Le cours de l'existence et des tribulations de l'Etat fondé par les nomades de la mer est déterminé, ainsi que l'avons dit plus haut, par le capital commercial, comme l'existence de l'Etat est déterminée par le capital foncier et, ajoutons-le, celle de l'Etat constitutionnel moderne par le capital productif.
Certes le nomade maritime n'a inventé ni le commerce ni le négoce, ni les grandes foires, les marchés et les villes. Tout cela existait avant son arrivée et il n'a eu qu'à le remodeler selon ses intérêts. Ces institutions s'étaient développées depuis longtemps au service du moyen économique, l'échange équivalent.
Pour la première fois dans cette étude nous rencontrons le moyen économique non plus en qualité d'objet d'exploitation du moyen politique, mais comme sujet coopérateur dans la formation de l'Etat, comme la chaîne qui traverse la trame tendue sur le métier par l'Etat féodal et formant avec elle un matériel plus richement tissé. La genèse de l'Etat maritime ne peut être clairement établie que si nous lui subordonnons le développement des marchés qui ont existé avant lui. Et nous irons même plus loin ! Il est indispensable pour établir la prognose de l'Etat moderne, de connaître les formations que le moyen économique a créées par lui-même dans les relations d'échange.
Commerce antérieur à l'Etat
Le plus grand mérite de la théorie de l'utilité finale est de nous donner l'explication psychologique de l'échange. D'après cette théorie la valeur subjective d'un bien économique est en raison inverse du nombre de ces biens se trouvant dans la possession du même sujet économique. Si celui-ci en rencontre un second, possédant également un certain nombre de biens semblables entre eux mais différents de ceux du premier, tous deux effectueront volontiers un échange, si l'emploi du moyen politique n'est pas possible, c'est-à-dire si les forces et les armes respectives paraissent égales. Il en était de même aux périodes primitives dans les limites du « cercle de paix », entre les membres et alliés de la tribu. Dans l'échange chaque partie reçoit de l'autre un bien d'une très haute valeur subjective et cède un bien de très basse valeur subjective ; tous deux gagnent donc.
Si l'on prend en considération la nature enfantine du primitif qui estime peu ce qu'il possède mais désire ardemment ce qui est à autrui et est à peine influencé par des attendus économiques, l'on comprend que le désir d'échanger doit agir sur lui beaucoup plus fortement que sur nous.
Il existe pourtant, paraît-il, un certain nombre de peuplades sauvages qui n'ont pas la moindre notion de l'échange. « Cook raconte qu'il a trouvé en Polynésie des peuplades avec lesquelles aucun commerce ne put être lié comme les présents ne leur faisaient pas la moindre impression et étaient jetés de suite. Ces sauvages regardaient avec indifférence tout ce qu'on leur montrait ; rien n'excitait leur convoitise et ils se refusaient à céder aucun objet leur appartenant ; en un mot toute idée de commerce et de troc leur était étrangère[1]. » Westermarck croit également que « l'échange et le commerce sont d'origine relativement récente ». En contradiction avec Peschel qui laisse l'homme exercer le troc dès la période la plus reculée qui nous soit connue, il remarque que nous n'avons aucune preuve pour notre assertion que « les hommes des cavernes du Périgord de la période des rennes aient réellement obtenu par le troc le cristal de roche, les coquillages de l'Atlantique et les cornes de l'antilope Saiga polonaise[2] ».
Malgré ces exceptions, susceptibles d'ailleurs d'une explication toute autre (les indigènes redoutaient peut-être quelque sorcellerie), l’ethnologie prouve surabondamment que chez l’homme l’instinct de l'échange et du commerce est universellement répandu ; cet instinct ne peut évidemment se manifester que lorsque, à la suite de rencontre avec des étrangers, de nouveaux biens désirables se présentent à l'homme primitif. Dans la horde tous possèdent la même sorte de biens et même, étant donné le communisme primordial, en possèdent aussi en moyenne une même quantité.
La rencontre avec des étrangers ne peut amener l'échange fortuit, le commencement forcé de tout commerce régulier, que lorsqu'elle a un caractère pacifique. Une telle condition est-elle possible ? L'existence entière de l'homme primitif (nous parlons ici des débuts des relations d’échange) n'est-elle pas placée sous le signe : Homo homini lupus !
L'on ne peut nier que le commerce dans ses degrés supérieurs n'ait subi en général très fortement l'influence du moyen politique : « Le commerce est en général la suite du rapt[3]. » Mais ses premiers débuts sont néanmoins dus surtout au moyen économique, ils sont le résultat non de relations guerrières, mais de relations pacifiques.
Les rapports des chasseurs primitifs entre eux ne doivent pas être confondus avec les rapports qu’ont les chasseurs ou les pasteurs avec les laboureurs ou avec ceux des différentes tribus de pasteurs. Sans doute il y a entre les chasseurs des querelles suscitées par les vengeances, les rapts de femmes ou l'empiétement du territoire de chasse par d'autres hordes : mais il manque à ces querelles l'aiguillon qu'engendre seule la rapacité, le désir de s'approprier le produit du travail d'autrui. Aussi les guerres des chasseurs primitifs sont-elles moins des guerres véritables que des rixes ou des combats individuels qui souvent même, semblables aux duels des étudiants allemands, ont lieu selon un cérémonial fixé, jusqu'à un degré inoffensif d'incapacité de combat, « jusqu'au premier sang » pour ainsi dire[4]. Ces tribus, très faibles numériquement, n'ont garde de sacrifier des hommes sans nécessité ; ils ne le font que contraints et forcés, dans les cas de vendetta par exemple, et évitent en général de faire naître l'occasion de nouvelles vengeances.
Parmi ces tribus comme parmi les laboureurs auxquels l'aiguillon du moyen politique fait également défaut, les relations pacifiques entre tribus appartenant à un même niveau économique sont incomparablement plus fréquentes que chez les pasteurs. Nous pouvons citer un grand nombre cas où ces peuplades s'associent pacifiquement pour exploiter en commun des produits naturels. « Dès les temps primitifs de la civilisation, de nombreuses populations se rassemblaient aux endroits où l'on trouve en grandes quantités des produits naturels recherchés. Une grande partie des Indiens de l'Amérique vont en pèlerinage aux gisements de pierre à pipe ; d'autres se rassemblent tous les ans pour la moisson dans les marais du Zizania, dans le territoire des Grands Lacs. Les Australiens de la région de Barkou, qui vivent disséminés sur ce vaste territoire, se rendent tous aux champs marécageux où se fait la moisson du nardou (Marsillia)[5]. » « Dans la province de Queensland lorsque la récolte des fruits farineux du Bounga-Bounga est si abondante qu'elle dépasse les besoins d'une tribu, il est permis aux autres peuplades de venir s'en rassasier[6]. » « Plusieurs tribus s'entendent pour la possession en commun de certains districts et aussi pour l'exploitation des carrières de phonolithe, employé dans la fabrication des haches[7]. » Nous entendons parler également de conseils et de séances où la justice est rendue en commun par les Anciens de quelques tribus australiennes ; le reste de la population représente dans ces cas la « corona », l'assistance du « Mal » germanique[8].
