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Ludwig von Mises:Le Socialisme - chapitre 6
Le Socialisme
Étude économique et sociologique


Anonyme


Chapitre II — Les caractéristiques du mode de production socialiste

Deuxième partie : l'économie de la communauté socialiste

Section I — L'État socialiste isolé

Chapitre II — Les caractéristiques du mode de production socialiste

1. La socialisation des moyens de production

Dans la collectivité socialiste tous les moyens de production sont propriété de la communauté. La communauté seule peut en disposer et décider de leur emploi dans la production. C'est la communauté qui produit, c'est à elle que revient le rendement de la production et c'est d'elle que dépend la manière dont les produits doivent être utilisés.

Les socialistes modernes, en particulier les marxistes, désignant d'ordinaire la communauté socialiste sous le nom de "société", appellent "socialisation" le transfert des moyens de production à la disposition absolue de la collectivité. On n'aurait rien à redire à cette expression si l'on ne savait qu'elle a été inventée pour répandre une imprécision voulue sur un des points du socialisme, dont la propagande socialiste croyait ne pouvoir se passer.

Le mot "société" a dans notre langue trois sens différents. D'abord il sert à désigner d'une manière abstraite l'ensemble des relations réciproques au sein de la société. Puis il désigne d'une manière concrète la réunion des individus eux-mêmes. Entre ces deux significations dont le sens est très nettement séparé, le langage de tous les jours en intercale une troisième : la société abstraite, que la pensée personnifie et qui devient : "la société humaine, la société bourgeoise", etc. Marx emploie cette expression dans les trois sens. C'est parfaitement son droit, tant qu'il les emploie chacun avec l'idée qui leur est propre. Mais il fait justement le contraire. Quand cela lui plaît il les échange l'un pour l'autre avec l'adresse dialectique d'un prestidigitateur. Parle-t-il du "caractère social" de la production capitaliste, il a en vue la conception abstraite de la société. Parle-t-il de la "société" qui souffre de certaines crises, il a en vue la collectivité des hommes personnifiée. Parle-t-il enfin de la "société" qui exproprie les expropriateurs et qui "socialise" les moyens de production, il a en vue une formation concrète, une réunion d'individus en société. Et ces trois significations ne cessent d'être échangées l'une pour l'autre dans l'enchaînement des preuves, selon les exigences de la thèse à démontrer, et lorsqu'il s'agit de prouver, en apparence, ce qui est impossible à prouver. Cette manière de dire, soigneusement choisie et employée avec conséquence, a d'abord pour but d'éviter le mot "État", ou un mot analogue. Car ce mot sonnait mal aux oreilles de ces républicains et de ces démocrates, au concours desquels le marxisme à ses débuts voulait encore faire appel. Un programme qui veut faire de l'État l'unique soutien et l'unique directeur de la direction, n'aurait eu aucune chance de trouver l'agrément de ces milieux. C'est pourquoi le marxisme devait et doit chercher une phraséologie qui lui permette de dissimuler le fond essentiel de son programme. Il arrive ainsi à camoufler l'abîme profond, insurmontable, qui sépare la démocratie du socialisme. Que les hommes de l'avant-guerre n'aient pas percé ces sophismes ne prouve pas de leur part une grande pénétration d'esprit.

La science politique d'aujourd'hui entend par "État" une association souveraine, un "appareil de contrainte", caractérisé non par le but où il tend, mais par sa forme. Le marxisme a arbitrairement réduit à un tel point le concept "État", que l'État socialiste n'y pouvait être inclus. On ne doit appeler "États" que les État et les forme d'État qui déplaisent aux publicistes socialistes ; ils repoussent avec indignation pour leur État futur cette appellation ignominieuse et dégradante. L'État futur s'appellera : société. C'est ainsi qu'on a pu voir d'un côté la social-démocratie marxiste donner libre cours à ses fantaisies sur la "débâcle" de la machine étatique, sur "l'agonie de l'État", et de l'autre combattre avec acharnement toutes les tendances anarchiques, et poursuivre une politique qui mène en droite ligne à l'omnipotence de l'État [1].

Q'on donne tel ou tel nom à l'appareil de contrainte de la communauté socialiste importe peu. On peut l'appeler État et se conformer aux usages qui sont courants en dehors des écrits marxistes dépourvus de toute critique. On se sert ainsi d'une expression intelligible à tous qui éveille chez chacun l'idée qu'on veut justement éveiller. Dans une enquête d'économie politique on peut très bien se passer de ce mot, qui trouve chez beaucoup d'hommes un écho sympathique ou antipathique. Mais qu'on choisisse une expression ou l'autre, c'est affaire de style et non de fond.

Ce qui est plus important, c'est l'organisation de cet État ou de cette communauté socialiste. Lorsqu'il s'agit des manifestations de la volonté de l'État, la langue anglaise emploie très finement le mot : gouvernement, et non pas le mot : État. Rien n'est plus,propre à éviter le mysticisme de l'État de la pensée étatiste, mysticisme que sur ce point aussi le marxisme développe à l'extrême. Les marxistes parlent naïvement des manifestations de la volonté de la société, sans se demander un instant comment cette "société" personnifiée serait capable de vouloir et d'agir.

La communauté ne saurait agir autrement que par l'intermédiaire d'organes qu'elle en a chargé. Pour la communauté socialiste, il va sans dire que cet organe doit nécessairement être unique. Dans cette communauté il ne peut y avoir qu'un seul organe réunissant en lui toutes les fonctions économiques et toutes les autres fonctions de l'État. naturellement cet organe peut être articulé en plusieurs instances. Il peut subsister des postes subalternes, chargés de missions précises. Mais les résultats essentiels de la socialisation des moyens de production et de la production ne pourraient être obtenus sans l'unité dans la formation de la volonté. Il faut donc nécessairement qu'au-dessus de tous les postes chargés d'expédier certaines affaires il y ait un organe unique, confluent de tout le pouvoir et qui puisse concilier toutes les oppositions dans la formation de la volonté et veiller à l'homogénéité de la direction et de l'exécution.

Pour l'étude des problèmes de l'économie socialiste il est d'une importance secondaire de savoir comment cet organe est formé, et comment en lui et par lui la volonté collective arrive à s'exprimer. Peu importe que cet organe soit un prince absolu, ou la collectivité de tous les citoyens d'un pays organisés en démocratie directe ou indirecte. Il est sans intérêt de savoir comment cet organe prend sa décision et comment il exécute sa volonté. Pour notre démonstration nous considérerons cet organe comme parfait. Nous n'avons donc pas besoin de nous demander comment cette perfection pourrait être atteinte, si toutefois elle est accessible, ni si la réalisation du socialisme n'échouerait point, précisément parce que cette perfection ne peut être atteinte.

Il nous faut nous représenter ma communauté socialiste comme théoriquement sans bornes dans l'espace. Elle ambrasse toute la terre et toute l'humanité qui l'habite. Si nous nous la représentons bornée dans l'espace, n'embrassant qu'une partie du globe et de ses habitants, il faudra admettre qu'il n'existe aucune relation avec les territoires en dehors de ces limites et avec leur population. C'est pourquoi nous parlons d'une communauté socialiste fermée.

La possibilité de l'existence de plusieurs communautés socialistes juxtaposées sera étudiée dans la section suivante.

