Différences entre les versions de « Ludwig von Mises:Le Libéralisme - chapitre 5 »

De Librairal
Aller à la navigation Aller à la recherche
(New page: {{titre|Le Libéralisme|Ludwig von Mises|chapitre 5 - L'avenir du libéralisme}} <div class="text"> Toutes les anciennes civilisations sont mortes,...)
 
(Aucune différence)

Version actuelle datée du 13 mai 2007 à 07:24


Ludwig von Mises:Le Libéralisme - chapitre 5


Anonyme


chapitre 5 - L'avenir du libéralisme

Toutes les anciennes civilisations sont mortes, ou ont au moins connu un état de stagnation, bien avant d'avoir atteint le niveau de développement matériel que la civilisation européenne moderne a réussi à mettre en place. Des nations furent détruites lors de guerres avec des ennemis étrangers, ainsi qu'au cours de querelles intestines. L'anarchie les a obligées à revenir en arrière quant à la division du travail. Les villes, le commerce et l'industrie déclinèrent. Avec cette détérioration des fondements économiques, les raffinements intellectuels et moraux durent laisser place à la brutalité et à l'ignorance. Les Européens de l'époque moderne ont réussi à resserrer les liens sociaux entre les individus et entre les nations bien plus fortement qu'on ne l'avait jamais connu au cours de l'Histoire. Ceci constitua un haut fait de l'idéologie libérale qui, depuis la fin du XVIIe siècle, fut élaborée avec une clarté et une précision sans cesse plus grande et eut de plus en plus d'influence sur les esprits. Le libéralisme et le capitalisme créèrent les fondations sur lesquelles reposent toutes les merveilleuses caractéristiques de notre vie moderne.

Notre civilisation commence cependant à dégager un parfum de mort. Des dilettantes affirment haut et fort que toutes les civilisations, y compris la nôtre, sont destinées à mourir : ce serait une loi inexorable. La dernière heure de l'Europe aurait sonné, nous expliquent ces prophètes de malheur. Certains les écoutent. Partout, une humeur maussade s'installe.

La civilisation moderne ne peut toutefois périr qu'en raison d'un acte d'autodestruction. Aucun ennemi extérieur ne peut la détruire comme les Espagnols ont détruit la civilisation aztèque, car personne sur Terre ne peut rivaliser avec la puissance des porte-drapeaux de la civilisation moderne. Seuls ses ennemis intérieurs peuvent la menacer. Elle ne peut dépérir que si les idées du libéralisme sont remplacées par une idéologie antilibérale, hostile à la coopération sociale.

Les gens sont de plus en plus nombreux à comprendre que le progrès matériel n'est possible que dans une société libérale et capitaliste. Même si les antilibéraux ne veulent pas l'accepter ouvertement, ce fait est implicitement reconnu dans les panégyriques exaltant l'idée de stabilité et d'immobilisme.

Le progrès matériel des dernières générations, dit-on, a bien sûr été très agréable et bénéfique. Mais il serait désormais temps de faire une pause. La tourbillon frénétique du capitalisme moderne doit laisser place à la tranquille contemplation. On doit prendre le temps de la communion et un autre système économique doit remplacer le capitalisme, un système qui ne soit pas sans cesse à la poursuite des nouveautés et des innovations. Les romantiques considèrent avec nostalgie les conditions économiques du moyen-âge — pas du moyen-âge tel qu'il était, mais d'une image tirée de leur imagination,sans rapport avec la réalité. Ou alors il regarde du côté de l'Orient — non pas, bien sûr, du véritable Orient mais d'une rêverie issue de ses fantasmes. Comme les hommes étaient heureux sans la technique et la culture modernes ! Comment avons nous pu renoncer à ce paradis de manière tellement inconsidérée ?

Ceux qui prônent le retour à des formes simples d'organisation économique de la société devraient garder à l'esprit que seul notre système permet d'offrir le style de vie auquel nous sommes habitués aujourd'hui au grand nombre d'individus peuplant désormais la Terre. Un retour au moyen-âge signifierait l'extermination de plusieurs centaines de millions de personnes. Les amis de la stabilité et de l'immobilisme disent, il est vrai, que nul n'est besoin d'en arriver à cette extrémité. Il suffit de s'en tenir à ce qui existe déjà et de renoncer à aller plus loin.