Des relations d'échange s'établissent tout naturellement grâce à ces assemblées et peut-être les « marchés hebdomadaires » tenus dans la forêt vierge sous l'égide d'une protection de paix spéciale, par les peuplades nègres de l'Afrique centrale[9] ont-ils eu une origine analogue, tout comme les grandes foires des chasseurs arctiques, des Tschcuktchis, etc., que l'on fait remonter à la plus haute antiquité.
Tous ces faits impliquent l'existence de rapports pacifiques entre des groupes voisins et l'on constate en effet l'existence de ces rapports presque partout. Ils prirent naissance sans doute à la période primitive, alors que l'on ignorait encore que l’homme pût utiliser son semblable comme « machine à travail ». A cette époque c'est seulement in dubio[10] que l'étranger est considéré comme ennemi. S'il se présente dans des intentions évidemment pacifiques on le reçoit de même. Il s'est établi tout un code de cérémonies de droit international dans le but d'établir les intentions inoffensives du nouveau venu. On dépose les armes et montre la main nue, ou encore on envoie des parlementaires dont la personne est partout inviolable[11][12].
Ces formes représentent évidemment une sorte de droit d'hospitalité, et le commerce pacifique n'est possible tout d'abord que grâce à ce droit ; c'est l'échange de cadeaux entre les hôtes qui semble avoir servi de germe au commerce d'échange proprement dit. Pouvons-nous maintenant déterminer les mobiles psychologiques du droit d'hospitalité ?
Westermarck, dans son œuvre monumentale parue récemment : Origine et développement des idées morales[13], fait remonter la coutume de l'hospitalité d'abord à la curiosité en quête de nouveautés et espérant en apprendre du voyageur venant de loin, et par-dessus tout à la crainte d'un pouvoir de sorcellerie, redouté chez l'étranger par le fait même qu'il est étranger. Dans la Bible encore nous trouvons l'hospitalité recommandée parce que l'étranger pourrait être un ange. La race superstitieuse craint sa malédiction (les Erinyes[14] des Grecs) et s'empresse pour le disposer favorablement. Est-il reçu comme hôte, sa personne est inviolable et il jouit du privilège de paix du clan dont il est censé faire partie pendant la durée de son séjour : le communisme originaire s'étend jusqu'à lui. L'amphytrion[15] demande et reçoit ce qu'il convoite et donne en échange à son hôte les objets que celui-ci désire. Lorsque les rapports pacifiques deviennent plus fréquents, ces présents réciproques se transforment insensiblement en troc régulier, le marchand revenant volontiers là où il a trouvé bonne réception et échanges avantageux et où il possède déjà le droit d'hospitalité qu'il lui faudrait d'abord acquérir ailleurs, parfois au péril de sa vie[16].
La condition préalable indispensable à l'établissement d'un commerce régulier est naturellement l'existence d'une division du travail internationale. Cette division a existé elle aussi beaucoup plus tôt et avec une extension beaucoup plus considérable qu'on n'est généralement enclin à le croire. « Il est erroné de supposer que la division du travail ait eu lieu seulement à un degré élevé du développement économique. L'Afrique centrale a ses villages de forgerons dont certains mêmes ne préparent que les javelots. La Nouvelle-Guinée a ses villages de potiers, l'Amérique du Nord ses fabricants de pointes de flèches[17]. » De ces spécialités un commerce se développe, soit par l'intermédiaire des marchands ambulants, soit par les cadeaux d'hospitalité ou les présents de paix de peuple à peuple. Dans l'Amérique du Nord les Kaddous font le commerce des arcs ; « la pierre obsidienne était employée partout pour les pointes des flèches et les couteaux : sur les bords du Yellowstone, du Snake-Rive au Nouveau Mexique et notamment à Mexico. Puis la matière précieuse se trouva répandue sur toute la contrée jusqu'à Ohio et Tennessee : une distance d'environ 3.000 kilomètres[18] ».
Vierkandt rapporte également : « La nature domestique de l'économie des peuples primitifs implique une forme de commerce différant entièrement des conditions modernes... Chaque tribu a développé certaines dextérités particulières qui donnent lieu à des échanges. Nous trouvons des spécialisations de cette nature jusque dans les tribus indiennes relativement inférieures de l'Amérique du Sud... Il arrive grâce à ce genre de commerce que les produits se trouvent répandus à une distance considérable non pas directement par des marchands de profession mais par la propagation graduelle d'une tribu à l'autre. L'origine de ce commerce remonte, comme l’a établi Bücher, à l'échange de présents d'hospitalité[19]. »
En dehors des présents d'hospitalité, le commerce peut naître encore de l'usage des cadeaux de paix que se font les adversaires en gage de réconciliation après un combat. Sartorius dit par exemple, parlant des peuplades polynésiennes : « Les présents de paix échangés après une rencontre hostile entre les peuplades de différentes îles étaient souvent des objets nouveaux pour chacune des parties ; lorsque ces présents plaisaient, on les répétait, arrivant ainsi insensiblement à l'échange de marchandises. Et de plus, ce qui n'était pas le cas pour les présents d’hospitalité, cet échange pouvait devenir la base de rapports permanents. Ce ne sont plus des individus mais des tribus, des peuplades entières, qui entrent en relations. Les femmes furent généralement le premier objet d'échange : elles représentent le trait d'union entre les différentes tribus et, ainsi qu'il ressort de nombreuses sources d'information, elles étaient généralement troquées contre des bestiaux[20]. » Nous nous trouvons ici en présence d'un objet dont l'échange est possible même sans division de travail préalable. Il semble que l'échange de femmes ait fréquemment aplani le chemin menant à l'échange de marchandises, qu'il ait marqué le premier pas vers cette intégration pacifique des peuples qui va de front avec l'intégration guerrière accomplie par la formation de l'Etat.