2. Le calcul économique dans la communauté socialiste

La théorie du calcul économique montre que dans la communauté socialiste le calcul économique est impossible.

Dans toute entreprise importante les différentes exploitations ou les sections des exploitations jouissent, pour l'établissement des comptes, d'une certaine indépendance. Elles font réciproquement le compte des matériaux et du travail, et il est possible à chaque instant d'établir pour chaque groupe un bilan particulier, et d'embrasser dans un calcul les résultats de son activité. De cette manière on peut toujours constater le succès plus ou moins grand obtenu par chaque division. On en tirera les conclusions qui décideront de la transformation, de la réduction, de l'agrandissement des groupes existants, ou de la création de nouveaux groupes. Sans doute dans ces calculs certaines erreurs sont inévitables. La plupart proviennent des difficultés qui se produisent dans la répartition des frais généraux. D'autres erreurs viennent de ce que, en certains points, on est nécessairement forcé de calculer d'après des données approximatives, par exemple lorsque, en cherchant à se rendre compte de la rentabilité d'un procédé de fabrication on calcule l'amortissement des machines employées en estimant à une certaine durée le temps pendant lequel elles seront encore utilisables. Cependant toutes les erreurs de ce genre peuvent être maintenues dans certaines limites, de sorte qu'elles ne faussent pas le résultat d'ensemble du calcul. Ce qui reste encore incertain peut être mis au compte de l'incertitude des conditions futures de l'économie, incertitude qu'aucun système ne pourrait supprimer.

Il semblerait tout indiqué, dans la communauté socialiste, d'essayer le même calcul autonome pour les différentes groupes de la production. Mais cela n'est pas possible, car ce calcul autonome pour les différentes branches d'une seule et même entreprise se fonde exclusivement sur les prix du marché établis pour toutes les sortes de biens et de travail employés. Mais là où il n'y a pas de marché, il ne peut se former de prix ; et sans formation de prix il n'y a pas de calcul économique.

On pourrait peut-être songer à permettre l'échange entre les différentes groupes d'exploitation, pour arriver ainsi à la formation de relations d'échange (prix), qui fourniraient ainsi une base au calcul économique même dans la communauté socialiste. On organiserait, dans le cadre de l'économie unifiée sans propriété privée des moyens de production, les différents groupes de travail en groupes séparés jouissant du droit de disposition. Ils devraient naturellement se conformer aux instructions de la direction supérieure de l'économie, mais ils pourraient échanger entre eux des biens matériels et des services dont ils devraient acquitter le montant uniquement en se servant d'un moyen d'échange universel qui serait encore une monnaie. C'est ainsi qu'on se représente à peu près l'organisation de l'exploitation socialiste de la production, lorsqu'on parle aujourd'hui de "socialisation intégrale" et choses semblables. Mais ici encore on n'arrive pas à tourner la difficulté dont la solution aurait une importance décisive. Des relations d'échange ne peuvent, pour les biens de production, se former qu'avec, comme base, la propriété privée des moyens de production. Si la "communauté charbonnière" livre du charbon à la "communauté métallurgique", il ne peut se former aucun prix, à moins que les deux communautés ne soient propriétaires des moyens de production de leurs exploitations. Mais ce ne serait plus du socialisme. Ce serait du syndicalisme.

Pour le théoricien socialiste, avec sa théorie de la valeur-travail, la question est, il est vrai, fort simple. "Dès que la société est en possession des moyens de production et les emploie, elle-même et sans intermédiaire, à la production, le travail de chaque individu, quelles qu'en soient les différences d'utilité spécifique, devient dès l'origine et directement travail-de-la-société, travail social. La quantité de travail social incluse dans un produit n'a plus dès lors besoin d'être déterminé d'une manière indirecte : l'expérience quotidienne montre directement, quelle en est en moyenne la quantité nécessaire. La société peut calculer facilement combien d'heures de travail sont incluses dans une machine à vapeur, dans un hectolitre de blé de la dernière récolte, dans cent mètres carrés de drap de telle ou telle qualité... Sans doute la société devra aussi savoir combien de travail est nécessaire à la fabrication de chaque objet d'usage. Elle devra établir le plan de production en fonction des moyens de production, dont les ouvriers sont un élément essentiel. Ce sont finalement les effets d'utilité des objets d'usage, comparés entre eux et par rapport aux quantités de travail nécessaires à leur fabrication, qui décideront du plan. Tout cela sera réglé très simplement sans qu'on ait besoin de faire intervenir la notion "valeur" [2]".

Nous n'avons pas à reprendre ici les objections critiques contre la théorie de la valeur-travail. Elles sont cependant leur intérêt pour notre démonstration ; car elles aident à juger de l'emploi qu'on peut faire du travail comme unité de calcul dans une communauté socialiste.

Le calcul en travail tient compte également, semble-t-il à première vue, des conditions naturelles de la production, conditions extérieures à l'homme. Le concept du temps de travail social nécessaire tient compte de la loi du rendement décroissant dans la mesure où cette loi joue en raison de la différence des conditions naturelles de production. Si la demande pour une marchandise augmente et qu'on soit forcé par là d'avoir recours pour l'exploitation à des conditions naturelles de production inférieures, le temps de travail social généralement nécessaire pour la production d'une unité augmente aussi. Si l'on arrive à trouver des conditions naturelles de production plus favorables, la quantité de travail nécessaire baisse alors. L'on tient compte des conditions naturelles de la production, mais seulement et exactement dans la mesure où cette considération s'exprime par des changements dans la quantité de travail social nécessaire [3]. C'est tout. Au delà, le calcul en travail ne fonctionne plus. Il ne tient aucun compte de la consommation en facteurs de production matériels. Admettons que deux marchandises P et Q exigent au total pour leur fabrication la même quantité de travail, soit dix heures. Admettons aussi que ces dix heures de travail se décomposent dans les deux cas de la façon suivante : en ce qui concerne Q, neuf heures pour sa fabrication proprement dite et une heure pour la production de la matière première a nécessaire à sa fabrication ; en ce qui concerne P, huit heures pour sa fabrication et deux heures pour la production de la quantité double, soit 2a matière première. Dans le calcul en travail, P et Q apparaissent équivalents. Dans le calcul en valeur, P devrait être estimé à une valeur supérieure à Q qui contient moins de matière première. Le calcul en travail est faux ; seul le calcul en valeur répond à la nature et au but du calcul. Il est vrai que ce "plus" accordé à P par le calcul en valeur par rapport à Q, il est vrai que cette base matérielle "existe de par la nature et sans que l'homme y soit pour rien" [4]. Cependant si ce "plus" n'existe qu'en une quantité tellement limitée qu'il devienne un objet ayant une importance pour l'économie, il faudra, d'une manière ou d'une autre, le faire entrer en ligne de compte dans le calcul de la valeur.