Ceux qui chantent les louanges de l'immobilisme et de l'équilibre stable oublient qu'il existe en l'homme, pour autant qu'il est un être pensant, un désir inhérent d'améliorer sa condition matérielle. Cet élan ne peut être supprimé : il constitue la force motrice de toute action humaine. Si on empêche l'homme d'oeuvrer pour le bien de la société tout en satisfaisant ses propres besoins, seule une voie lui reste ouverte : s'enrichir et appauvrir les autres par l'oppression et la spoliation violentes de ses semblables.

Il est vrai que cette tendance et le combat pour accroître leur niveau de vie ne rendent pas l'homme plus heureux. Néanmoins, il est dans sa nature de continuer à vouloir améliorer sa situation matérielle. S'il lui est interdit de satisfaire cette aspiration, il devient maussade et brutal. Les masses n'écouteront pas les exhortations à la modération et à se satisfaire de sa condition. Il se peut que les philosophes qui expriment de telles remontrances soient victimes d'une grave illusion. Quand on raconte aux gens que leurs parents vivaient dans des conditions bien pires, ils répondent qu'ils ne voient pas pourquoi ils devraient se contenter des conditions actuelles et renoncer à des possibilités encore meilleures.

Que ce soit bien ou mal, que cela mérite ou non la réprobation morale, il est certain que les hommes ont toujours cherché à améliorer leur condition et qu'ils continueront de le faire. C'est le destin sans issue de l'homme. L'agitation et l'inquiétude de l'homme moderne est l'éperon de l'esprit, des nerfs et des sens. On peut aussi facilement lui rendre l'innocence de l'enfance que le ramener à la passivité des périodes révolues de l'histoire humaine.

Mais, après tout, qu'offre-t-on en retour, contre la renonciation à de nouveaux progrès matériels ? Bonheur et contentement, paix et harmonie intérieures ne surgiront pas de ce que les gens ne cherchent plus à améliorer la satisfaction de leurs besoins. Aigris par le ressentiment, les gens de lettres s'imaginent que la pauvreté et l'absence de besoins créeraient des conditions particulièrement favorables au développement des capacités spirituelles de l'homme, mais c'est un non sens. En étudiant ces questions, il faudrait éviter les euphémismes et appeler les choses par leur nom. La richesse moderne s'exprime par dessus tout par le culte du corps : l'hygiène, la propreté, le sport. Aujourd'hui encore un luxe réservé aux gens aisés — peut-être plus aux États-Unis, mais partout ailleurs — ils seront à la portée de tous dans un futur proche si le développement économique continue sur sa lancée. Pense-t-on servir d'une façon quelconque la vie intérieure de l'homme en empêchant les masses d'atteindre le niveau de culture physique déjà accessibles aux gens aisés ? Le bonheur se trouve-t-il dans un corps négligé ?

Aux apologistes du moyen-âge, on ne peut que répondre que nous ne savons pas si l'homme médiéval se sentait plus heureux que l'homme moderne. Mais nous pouvons laisser ceux qui considèrent le mode de vie oriental comme un modèle pour nous, répondre à la question suivante : l'Asie est-elle vraiment le paradis qu'il nous décrivent ?

L'éloge excessif de l'économie stationnaire comme idéal social est le dernier argument sur lequel ont dû se replier les ennemis du libéralisme pour justifier leurs doctrines. Il faut cependant garder en tête que le point de départ de leur critique était que le libéralisme et le capitalisme empêchaient le développement des forces productives, qu'ils étaient responsables de la pauvreté des masses. Les adversaires du libéralisme avaient prétendu que ce qu'ils voulaient, c'est un ordre social pouvant créer une richesse plus grande que celui qu'ils combattaient. Et désormais, aculés par la contre-attaque de l'économie et de la sociologie, ils doivent admettre que seuls le capitalisme et le libéralisme, seules la propriété privée et l'activité libre des entrepreneurs peuvent garantir la plus grande productivité du travail humain.