Lippert[21] est d'avis que l'échange du feu est plus ancien encore. Mais comme il ne peut inférer l'existence de cette coutume, sûrement fort ancienne, que des rudiments des religions et du droit, inaccessibles à notre observation directe, nous passerons sur la question.
L'échange de femmes par contre est un fait observé partout et qui, en préparant l'échange de marchandises, a eu indubitablement une influence considérable sur l'organisation des rapports pacifiques entre les tribus. La fable des Sabines se jetant entre leurs frères et maris prêts à combattre a dû se réaliser mille fois au cours de l'évolution du genre humain. Presque partout, pour des raisons que nous ne pouvons évelopper ici[22], le mariage entre parents est considéré comme un sacrilège, comme inceste : partout l'instinct sexuel est dirigé vers les femmes des tribus voisines, partout le rapt de femmes rentre dans la rubrique des relations courantes entre les tribus ; et lorsque de forts sentiments de race ne s'y opposent pas, le rapt est peu à peu remplacé presque partout par l'échange et l'achat. Au point de vue sexuel, la proche parente en effet a pour l'homme une valeur aussi minime que la valeur de l'étrangère est plus élevée.
Les relations nouées ainsi favorisent l’échange de marchandises aussitôt que la division du travail le rend possible : les groupes exogames entrent en relations d'un caractère pacifique. La paix embrassant la horde familiale, s'étend désormais sur un plus vaste rayon. un exemple entre mille : « Chacune des tribus du Cameroun a ses « bush countries », des villages avec lesquels ses membres trafiquent et où ils prennent leurs femmes. L'exogamie devient, ici aussi, un lien entre les peuples[23] ».
Tel est dans ses grandes lignes le développement des relations pacifiques d'échange : du droit d'hospitalité et de l'échange de femmes, peut-être même de l'échange du feu à l'échange de marchandises. Si nous ajoutons que les marchés, les foires et souvent même les marchands, ainsi que nous l'avons noté plus haut, étaient considérés généralement comme placés sous la garde d'une divinité protégeant jalousement la paix, nous aurons tracé les traits principaux de ce phénomène sociologique d'une importance considérable jusqu'au moment où le moyen politique intervient, transformant, bouleversant et développant les créations du moyen économique.
Le commerce et l'Etat Primitif
Le brigand guerrier a deux raisons majeures pour ménager les marchés et foires qu'il trouve sur le territoire conquis. L'une, non-économique, est qu'il ressent lui aussi la crainte d’une divinité vengeresse punissant la violation de la paix ; la seconde raison, économique et probablement plus puissante que la première, est – je crois noter ici ce rapport pour la première fois – qu'il ne peut lui-même se passer de marchés.
Son butin pendant la période primitive comprend de nombreux biens impropres à la consommation et à l'usage immédiats. Il possède des objets de sortes peu variées et en si grande quantité que l' « utilité finale » de chaque objet est pour lui excessivement minime. Il en est ainsi surtout pour le produit le plus important du moyen politique, les esclaves. Pour parler d'abord du pasteur, le nombre d'esclaves qu'il peut garder est limité par le plus ou moins d'importance de ses troupeaux. Il est donc tout disposé à échanger ses esclaves superflus contre d'autres biens précieux pour lui : sel, parures, armes, étaux, tissus, instruments, etc. Aussi le pasteur n’est-il pas seulement « toujours brigand », il est aussi « toujours marchand » et en cette qualité protège le trafic.
Il protège le trafic qui vient à lui, lui offrant en échange de son butin les produits d’une civilisation étrangère : de tous temps les nomades ont servi de guides aux caravanes traversant leurs steppes ou leurs déserts moyennant paiement d'un « tribut de protection » ; et il protège de même le trafic dans les places occupées antérieurement à la formation de l'Etat. Les mêmes considérations qui firent progresser le pasteur de l'Etat-Ours à l'Etat-Apiculteur l'ont évidemment engagé à préserver les anciens marchés et foires. Un pillage équivaudrait à tuer la poule aux œufs d'or ; il est infiniment plus avantageux de conserver le marché, d'affermir même sa paix afin de récolter ainsi, outre l'avantage de pouvoir échanger le butin contre des produits étrangers, le tribut de protection, le droit du seigneur. Pour cette raison les princes de l'Etat Féodal ont partout mis sous leur protection, sous la « paix du roi », marchés, routes et marchands et souvent même se sont réservés le monopole du commerce étranger. Nous les voyons partout s'efforcer activement de fonder de nouveaux marchés, de nouvelles villes.
Cet intérêt pour les places de commerce nous fait comprendre pourquoi les tribus pastorales ont toujours respecté les marchés se trouvant sur leur territoire d'influence, allant même jusqu'à leur épargner toute manifestation du moyen politique en s’abstenant de les mettre sous leur « domination » directe. Ce que Hérodote raconte plein d'étonnement du marché sacré des Argippes situé dans la contrée des Scythes nomades, et dont les habitants inoffensifs étaient protégés efficacement par la paix sacrée de leurs places de marché, est non seulement vraisemblable mais encore confirmé par maint fait analogue. « Nul ne les attaque car ils passent pour sacrés : ils ne possèdent aucune arme guerrière, néanmoins ce sont eux qui apaisent les querelles entre voisins et il n’est fait aucun mal au fugitif réfugié parmi eux[24] ». Le cas se répète fréquemment. C'est toujours la même histoire des Argippes, l'histoire de la petite tribu « sacrée », « juste », « sans armes », trafiquant et apaisant les querelles, établie au sein d'une population nomade de pillards[25]. A un degré de civilisation plus développé nous pouvons citer comme exemple Cures[26] dont les habitants d'après Strabon « étaient renommés chez les Hellènes pour leur bravoure et leur justice, et parce que, malgré leur puissance, ils s'abstenaient de brigandages ». Mommsen qui cite le passage ajoute : « Il ne s'agit pas ici de piraterie que le marchand curien exerce sans doute tout comme un autre, mais Cures était une sorte de port franc pour les Phéniciens comme pour les Grecs[27] ».
Cures n'est pas, comme la ville des Agrippes, un marché de l'intérieur sur un territoire dominé par les pasteurs, c'est un port neutre sur le territoire de nomades maritimes. Nous sommes ici en présence d'une de ces formations typiques dont l'importance, à mon avis, n'a pas été jusqu'ici appréciée à sa juste valeur. Elles semblent avoir exercé une puissante influence sur la formation des Etats maritimes.
