants une impression de profondeur. Mais l'avenir appartient à la première. C'est de celle-ci que se réclame M. Hazlitt.

Il constate dans ce livre que dans tous les grands pays industriels s'est formée et largement répandue une doctrine économique qui consiste essentiellement à systématiser les exigences particulières des principaux groupes économiques plutôt qu'à élucider les intérêts généraux et permanents de la communauté. Syndicats patronaux, syndicats ouvriers, industriels et agriculteurs exposés à la concurrence étrangère, tous réclament successivement au nom de leurs intérêts limités l'intervention de l'État. L'État lui-même cherche à satisfaire les électeurs des partis momentanément au pouvoir plutôt que les besoins à long terme de la masse des citoyens. Cet état de choses s'observe dans presque toutes les nations. Il est peut-être inévitable politiquement. Et c'est là tout le drame. Toujours est-il que cette situation a suscité une étrange floraison de sophismes économiques qui s'expriment à peu près dans les mêmes termes dans les langues les plus diverses. Ils ont trouvé parfois pour les défendre des avocats de grand talent dont Maynard Keynes est de nos jours le plus universellement célèbre.

Ce sont ces sophismes que dénonce M. Hazlitt.

Avec quelle limpide clarté il en démontre les faiblesses, le lecteur s'en apercevra en parcourant ces pages à la fois profondes et lumineuses. Qu'il s'agisse du « plein emploi », de la soi-disant nocivité de l'épargne, de la course aux exportations (associée à la terreur des importations), des travaux publics considérés comme remède au chômage, de la fixation des prix par l'autorité, ou de l'octroi d'un salaire minimum, l'auteur à propos de chacun de ces « slogans » fait toucher du doigt les conséquences des politiques qui s'en inspirent. Leur effet le plus évident est la restriction de la production, alors que seul l'accroissement de celle-ci peut favoriser le bien-être général.

Un des meilleurs chapitres est consacré à l'épargne. Beau sujet qui depuis quinze ans sous l'impulsion de Keynes a soulevé les plus confuses et les plus puériles querelles de mots. On verra dégonflés de main de maître tous ces ballons qui, surtout en Angleterre et en Amérique, ont eu un grand succès et ont fortement influencé la politique financière.

Est-ce à dire que M. Hazlitt s'oppose à toute ingérence de l'État dans la vie économique. Il n'a pas cette naïveté. Son admiration pour Bastiat comme écrivain ne va pas jusqu'à lui faire adopter toutes les thèses de l'économiste. Ce qu'il demande, c'est simplement qu'avant de légiférer en faveur de tel ou tel groupe économique, on prenne la peine de mesurer les effets des législations proposées sur la prospérité de la communauté tout entière. Il analyse ces effets avec une pertinence, une lucidité, une connaissance du jeu des mécanismes économiques, qui ne manquera pas de faire réfléchir tout lecteur de bonne foi.

La guerre - on s'en apercevra vite - est absente des préoccupations de M Hazlitt. Son livre est écrit pour les époques « normales », ou si l'on veut éviter ce terme par trop équivoque, pour des époques « pacifiées ». C'est justement ce qui en fait l'intérêt durable. Car les effets économiques de la guerre et de l'après-guerre sont déjà en train de s'estomper. La production partout s'intensifie et va prendre un nouvel essor, si aucun nouveau conflit ne se déclenche. Après les gémissements légitimes sur la pénurie, nous allons connaître, plus tôt sans doute que beaucoup ne croient, les plaintes inadmissibles sur l'abondance. Après les grincements de dents du consommateur, les clameurs des producteurs. Ce sera le moment de reprendre en main le livre de M. Hazlitt - de passer au crible ses raisonnements et ceux de ses adversaires.

Certes les nombreux adorateurs de ce qu'on peut appeler « la mystique confuse » en économie politique n'y trouveront aucun plaisir. Les autres - ceux qui croient encore à la précellence de la raison dans le domaine social comme dans les autres - seront frappés de la qualité de ses arguments et de l'élégance de ses démonstrations. Il leur restera à en tirer les conséquences pratiques.


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