On affirme souvent que ce qui sépare les partis politiques actuels est une opposition fondamentale entre leurs engagements philosophiques ultimes, opposition qui ne peut être éliminée par des arguments rationnels. Un échange de points de vue entre les protagonistes ne pourrait donc que se révéler stérile : chacun campera, inébranlable, sur ses positions, car ces dernières se basent sur une vision globale du monde qui peut pas être modifiée par des considérations purement rationnelles. Les fins dernières que recherchent les hommes sont variées. Par conséquent, il serait de toute façon hors de question que des individus ayant des visées différentes puissent se mettre d'accord sur une procédure commune.

Rien n'est plus absurde que cette croyance. Hormis quelques ascètes cohérents, qui cherchent à débarrasser la vie de tous ses fioritures extérieures et qui réussissent finalement à atteindre un état de renoncement à tout désir et à toute action et, de fait, à s'autodétruire, tous les hommes de race blanche, aussi divers que puissent être leurs idées sur les questions surnaturelles, sont d'accord pour préférer entre deux systèmes sociaux celui au sein duquel le travail est le plus productif. Même ceux qui croient qu'un progrès éternel de la satisfaction des besoins humains n'est pas la solution et que nous serions mieux en produisant moins de biens matériels — bien que l'on puisse douter que le nombre de ceux qui le pensent sincèrement soit très grand — ne voudraient pas que cette même quantité de travail conduisent à produire moins de biens. Au pire, ils voudraient qu'il y ait moins de travail et donc une production plus faible, mais pas que la même quantité de travail produise moins.

Les antagonismes politiques d'aujourd'hui ne résident pas dans les controverses sur les questions ultimes de philosophie mais dans les réponses à la question de savoir comment un but reconnu comme légitime peut être atteint le plus rapidement possible et avec le moins de sacrifices. Ce but, que visent tous les hommes, c'est la plus grand satisfaction possible des besoins humains, c'est la prospérité et l'abondance. Bien sûr, tous les hommes ne sont pas à la poursuite de ce but, mais c'est tout ce qu'ils peuvent espérer obtenir en ayant recours à des moyens extérieurs et par le biais de la coopération sociale. Les biens intérieurs — bonheur, paix de l'esprit, exaltation — ne peuvent être cherché qu'en soi par chacun.

Le libéralisme n'est ni une religion, ni une vision du monde, ni un parti défendant des intérêts particuliers. Il n'est pas une religion parce qu'il ne demande ni la foi ni la dévotion, parce qu'il n'y a rien de mystique en lui et qu'il ne connaît pas de dogmes. Il n'est pas une vision du monde parce qu'il n'essaie pas d'expliquer l'univers, parce qu'il ne dit rien et ne cherche pas à dire quoi que ce soit sur la signification et les objectifs de l'existence humaine. Il ne défend pas d'intérêts particuliers parce qu'il ne fournit pas d'avantage particulier à un individu ou à un groupe, et ne cherche pas à en fournir. Il est quelque chose de totalement différent. C'est une idéologie, une doctrine de relations mutuelles entre les membres de la société. C'est en même temps l'application de cette doctrine en ce qui concerne la conduite des hommes dans la société existante. Il ne promet rien qui dépasse ce qu'il peut accomplir dans la société et grâce à elle. Il ne cherche à donner aux hommes qu'une chose : le développement pacifique, sans heurts, du bien-être matériel pour tous, afin de les mettre à l'abri des causes extérieures de peine et souffrance, autant qu'il est dans le pouvoir des institutions sociales de le faire. Réduire la souffrance, augmenter le bonheur : voilà son but.

Aucune secte et aucun parti politique n'a cru pouvoir se permettre de défendre sa cause par le simple appel à la raison. L'emphase rhétorique, la musique et le retentissement des chants, le mouvement des bannières, les couleurs et les fleurs servent de symboles ; les dirigeants cherchent à attacher leurs partisans à leur personne. Le libéralisme n'a rien à voir avec tout cela. Il n'a pas de fleur ou de couleur qui lui soient associées, pas de chant ni d'idoles, pas de symboles ni de slogans. Il a pour lui le contenu et les arguments. Ce sont eux qui doivent le mener à la victoire.