Les motifs qui conduisirent les pasteurs au commerce et sinon à la fondation de marchés, du moins à leur protection, ont dû imposer plus impérieusement encore aux nomades de la mer une attitude analogue. Le transport du butin et en particulier des troupeaux et des esclaves, pénible et dangereux sur les sentiers du désert et de la steppe (dangereux par la lenteur des marches qui favorise les poursuites) est aisé et sans périls avec la barque de guerre et la galère. C'est pourquoi le Viking, plus encore que le pasteur, est trafiquant et fréquente assidûment les marchés.
« Guerre, commerce et piraterie forment une trinité inséparable » comme il est écrit dans Faust.
La formation de l'Etat Maritime
On peut, je crois, ramener au trafic des prises la formation de ces villes autour desquelles se développèrent, véritables cités-mères politiques, les Etats Urbains de l’histoire ancienne, de la civilisation méditerranéenne. Ce même trafic contribua également, dans beaucoup de cas, à les amener au même but du développement politique.
On peut en général ramener à deux types la formation de ces ports marchands : ils se développèrent soit comme repaire de pirates par l'occupation hostile sur une cote étrangère, soit comme colonies de marchands, admis par un contrat pacifique dans les ports étrangers appartenant à des Etats Féodaux Primitifs ou Développés.
Nous trouvons dans l’histoire ancienne quantité d'exemples importants du premier type, lequel correspond exactement à la quatrième période de notre schéma : l’occupation par une colonie de pirates d'un point du territoire étranger situé avantageusement pour le commerce, ou encore facile à défendre au point de vue stratégique. Le plus célèbre est Carthage.
Quantité de forteresses maritimes analogues furent établies par les pirates Hellènes, Ioniens, Doriens, Achéens, sur les côtes Adriatique et Tyrrhénienne du sud de l'Italie, sur les îles de ces mers et les golfes de la France méridionale. Les Phéniciens, les Etrusques[28], les Hellènes et aussi les Cariens comme semblent établir les plus récentes investigations, ont fondé leurs Etats de la Méditerranée selon le même type et avec une division sociale identique entre seigneurs et laboureurs indigènes serfs[29].
Quelques-uns de ces Etats du littoral devinrent des Etats Féodaux présentant exactement les mêmes caractères que les Etats Territoriaux : la classe des seigneurs se transforma en aristocratie de propriétaires fonciers. Les conditions géographiques telles que le défaut de ports sûrs, un vaste hinterland peuplé de paysans pacifiques, jouèrent dans ces cas un rôle important ; et probablement aussi l'organisation de classe importée du pays natal. C'étaient en général des nobles fugitifs, des vaincus de luttes intestines, des cadets de famille, parfois tout un « printemps sacré » qui s'embarquaient en quête d'aventures. Élevés chez eux en gentilshommes ils cherchaient aussi en pays étranger « de la terre et des hommes ». Nous trouvons parmi les expéditions de ce genre l'occupation de l'Angleterre par les Anglo-Saxons, celle de l'Italie méridionale par les Normands et aussi la colonisation Hispano-portugaise du Mexique et de l'Amérique du Sud. Les colonies achéennes de la Grèce nous fournissent d'autres exemples très importants de cette fondation d'Etats Territoriaux par les nomades de la mer : « Cette ligue de cités achéennes fut une véritable colonisation. Les villes n'avaient pas de port – seule Crotone possédait une rade passable – et pas de commerce propre. Les habitants de Sybaris se vantaient de pouvoir naître, vivre et mourir entre les ponts de leur ville de lagunes, les Milésiens et les Etrusques se chargeant pour eux des ventes et des achats. Les Grecs par contre, non seulement possédaient le littoral mais encore régnaient d'une mer à l'autre… ; la population indigène agricole réduite à la condition de clients et parfois même entièrement asservie devait travailler pour eux et leur payer l'impôt[30]. » La plupart des colonies doriennes de la Crète furent sans doute organisées de façon analogue.
Que ces Etats Territoriaux aient été d'ailleurs plus ou moins nombreux ou plus ou moins rares, leur influence sur le cours de l'histoire universelle reste inférieure à celle de ces villes maritimes qui se livrèrent surtout au commerce et à la course : Mommsen compare de façon très heureuse aux hobereaux achéens les « marchands royaux » des autres colonies hellènes de l'Italie méridionale : « Ils ne dédaignaient en aucune façon l'agriculture et les profits du sol, ce n'était pas la coutume des Hellènes de se contenter d'établir un comptoir fortifié en pays barbare comme le faisaient les Phéniciens. Mais ces villes étaient fondées d'abord et avant tout en vue du commerce et, différant en cela des cités achéennes, elles étaient généralement établies sur les meilleurs ports et lieux d'atterrissement[31]. » Tout nous porte à croire – le fait est même certain en ce qui concerne les colonies ioniennes – que les fondateurs de villes ont été ici, non pas des nobles, mais des marchands rompus à la navigation.
Un certain nombre de ces États et villes maritimes ne se sont pas développés seulement par la conquête mais aussi à la suite de relations paisibles au moyen d'une pénétration plus ou moins pacifique.
Là où les Vikings se heurtèrent non à des paysans inoffensifs mais à des Etats Féodaux primitifs de caractère belliqueux, ils offrirent et acceptèrent la paix et s'établirent en simples colonies de marchands.
