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Ludwig von Mises:L'Action humaine - chapitre 27


Anonyme


Chapitre XXVII — Le gouvernement et le marché

Sixième partie — L'Économie de marché entravée

Chapitre XXVII — Le gouvernement et le marché

1 / L'idée d'un tiers système

La propriété privée des moyens de production (économie de marché ou capitalisme) et la propriété publique des moyens de production (socialisme, ou communisme, ou « planisme ») peuvent être nettement distinguées. Chacun de ces deux systèmes d'organisation économique de la société peut être décrit et défini de façon précise et sans ambiguïté. L'on ne peut jamais les confondre l'un avec l'autre ; l'on ne peut ni les mélanger ni les combiner ; nulle transition ne peut conduire graduellement de l'un à l'autre ; ils sont mutuellement incompatibles. En ce qui concerne le même type de bien de production, la propriété ne peut être que sous contrôle privé ou sous contrôle public. Si, dans le cadre d'un système de coopération sociale, certains moyens de production seulement sont soumis à la propriété publique, tandis que le reste est aux mains des particuliers propriétaires, cela ne constitue pas un système mixte combinant socialisme et propriété privée. Le système demeure une société de marché, tant que le secteur socialisé ne se trouve pas entièrement séparé du secteur non socialisé au point de mener une existence strictement autarcique. (Dans ce dernier cas, il y a deux systèmes indépendants coexistant côte à côte — l'un capitaliste et l'autre socialiste). Les entreprises en propriété publique qui opèrent à l'intérieur d'un système où il y a des entreprises en propriété privée et un marché sont intégrées dans un système d'économie de marché ; y sont également intégrées les nations socialisées qui échangent des biens et des services avec les non-socialisées. Toutes sont sujettes de la loi de l'offre et de la demande et ont la possibilité de recourir au calcul économique 1.

Si l'on envisage l'idée de placer côte à côte ces deux systèmes, ou entre eux un tiers système de coopération humaine avec division du travail, l'on ne peut partir que de la notion d'économie de marché et jamais de celle de socialisme. La notion de socialisme, avec son monisme rigide et son centralisme qui remet le pouvoir de choisir et d'agir entre les mains d'une seule volonté exclusivement, ne laisse place à aucun compromis ou concession ; cette construction-là ne peut supporter aucun ajustement ni altération. Mais il n'en va pas de même pour le schéma de l'économie de marché. Ici, le dualisme du marché et du pouvoir gouvernemental de contrainte et répression suggère des idées diverses. Est-il péremptoirement nécessaire, ou indiqué, se demandent les gens, que le pouvoir politique se tienne à l'écart du marché ? Ne doit-il pas incomber à un gouvernement d'intervenir et de corriger le fonctionnement du marché ? Entre capitalisme et socialisme faut-il se résigner à choisir ? N'y a-t-il pas peut-être d'autres systèmes d'organisation sociale qui ne soient ni le communisme, ni la pure et libre économie de marché ?

Ainsi des gens ont combiné une variété de tierces solutions, de systèmes qui, à les en croire, sont aussi éloignés du socialisme qu'ils le sont du capitalisme. Leurs auteurs allèguent que ces systèmes ne sont pas du socialisme parce qu'ils visent à préserver la propriété privée des moyens de production ; et qu'ils ne sont pas du capitalisme parce qu'ils éliminent les « déficiences » de l'économie de marché. Pour un traitement scientifique des problèmes impliqués, ce qui comporte une complète neutralité envers tous jugements de valeur et, par conséquent, ne condamne aucun aspect du capitalisme en tant que fautif, nuisible ou injuste, il n'y a rien à tirer de ce plaidoyer sentimental en faveur de l'interventionnisme. La tâche de la science économique est d'analyser et de poursuivre la vérité. Elle n'est pas appelée à décerner des louanges ou des blâmes en vertu de postulats préconçus ou d'idées partisanes. Vis-à-vis de l'interventionnisme, elle doit répondre à une question et une seule : comment cela marche-t-il ?

2 / L'intervention

Il y a deux schémas types pour la réalisation du socialisme.

Le premier (que nous pouvons appeler le modèle léniniste ou russe) est purement bureaucratique. Tous les ateliers, tous les magasins et toutes les fermes sont formellement nationalisés (verstaatlicht = étatisés) ; ce sont des agences subalternes du gouvernement, et ceux qui les conduisent sont des fonctionnaires. Chaque unité dans l'appareil de production se trouve, par rapport à l'organisme central suprême, dans la même relation que le bureau de poste du coin par rapport aux bureaux du directeur général des PTT.

Le deuxième modèle (que nous pouvons dénommer modèle Hindenburg ou modèle allemand) conserve nominalement et en apparence la propriété privée des moyens de production ; il maintient l'aspect extérieur du marché, des prix, des salaires et des taux d'intérêt. Toutefois, il n'y a plus désormais d'entrepreneurs, mais seulement des chefs d'établissements (Betriebsführer dans la terminologie de la législation national-socialiste). Ces chefs d'établissement paraissent diriger effectivement les entreprises qui leur sont confiées : ils achètent et vendent, embauchent et licencient les travailleurs et rémunèrent leurs services, contractent des emprunts, paient des intérêts et amortissements. Mais dans toutes leurs activités ils sont tenus d'obéir inconditionnellement aux ordres émis par l'administration gouvernementale chargée en dernier ressort de diriger la production. Cette administration (Reichswirtschaftsministerium de l'Allemagne nazie) indique aux dirigeants d'entreprises ce qu'ils doivent produire, et comment, à quel prix acheter et à qui, à quels prix vendre et à qui. Elle affecte chaque travailleur à son poste et fixe sa paie. Elle décrète à qui et dans quelles conditions les capitalistes doivent confier leurs fonds. L'échange de marché est une simple comédie. Tous les salaires, prix et taux d'intérêt sont fixés par le pouvoir et ne sont qu'en apparence des prix, des salaires et des taux ; en réalité ce sont des termes quantitatifs dans les ordres gouvernementaux qui déterminent pour chaque citoyen son emploi, son revenu, sa consommation et son niveau de vie. Le gouvernement dirige toutes les activités de production. Les dirigeants d'entreprise sont soumis à l'autorité du gouvernement, non aux demandes du consommateur et aux structures de prix du marché. C'est le socialisme sous le déguisement d'une terminologie empruntée au capitalisme. Certaines étiquettes de l'économie de marché sont conservées, mais elles signifient des choses entièrement différentes de celles qu'elles recouvrent dans l'économie de marché.