Le calcul en travail présente un second défaut : c'est de ne pas tenir compte des différentes qualités du travail. Pour Marx tout travail humain est, du point de vue économique, de même qualité, parce qu'il est toujours "une dépense productive de cerveau, de muscles, de main, de nerfs humains. Un travail complexe ne vaut que comme travail simple élevé à une puissance, ou plutôt que comme travail simple multiplié, de sorte qu'une petite quantité de travail complexe équivaut à une plus grande quantité de travail simple. L'expérience montre que cette réduction s'opère constamment. Une marchandise peut être le produit du travail le plus complexe ; sa valeur la rend équivalente au produit d'un travail simple et ne représente donc en elle-même qu'une certaine quantité de travail simple" [5].Böhm-Bawerk n'a vraiment pas tort quand il qualifie cette argumentation de "chef-d'oeuvre théorique d'une naïveté déconcertante" [6]. Aussi, pour juger des affirmations de Marx, inutile de se demander s'il est possible de trouver une mesure physiologique de tout travail humain, une mesure s'appliquant également et au travail physique et au travail soi-disant intellectuel. Car, c'est un fait, il y a entre les hommes des différences de capacités et d'habileté, qui forcément influent sur la qualité des produits et le rendement du travail. Le calcul en travail peut-il être employé pour le calcul économique ? Ce qui décidera de cette question, c'est de savoir s'il est possible de réduire à un dénominateur commun des travaux de caractères différentes, sans avoir recours à l'opération intermédiaire de l'estimation de la valeur de ces produits par les personnes exploitantes. Marx s'efforçait de faire la preuve, il a échoué. L'expérience montre bien que les marchandises sont mises dans le courant des échanges sans qu'on s'occupe de savoir si elles ont été produites par un travail simple ou complexe. Mais pour prouver par là que certaines quantités de travail simple sont placées, sans opérations intermédiaires, en équivalence avec certaines quantités de travail complexe, il faudrait d'abord qu'il fût bien entendu que la valeur d'échange découle du travail. Or cela non seulement n'est pas une chose entendue une fois pour toutes, mais c'est précisément ce que les raisonnements de Marx cherchent d'abord à prouver.

Dans le mouvement des échanges il s'est établi, par le taux des salaires, un rapport de substitution entre le travail simple et le travail complexe — auquel du reste Marx ici ne fait pas allusion. Mais cela ne prouve nullement l'égalité de ces deux sortes de travail. Cette égalisation est la conséquence, et non le point de départ, des échanges du marché. Il faudrait, pour substituer le travail simple au travail complexe, que le calcul en travail établît un rapport arbitraire, qui exclurait toute utilisation de ce calcul pour la direction économique.

On a pensé pendant longtemps que la théorie de la valeur-travail était nécessaire au socialisme pour donner un fondement éthique à sa revendication touchant la socialisation des moyens de production. Nous savons aujourd'hui que cette conception était erronée. Sans doute la plupart des socialistes l'ont adoptée et employée dans ce sens. Marx lui-même, qui, par principe, se plaçait à un autre point de vue, ne s'est pas toujours gardé de cette erreur. Deux choses sont cependant bien certaines : 1° en tant que programme politique le socialisme n'a pas besoin d'être justifié par la théorie de la valeur-travail et ne saurait d'ailleurs l'être ; 2° ceux qui ont sur la nature et l'origine de la valeur économique une autre conception peuvent très bien être socialistes. Et cependant la théorie de la valeur-travail, — sans doute pas au sens usuel, — est, pour ceux qui préconisent la méthode de production socialiste, dans une société où existe la division du travail, ne pourrait être réalisée rationnellement que s'il y avait un étalon des valeurs objectivement reconnaissable qui rendrait possible le calcul économique même dans une économie sans échanges et sans monnaie. Le seul étalon auquel on puisse penser serait alors en effet le travail.

3. Dernier état de la doctrine socialiste en ce qui concerne le calcul économique

Le problème du calcul économique est le problème fondamental de la doctrine socialiste. Qu'on ait pu pendant des années parler et écrire du socialisme sans traiter ce problème, prouve les ravages produits par l'interdiction marxiste d'étudier scientifiquement le caractère et les conséquences de l'économie socialiste [7].

Prouver que dans la communauté socialiste le calcul économique n'est pas possible, c'est prouver d'un même coup que le socialisme est irréalisable. Tout ce qui depuis cent ans, dans des milliers d'écrits et de discours, a été avancé en faveur du socialisme, tous les succès électoraux et les victoires des partis socialistes, tout le sang versé par les partisans du socialisme, n'arriveront pas à rendre le socialisme viable. Les masses peuvent désirer son avènement avec la plus grande ferveur, on peut en son honneur déclencher autant de révolutions et de guerres qu'on voudra, jamais il ne sera réalisé. Tout essai de réalisation ou bien mènera au syndicalisme, ou bien à un chaos qui dissoudra bientôt en infimes groupements autarciques la société fondée sur la division du travail.

La constatation de cet état de choses ne laisse pas de déplaire beaucoup aux partis socialistes. Dans une masse d'écrits des socialistes de toute nuance ont essayé de réfuter ma démonstration et d'inventer un système de calcul économique socialiste. Ils n'y sont pas parvenus. Ils n'ont pas réussi à produire un seul argument nouveau que je n'aurais pas déjà indiqué et discuté soigneusement [8]. La preuve de l'impossibilité du calcul économique socialiste ne peut être ébranlée [9].

L'essai du bolchévisme russe pour faire passer le socialisme du programme de parti dans la vie réelle, n'a pas laissé apparaître le problème du calcul économique. Car les républiques soviétiques font partie d'un monde où des prix en argent sont établis. Les chefs du pouvoir prennent ces prix comme base des calculs qui les aident à prendre leurs décisions. Sans l'aide que leur apportent ces prix, leur action serait sans but, ni plan. C'est grâce à ce système de prix qu'ils peuvent calculer, c'est grâce à lui qu'ils ont pu concevoir leur plan quinquennal.

Le problème du calcul économique ne se pose pas actuellement davantage dans le socialisme d'État ou dans le socialisme communal des autres États. Toutes les entreprises qui sont dirigées par les gouvernements ou par les municipalités tablent sur les prix des moyens de production et des biens de premier ordre, qui sont établis sur les marchés de l'économie commerciale. Il serait donc prématuré de conclure de l'existence d'exploitations étatiques ou municipales à la possibilité du calcul économique socialiste.

C'est un fait connu que l'exploitation socialiste dans quelques branches ou dans quelques domaines de la production n'est rendue possible que par l'aide qui lui est prêtée par son entourage non socialiste. Des exploitations étatiques ou communales ne peuvent être assurées que parce que leurs pertes d'exploitation sont couvertes par les impôts payés par les entreprises capitalistes. En Russie, le socialisme abandonné à lui-même aurait échoué depuis longtemps s'il n'avait pas été soutenu financièrement par les pays capitalistes. Mais l'appui intellectuel fourni à la direction de l'exploitation socialiste par l'économie capitaliste est bien plus important encore que cet appui matériel. sans la base de calcul que le capitalisme met à la disposition du socialisme sous forme des prix du marché, la direction socialiste de l'économie — et même d'une économie socialiste restreinte à certaines branches de production ou à certains pays, — serait impraticable.

Les écrivains socialistes peuvent continuer encore longtemps à écrire des livres sur la fin du capitalisme et sur l'avènement du millénaire socialiste, ils peuvent dépeindre les maux du capitalisme sous les couleurs les plus criardes et leur opposer toutes les séductions possibles des bienfaits socialistes, ils peuvent remporter avec leurs ouvrages les plus grands succès auprès des gens incapables de penser, cela ne changera rien au destin de l'idée socialiste [10]. L'essai d'organiser le monde selon le socialisme pourrait amener l'anéantissement de la civilisation, jamais l'édification d'une communauté socialiste.