De tels cas nous sont connus de l'histoire du monde entier dans les ports de mer comme dans les marchés territoriaux. Les formations qui nous sont le plus familières sont les établissements des marchands du nord de l'Allemagne, dans les territoires de la Mer du Nord et de la Baltique : le Steel Yard à Londres, la Hansa en Suède et en Norvège, à Schonen et Novgorod en Russie. Une colonie analogue existait à Vilna, la capitale des Grands Ducs de Lituanie et la Fondaco dei Tedeschi à Venise rentre également dans cette catégorie. Presque partout les étrangers sont installés à part formant des groupes distincts, ont leur droit et leur juridiction propres et acquièrent très souvent une influence politique considérable allant parfois jusqu'à la domination entière. On croit lire une description de l'invasion phénicienne ou hellène des terres méditerranéennes plusieurs siècles avant notre ère en parcourant les lignes suivantes de Ratzel parlant du littoral et des côtes de l'Océan Indien : « Des populations entières, en particulier les inévitables Malais originaires de Sumatra, proverbialement adroits et zélés, ont été dispersés par le commerce. Les Bougi[32] des Iles Célèbes, aussi habiles que perfides, sont répandus partout depuis Singapour jusqu'à la Nouvelle-Guinée et ont récemment émigré en masse à Bornéo sur l'invitation des princes indigènes. Leur influence est si considérable qu'il leur est permis de se gouverner eux-mêmes d'après leurs propres lois, et ils se sentent si puissants qu'ils ont souvent tenté de se rendre tout à fait indépendants. Les Acehnais[33] occupaient autrefois une position analogue. Après la déchéance de Malacca[34] que les Malais de Sumatra avaient élevée au rang de centre commercial de premier ordre, Aceh fut vers le commencement du XVIIe siècle la rade la plus fréquentée de l'Extrême-Orient[35]. » Quelques exemples pris entre mille nous montrent la propagation générale de cette forme de colonisation. « A Oulan-Bator où ils ont le pouvoir politique, les marchands vivent à part dans une ville chinoise[36]. » Dans les Etats israélites se trouvaient « de petites colonies de marchands et artisans étrangers auxquels on réservait certains quartiers des villes ; là, placés sous la protection du roi, ils pouvaient vivre en paix et suivre leurs coutumes religieuses ». Voir Rois, l, 20, 34[37]. « Omri[38] roi d'Israël de la tribu d'Éphraïm, à la suite des succès de son adversaire le roi de Damas, se vit contraint d'abandonner aux marchands araméens certains quartiers de la ville de Samarie où ils purent trafiquer sous la protection royale. Lorsque plus tard la fortune de la guerre favorisa son successeur Achab[39], celui-ci exigea du roi Araméen les mêmes privilèges pour les marchands éphraïmites à Damas[40]. » « Les Italiques s'installaient partout en groupes distincts et fortement organisés, les soldats en légions, les marchands de chaque grande ville en sociétés particulières, les citoyens romains domiciliés ou séjournant dans les divers districts provinciaux en « cercles » (conventus civium Romanorum) ayant leur liste de jurés, et même jusqu'à un certain point leur constitution municipale propre[41]. » Nous mentionnerons encore pour mémoire les ghettos des Juifs qui, avant les grandes persécutions du moyen âge, étaient simplement des colonies marchandes particulières. Nous noterons aussi à ce propos que de nos jours encore les négociants européens résidant dans les ports de puissants empires exotiques forment des « conventus » analogues, possédant leur propre administration et leur juridiction consulaire. Aujourd'hui encore, la Chine doit tolérer chez elle cet état de choses, de même que la Turquie, le Maroc, etc., et le Japon n'a secoué que depuis peu cette « diminutio capitis ».
Ce qui, dans toutes ces colonies, présente le plus d’intérêt pour notre étude est le fait qu'elles tendent partout à étendre leur influence politique jusqu'à la pleine domination. Cela ne présente en soi rien de surprenant. Les marchands possèdent une richesse en biens mobiliers qui les met à même de tenir un rôle décisif dans les troubles politiques auxquels les Etats Féodaux sont sans cesse en proie, soit dans les guerres entre deux Etats voisins, soit dans les guerres civiles, dans les querelles de succession. Ajoutons à cela que derrière les colons il y a généralement les forces de la Mère-Patrie sur laquelle ils comptent se sentant étroitement liés à elles par les attaches de famille et de puissants intérêts commerciaux. Ils ont en outre dans leurs équipages disciplinés et leurs nombreux esclaves une force indépendante dont l’importance n'est parfois pas à dédaigner. La description suivante du rôle joué par les marchands arabes dans l'Afrique orientale me parait présenter un type historique dont on a trop peu tenu compte jusqu'à présent :
« Lorsqu'en 1857, Speke parcourut ce pays pour la première fois, les Arabes y résidaient à titre de marchands étrangers ; lorsqu'il revint en 1861 ils étaient devenus en apparence de grands seigneurs, possédaient de riches territoires et étaient en guerre avec le souverain héréditaire du pays. Ce processus, qui s'est répété sur maint autre point de l'Afrique Centrale, est le résultat inévitable des conditions existantes. Les marchands étrangers, Arabes et Swahilis, demandent et paient d'un tribut l'autorisation de passage, fondent des dépôts de marchandises fort goûtés des chefs dont ils semblent favoriser l'instinct d'extorsion et la vanité. Ces marchands s'enrichissent, nouent des relations nombreuses, deviennent suspects, sont opprimés et persécutés ; et se refusent enfin à payer l'impôt qui a augmenté avec leur fortune. Finalement dans l'une des inévitables querelles de succession, les Arabes prennent parti pour un prétendant promettant d'être docile, sont entraînés ainsi dans les divisions intérieures du pays et impliqués dans des guerres souvent interminables[42]. »
Cette action politique des métèques marchands se répète à l'infini. « A Bornéo des empires indépendants ont surgi des établissements de chercheurs d'or chinois[43]. » L'histoire entière de la colonisation européenne n'est qu'une suite ininterrompue de ces faits confirmant la loi qui – là où les puissances étrangères sont supérieures en force – transforme en domination effective les établissements commerciaux importants. Il n'en est autrement que lorsque ces établissements se rapprochent plutôt des entreprises de piraterie pure et simple comme par exemple la conquista hispano-portugaise et les conquêtes des Compagnies des Indes, tant anglaise que hollandaise. « Un Etat de brigands repose au bord de la mer, entre l'Escaut et le Rhin », dit Multatuli[44] de sa patrie. Toutes les colonies des peuples européens, qu'elles soient situées en Extrême-Orient, en Amérique ou en Afrique, se sont formées d'après un de ces deux types.
La domination complète n'est pas toujours atteinte. Parfois l'Etat hospitalier est trop fort et les colons demeurent alors en qualité d'hôtes protégés, sans aucune influence , comme les Allemands en Angleterre. Parfois un conquérant plus puissant fond sur la colonie marchande et l'Etat hospitalier et les subjugue tous deux : les Russes détruisirent ainsi les républiques de Novgorod[45] et de Pskov[46]. Le plus souvent pourtant, les riches étrangers fusionnent avec les nobles indigènes pour former une classe dominatrice selon le type que nous ayons observé dans la fondation d'Etats Territoriaux, à la suite du heurt de deux groupes dominateurs de force à peu près égale. Ce dernier cas me semble fournir l'hypothèse la plus vraisemblable pour la genèse des plus importants Etats Urbains de l'Antiquité, pour les ports grecs et pour Rome.