Il est nécessaire de souligner ce fait, afin d'éviter une confusion entre socialisme et interventionnisme. Le système de l'interventionnisme ou économie de marché entravée diffère du modèle allemand de socialisme, précisément en ce que cela est encore une économie de marché. L'autorité s'immisce dans le fonctionnement de l'économie de marché, mais n'entend pas éliminer totalement le marché. Elle entend que la production et la consommation se développent dans des directions différentes de celles que prescrit un marché non entravé : et elle compte parvenir à ses fins en injectant dans le fonctionnement du marché des ordres, commandements et interdictions que sont prêts à faire observer les pouvoirs de police avec leur appareil de contrainte et de repression. Mais ce sont là des actes isolés d'intervention. Il n'est pas dans l'intention des gouvernants de combiner ces actes d'autorité en un système intégré qui déterminerait tous les prix, salaires et taux d'intérêt, et placerait ainsi sous la coupe des pouvoirs publics tous les aspects de la production et de la consommation.

Le système de l'économie de marché entravée, ou interventionnisme, cherche à conserver le dualisme des sphères distinctes des activités gouvernementales d'une part, et de la liberté économique en système de marché d'autre part. Ce qui le caractérise est le fait que le gouvernement ne limite pas ses activités à la protection de la propriété privée des moyens de production, contre les atteintes de la violence ou de la fraude. Le pouvoir interfère avec la marche des affaires, au moyen de commandements et d'interdictions.

L'intervention est un acte d'autorité, décidé directement ou indirectement par l'autorité qui dispose de l'appareil administratif de contrainte et répression, forçant les entrepreneurs et capitalistes à employer certains des facteurs de production d'autre manière qu'ils ne l'auraient fait, s'ils n'avaient eu à obéir qu'aux prescriptions du marché. Cet acte d'autorité peut constituer tantôt un ordre de faire quelque chose, tantôt un ordre de ne pas faire quelque chose. Il n'est pas forcé que cela émane directement du pouvoir légitimement constitué et reconnu. Il peut arriver que quelque autre organisation s'arroge le droit d'émettre de tels ordres et interdictions, et qu'elle en impose l'application par un appareil de contrainte violente et d'oppression de son cru. Si le gouvernement légitime tolère de tels procédés, ou même leur donne l'appui de sa propre police, cela revient au même que si c'était le gouvernement qui ait agi lui-même. Si le gouvernement n'approuve pas la violence exercée par d'autres organisations, mais qu'il ne parvienne pas à l'empêcher avec ses propres forces armées, alors qu'il le souhaiterait, le résultat est l'anarchie.

Il importe de se rappeler que l'intervention du gouvernement signifie toujours, soit l'action violente, soit la menace d'y recourir. Les fonds qu'un gouvernement dépense pour n'importe quel but sont levés par le fisc. Impôts et taxes sont payés parce que les payeurs craignent de résister au percepteur. Ils savent que toute désobéissance ou résistance est sans espoir. Aussi longtemps que tel est l'état de choses, le gouvernement est en mesure de prélever l'argent qu'il veut dépenser. Gouverner est en dernière analyse se servir d'hommes en armes, policiers, gendarmes, soldats, gardiens de prison et exécuteurs. L'aspect essentiel du pouvoir, c'est qu'il peut imposer ses volontés en matraquant, tuant et emprisonnant. Ceux qui réclament davantage de gouvernement réclament en fin de compte plus de contrainte et moins de liberté.

Attirer l'attention sur ce fait n'implique aucune réflexion sur les activités de gouvernement. Dans la sévère réalité, la coopération sociale paisible n'est pas possible si des dispositions ne sont prises pour prévenir et supprimer par la violence les activités anti-sociales de réfractaires individuels ou groupés. Il faut rejeter la formule souvent répétée, disant que le pouvoir est un mal, mais un mal nécessaire et indispensable. Ce qui est requis pour atteindre une fin est un moyen, c'est le coût qu'il faut consentir à payer pour parvenir à cette fin. C'est un jugement arbitraire que de décrire ce moyen comme un mal, au sens moral de ce terme. Néanmoins, en face de la tendance moderne à déifier le gouvernement et l'État, il est bon de nous rappeler que les anciens Romains étaient plus réalistes en symbolisant l'État par un fagot de verges liées autour d'une hache, que nos contemporains en attribuant à l'État tous les caractères de la divinité.

3 / La délimitation des fonctions du pouvoir

Diverses écoles de pensée paradant sous les noms pompeux de philosophie du droit et de science politique, se livrent à de futiles et creuses méditations sur la délimitation des fonctions du pouvoir. Partant de suppositions purement arbitraires concernant de prétendues valeurs éternelles et absolues et une justice pérenne, ces gens s'arrogent la mission de juges suprêmes des affaires humaines. Ils interprètent à tort leurs propres jugements de valeur fondée sur l'intuition, comme étant la voix du ToutPuissant ou de la nature des choses.