4. Le Marché "artificiel" comme solution du problème de la comptabilité économique

Quelques jeunes socialistes sont d'avis qu'une communauté socialiste pourrait résoudre le problème de la comptabilité économique en créant un marché artificiel des moyens de production. Les anciens socialistes, estiment-ils, se sont trompés en cherchant à réaliser le socialisme par la suppression du marché et de la formation des prix pour les biens d'ordre supérieur, suppression qui constitue pour eux le socialisme. Si la communauté socialiste ne doit pas dégénérer en chaos stupide engloutissant toute la civilisation, elle doit, tout comme la société capitaliste, créer un marché où des prix s'établissent pour tous les biens et travaux. grâce à ces prix elle pourra compter et calculer tout comme les chefs d'entreprise du régime capitaliste.

Le partisans de cette proposition ne voient pas ou ne veulent pas voir que le marché et que l'établissement des prix sur le marché ne peuvent pas être détachés d'une organisation de la production et de la consommation fondée sur la propriété privée des moyens de production et où propriétaires fonciers, capitalistes et chefs d'entreprises disposent du sol et du capital comme ils l'entendent. Ce qui donne naissance à la formation des prix et aux salaires c'est le désir qu'ont les chefs d'entreprises et les capitalistes de gagner le plus d'argent possible en satisfaisant les voeux des consommateurs. In ne peut concevoir l'activité du mécanisme qu'est le marché sans le désir du gain des chefs d'entreprises (actionnaires compris), sans le désir de redevances, d'intérêts, de salaire, chez les propriétaires fonciers, les capitalistes, les ouvriers. C'est seulement la perspective du gain qui guide la production sur ces voies où elle cherche à répondre le mieux, et aux moindres frais, aux besoins des consommateurs. Si cette espérance du profit vient à manquer, le mécanisme du marché s'enraie et s'arrête. C'est que le marché est l'élément central, l'âme de l'ordre capitaliste. Il n'est possible que dans le capitalisme et il ne peut pas être imité "artificiellement" dans la collection socialiste.

Pour créer ce marché artificiel, rien de plus simple, disent ses partisans : On enjoindrait aux directeurs des différentes exploitations de se comporter comme les directeurs des différentes exploitations dans la société capitaliste. Dans l'économie capitaliste le directeur d'une société par actions ne travaille pas non plus à son compte, mais pour celui de la société par actions, donc des actionnaires. Dans la communauté socialiste il continuera à se comporter de la même manière, avec la même prudence, la même conscience. La seule différence c'est que le résultat de ses efforts et de sa peine profitera à la communauté et non aux actionnaires. On aurait là un socialisme décentralisé et non plus ce socialisme centraliste, le seul auquel les anciens socialistes, et surtout les marxistes, aient pensé.

Pour juger cette proposition des néo-socialistes il faut d'abord remarquer que les directeurs des différentes exploitations devront d'abord être nommés à leurs emplois. Dans les sociétés par actions de la société capitaliste les directeurs sont nommés directement ou indirectement par les actionnaires. En chargeant certains hommes du soin de produire à leur place avec les moyens de production qui leur sont confiés, les actionnaires risquent leur fortune ou au moins quelque partie de leur fortune. Le risque — car c'en est un forcément — peut bien tourner et c'est un gain. Il peut mal tourner, et alors c'est la perte de tout ou partie du capital investi. Confier ainsi son propre capital pour des affaires dont l'issue est incertaine à des hommes dont on ne peut connaître les succès ou insuccès futurs, quand bien même on connaît très bien leur passé, c'est là un fait essentiel dans les entreprises des sociétés par actions.

Il en est qui croient que le problème du calcul économique dans la communauté socialiste ne comprend que des faits rentrant dans le domaine de la conduite quotidienne des affaires assumée par le directeur d'une société par actions ; ceux qui croient cela ont devant les yeux l'image d'une économie stationnaire, c'est-à-dire l'image d'une économie tout à fait irréelle, que la vie ignore, que le théoricien bâtit dans son esprit pour se rendre compte, non pas de tous les problèmes, mais de quelques problèmes. Pour l'économie stationnaire le calcul économique ne présente du reste aucun problème. Car en exprimant l'idée "stationary state" nous avons en vue une économie où tous les moyens de production sont déjà utilisés de manière à pourvoir, d'une manière sûre et l'état actuel aussi bonne que possible, aux besoins des consommateurs. Dans l'état stationnaire il n'y a plus à résoudre de tâche nécessitant le calcul économique. car la tâche qu'il aurait eu à résoudre a déjà été, selon l'opinion que nous avons admise, résolue auparavant. Si nous voulions employer des expressions très répandues, parfois un peu fallacieuses, nous pourrions dire : le calcul économique est un problème de l'économie dynamique et non un problème de l'économie statique.

Le calcul économique est une tâche de l'économie soumise à de perpétuels changements, et placée chaque jour devant de nouvelles questions. Pour résoudre les problèmes d'un monde qui se transforme, il faut avant tout amener du capital dans certaines branches de la production, entreprises, exploitations, en le retirant à d'autres branches de la production, entreprises exploitations. Ce ne sont pas les directeurs de société par actions qui s'en chargent, mais les capitalistes qui vendent ou achètent des actions, accordent des prêts ou les dénoncent, déposent ou retirent de l'argent dans les banques, se livrent à toute sorte de spéculations sur les marchandises. Ces actes des capitalistes spéculateurs créent l'assiette et la situation du marché de l'argent, des bourses de valeurs et des grands marchés commerciaux. Le directeur d'une société par actions, qui n'est qu'un manager fidèle et zélé, tel que se le représentent nos écrivains socialistes, n'a ainsi qu'à partir de la situation du marché pour y adapter ses affaires et leur donner la direction requise.

L'idée socialiste d'un marché "artificiel" et d'une concurrence "artificielle" n'est pas viable, parce que sur le marché des moyens de production il y a d'autres facteurs que les producteurs achetant et vendant des marchandises. Il y a l'action de l'offre de capital des capitalistes, de la demande de capital des chefs d'entreprises qu'on ne peut supprimer sans détruire ce marché. Or c'est ce que les socialistes ne veulent point voir.

Sans doute un socialiste pourra proposer que l'État socialiste, propriétaire de tout le capital et de tous les moyens de production, attribue les capitaux aux entreprises dont on est en droit d'attendre le plus de bénéfice. Le capital disponible irait à ces entreprises qui promettent de rapporter les plus gros intérêts. Mais quelle serait la conséquence d'un pareil état de choses ? Les directeurs les moins prudents, qui envisagent avec optimisme l'évolution des événements futurs, recevraient les capitaux qui leur permettraient de donner une grande extension à leur exploitation, tandis que les directeurs prudents, et jugeant l'avenir avec quelque scepticisme, s'en iraient les mains vides. Dans la société capitaliste le capitaliste décide à qui il veut confier son capital. L'opinion des directeurs de sociétés par actions sur les chances futures des entreprises qu'ils dirigent, et celle de ceux qui établissent toute sorte de projets sur les possibilités de gain des affaires qu'ils proposent, ne jouent à peu près aucun rôle. Au-dessus d'eux il y a le marché de l'argent et du capital qui les juge, et qui décide. La tâche du marché de l'argent et du capital est précisément d'embrasser l'ensemble des données économiques et de ne pas suivre à l'aveuglette les propositions des directeurs des différentes exploitations, qui eux voient les choses de leur étroit point de vue de spécialistes. Le capitaliste ne place pas tout de go son capital dans une entreprise promettant de gros gains ou de gros intérêts. Il établit d'abord la balance entre son désir de gain et les risques de perte. Il doit être prudent, et s'il ne l'est pas, il subit des pertes qui ont pour effet de faire passer de ses mains le pouvoir de disposer des moyens de production dans les mains d'autres hommes qui savent mieux prévoir pour leurs affaires les chances de la spéculation.