Annexe

1. La littérature du libéralisme

Afin que ce livre ne prenne pas de trop grandes proportions, j'ai dû être bref. Je m'estime d'autant plus justifié à l'avoir été que j'ai déjà traité à fond tous les problèmes fondamentaux du libéralisme dans une série d'ouvrages et d'essais détaillés.

Pour le lecteur qui désirerait acquérir une compréhension plus profonde de ces sujets, j'ajoute la compilation suivante des écrits les plus importants.

Les idées libérales se trouvent déjà dans les oeuvres de nombreux auteurs anciens. Les grands penseurs anglais et écossais du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle furent les premiers à formuler ces idées sous la forme d'un système. Quiconque veut se familiariser avec l'esprit libéral doit reprendre leurs livres :

  • David Hume, Essais moraux, politiques et littéraires et autres essais [Essays Moral, Political, and Literary] (1741 et 1742), et
  • Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la Richesse des nations [An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations] (1776), et plus particulièrement
  • Jeremy Bentham, nombreux écrits, commençant par Defense of Usury (1787), jusqu'à Deontology, or the Science of Morality, publié à titre posthume en 1834. Tous ses écrits, à l'exception de Deontology, furent publiés dans l'édition complète éditée par Bowring entre1838 et 1843.

John Stuart Mill est un épigone du libéralisme classique qui fut plein de piteux compromis, particulièrement à la fin de sa vie et sous l'influence de sa femme. Il glissa progressivement vers le socialisme et est à l'origine de la confusion irréfléchie des idées libérales et socialistes qui conduisit au déclin du libéralisme anglais et à la diminution du niveau de vie de la population anglaise. Malgré cela — ou peut-être précisément à cause de cela — il convient de se familiariser avec les principaux écrits de Mill :

  • Principles of Political Economy (1848)
  • De la liberté [On Liberty] (1859)
  • L'Utilitarisme [Utilitarianism] (1862).

Sans une étude sérieuse de Mill, il est impossible de comprendre les événements qu'ont subis les deux dernières générations, car Mill est le grand défenseur du socialisme. Il a élaboré avec attention et amour tous les arguments pouvant être avancés en faveur du socialisme. Comparés à Mill, tous les autres auteurs — même Marx, Engels et Lassalle — ont bien peu d'importance.

Il est impossible de comprendre le libéralisme sans connaître l'économie, car le libéralisme est de l'économie appliquée : il constitue une ligne politique et sociale fondée sur une base scientifique. Sur ce sujet, outre les écrits déjà mentionnés, il convient de se familiariser avec le grand maître de l'économie classique :

  • David Ricardo, Des Principes de l'économie politique et de l'impôt [Principles of Political Economy and Taxation] (1817).

Les meilleures introductions à l'étude de l'économie scientifique moderne sont :

  • H. Oswalt, Vorträge über wirtschaftliche Grundbegriffe (nombreuses éditions)
  • C. A. Verrijn Stuart, Die Grundlagen der Volkswirtschaft (1923).

Les chefs-d'oeuvre en langue allemande de l'économie moderne sont :

  • Carl Menger, Grundsätze der Volkswirtschaftslehre (première édition, 1871).
  • Eugen von Böhm-Bawerk, The Positive Theory of Capital (New York, 1923). Également instructif, son Karl Marx and the Close of His System (New York, 1949).

Les deux principales contributions allemandes à la littérature libérale ont connu le même malheur que le libéralisme allemand. Essai sur les limites de l'action de l'Etat [On the Sphere and Duties of Government] (London, 1854) de Guillaume de Humboldt fut terminé en 1792. Schiller en publia la même année un extrait dans Neuen Thalia, d'autres extraits apparaissant dans le Berliner Monatsschrift.Par la suite, toutefois, l'éditeur de Humboldt eut peur de sortir le livre, qui fut laissé de côté et demeura oublié pour n'être redécouvert et publié qu'après la mort de l'auteur.