Il n'y a pourtant rien qui puisse constituer un critère perpétuel de ce qui est juste et de ce qui est injuste. La nature est étrangère à toute idée du bien et du mal. « Tu ne tueras point » ne fait manifestement pas partie de la loi naturelle. Le trait caractéristique des situations de nature est qu'un animal cherche à tuer d'autres animaux et que bien des espèces ne peuvent préserver leur propre vie qu'en tuant d'autres êtres. La notion du bien et du mal est une invention humaine, un précepte utilitaire destiné à rendre possible la coopération dans la division du travail. Toutes les règles morales et lois humaines sont des moyens au service de fins déterminées. Il n'y a aucune méthode pour apprécier leur caractère bon ou mauvais, autre que d'examiner sérieusement leur utilité pour la réalisation de fins choisies et visées.

De la notion de loi naturelle certaines gens déduisent la justice de l'institution de propriété privée des moyens de production. D'autres invoquent la loi naturelle pour justifier l'abolition de la propriété privée des moyens de production. Comme l'idée de loi naturelle est entièrement arbitraire, de telles discussions ne peuvent déboucher sur un accord.

L'état et le pouvoir ne sont pas des fins, mais des moyens. Faire du mal à autrui n'est une source de plaisir direct que pour les sadiques. Les autorités constituées emploient la contrainte et la répression afin de sauvegarder le fonctionnement satisfaisant d'un système défini d'organisation sociale. Le domaine dans lequel le recours à la contrainte est normal, et le contenu des lois que l'appareil de police doit faire respecter sont conditionnés par l'ordre social adopté. Un état et un gouvernement étant instaurés afin que ce système social fonctionne avec sûreté, la définition des fonctions du pouvoir doit être adaptée à ses exigences. Le seul critère d'appréciation des lois et des méthodes employées pour les faire respecter est si oui ou non elles sont efficaces pour la sauvegarde de l'ordre social que l'on désire maintenir.

La notion de justice ne prend un sens qu'en référence à un système déterminé de normes qui, en lui-même, est supposé incontesté et à l'épreuve de toute critique. Bien des gens se sont cramponnés à l'affirmation que ce qui est bien et mal est établi pour tel depuis l'aube des temps les plus reculés, et pour l'éternité. La tâche des législateurs et des tribunaux ne serait pas de faire les lois, mais de découvrir ce qui est légitime en vertu d'une idée immuable de la justice. Cette doctrine, qui produisit un conservatisme inentamable et une pétrification des coutumes et institutions anciennes, a été attaquée par la doctrine du droit naturel. Aux lois positivement régnantes dans le pays l'on opposa l'idée d'une loi « plus haute », la loi naturelle. En partant de ce critère arbitraire d'une loi naturelle, les lois et institutions en vigueur furent décrétées justes ou injustes. L'on assigna au bon législateur la tâche d'adapter le droit positif au droit naturel.

Les erreurs de base impliquées dans ces deux doctrines ont depuis longtemps été démasquées. Pour ceux qu'elles n'aveuglent pas, il est évident que l'appel à la justice dans un débat concernant la rédaction de lois nouvelles est un cas de raisonnement circulaire. De lege ferenda, à propos d'une loi à faire, il n'y a pas de justice. La notion de justice ne peut logiquement être invoquée qu'à propos de lege lata, du droit tel qu'il existe. Elle n'a de sens que pour approuver ou désapprouver un comportement donné du point de vue des lois en vigueur dans le pays. Lorsqu'on envisage de modifier le système légal d'une nation, de réécrire ou d'abroger des lois existantes, d'en rédiger de nouvelles, ce n'est pas de justice qu'il est question, mais de commodité sociale et de bien-être social.

Il n'existe rien que l'on puisse tenir pour une notion absolue de justice qui ne se référerait pas à un système défini d'organisation sociale. Ce n'est pas la justice qui dicte le choix d'un certain système de société. C'est, tout au contraire, le système social qui détermine ce qui devrait être tenu pour bon ou mauvais. Il n'y a de juste et d'injuste que dans les relations qui constituent le réseau social. Pour un hypothétique individu isolé et autosuffisant, les notions de juste et d'injuste sont sans contenu. Un tel individu ne peut distinguer qu'entre ce qui pour lui-même est plus avantageux ou moins avantageux. L'idée de justice se réfère toujours à la coopération sociale.

Il est vain de justifier ou de rejeter l'interventionnisme du point de vue d'une idée factice et arbitraire de l'absolue justice. Il est vain de s'évertuer à trouver une juste délimitation des fonctions du pouvoir politique, à partir d'une conception a priori des valeurs permanentes. Il est non moins inadmissible de déduire ce qui est la fonction propre du pouvoir politique, des notions mêmes de gouvernement, d'État, de droit et de justice. C'est précisément cela qu'il y avait d'absurde dans les spéculations des scolastiques du Moyen Age, de Fichte, de Schelling et Hegel, et dans la Begriffsjurisprudenz (jurisprudence des concepts) allemande.

Les concepts sont des outils de raisonnement. Il ne faut jamais les considérer comme des principes normatifs dictant des modes de conduite.