L'État socialiste, s'il veut être socialiste, ne peut pas abandonner le faculté de disposer du capital, faculté qui décide de l'agrandissement ou de la réduction d'exploitations existantes, ou de la création de nouvelles exploitations. Il est peu vraisemblable que les socialistes — quelle que soit leur nuance — proposent sérieusement que l'État socialiste confie cette fonction à un groupe de personnes, qui auraient simplement à faire ce que font capitalistes et spéculateurs da,s la société capitaliste, avec la seul différence que le rendement dû à leur action profiterait non à eux-mêmes, amis à la collectivité. Si des propositions de ce genre ont été faites c'est en songeant aux directeurs zélés et consciencieux des sociétés par actions, mais jamais aux capitalistes et aux spéculateurs. Car aucun socialiste ne contestera les points suivants : capitalistes et spéculateurs remplissent dans la société capitaliste une fonction qui est d'employer les biens-capitaux de manière à contenter au mieux les voeux des consommateurs. Cette fonction ils ne la remplissent que poussée par le désir de maintenir leur propre fortune et de réaliser des gains qui ou bien accroissent leur fortune, ou leur permettent de vivre sans entamer leur capital.

Alors, il ne reste plus à la société socialiste autre chose à faire que de remettre la libre disposition des capitaux à l'État, ou plus exactement aux hommes qui, en tant que gouvernement, régissent les affaires de l'État. Mais cela équivaut à la suppression du marché et la suppression du marché est justement l'une des revendications du socialisme. Car l'économie du marché implique orientation de la production et répartition des produits d'après la puissance d'achat, se manifestant sur les marchés, des différents membres de la société, tous faits que le socialisme veut supprimer.

Il arrive aux socialistes de chercher à réduire l'importance du problème du calcul économique dans la communauté socialiste par le raisonnement suivant : le marché et la demande effective qui s'y fait de la part des acheteurs ne fournissent pour la production aucun critère dont la justesse apparaîtrait du point de vue éthique. Donc dans la société capitaliste le calcul économique qui en dernière analyse repose sur les prix du marché est loin d'être idéal. Ce raisonnement prouve que les socialistes ne savent pas en quoi consiste le problème qui nous occupe. Il ne s'agit pas de savoir s'il faut fabriquer des canons ou des habits, des maisons ou des églises, des objets de luxe ou des denrées alimentaires. Toute organisation sociale, y compris l'organisation socialiste, peut très facilement décider de la quantité et de la sorte des biens qui doivent être produits pour l'usage. cela n'a jamais été contesté. Mais cette décision une fois prise, il s'agit d'établir d'une manière précise comment les moyens de production existants seront employés de la manière la plus rationnelle à la production de ces biens. Pour cette tâche on ne peut se passer du calcul économique, possible seulement grâce aux prix en argent que, dans la société reposant sur la propriété privée des moyens de productions, le marché établit pour les biens d'ordre supérieur, on ne peut se passer des prix en argent du sol, des matières premières, des matières semi-ouvrées, on ne peut se passer des salaires en argent et des taux d'intérêts.

Et c'est toujours la même alternative : socialisme ou économie avec marché.

5. Économie du profit et économie du besoins. Rentabilité et productivité

L'économie de la communauté socialiste est soumise aux mêmes conditions qui régissent l'organisation économique reposant sur la propriété privée des moyens de production et toutes autres organisations économiques humainement possibles. Comme pour toute autre économie le principe d'économie vaut pour l'économie socialiste. Elle aussi connaît une hiérarchie des buts ; elle aussi doit s'efforcer d'atteindre d'abord les plus importants. C'est en cela seulement que consiste la nature de l'Économique.

La communauté socialiste elle aussi emploiera dans la production non seulement le travail, mais encore les moyens de production matériels. Selon un usage très répandu on donne aux moyens de production matériels le nom de capital, ou de capital réel. La production capitaliste est alors celle qui suit habilement des voies indirectes, au contraire de la production non capitaliste, qui marche droit au but, brutalement [11]. Si l'on s'en tient à cet usage linguistique, l'on est bien forcé de dire que la communauté socialiste travaillera avec du capital et produira d'une manière capitaliste. Le capital (en tant qu'il désigne les produits intermédiaires apparaissent au cours des diverses étapes de la production dans son processus complexe) ne sera pas pour l'instant [12] supprimé par le socialisme, mais seulement transféré du pouvoir de libre disposition des individus dans celui de la collectivité.

Mais si l'on veut, comme nous l'avons fait plus haut, entendre par production capitaliste ce genre d'économie où le calcul est établi en argent, de sorte que la quantité de biens employée pour une production, et calculée d'après sa valeur en argent, peut être comprise sous la désignation : capital, et de sorte que l'on peut constater, d'après les variations du capital, le résultat de l'activité économique, il est bien évident que le genre de production socialiste ne peut pas être qualifié de capitaliste. Dans un autre sens que le marxisme, nous pourrons alors distinguer entre les genres de production socialiste et capitaliste, entre le socialisme et le capitalisme.

Pour les socialistes la caractéristique de la production capitaliste réside dans le fait que le producteur travaille pour réaliser un bénéfice. A leurs yeux la production capitaliste est une économie du profit tandis que la production socialiste sera une économie ayant pour but la satisfaction des besoins. Il est exact que toute production capitaliste a pour but le gain. Mais la communauté socialiste est bien forcée, elle aussi, d'avoir pour but le gain, c'est-à-dire un excédent par rapport aux frais. Si l'économie est dirigée rationnellement, c'est-à-dire si elle satisfait les besoins les plus pressants avant les besoins les moins pressants, elle a déjà réalisé un gain. Car les frais, c'est-à-dire la valeur des besoins les plus importants parmi les besoins qui ne sont plus satisfaits, sont moindres que le résultat acquis. Dans l'économie capitaliste on ne peut obtenir un gain, que si la production va au-devant d'un besoin relativement pressant. Celui qui produit, sans se guider sur les conditions d'approvisionnement et sur les besoins, n'arrive pas au résultat qu'il cherchait. L'organisation de la production en vue du profit ne signifie pas autre chose que l'adaptation de la production aux besoins de tous les membres de la société. En ce sens elle s'oppose à la production de l'économie sans échanges ne visant à satisfaire que ses propres besoins. Mais cette dernière poursuit aussi la réalisation d'un gain, au sens que nous venons de définir. Entre la production en vue du profit et la production en vue du besoin, il n'y a donc pas d'opposition [13].