L'ouvrage d'Hermann Henrich Gossen, Entwicklung der Gesetze des menschlichen Verkehrs und der daraus. fliessenden Regein für menschliches Handeln trouva certes un éditeur, mais ne rencontra aucun lecteur à sa sortie, en 1854. Le livre et son auteur demeurèrent oubliés jusqu'à ce que l'Anglais Adamson tomba sur un exemplaire.

La pensée libérale imprègne la poésie classique allemande, par-dessus tout les oeuvres de Goethe et de Schiller.

L'histoire du libéralisme politique en Allemagne est brève et marquée par de trop rares succès. L'Allemagne moderne — et ceci comprend les défenseurs de la Constitution de Weimar tout autant que ses adversaires — est un monde vivant à l'écart de l'esprit du libéralisme. Le peuple allemand ne sait plus ce qu'est le libéralisme mais il sait l'insulter. La haine du libéralisme est le seul point rassemblant les Allemands. Il faut signaler, parmi les écrits allemands récents sur le libéralisme, les ouvrages de Leopold von Wiese : Der Liberalismus in Vergangenheit und Zukunft (1917) ; Staatssozialismus (1916) ; et Freie Wirtschaft (1918).

Pas un souffle de l'esprit libéral n'a jamais atteint les peuples de l'Europe de l'Est.

Bien que l'esprit libéral soit en déclin même en Europe occidentale et aux États-Unis, on peut considérer ces nations comme libérales en comparaison des Allemands.

Parmi les auteurs anciens, il convient également de lire les Oeuvres complètes de Frédéric Bastiat (Paris, 1855). Bastiat était un brillant styliste, de sorte que la lecture de ses écrits constitue un véritable plaisir. Étant données les fantastiques avancées de la théorie économique depuis sa mort, il n'est pas surprenant que ses enseignements soient aujourd'hui obsolètes. Cependant, sa critique de toutes les tendances protectionnistes et assimilables reste encore aujourd'hui pleinement valides. Les protectionnistes et les interventionnistes n'ont pas été en mesure d'avancer un seul argument pertinent et n'ont pu donner aucune réponse objective. Ils ont simplement continué à bégayer : Bastiat est "superficiel."

En ce qui concerne les ouvrages politiques plus récents en langue anglaise, il ne faut pas oublier que le mot "libéralisme" a aujourd'hui souvent le sens de socialisme modéré. Une brève présentation du libéralisme est donné par l'Anglais L. T. Hobhouse dans Liberalism (1911), et par l'Américain Jacob H. Hollander dans Economic Liberalism (1925). Des introductions encore meilleures aux idées des libéraux anglais se trouvent dans :

  • Hartley Withers, The Case for Capitalism (1920).
  • Ernest J. P. Benn, The Confessions of a Capitalist (1925). If I Were a Labor Leader (1926). The Letters of an Individualist (1927). Ce dernier livre comprend une bibliographie (pp. 74 et suivantes) de la littérature anglaise sur les problèmes fondamentaux du système économique. The Return to Laisser Faire (London, 1928).

On trouve une critique des politiques protectionnistes par Francis W. Hirst dans son ouvrage Safeguarding and Protection (1926).

Est également instructif le compte-rendu du débat public qui s'est tenu à New York le 23 janvier 1921 entre E. R. A. Seligmann et Scott Nearing sur le sujet : "Le capitalisme a plus à offrir aux travailleurs des États-Unis que le socialisme."

Les ouvrages La cité moderne de Jean Izoulet (première édition en 1890) et Community de R. M. MacIver (1924) constituent des introductions à la pensée sociologique.

L'histoire des idées économiques se trouve exposée par : Charles Gide et Charles Rist, Histoire des doctrines économiques (nombreuses éditions); Albert Schatz, L'individualisme économique et social (1907); et Paul Barth, Die Philosophle der Geschichte als Soziologie (nombreuses éditions).

Le rôle des partis politiques est traité par Walter Sulzbach dans Die Grundlagen der politischen Parteibildung (1921).

L'ouvrage Geschichte des deutschen Liberalismus (1911/ 1912, deux volumes) de Oskar Klein- Hattingen constitue un essai sur l'histoire du libéralisme allemand, et Guido de Rugaiero a fait la même chose pour le libéralisme européen dans The History of European Liberalism (Oxford, 1927).