C'est se livrer à une gymnastique intellectuelle superflue que de souligner que les notions d'État et de souveraineté impliquent logiquement la suprématie absolue et par conséquent excluent l'idée de limitations quelconques imposées à l'activité de l'État. Personne ne conteste qu'un État ait le pouvoir d'établir le totalitarisme à l'intérieur du territoire où il est souverain. Le problème est si oui ou non un tel mode de gouvernement est avantageux du point de vue du maintien et du fonctionnement de la coopération sociale. Quant à ce problème, nulle exégèse raffinée de concepts et de notions ne peut servir en rien. Cela doit être décidé par la praxéologie, non par une pseudo-métaphysique de l'État et du droit.

La philosophie du droit et la science politique sont incapables de trouver une raison quelconque pour laquelle le gouvernement ne doit pas contrôler les prix et punir ceux qui contreviennent aux maxima fixés par lui, de la même façon qu'il punit les meurtriers et les voleurs. Ces auteurs s'imaginent que l'institution de la propriété privée est simplement une faveur révocable accordée gracieusement par le souverain tout-puissant à ses humbles sujets. Il ne peut y avoir aucun mal à abroger en tout ou partie les lois qui ont accordé cette faveur ; il n'y a pas d'objection raisonnable à opposer à l'expropriation ou à la confiscation. Le législateur est libre de substituer n'importe quel système social à celui de la propriété privée des moyens de production, exactement comme il est libre de substituer un autre hymne national à celui adopté jadis. La formule car tel est notre bon plaisir est la seule maxime dont relève la conduite du souverain législateur.

En regard de ce formalisme et de ce dogmatisme juridique, il faut de nouveau souligner que le seul objet des lois et de l'appareil social de contrainte et répression est de sauvegarder le fonctionnement convenable de la coopération sociale. Il est certain que le gouvernement a le pouvoir de décréter des prix-plafond et d'emprisonner ou d'exécuter ceux qui achètent et vendent à des prix plus élevés. Mais la question est de savoir si une telle politique peut ou non atteindre les objectifs que le gouvernement s'est fixés en l'adoptant. Cela est un problème purement praxéologique et économique. Ni la philosophie du droit ni la science politique ne peuvent apporter quoi que ce soit à sa solution.

Le problème de l'interventionnisme n'est pas celui d'une délimitation correcte des tâches « justes », « naturelles » ou « convenables » de l'État et du gouvernement. La question est : comment fonctionne un système interventionniste ? Peut-il produire les résultats que les gens, en y recourant, veulent obtenir ?

La confusion et le manque de jugement manifestés dans le traitement des problèmes de l'interventionnisme sont en vérité stupéfiants. Il y a par exemple des gens qui raisonnent comme ceci : Il est clair que les réglementations de la circulation sur les routes publiques sont nécessaires — Personne n'a d'objection contre l'intervention du pouvoir dans la façon dont l'on conduit un véhicule — Les avocats du laissez-faire se contredisent en combattant l'intervention du gouvernement quant aux prix du marché, alors qu'ils ne réclament pas l'abolition des réglementations publiques en matière de circulation routière.

La fausseté de ce raisonnement est manifeste. La réglementation de la circulation sur une certaine route est l'une des tâches incombant à l'organisme qui fait fonctionner cette voie de communication. Si cet organisme est le gouvernement ou la municipalité, c'est à lui à vaquer à cette tâche. Il incombe à la Direction des Chemins de fer d'arrêter l'horaire des trains et c'est la tâche du gérant de l'hôtel de décider s'il y aura ou non de la musique dans la salle de restaurant. Si le gouvernement fait fonctionner le chemin de fer ou l'hôtel, c'est au gouvernement de faire les règlements nécessaires concernant ces détails. S'il y a un Opéra d'État, c'est le gouvernement qui décide quels opéras devront être créés et quels ne doivent pas l'être ; il serait illogique, toutefois, d'en déduire que c'est aussi la tâche du gouvernement d'en décider pour un théâtre non nationalisé.

Les doctrinaires de l'interventionnisme répètent à tout moment qu'ils ne projettent pas d'abolir la propriété privée des moyens de production, des activités d'entrepreneur ni des échanges de marché. Les partisans aussi de la plus récente variante de l'interventionnisme, la Soziale Marktwirtschaft (économie sociale de marché), affirment hautement qu'ils considèrent l'économie de marché comme le meilleur et le plus désirable des systèmes d'organisation économique de la société, et qu'ils rejettent l'omnipotence gouvernementale des socialistes. Mais évidemment, tous ces avocats d'une politique de tiers chemin soulignent avec la même vigueur leur rejet du libéralisme manchesterien et du laissez-faire. Il est nécessaire, disent-ils, que l'État intervienne dans les phénomènes de marché, chaque fois et en chaque endroit où le « libre jeu des forces économiques » aboutit à des situations qui apparaissent « socialement » indésirables. En soutenant cette thèse, ils tiennent pour allant de soi que c'est au gouvernement qu'il revient de décider, dans chaque cas particulier, si tel ou tel fait économique doit être considéré comme repréhensible du point de vue « social » et, par conséquent, si oui ou non la situation du marché requiert du gouvernement un acte spécial d'intervention.