L'opposition entre l'économie du profit et l'économie tendant à satisfaire les besoins est en étroite connexion avec l'opposition usuelle entre la productivité et la rentabilité, ou entre le point de vue de l'économie nationale et le point de vue de l'économie privée. Un acte économique est qualifié de rentable, lorsque dans l'économie capitaliste il laisse un excédent de bénéfice comparativement aux frais. Un acte économique serait qualifié de productif, si, dans une économie nationale conçue comme une unité, donc dans une communauté socialiste, on le considérait aussi comme un acte dont le produit est plus important que les frais de production. La naïve partialité prosocialiste de la plupart des économistes trouve que cette constatation est déjà une raison suffisante pour condamner l'ordre social capitaliste. Ce que la société socialiste ferait, leur apparaît uniquement comme bon et raisonnable. Que dans la société capitaliste on puisse procéder autrement leur semble un intolérable excès. Un examen des différents cas où rentabilité et productivité divergent, va nous montrer que ce jugement est purement subjectif, et que cette apparence scientifique dans laquelle il se drape n'est qu'un vêtement d'emprunt [14].

Dans la plupart des cas où l'on a l'habitude de voir une opposition entre la rentabilité et la productivité, cette opposition n'existe même pas. C'est par exemple le cas pour les gains de la spéculation. Dans l'économie capitaliste la spéculation remplit une tâche qui de toute manière doit être remplie dans quelque économie que ce soit ; c'est à elle que ressortit l'adaptation, dans le temps et dans l'espace, de l'offre et de la demande. La source des gains de la spéculation est une hausse des valeurs, indépendante de la forme particulière de l'organisation économique. Quand le spéculateur achète bon marché des produits existant en quantité relativement abondante sur le marché, et qu'il les revend plus cher, quand la demande a remonté, ce dont il a été enrichi par cette affaire représente aussi, du point de vue de l'économie nationale, un accroissement de valeur. Que ce gain si jalousé, si attaqué, revienne, dans la communauté socialiste, à la communauté et non à des individus est incontestable. Mais pour la question qui nous occupe, cela est sans importance. Ce qui importe seulement pour nous, c'est que la soi-disant opposition entre la rentabilité et la productivité n'existe pas ici. La spéculation remplit une fonction dont on ne voit pas bien comment elle pourrait ne pas exister dans l'économie. Si on la supprime, comme ce doit être le cas dans la collectivité socialiste, il faudra que sa fonction soit assumée par d'autres organes, et c'est la communauté elle-même qui jouera le rôle du spéculateur. Sans spéculation il n'y a pas d'activité économique s'étendant au delà de l'instant présent.

Si l'on arrive parfois à constater une opposition entre la productivité et la rentabilité, c'est parce que l'on considère à part certaines actions de détail que l'on a isolées de l'ensemble. On qualifie, par exemple d'improductives des dépenses nécessitées par la structure spéciale de l'économie capitaliste, comme frais des représentants de commerce, frais de publicité, etc. Cela ne saurait être admis. On doit comparer le rendement de la production tout entière, et non ses différentes parties. On ne doit pas considérer les dépenses sans mettre en face d'elles le bénéfice qu'elles ont aidé à réaliser [15]

6. Produit brut et produit net

Dans les débats touchant la productivité et la rentabilité il faut donner la palme aux études sur les rapports entre le produit brut et le produit net. Chaque patron travaille dans l'économie capitaliste en vue du produit net maximum. Alors on entend soutenir, que du point de vue de l'économie nationale ce n'est pas le produit net maximum, mais le produit brut maximum qui doit être le but de l'activité économique.

Le sophisme qu'implique une telle affirmation provient de la pensée primitive de l'économie de troc, et cette pensée étant encore actuellement très répandue, ce sophisme l'est aussi. On peut l'entendre exprimer tous les jours, par exemple quand on porte au crédit d'une branche de production le fait qu'elle emploie beaucoup de travailleurs, ou bien quand on fait valoir contre une amélioration de la production le fait qu'elle risquerait de priver des ouvriers de leur gagne-pain.

Si l'on voulait être conséquent dans son raisonnement, le principe du produit brut ne devrait pas valoir seulement pour les dépenses de main-d'oeuvre, mais aussi pour les dépenses en moyens de production matériels. Le chef d'entreprise arrête la production au point où elle cesse de rapporter un produit net. Admettons que la continuation de la production au delà de ce point ne nécessitât plus de dépense de main-d'oeuvre, mais seulement une dépense matérielle. Est-ce que la société a un intérêt à ce que le producteur continue la production pour atteindre un produit brut plus élevé ? Si elle avait elle-même en main la direction de la production, le ferait-elle ? A ces deux question on doit, sans hésitation, répondre : non. Le fait qu'on ne trouve plus aucun intérêt à prolonger la dépense matérielle, prouve qu'il y a pour ces moyens de production, dans l'économie, une possibilité d'emploi meilleure, c'est-à-dire plus pressante. Et si on voulait quand même les employer dans la production non rentable, il s'ensuivrait qu'ils feraient forcément défaut à un endroit où l'on en aurait un besoin plus urgent. Dans l'économie capitaliste il n'en va pas autrement que dans l'économie socialiste. L'économie collective socialiste, en admettant qu'elle se comporte rationnellement, ne continuera pas non plus sans fin certaines productions pour en négliger d'autres. Elle aussi interrompra toute production du moment où la dépense ne vaudra plus la peine d'être faite, c'est-à-dire où la continuation de la dépense équivaudrait à la non-satisfaction d'un besoin plus pressant.

Ce qui vient d'être dit sur l'accroissement de dépenses en moyens de production matériels s'applique aussi bien à l'accroissement de la dépense en main-d'oeuvre. Le travail consacré à une production dont il accroît le produit brut, tandis que le produit net diminue, est détourné d'un autre emploi où il rendrait des services de plus grande valeur. Ici encore la non-observation du principe du produit net aurait pour résultat de ne pas satisfaire des besoins importants pour en satisfaire de moins importants. C'est cela, et rien d'autre, que, dans le mécanisme de l'économie capitaliste, la baisse du produit net exprime clairement. Dans l'économie socialiste la tâche de la direction de l'économie devrait veiller à ce qu'un tel emploi irrationnel de la main-d'oeuvre ne se produisît pas. On ne saurait donc parler ici d'une opposition entre la rentabilité et la productivité. Du point de vue de l'économie socialiste aussi, le but de l'économie demeure la réalisation du produit net maximum et non du produit brut maximum.