Pour finir, je citerai parmi mes propres ouvrages ceux qui sont en liaison étroite avec les problèmes du libéralisme :

  • Nation, Staat und Wirtschaft: Beiträge zur Politik und Geschichte der Zelt (1919).
  • Antimarxismus (Weltwirtschaftliches Archiv, Vol. XXI, 1925).
  • Kritik des Interventionismus (1929).
  • Le Socialisme [Sozialismus] (1936), et Le Chaos du planisme [Planned Chaos], 1951.
  • Le Gouvernement omnipotent [Omnipotent Government] (1944).
  • L'Action humaine [Human Action] (1949).
  • La Mentalité anticapitaliste [The Anti-Capitalistic Mentality] (1956).

2. A propos du terme "libéralisme"

Ceux qui ont l'habitude des écrits publiés ces dernières années sur le libéralisme vont peut-être m'objecter que ce qui est appelé libéralisme dans le présent ouvrage ne coïncide pas avec ce que l'on comprend habituellement sous ce terme dans la littérature politique contemporaine. Je suis loin de le nier. Au contraire, j'ai moi-même souligné que ce que l'on entendait sous le vocable "libéralisme" aujourd'hui, particulièrement en Allemagne, est totalement différent de ce que l'histoire des idées appelle "libéralisme" pour décrire le contenu du programme libéral des XVIIe et XVIIIe siècles. Presque tous ceux qui se prétendent de nos jours "libéraux" refusent de se prononcer en faveur de la propriété privée des moyens de production et défendent des mesures en partie socialistes et interventionnistes. Ils cherchent à justifier leur position en expliquant que l'essence du libéralisme ne consisterait pas à adhérer à l'institution de la propriété privée mais à d'autres choses, et que ces autres choses exigent un développement plus poussé du libéralisme, qui ne devrait plus dès lors défendre la propriété privée des moyens de production mais se faire à la place l'avocat du socialisme et de l'interventionnisme.

Ce que ces "autres choses" peuvent bien être, les pseudo-libéraux doivent encore nous l'expliquer. Nous les entendons beaucoup parler d'humanité, de magnanimité, de véritable liberté, etc. Il s'agit certainement de sentiments nobles et respectables que tout le monde approuvera immédiatement. En fait, toute idéologie y souscrit. Toute idéologie — hormis quelques courants de pensée cyniques — pense défendre l'humanité, la magnanimité, la véritable liberté, etc. Ce qui distingue une doctrine sociale d'une autre n'est pas l'objectif ultime du bonheur humain universel, qu'ils désirent tous, mais la façon dont ils cherchent à l'atteindre. Le trait caractéristique du libéralisme est de proposer d'arriver à cet objectif par la propriété privée des moyens de production.

Les questions de terminologie sont cependant, somme toute, secondaires. Ce qui compte n'est pas le nom mais la chose dont on parle. Aussi fanatiquement opposé à la propriété privée que l'on puisse être, on devra toutefois concéder au moins la possibilité que quelqu'un puisse la défendre. Et si l'on accepte ce point, on devra bien entendu donner un nom à ce courant de pensée. Il faudrait demander à ceux qui se prétendent aujourd'hui libéraux comment ils appelleraient l'idéologie qui défend la préservation de la propriété privée des moyens de production. Peut-être répondront-ils qu'ils souhaitent l'appeler "manchesterisme". Ce terme a été initialement créé avec une connotation de dérision et d'insulte. Néanmoins, cela n'empêcherait pas de l'employer pour désigner l'idéologie libérale si ce n'était que l'expression a toujours été utilisée jusqu'ici pour marquer le programme économique plutôt que le programme général du libéralisme.

Il faut en tout cas donner un nom au courant de pensée défendant la propriété privée des moyens de production. Le mieux est de s'en tenir au terme traditionnel. Il n'estt source de confusion que si l'on suit le nouvel usage, qui autorise même les protectionnistes, les socialistes et les bellicistes à se présenter comme "libéraux" quand ça les arrange.