Tous ces champions de l'interventionnisme ne se rendent pas compte d'une conséquence de leur programme : l'instauration d'une absolue domination du gouvernement dans toutes les questions économiques, qui à la longue conduit à une situation qui ne diffère pas de ce qu'on appelle le socialisme à l'allemande, modèle Hindenburg. S'il relève du jugement du gouvernement, de décider si oui ou non une situation économique donnée justifie son intervention, il n'y a plus de domaine réservé au marché. Ce ne sont plus dès lors les consommateurs qui décident en dernière instance ce qui doit être produit, en quelles quantités et qualités, par qui, où et comment — mais c'est le gouvernement. Car, dès lors que le résultat du fonctionnement d'un marché non entravé diffère de ce que les autorités considèrent comme « socialement » désirable, le gouvernement intervient. Cela signifie que le marché est libre aussi longtemps qu'il fait exactement ce que le gouvernement désire qu'il fasse. Il est « libre » de faire ce que les autorités jugent bon, il ne l'est pas de faire ce que les autorités jugent mauvais ; la décision entre ce qui est bon et ce qui est mauvais revient au i, gouvernement. Ainsi la doctrine et la pratique de l'interventionnisme tendent finalement à l'abandon de ce qui au départ les distinguait du socialisme catégorique, et à l'adoption complète des principes d'une planification générale de nature totalitaire.

4 / La moralité comme critère suprême des actions individuelles

Selon une opinion très répandue, il est possible, même en l'absence de toute immixtion du pouvoir politique dans les affaires économiques, de détourner le fonctionnement d'une économie de marché des directions dans lesquelles elle s'engagerait si on la laissait sous le contrôle exclusif du mobile de profit. Les avocats d'une réforme sociale à réaliser en se conformant aux principes du christianisme ou aux exigences de la « véritable » moralité, soutiennent que la conscience devrait aussi guider les hommes de bonnes intentions dans leurs rapports sur le marché. Si tous les individus étaient attentifs non seulement à leur profit, mais tout autant à leurs obligations religieuses et morales, nulle contrainte ou coercition d'origine gouvernementale ne serait nécessaire pour que les choses marchent droit. Ce qu'il faut, ce n'est pas réformer le gouvernement et les lois du pays, mais la purification morale de l'homme, un retour aux commandements de Dieu et aux préceptes de la loi morale, une renonciation aux vices de l'avidité et de l'égoïsme. Il sera alors facile de réconcilier la propriété privée des moyens de production avec la justice, la moralité et l'équité. Les désastreux effets du capitalisme seront éliminés sans porter préjudice à la liberté et à l'initiative de l'individu. Les gens renverseront le Moloch du capitalisme sans mettre à la place le Moloch de l'État.

Les arbitraires jugements de valeur qui sont à la base de ces opinions n'ont pas à retenir notre attention ici. Ce que ces critiques reprochent au capitalisme est sans fondement ; leurs erreurs et illusions passent à côté du problème. Ce qui compte, c'est l'idée d'instaurer un régime social sur une base double : la propriété privée, et des principes moraux restreignant l'usage de la propriété privée. Le système recommandé ne sera, d'après ses partisans, ni du socialisme, ni du capitalisme, ni de l'interventionnisme. Pas du socialisme, puisqu'il conservera la propriété privée des moyens de production ; pas du capitalisme, parce que la conscience primera sur le désir de profits ; pas de l'interventionnisme, car il n'y aura nul besoin que le gouvernement intervienne sur le marché.

Dans l'économie de marché, l'individu est libre d'agir à l'intérieur de l'orbite de la propriété privée et du marché. Ses choix sont sans appel. Pour ses semblables, ses actions sont des faits dont ils n'ont qu'à tenir compte dans leur propre activité. La coordination des actions autonomes de tous les individus est assurée par le fonctionnement du marché. La société ne dit pas à quelqu'un ce qu'il a à faire ou ne pas faire. Il n'est pas besoin de rendre la coopération obligatoire par des ordres et prohibitions spécifiques. La non-coopération se pénalise elle-même. L'ajustement aux exigences de l'effort productif en société et la poursuite des objectifs propres de l'individu ne sont pas en conflit. Donc cela ne demande pas d'arbitrage. Le système peut marcher et remplir son rôle sans (intervention d'une autorité qui émette ordres et interdictions et qui punisse les récalcitrants.

En dehors de la sphère de la propriété privée et du marché, s'étend celle de la contrainte et répression ; là sont les digues que la société organisée a édifiées pour la protection de la propriété privée et du marché contre la violence, la malveillance et la fraude. C'est le domaine de la force contraignante, en tant que distinct du domaine de la liberté. Là sont les règles faisant le tri entre ce qui est légal et illégal, ce qui est permis et ce qui est prohibé. Et là se trouve le sévère appareil des armes, des prisons, des potences et des gens qui les manœuvrent, prêt à écraser ceux qui osent désobéir.

Or, les réformateurs dont les plans nous occupent suggèrent que, concurremment avec les normes établies pour la protection et la préservation de la propriété privée, des règles éthiques supplémentaires devraient être proclamées. Ils veulent que la production et la consommation portent sur d'autres choses que celles réalisées dans l'ordre social où les gens ne sont retenus par aucune autre obligation que celle de ne pas porter atteinte à la personne de leurs semblables ni au droit de propriété privée. Ils souhaitent proscrire les mobiles qui guident l'activité des individus dans l'économie de marché (ils les appellent : égoïsme, avidité, recherche du profit), et les remplacer par d'autres impulsions (ils les appellent sens du devoir, rigueur morale, altruisme, crainte de Dieu, charité). Ils sont convaincus qu'une telle réforme morale serait par elle-même suffisante pour sauvegarder un mode de fonctionnement du système économique, plus satisfaisant de leur point de vue que celui d'un capitalisme non entravé, sans aucune des mesures spéciales de gouvernement que requièrent l'interventionnisme et le socialisme.