Nous ne connaissons l'histoire grecque qu'à partir de son moyen âge – employer l'expression de Curt Breysig – et l'histoire romaine à partir de son « époque moderne » seulement. Pour tout ce qui s'est passé aux temps antérieurs ce n'est qu'avec la plus grande circonspection que nous pouvons nous risquer à tirer des conclusions par analogie. Il existe néanmoins assez de faits probants pour nous justifier dans notre conclusion que Athènes, Corinthe, Mycènes, Rome, etc., ont dû devenir Etats de la manière décrite plus haut, et les faits relatés dans toutes les histoires et confirmés par l'ethnologie sont assez universellement acceptés pour justifier cette déduction.
Nous savons par les noms de pays (Salamis – île de la paix, île de marché), les noms de héros, les monuments et aussi par la tradition qu'il existait dans un grand nombre de ports grecs des factoreries[47] phéniciennes dont l'Hinterland était occupé par de petits Etats Féodaux possédant l'organisation hiérarchique caractéristique en nobles, hommes libres et esclaves. Qu'il soit vrai ou non que quelques phéniciens, peut-être quelques-uns de ces assez énigmatiques marchands cariens, aient été reçus dans le « connubium » des nobles du pays et soient devenus des citoyens ayant tous droits civils et politiques, et parfois même des souverains – la formation de ces Etats n'en a pas moins été favorisée puissamment par ces influences étrangères.
Il en est de même à Rome. Voyons ce que dit à ce sujet un auteur aussi circonspect que Mommsen :
« Rome doit, sinon sa fondation, du moins son importance à ces conditions commerciales et stratégiques comme le démontrent de nombreux indices autrement importants que les suppositions de fables soi-disant historiques. De là proviennent les antiques rapports avec Cures, qui était pour les Etruriens ce que fut Rome pour les Latins et qui devint la plus proche alliée commerciale de cette dernière cité. De là l'importance prodigieuse donnée aux ponts du Tibre et à la construction de ponts en général ; de là la galère dans les armes de la ville ; de là l’antique droit de port romain, véritable impôt sur le commerce, auquel n'étaient soumises à l'origine que les marchandises entrant dans le port d'Ostie pour être vendues (promercale) pendant que tout ce qui était destiné à l’usage du consignataire (usuarium) restait indemne. De là enfin, si nous anticipons un peu, l'introduction relativement hâtive à Rome de l'or monnayé et des conventions de commerce avec les Etats d'Outre-mer. Dans ce sens sans contredit Rome peut être considérée, comme le prétend la fable, comme une ville « créée », plutôt que « fondée » et serait ainsi la plus jeune et non la plus ancienne des villes latines[48]. »
Ce serait la matière des recherches historiques les plus intéressantes que de vérifier les possibilités ou mieux les probabilités suggérées ici et d'en tirer les conclusions si nécessaires touchant l'histoire constitutionnelle de ces importants Etats Urbains. Il me semble qu'il serait possible d'arriver de cette manière à l'élucidation de maint point de l'histoire demeuré obscur : par exemple la domination étrusque à Rome, l'existence des métèques athéniens, l'origine des riches familles plébéiennes et tant d'autres encore.
Nous ne pouvons ici que suivre le fil conducteur qui promet de nous guider, à travers le dédale de la tradition historique, vers l'issue désirée.
Notes
- ^ I. Kulischer, 1, ch., p. 317 ; d’autres exemples suivent.
- ^ Westermarck, History of Human Marriage, p. 400. Ici aussi sont cités plusieurs exemples ethnographiques.
- ^ Westermarck, 1, ch., p. 516.
- ^ Cf. Ratzel, l, ch. I, 318 , 540.
- ^ Id. I, ch. I, 106.
- ^ Id. I, ch. l, 333.
- ^ Cf. Ratzel, I, ch. I, 346.
- ^ Id. I, ch. I, 317.
- ^ Bücher, Entstchung der Volkswirtschaft, 2e éd., Tübingue, 1838. p. 301.
- ^ « Dans le doute »
- ^ Telle est l'origine de la formule du salut employée de nos jours encore dans certaines contrées : « La paix soit avec toi. » Il est caractéristique pour l'aveuglement où est tombé Tolstoï vers la fin de ses jours qu'il ait pris cet indice d'un état de guerre permanent pour le dernier vestige d'un âge d'or de la paix universelle. (L'importance de la révolution russe, p. 17.)
- ^ Cf. Ratzel, I, ch. I, p. 271, des Océaniens : « Les relations entre les tribus sont conduites par des parlementaires dont la personne est partout respectée, de préférence de vieilles femmes. Ces dernières servent aussi d'intermédiaires dans l'échange de marchandises. » Voir aussi p. 317, pour les Australiens.
- ^ Traduction allemande de L. Katscher, Leipzig, 1907.
- ^ Dans la mythologie grecque, les Érinyes (en grec ancien Ἐρινύες / Erinúes, d'ἐρίνειν / erínein, « pourchasser, persécuter »), ou parfois « déesses infernales » (χθόνιαι θεαί / chthóniai theaí) sont des divinités persécutrices. Elles sont aussi appelées Euménides (grec Εὐμενίδες / Eumenídes, « les Bienveillantes »), après l'acquittement d'Oreste par l'Aréopage, occasion à laquelle, selon la tradition, Athéna aurait obtenu d'elles qu'elles devinssent des divinités protectrices d'Athènes sous le rôle de gardiennes de la justice, où l'on utilise dans le même esprit la périphrase σεμναὶ θεαί / semnaì theaí, « vénérables déesses ». Elles correspondent aux Furies (en latin Furiæ ou Diræ) chez les Romains.
- ^ Dans la mythologie grecque, Amphitryon est le fils du roi de Tirynthe Alcée, l’époux d’Alcmène et le père d’Iphiclès.
- ^ De là sans doute la coutume d'employer de vieilles femmes comme hérauts. Elles ont le double avantage d’être inoffensives au point de vue guerrier et de jouir d'une réputation de sorcellerie particulière (Westermarck, ch. 1), plus encore que les vieillards qui d’ailleurs, sont traités aussi avec égards parce qu'ils seront bientôt des « esprits ».
- ^ Ratzel, 1, ch. I, p. 81.
- ^ Id., I. ch. I, p. 478-479.