On pourrait aussi se demander si, en vue de diffuser plus largement des idées libérales, il ne faudrait pas trouver un nouveau nom à l'idéologie libérale, de sorte que les préjugés développés à son encontre, particulièrement en Allemagne, ne constituent pas un handicap. Une telle proposition partirait de bonnes intentions mais serait totalement opposée à l'esprit du libéralisme. Tout comme ce dernier doit, par nécessité interne, rester à l'écart de toute ruse de pure propagande et éviter tous les moyens qu'utilisent les autres mouvements pour faire accepter leurs idées, il faut aussi éviter d'abandonner cet ancien nom pour la simple raison qu'il est impopulaire. C'est précisément parce que le terme "libéral" a une connotation défavorable en Allemagne que le libéralisme doit le conserver. L'important n'est pas de rendre la pensée libérale plus facilement acceptable par tout le monde, mais de convertir les gens au libéralisme, de les faire penser et agir comme des libéraux.

Une deuxième objection pouvant être levée à l'encontre de la terminologie en usage dans le présent ouvrage consiste à dire que le libéralisme et la démocratie ne sont pas considérés ici comme étant en opposition. De nos jours, en Allemagne, le "libéralisme" indique souvent la doctrine qui soutient l'idée d'une monarchie constitutionnelle, et la "démocratie" signifie le soutien à l'idéal politique de la république parlementaire. Même sur le plan historique, cette conception est totalement indéfendable. C'est la république parlementaire et non la monarchie constitutionnelle pour laquelle le libéralisme s'est battu. Sa défaite à cet égard consista précisément en ce que l'Empire allemand et l'Autriche ne réussirent qu'à créer une monarchie constitutionnelle. Le triomphe des antilibéraux vient de ce que le Reichstag allemand était si faible qu'il peut être qualifié, si l'on veut être précis et non poli, de "club de bavards". Le dirigeant du parti conservateur qui affirmait qu'un lieutenant et douze hommes suffiraient à dissoudre le Reichstag disait la vérité.

Le libéralisme est le concept le plus général. C'est une idéologie qui embrasse toute la vie sociale. L'idéologie de la démocratie ne comprend que les aspects sociaux qui relèvent de la constitution de l'État. La raison pour laquelle le libéralisme exige la démocratie comme corollaire politique a été démontrée dans la première partie de l'ouvrage. Montrer pourquoi tous les mouvements antilibéraux, socialisme compris, doivent être antidémocratiques est le but des recherches voulant analyser de manière approfondie la nature de ces idéologies. En ce qui concerne le socialisme, je l'ai entreprise dans le livre qui porte ce titre.

Il est facile à un Allemand de s'égarer, car il pense toujours en ayant à l'esprit les libéraux-nationaux et les sociaux-démocrates. Les libéraux nationaux ne furent jamais, même à l'origine, un parti libéral — tout au moins sur les questions de droit constitutionnel. Ils constituaient ce courant du vieux parti libéral qui a toujours expliqué qu'il prenait en compte "les faits tels qu'ils sont réellement", c'est-à-dire qu'il considérait comme certaine la défaite du libéralisme dans son conflit constitutionnel prussien contre les adversaires de la "Droite" (Bismarck) et de la "Gauche" (les partisans de Lasalle). Les sociaux-démocrates n'étaient démocrates que tant qu'ils n'étaient pas au pouvoir, c'est-à-dire tant qu'ils ne se sentaient pas assez puissants pour éliminer leurs adversaires par la force. Dès qu'ils s'estimèrent les plus forts, ils se déclarèrent partisans de la dictature — comme leurs auteurs l'avaient toujours recommandé. Ce n'est qu'après avoir subi des défaites sanglantes face aux bandes armées des partis de droite qu'ils se sont à nouveau déclarés en faveur de la démocratie "jusqu'à nouvel ordre". Leurs penseurs l'expliquèrent en ces termes : "Au sein des partis sociaux-démocrates, le courant en faveur de la démocratie a triomphé sur celui préconisant la dictature." Bien entendu, seul un parti qui défend les institutions démocratiques en toutes circonstances — même s'il est le plus fort et qu'il est au pouvoir — peut être qualifié de démocratique.