Malgré la clarté de cet état de choses l'on a l'habitude de porter sur lui, tantôt en général, tantôt seulement pour la dépense en main-d'oeuvre, tantôt pour la production agricole, des jugements différents. Que l'ordre économique capitaliste ait avant tout en vue le produit net maximum est un fait qu'on critique et qu'on désapprouve ; on sollicite l'intervention de l'État pour remédier à ce prétendu abus. Adam Smith avait dit que les différentes branches de la production étaient plus ou moins productives, suivant la quantité plus ou moins grande de main-d'oeuvre qu'elles mettaient en mouvement [16]. Ricardo répondit à cette assertion en prouvant que la prospérité d'un peuple augmente avec l'accroissement du produit net et non avec l'accroissement du produit brut [17]. Cette démonstration lui valut de violentes attaques. Déjà J.-B. Say les a mal interprétées et a reproché à Ricardo de faire fi du bien-être de beaucoup de vies humaines [18]. Sismondi, qui se complaît à opposer aux arguments de l'économie politique des déclamations sentimentales, se permet de résoudre le problème par une plaisanterie. Avec un roi, dit-il, qui en appuyant sur un levier pourrait produire du produit net, la nation serait tout à fait superflue [19]. Bernhardi se range à l'avis de Sismondi [20]. Proudhon enfin souligne violemment l'opposition entre les intérêts de l'économie sociale et ceux de l'économie privée : bien que la société doive viser le produit brut maximum, le but du chef d'entreprise est le produit net maximum [21]. Marx évite de donner ouvertement son adhésion à cette conception. Cependant deux chapitre du premier livre de son ouvrage, Le Capital, sont remplis de développements sentimentaux, dans lesquels le passage de l'activité économique agraire intensive à l'intensité économique agraire extensive est dépeint par lui avec les couleurs les plus crues, comme étant, selon un mot de Thomas Moore, un système où "ce sont les moutons qui dévorent les hommes". En même temps Marx ne cesse de mélanger pêle-mêle l'expropriation féodale des paysans et l'accaparement des terres communales, actes de violence brutale, rendus possibles par le pouvoir politique de la noblesse, qui caractérisent l'histoire agraire de l'Europe dans les premiers siècles de l'ère moderne, avec les changements dans les méthodes d'activité économiques accomplis par les propriétaires fonciers [22]. Depuis, les déclamations sur ce thème font partie intégrante des écrits et des discours de la propagande social-démocrate.

Un écrivain agraire allemand, le baron von der Goltz, a essayé de présenter la recherche du produit brut maximum comme étant productive non seulement du point de vue de l'économie collective, mais aussi comme étant rentable pour l'économie privée. Un produit brut élevé est, dit-il, la base pour un produit net élevé, et de ce point de vue les intérêts des particuliers des agriculteurs, qui demandent avant tout des produits nets élevés, concordent avec les intérêts de l'État qui demandent des produits bruts élevés [23]. Von der Golz n'a, il est vrai, apporté aucune preuve de ses affirmations. De pareils essais s'efforcent de se débarrasser de la contradiction apparente entre les intérêts de l'économie collective et ceux de l'économie privée, en ignorant les principes fondamentaux de le comptabilité agricole. Les économistes de l'école romantique et les étatistes allemands se sont placés à un point de vue plus logiques : l'agriculteur, disent-ils, remplit une fonction publique ; il a donc le devoir de planter et de cultiver ce qui correspond à l'intérêt général. Or l'intérêt général demandant des produits bruts maximum, l'agriculteur ne doit pas se laisser guider par "l'esprit, les conceptions et les intérêts mercantiles", et malgré les désavantages qu'il pourrait y trouver, il doit se fixer pour tâche l'obtention des produits bruts maximum [24]. Tous ces écrivains admettent, comme évident, que la société est intéressée à des produits bruts élevés. Ils ne se donnent pas la peine de le prouver. Quand ils essaient de le faire, c'est seulement en se référant à des points de vue de puissance politique et nationale. L'État a intérêt à avoir une population très fortement agricole, attendu que la population agricole est conservatrice. C'est l'agriculture qui fournit surtout les soldats. Il faut pourvoir à l'approvisionnement du pays en temps de guerre, etc.

Au contraire, Landry cherche à prouver par un raisonnement économique le principe du produit brut. D'après lui la recherche du produit net maximum ne peut être considérée comme avantageuse, du point de vue de l'économie collective, que dans la mesure où les frais qui ne sont plus compensés sont causés par une dépense de biens matériels. Lorsqu'il s'agit d'une dépense de main-d'oeuvre il en est autrement. Car, du point de vue de l'économie collective, la dépense de main-d'oeuvre ne coûte rien ; elle ne fait pas diminuer la richesse collective. Une économie de salaires, ayant pour conséquence une diminution de produit brut, est nuisible [25]. Landry en arrive à cette conclusion, parce qu'il admet que la main-d'oeuvre devenue libre ne pourrait ailleurs trouver d'emploi. C'est tout à fait faux. Le besoin en travailleurs de la société n'est jamais satisfait, tant que le travail n'est pas devenu un bien libre. Les ouvriers qui n'ont plus de travail trouvent ailleurs un emploi, là où ils ont à accomplir un travail plus pressant du point de vue de l'économie collective. Si Landry avait raison, il aurait mieux valu ne jamais mettre en service toutes les machines économisant la main-d'oeuvre. Le comportement de ces ouvriers qui combattent toutes les innovations techniques économisant la main-d'oeuvre, et qui détruisent des machines de ce genre, serait justifié. On ne voit pas pourquoi il y aurait une différence entre l'emploi de biens matériels et l'emploi de main-d'oeuvre. Si la dépense en biens matériels pour l'extension de la production n'est pas rentable, étant donné le prix de ces moyens de production matériels et le prix des produits devant être réalisés, cela provient du fait que l'on a besoin de ces biens matériels pour satisfaire des besoins plus pressants dans une autre production. Pour la main-d'oeuvre c'est la même chose. Les ouvriers qui sont employés pour l'accroissement non rentable du produit brut, sont soustraits à une autre production où l'on a d'eux un besoin plus pressant. Que leur salaire soit trop élevé pour permettre une extension encore rentable de la production en vue de l'accroissement du produit brut, est dû au fait que la productivité marginale du travail est encore plus élevée dans l'économie du pays que dans la branche de production en question, si on la développait au delà de la limite fixée par le principe du produit net. Dans tout ceci on ne découvre nulle part d'opposition entre le point de vue de l'économie publique et celui de l'économie privée. Une économie socialiste, si elle était capable de calculer, ne pourrait agir autrement que les patrons en économie capitaliste.

Sans doute on met encore en avant d'autres arguments pour montrer qu'il est mauvais de s'attacher au principe du produit net, tous arguments ressortissant à la politique nationaliste et militariste. Ce sont les arguments connus qu'on invoque toujours en faveur d'une politique protectionniste. Une nation doit avoir une nombreuse population, parce que c'est de cela que dépend dans le monde sa puissance politique et militaire ; elle doit viser à l'autarcie économique, à tout le moins produire à l'intérieur de ses frontières ce dont elle a besoin pour son alimentation, etc. Landry lui aussi est forcé d'avoir recours à ces arguments pour étayer sa thèse [26]. Il est inutile de les discuter longuement dans une théorie de la communauté socialiste fermée.

La communauté socialiste est forcée elle aussi de prendre comme point de direction le produit net et non le produit brut. La communauté socialiste elle aussi changera des champs en prairies, quand elle verra qu'il lui est possible de labourer ailleurs des terres plus fertiles. Malgré Thomas Moore, en Utopie aussi "les moutons dévorent les hommes". Les dirigeants de la communauté socialiste n'agiront pas autrement que la duchesse de Sutherland, "cette personne qui a fait ses classes économiques" comme l'appelle Marx ironiquement [27]. Le principe du produit net est valable pour toute production. L'agriculture n'y fait pas exception. Le mot de Thaer garde toujours sa valeur : Le but de l'agriculteur est forcément un produit net élevé, "même du point de vue de l'intérêt général." [28]

Notes

[1] Cf. l'étude de critique dogmatique de Kelsen, Staat und Gesellschaft, pp. 11...

[2] Cf. Engels, Herrn Eugen Dührings Umwälzung der Wissenschaft, pp. 335...

[3] Cf. Marx, Das Kapital, t. I, pp. 5...

[4] Ibid.