Les adeptes de ces doctrines n'ont pas compris le rôle que jouent ces ressorts d'action qu'ils condamnent comme vicieux, dans le fonctionnement de l'économie de marché. La seule raison pour laquelle l'économie de marché peut fonctionner sans que des ordres gouvernementaux disent à tout un chacun ce qu'il doit faire et comment il doit le faire, c'est qu'elle ne demande à personne de s'écarter des lignes de conduite qui conviennent le mieux à ses intérêts propres. Ce qui assure l'intégration des actions individuelles dans l'ensemble du système social de production, c'est la poursuite par chaque individu de ses propres objectifs. En suivant son « avidité » , chaque acteur apporte sa contribution au meilleur agencement possible des activités de production. Ainsi, dans la sphère de la propriété privée et des lois qui la protègent contre les atteintes d'actions violentes ou frauduleuses, il n'y a aucun antagonisme entre les intérêts de l'individu et ceux de la société.

L'économie de marché devient un chaos inextricable si cette prédominance de la propriété privée, que les réformistes dénigrent comme de l'égoïsme, est éliminée. En pressant les gens d'écouter la voix de leur conscience et de substituer des considérations de bien public à celles de profit personnel, l'on ne crée pas un ordre social fonctionnel et satisfaisant. Il ne suffit pas de dire à quelqu'un de ne pas acheter sur le marché le moins exigeant et de ne pas vendre sur le marché le plus avantageux. Il ne suffit pas de lui dire de ne pas rechercher le profit et de ne pas éviter les pertes. Il faut qu'on établisse des règles non ambigués sur lesquelles guider l'action dans chaque situation concrète.

Le réformiste dit : l'entrepreneur est un insensible égoïste quand, tirant avantage de sa propre supériorité, il demande des prix moindres que ceux d'un concurrent moins efficient, et contraint ainsi cet homme à fermer boutique. Mais comment l'entrepreneur « altruiste » devrait-il procéder ? Ne devrait-il en aucune circonstance vendre moins cher qu'un concurrent ? Ou y a-t-il certaines situations qui justifient d'exiger moins que le prix du concurrent ?

Le réformiste dit encore : l'entrepreneur est un égoïste sans cœur quand, profitant de l'état du marché, il demande un prix si élevé que les pauvres sont exclus de l'achat de sa marchandise. Mais que devrait faire le « bon » entrepreneur ? Doit-il distribuer gratuitement sa marchandise ? Si bas que soit le prix, s'il en demande un, il y aura toujours des gens qui ne pourront rien lui acheter, ou moins que si le prix était encore plus bas. Quelle couche de candidats acheteurs l'entrepreneur est-il libre d'exclure ?

Nous n'avons pas, en ce point de notre étude, à nous occuper des conséquences de toute déviation par rapport au niveau des prix tels que le détermine un marché non entravé. Si le vendeur s'abstient de sous-enchérir par rapport à son concurrent moins efficace, une partie au moins de son stock reste invendue. Si le vendeur offre sa marchandise à un prix inférieur à celui que détermine le marché sans entraves, le stock disponible est insuffisant pour permettre de livrer ce qu'ils demandent à tous ceux qui sont disposés à payer le prix demandé. Nous analyserons plus tard ces conséquences, et d'autres encore, de toute déviation par rapport aux prix de marché 2. Ce que nous devons constater dès maintenant, c'est que l'on ne peut se contenter de dire simplement à l'entrepreneur qu'il ne devrait pas se laisser guider par l'état du marché. Il est indispensable de lui dire jusqu'où il doit aller en offrant et demandant des prix. Si ce n'est plus le désir de profits qui oriente les décisions des entrepreneurs et détermine ce qu'ils produisent, et en quelle quantité, si les entrepreneurs ne sont plus obligés, par l'intermédiaire du profit, à servir les consommateurs au mieux de leur habileté, il est nécessaire de leur donner des instructions détaillées. L'on ne peut éviter de guider leur conduite par des ordres et interdictions spécifiques : ce sont là précisément les marques de l'interventionnisme gouvernemental dans l'économie. Tout essai de rendre cette intervention superflue en donnant la primauté à la voix de la conscience, la charité et â l'amour du prochain, est vain.

Les avocats d'une réforme sociale chrétienne prétendent que leur idéal, qui est de faire échec à l'avidité et à la recherche sauvage du gain en les bornant par le sens du devoir et l'obéissance à la loi morale, a plutôt bien réussi dans le passé. Tous les maux de notre temps sont causés par l'abandon des préceptes de l'Eglise. Si les gens n'avaient pas défié les commandements et n'avaient pas convoité d'injustes profits, l'humanité jouirait encore du bonheur éprouvé au Moyen Age, quand une élite au moins vivait conformément aux principes évangéliques. Ce qu'il faut, c'est ramener ces jours heureux de jadis, et s'assurer ensuite que nulle nouvelle apostasie ne prive les hommes de leurs effets bienfaisants.

Il n'y a pas lieu d'entrer dans une analyse de la situation sociale et économique de ce XIIIe siècle que ces réformistes présentent comme la plus haute période de toute l'Histoire. Nous nous occupons simplement de la notion de juste prix et de juste salaire, qui était l'essentiel des enseignements des docteurs de l'Eglise et que les réformistes veulent ériger en critère ultime de leur conduite économique.

Il est évident qu'avec les théoriciens cette notion de juste prix et taux de salaires se réfère toujours à un ordre social précis qu'ils considéraient comme le meilleur ordre possible. Ils recommandent l'adoption de leur schéma idéal et son maintien perpétuel. Il ne faudrait tolérer aucun changement à l'avenir. Toute altération de l'état de choses le meilleur possible pour la société ne peut signifier qu'une détérioration. La conception du monde de ces philosophes ne tient pas compte de l'effort incessant de l'homme pour améliorer les conditions matérielles de son bien-être. Le changement historique et l'élévation du niveau de vie général sont des notions qui leur sont étrangères. Ils appellent « juste » le mode de conduite qui seul est compatible avec la paisible perpétuation de leur utopie ; tout le reste n'est qu'injustice.