- ^ A. Vierkandt, Die wirtschaftlichen Verhaeltnisse der Naturvoelker (Zeitschrift für Sozialvissenschaft, II, p. 177-178).
- ^ Kulischer, 1, ch., p. 320-321.
- ^ Lippert, 1, ch. I, p. 266 ss.
- ^ Cf. Westermarck, History of Human Marriage.
- ^ Ratzel, 1, ch. II, p. 27.
- ^ Hérodote, IV, 23, cité d'après Lippert, I, ch. I, p. 459.
- ^ Lippert, 1, ch. II, p. 170.
- ^ Le territoire antique des Sabins avait pour chef-lieu Cures Sabini, et pour autre villes Réate, Crustumérie, Collatie, Spolète et Phalacrine.
- ^ Mommsen, 1, ch. I, p. 139.
- ^ On ignore encore de nos jours si les Etrusques furent un peuple belliqueux installé en Italie et ayant embrassé la piraterie ou s'ils se sont établis à l'origine comme pirates dans leurs possessions situées sur la mer portant leur nom.
- ^ Il en est de même dans l'Insulinde. Là les Malais sont les Vikings. « La colonisation joue comme conquête d'outremer et comme occupation… un rôle rappelant les expéditions des temps héroïques de la Grèce… Chaque territoire du littoral contient des éléments étrangers venus là sans y être invités et souvent hostiles aux indigènes. Le droit de conquête avait été concédé par le souverain de Ternate à des familles nobles qui devinrent ensuite gouverneurs quasi-souverains à Bourou, Ceram, etc.) (Ratzel, 1, ch. I, p. 409).
- ^ Mommsen, 1, ch. I, p. 132.
- ^ Id., l, ch. I, p. 134
- ^ Ethnie la plus importante de la péninsule septentrionale des Célèbes (Indonésie)
- ^ Aceh (prononcer A-tché) est une province d'Indonésie, située sur la pointe nord de l'île de Sumatra. Ses habitants sont les Acehnais. La capitale de la province est Banda Aceh (autrefois Kutaraja, « la forteresse des rois »).
- ^ Malacca (jawi : ملاك بندراي برسجاره, Melaka Bandaraya Bersejarah) est la capitale de l'état malais de Malacca. C'est le plus ancien port de Malaisie, fondé vers 1400 et qui a longtemps joué un important rôle stratégique, du fait de sa position dans le détroit de Malacca.
- ^ Ratzel, 1, ch. 1, p. 160.
- ^ Id. 1, ch. II, p. 558.
- ^ Buhl, 1, ch., p. 48.
- ^ Omri, en hébreu עָמְרִי, est un roi d'Israël, père d'Achab et fondateur de la dynastie des Omrides. Omri signifie "ma gerbe". Selon la Bible1, Omri était d'abord général du roi Éla mais, ayant appris, pendant le siège de Gebbéthon, que Zimri venait d'assassiner ce prince et de s'emparer du royaume d'Israël, il se fit proclamer roi lui-même marcha contre l'usurpateur et l'obligea à se brûler dans son palais. Il eut encore un autre compétiteur, Tibni, qui lui disputa quatre ans la couronne, mais celui-ci ayant aussi été tué, Omri resta seul possesseur de la souveraineté. Il régna douze ans, qu'on situe entre -881 et -8742. Omri réside 6 ans à Tirtza, puis il bâtit Samarie et en fait la capitale de son royaume.
- ^ Achab, fils d'Omri, fut roi d'Israël entre 874 et 853 av. J.C.. À la différence de nombreux rois d'Israël et de Juda, sa vie est très développée dans la Bible (plus de 6 chapitres du Premier livre des Rois), sans doute à cause de ses démêlés avec le prophète Élie, qui a une grande importance dans la religion juive. La Bible le présente comme un roi impie. Selon l'usage de l'époque, son alliance avec la Phénicie lui fit épouser Jézabel, une princesse phénicienne, et elle l'amena à honorer son dieu, Baal, auquel il éleva un temple. Cette alliance et le culte qui en résultait l'opposèrent aux prophètes qu'il persécuta, notamment Élie. La Bible relate, entre autres, le sacrifice du Mont Carmel, où Élie affronta et massacra 450 prophètes de Baal, proches de Jézabel et envoyés par Achab ; et l'épisode de la vigne de Naboth, qu'Achab convoitait. Par de fausses accusations, Jézabel fit périr Naboth pour s'emparer de sa vigne, ce qui donna au prophète Élie l'occasion de condamner les époux royaux et d'annoncer leurs morts. Roi impie, Achab en appela cependant au dieu d'Israël quand il fut assiégé dans Samarie par Ben-Hadad II, roi d'Aram-Damas, et en fut délivré. Il tailla alors plusieurs fois en pièces les armées de ce prince, et le fit prisonnier, mais il finit par le rétablir dans ses États, contre la volonté des prophètes qui récusaient toute politique d'alliance et de conciliation afin de mettre le royaume entièrement entre les mains de Dieu. Peu de temps après, la guerre s'étant rallumée entre les deux rois, Achab périt dans un combat, percé d'une flèche. Les chiens se désaltérèrent de son sang, comme Élie l'avait prédit.
- ^ Id. 1, ch., p. 78-79.
- ^ Mommsen, 1, ch. II, p. 406.
- ^ Ratzel, 1, ch. II, p. 191. Cf. aussi p. 207-208.
- ^ Id. 1, ch. I, p. 363.
- ^ Eduard Douwes Dekker, dit Multatuli (du latin multa tuli : « J'ai beaucoup souffert »), est un poète et romancier néerlandais, né à Amsterdam le 2 mars 1820 et mort à Ingelheim am Rhein le 19 février 1887. Il est surtout connu pour son roman pamphlétique Max Havelaar.