[5] Ibid., pp. 10...

[6] Cf. Böhm-Bawerk, Kapital und Kapitalzins, 3e édit., I. Abt., Inspruck, 1914, p. 531.

[7] Rappelons que dès 1854 Gossen savait et écrivait "que c'est seulement par l'établisssement de al propriété prvée que l'on trouvera l'échelle permettant de déterminer de la manière la plus opportune la quantité dans laquelle chaque objet devra être produit. Aussi l'utorité centrale proposée par les communistes pour répartir les différents travaux et leur rémunération serait bien forcée de se rendre compte au bout de peu de temps, qu'elle s'est proposée une tâche dont la solution dépasse de beaucoup les forces de quelques hommes. (Cf. Gossen, Entwicklung der Gesetz des menschlischen Verkehrs, nouv. édit., Berlin, 1897, pp. 364...). — Pareto (Cours d'Économie politique, t. II, Lausanne, 1897, pp. 364) et barone (Il Ministro della Produzione nello Stato Colletiviste dans le "Giornale degli Economisti", t. XXXVII, 1908, pp. 409...) n'ont pas été jusqu'au fond du problème. En 1902 Pierson a aperçu clairement tout le problème. Cf. son étude : Das Wertproblem in der sozialistischen Gesellschaft. (Trad. allemande de Hayek, "Zeitschrift für Volkswirtschaft", nouvelle série, t. IV, 1925, pp. 607...

[8] Je me suis expliqué brièvement au sujet des principales objections dans deux articles : Neue Beiträge zum Problem der sozialistischen Wirtschaftsrechnung ("Archiv für Sozialwissenschaft", t. LI, pp. 480-500) et Neue Schriften Problem der sozialistischen Wirtschaftsrechnung (ibid., t. LX, pp. 187-190). Voir l'appendice.

[9] Dans les ouvrages scientifiques l'on ne trouve plus là-dessus aucun doute. Cf. Max Weber, Wirtschaft und Gesellschaft (Grundriss der Sozialökonomik, II>Ie Abt., Tubingue, 1922Abt., Tubingue, 1922, pp. 45-49 ; — Adolf Weber, Allgemeine Volkswirtschaftslehere, 4e éd. Munich et Leipzig, 1932, t. II, pp. 369... ; Brutzkus, Die Lehren des Marxismus im Lichte der russichen Revolution, Berlin, 1928, pp. 21... ; C. A. Verrijn Stuart, Winstbejag versus behoeftenbevrediging ("Overdruk Economist", t. LXXVI, 1re livraison, pp. 18... ; Pohle-Halm, Kapitalismus und Sozialismus, 4e édit., Berlin, 1931, pp. 237...

[10] Un spécimen caractéristique de ce genre d'écrits nous est fourni par l'ouvrage de C. Landauer, Planwirtschaft und Verkehrswirtschaft, Munich et Leipzig, 1931. Le problème du calcul économique dans la société socialiste y est résolu d'une manière simpliste : "Les différentes entreprises... pourraient s'acheter les unes aux autres, tout à fait comme dans les entreprises capitalistes" (p. 114). Quelques pages plus loin on explique que l'État socialiste devra "en outre établir un calcul de contrôle pour les biens économiques en nature. Lui seul sera en mesure de le faire parce qu'au contraire de l'économie capitaliste, il régit lui-même la production" (p. 122). Landauer ne peut pas comprendre qu'il est inadmissible, et pourquoi il est inadmissible, d'additionner ou de soustraire des chiffres énoncés différemment. Alors, inutile d'insister.

[11] Cf. Böhm-Bawerk, Kapital und Kapitalzins, t. II, 3e édit., Inspruck, 1914, p. 21.

[12] La restriction contenue dans l'expression "pour l'instant" ne veut pas dire que plus tard le socialisme, par exemple après avoir atteint "une phase supérieure de la société communiste" procédera — conformément à son dessein — à une suppression du capital, entendu dans ce sens. Il ne viendra jamais à l'idée du socialisme de revenir à une manière de vivre au jour le jour. Ce que nous voulons seulement noter dès à présent, c'est que la production socialiste, en vertu d'une nécessité interne, mènera forcément à une consomption progressive du capital.

[13] Cf. Pohle-Halm, pp. 12...

[14] Cf. pour le cas des monopoles, IIIe partie, section II, chapitre V, § 1 et sur le cas de la consommation "non économique", IVe partie, chapitre V, § 2.

[15] Cf. ci-dessous, IIe partie, section I, chapitre IV, § 5.

[16] Cf. A. Smith, An Enquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations, t. II, chap. V (édition Basil, 1791, t. II, pp. 138...).

[17] Cf. Ricardo, Principles of Political Economy and Taxation, chap. XXVI (Works, éd. Mac Culloch, 2e édit., Londres, 1852, pp. 210...).

[18] Cf. Say, dans ses additions à l'édition française des oeuvres de Ricardo, procurées par Constancio, t. II, Paris, 1819, pp. 222.

[19] Cf. Sismondi, Nouveaux Principes d'Économie politique, Paris, 1819, t. II, p. 331, remarque.

[20] Cf. Bernhardi, Versuch einer Kritik der Gründe, die für grosses und kleines Grundeigentum angeführt werden, Saint-Pétersbourg, 1849, pp. 367... Cf. Cronbach, Das landwirtschaftliche Betriebsproblem in der deustchen nationalökonomie bis zur Mitte des XIX. Jahrhunderts, Vienne, 1907, pp. 292...

[21] "La société recherche le plus grand produit brut, par conséquent la plus grande population possible, parce que pour elle produit brut et produit net sont identiques. Le monopole, au contraire, vise constamment au plus grand produit net, dût-il ne l'obtenir qu'au prix de l'extermination du genre humain." (Proudhon, Système des contradictions économiques ou philosophie de la misère, Paris, 1846, t. I, p. 270). Dans la langue de Proudhon "monopole" signifie : propriété privée. (Cf. ibid., t. I, p. 236. cf. Landry, L'utilité sociale de la propriété individuelle, Paris, 1901, p. 76).

[22] Cf. Marx, Das Kapital, t. I, pp. 613-726. Les raisonnements sur la "théorie de la compensation en ce qui touche les ouvriers refoulés par les progrès du machinisme", (ibid., pp. 403-412) sont sans objet, étant donné la théorie de l'utilité marginale.

[23] Cf. Goltz, Agrarwesen und Agrarpolitik, 2e édit., Iéna, 1904, p. 53. Cf. à ce sujet Waltz, Vom Reinertrag in der Landwirtschaft, Stuttgart et Berlin, 1904, pp. 27... — Goltz se contredit dans son raisonnement, car après les affirmations que nous avons reproduites plus haut, il ajoute immédiatement : "Toutefois la part du produit brut qui reste, après déduction des frais de l'économie, comme produit net, diffère selon les cas. En moyenne elle est plus importante dans l'exploitation extensive que dans l'exploitation intensive."

[24] Cf. Waltz, pp. 19... sur Adam Muller, Bullow-Cummerow et Philipp v. Armin, et pp. 30... sur Rudolf Meyer et Adolf Wagner.

[25] Cf. Landry, p. 81

[26] Cf. Landry, p. 109, pp. 127...

[27] Cf. Marx, t. I., p. 695.

[28] Cité par Waltz, p. 29.