Toutefois, la notion de justes prix et taux de salaires, telle que se la représentent les gens ordinaires, et non plus les philosophes, est tout autre chose. Quand le profane appelle juste un prix, ce qu'il entend par là est que le maintien de ce prix améliore, ou du moins n'amoindrit pas son revenu et sa position sociale. Il appelle injuste tout prix qui met en péril sa propre richesse et situation. Il est « juste » que les prix des biens et services que lui-même produit montent de plus en plus, et ceux des biens et services qu'il achète baissent de plus en plus. Au cultivateur, il n'est pas de prix du blé, si élevé soit-il, qui semble injuste. Pour le salarié, aucun taux du salaire, si élevé qu'il soit, ne paraît inéquitable. Mais le cultivateur ne tarde pas à dénoncer toute baisse du prix du blé comme une violation des lois divines et humaines, et les salariés se dressent en colère quand les salaires baissent. Pourtant, l'économie de marché n'a aucun moyen d'adapter la production aux situations changeantes, autre que les mouvements du marché. Par le moyen des modifications de prix elle oblige les gens à restreindre la production des articles dont la demande est moins insistante, et à développer la production des articles les plus demandés par les consommateurs. L'absurdité de tous les efforts pour stabiliser les prix consiste précisément dans le fait que la stabilisation empêcherait toute amélioration ultérieure et engendrerait sclérose et stagnation. La flexibilité des prix des denrées et des taux de rémunération est le véhicule de l'adaptation, de l'amélioration et du progrès. Ceux qui condamnent comme injustes les variations de prix et de salaires et qui réclament que soient maintenus ceux qu'ils prétendent justes combattent en fait les efforts pour rendre plus satisfaisantes les situations économiques.

Il n'y a rien d'injuste à ce qu'ait longtemps prédominé une tendance des prix agricoles à s'établir à un niveau tel que la majeure partie de la population a abandonné l'agriculture pour aller vers les industries de transformation. Sans cette tendance, 90 % ou plus de la population seraient encore occupés aux champs et les industries de transformation auraient été bloquées dans leur croissance. Toutes les couches de la population, y compris les paysans, vivraient moins bien. Si la doctrine scolastique sur le juste prix avait été mise en pratique, les conditions économiques du XIIIe siècle seraient encore les nôtres. Les chiffres de la population seraient bien moindres que ce qu'ils sont aujourd'hui, et le niveau de vie bien inférieur.

Les deux variantes de la doctrine du juste prix, la philosophique et la profane, sont d'accord pour condamner la fixation des prix et taux de rémunération par un marché sans entraves. Mais cette attitude négative ne fournit par elle-même aucune réponse à la question du niveau que devrait atteindre un prix ou un taux de salaire, pour être juste. Si la moralité doit être intronisée comme critère ultime de l'action économique, il faut dire de façon exempte d'ambiguïté à chaque opérateur ce qu'il doit faire, quel prix il doit demander, et quel prix il doit payer dans chaque cas concret ; et il faut recourir à la force — mettre en branle un appareil de contrainte et répression — pour obliger les contrevenants à se conformer à ces ordres. Il faut instaurer une autorité suprême édictant des normes et réglant les comportements dans tous leurs aspects, modifiant ces règles si besoin est, les interprétant officiellement et les faisant observer. Ainsi, la substitution de la justice sociale et de la moralité à l'égoïste recherche du profit exige pour être réalisée précisément ces pratiques d'intervention du pouvoir dans l'économie, que les avocats de la purification du genre humain désirent rendre superflues. Aucune route s'écartant de l'économie de marché non entravée n'est praticable, sans que l'on s'y trouve enrégimenté autoritairement. Que l'autorité investie de ces pouvoirs s'appelle gouvernement laïc ou clergé théocratique ne fait aucune différence.

Les réformistes, en exhortant les gens à se détourner de l'égoïsme, s'adressent aux capitalistes et entrepreneurs, et parfois, bien que timidement, aux salariés aussi. Seulement, l'économie de marché est un système qui donne la suprématie au consommateur, non aux producteurs. Les prédicateurs devraient faire appel aux consommateurs, non aux producteurs. Ils devraient persuader les consommateurs de renoncer à donner leur préférence aux articles de bonne qualité et bon marché, et d'en acheter de moins bons et de plus chers, de peur de faire tort au producteur le moins efficace. Ils devraient persuader les gens de restreindre leurs propres achats pour donner aux plus pauvres qu'eux la possibilité d'acheter davantage. Si l'on souhaite que les consommateurs se conduisent ainsi, il faut leur dire clairement quoi acheter, et combien, à qui et pour quel prix ; et il faut en assurer l'exécution par un appareil policier. Mais alors, l'on a adopté exactement le système de direction autoritaire que la réforme morale vise à rendre inutile.

Dans le cadre de la coopération sociale, la dose de liberté dont les individus peuvent jouir dépend strictement de la concordance entre le gain individuel et le bien public. Dans la mesure où l'individu, en poursuivant son propre bien-être, améliore aussi — ou du moins n'amoindrit pas — le bien-être de ses semblables, les gens peuvent vaquer comme ils l'entendent à leurs affaires sans mettre en péril ni l'existence de la société, ni les objectifs d'autrui. Il se dégage ainsi un domaine dans lequel l'on est libre de choisir et d'agir à son gré. Cette sphère d'autonomie que les socialistes et interventionnistes qualifient avec mépris de « liberté économique », si elle existe, rend possible, et rend impossible si elle n'existe pas, n'importe laquelle des autres situations que l'on appelle couramment des libertés dans un système de coopération sociale avec division du travail. C'est l'économie de marché, appelée aussi capitalisme, avec son corollaire politique (les marxistes diraient : avec sa « superstructure »), le gouvernement représentatif.