- ^ Novgorod (en russe : Великий Новгород, Veliki Novgorod, « Novgorod la Grande »), est une ville historique du nord-ouest de la Russie et la capitale administrative de l'oblast de Novgorod. Plus ancienne cité russe, elle est mentionnée dans les chroniques à partir de l'an 859. Sa dénomination en varègue Holmgard (également Holmgarðr, Hólmgarður, Holmgaard, Holmegård) est ainsi attestée dans des sagas nordiques à une époque très reculée. Il est pourtant difficile de départager la réalité de ce qui a trait à la légende. Vraisemblablement, Holmgard fait référence uniquement à la partie sud-est de la forteresse actuelle, dont l'appellation contemporaine est Riourikovo Gorodichtche ; c'est là que Rurik, considéré comme le premier monarque de Russie, fonda sa principauté. Au milieu du xe siècle, Novgorod est devenue une cité médiévale prospère située sur la route commerciale entre la mer Baltique et l'Empire byzantin. En 882, l'héritier de Rurik, Oleg le Sage, transfère sa capitale à Kiev, capitale de la Rus kiévienne. Novgorod est alors la deuxième cité de l'État par son importance. Selon une coutume, le fils le plus âgé et héritier du monarque régnant à Kiev est envoyé à Novgorod pour gouverner et ce même s'il est mineur. S'il n'y a aucun descendant mâle, Novgorod est alors gouvernée par les Posadniks. Certains deviendront célèbres comme Gostomysl, Dobrynya, Konstantin, et Ostromir. Quatre rois Vikings — Olaf Ier de Norvège, Olaf II de Norvège, Magnus Ier de Norvège et Harald Haardraade — trouvèrent un refuge contre leurs ennemis à Novgorod. De tous les princes, les Novgorodiens chérissent surtout la mémoire de Iaroslav le Sage. Ce dernier a promulgué les premières règles juridiques (incorporées plus tard dans le droit russe) et favorisé la construction de la cathédrale Sainte-Sophie. En signe de reconnaissance pour l'aide qui lui a été apportée par Novgorod pour défaire son frère aîné et obtenir le trône de Kiev, Iaroslav a attribué de nombreux privilèges à la ville. D'un autre côté, les Novgorodiens ont appelé leur place centrale Iaroslav. Elle regagne son autonomie après le sac de celle-ci au xiie siècle. Elle devient en effet en 1136 une république autonome gouvernée par l'assemblée des citadins, le vetché (en), qui élisait son kniaz (prince) ainsi qu'aux autres fonctions, y compris ecclésiastiques. Au xiiie siècle, la ville est membre de la Ligue hanséatique. À cette époque, Novgorod est menacée par l'avancée des Chevaliers Teutoniques. En 1242, le prince Alexandre Nevski gagne contre eux la bataille du lac Peïpous. Le commerce au cours du siècle suivant contribue à la forte prospérité de la cité hanséatique. En 1478, elle est annexée au gouvernement de la Moscovie par Ivan III, prince de Moscou. Elle sombre ensuite dans un déclin croissant du fait non seulement de sa dépendance à l'égard de la principauté de Vladimir-Souzdal pour son approvisionnement en grains, mais aussi des massacres de milliers de citoyens perpétrés par les troupes d'Ivan le Terrible en 1570.
- ^ Pskov (en russe : Псков) est une ville de Russie et la capitale administrative de l'oblast de Pskov. La ville, d’abord appelée Pleskov, est mentionnée pour la première fois en 903 lorsqu'Igor de Kiev épouse Olga de Kiev, originaire de la ville. Les Pskoviens prennent parfois cette date pour la date de fondation de la ville, et un grand jubilé a eu lieu en 2003 pour fêter son 1 100e anniversaire. Le premier prince de Pskov fut le dernier fils de Vladimir Ier de Kiev, Soudislav. Emprisonné par son frère Iaroslav le Sage, il ne fut libéré que plusieurs dizaines d’années plus tard, à la mort de ce dernier. Aux XIIe et XIIIe siècles, la ville appartenait à la république de Novgorod. Elle fut prise en 1241 par les chevaliers Teutoniques, puis reprise plusieurs mois plus tard par Alexandre Nevski au terme d’une campagne légendaire. Ce moment de l'Histoire fut le sujet, en 1938, du film de Sergueï Eisenstein, Alexandre Nevski, dont la célèbre musique fut composée par Sergueï Prokofiev, qui l'adapta l'année suivante sous la forme d'une cantate pour mezzo-soprano, chœur et orchestre. Afin d’assurer leur indépendance vis-à-vis des chevaliers Teutoniques, les Pskoviens choisirent pour prince et chef militaire en 1266, un prince lituanien, Daumantas. Celui-ci fortifia la ville, défit les chevaliers à la bataille de Rakovor et imposa sa domination sur la majeure partie de l’Estonie. Son corps et son épée reposent au kremlin de Pskov, et le cœur de la citadelle qu’il y fit construire porte encore le nom de « ville de Dovmont ». Au XIVe siècle, la ville devint de facto la capitale d’une république souveraine. Elle était dominée par les marchands qui firent entrer la ville dans la ligue hanséatique. L’indépendance de Pskov fut formellement reconnue par Novgorod en 1348. Plusieurs années plus tard, le vetche (assemblée populaire) promulgua la Charte de Pskov, qui fut l’une des sources d’inspiration principales du premier code civil spécifiquement russe, le soudiebnik compilé et présenté en 1497. Pour la Russie, la République de Pskov était un pont vers l’Europe. Pour l’Europe, c’était un avant-poste russe cible de nombreuses attaques à travers son histoire. Son kremlin (appelé le Krom par les Pskoviens) soutint vingt-six sièges au cours du xve siècle. Jusqu’à cinq murailles l’encerclaient, rendant la ville pratiquement imprenable. Plusieurs éléments se conjuguèrent pour mettre fin à l'indépendance de la République de Pskov. Parmi ceux-ci, le renforcement des liens commerciaux, politiques et militaires avec la Moscovie, qui finit par l’envahir. Certains boyards et marchands de Pskov essayèrent de s'opposer à l'annexion par la Moscovie, mais sans obtenir le soutien des citoyens. La chute de Pskov est narrée dans L'Histoire moscovite de la prise de Pskov (1510). La déportation des familles nobles vers Moscou est le thème de l’opéra La Jeune Fille de Pskov de Rimski-Korsakov (1872). En tant que seconde plus grande ville de Moscovie, Pskov attirait encore les armées ennemies. Elle soutint notamment le siège prolongé d'une armée polonaise de 50 000 hommes lors de la guerre de Livonie (1581–1582). Le roi de Pologne Étienne Báthory lança 31 attaques successives pour prendre la cité, défendue principalement par des civils. Même après la chute de l’un des murs de la ville, les Pskoviens parvinrent à combler la brèche et à repousser les assaillants. « C’est incroyable comme cette ville me rappelle Paris », écrivit un Français présent au siège de Báthory.
- ^ Le lieu, le bureau où les facteurs ou agents font les affaires d’une compagnie de commerce en pays étranger, surtout aux colonies.
- ^ Mommsen, l, ch., p. 46.
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