Ceux qui affirment qu'il y a conflit entre le désir d'acquérir des divers individus, ou entre le désir d'acquérir des individus d'une part et le bien commun d'autre part, ne peuvent faire autrement que de proposer la suppression du droit de l'individu à choisir et à agir. Ils doivent substituer la suprématie d'un organisme central de direction de la production, à la suprématie des choix des citoyens. Dans leur plan d'une bonne société, il n'y a pas de place disponible pour l'initiative privée. L'autorité émet des ordres et tout le monde est forcé d'obéir.

5 / La signification de « laissez faire »

Au XVIIIe siècle en France, l'expression laissez faire, laissez lasser fut la formule dans laquelle certains des champions de la cause de la liberté condensèrent leur programme. Leur but était d'établir une société de marché sans entraves. Afin d'atteindre cet objectif ils préconisaient l'abolition de toutes les lois empêchant les gens plus industrieux et plus efficaces de l'emporter sur les concurrents moins industrieux et moins efficaces, et restreignant la mobilité des biens et des personnes. Voilà ce que signifiait la célèbre maxime.

A notre époque où règne un désir passionné de rendre omnipotent le gouvernement, la formule laissez faire est vilipendée. L'opinion la considère maintenant comme une manifestation à la fois de dépravation morale et d'ignorance extrême.

Du point de vue des interventionnistes, l'alternative est entre « forces automatiques » et « planification consciente » 3. Ils considèrent comme évident que s'en remettre aux processus automatiques est pure stupidité. Nul homme raisonnable ne peut sérieusement recommander de ne rien faire et de laisser les choses aller leur cours sans faire intervenir une action intentionnelle. Un plan, du simple fait qu'il manifeste une action consciente, est incomparablement supérieur à l'absence de toute planification. Laissez faire, prétend-on, veut dire : taisez durer les maux, n'essayez pas d'améliorer le sort des hommes par des actions raisonnables.

Un tel langage est absolument fallacieux. L'argumentation avancée en faveur de la planification est entièrement fondée sur une interprétation inadmissible d'une métaphore. Elle ne repose que sur les connotations du terme « automatique », que l'on est habitué à employer dans un sens métaphorique pour décrire le processus du marché 4. Le Concise Oxford Dictionary 5 donne pour équivalent du mot automatique « Inconscient, inintelligent, purement mécanique ». Automatique, dit le Webster's Collegiate Dictionary 6, signifie : « non soumis au contrôle de la volonté... accompli sans pensée active et sans qu'il y ait intention ou direction consciente ». Quel triomphe pour le champion de la planification que de jouer cet atout !

En réalité l'alternative n'est pas entre un mécanisme sans vie ou un rigide automatisme d'une part, et une planification consciente de l'autre. L'alternative n'est pas entre : plan, ou pas de plan. La question est : de qui le plan ? Chaque membre de la société doit-il faire son plan pour lui-même, ou est-ce un bienveillant gouvernement qui devrait seul faire le plan de tous ? Le problème n'est pas : automatisme ou action consciente ; il est entre action autonome de chaque individu, ou action réservée au seul gouvernement. Il est : liberté ou omnipotence gouvernementale.

Laissez faire ne signifie pas : laissez des forces mécaniques sans âme fonctionner. Cela signifie : que chaque individu choisisse comment il veut coopérer à la division sociale du travail ; que les consommateurs décident de ce que les entrepreneurs devraient produire. Le planisme signifie laissez le gouvernement seul choisir, et imposer ses décisions par l'appareil de contrainte et de répression.

En régime de laissez-faire, dit le planiste, ce ne sont pas les choses dont les gens ont « réellement » besoin qui sont produites, mais les choses dont la vente rapportera vraisemblablement les plus fortes recettes. L'objectif de la planification est de diriger la production vers la satisfaction des besoins « réels ». Mais qui décidera de ce qui constitue ces besoins « réels » ?

Ainsi, par exemple, le Pr Harold Laski, ancien président du Parti travailliste, voulait fixer comme objectif à la direction planifiée de l'investissement, « que l'emploi des épargnes des investisseurs se fasse dans la construction de logements plutôt que de cinémas » 7. Peu importe à notre problème que l'on soit ou non d'accord avec l'opinion du professeur, que de meilleures maisons soient de plus d'importance que des spectacles de cinéma. Le fait est que les consommateurs, en dépensant une partie de leur argent pour des billets de cinéma, ont fait un choix différent. Si les multitudes de Grande-Bretagne, les mêmes électeurs qui ont massivement porté le Parti travailliste au pouvoir, se mettaient à ne plus fréquenter les cinémas et à dépenser davantage pour de meilleurs logis et des appartements plus confortables, le monde des affaires à la recherche de profit serait obligé d'investir davantage dans la construction de maisons et d'immeubles locatifs, et d'investir moins dans la production de spectacles coûteux. M. Laski souhaitait contredire les désirs des consommateurs, et substituer sa propre volonté à celle des consommateurs. Il voulait éliminer la démocratie du marché et établir le règne sans réserves d'un tsar de la production. Peut-être était-il convaincu d'avoir raison d'un point de vue plus élevé, et qu'en tant qu'homme supérieur il était appelé à imposer ses propres évaluations aux masses d'hommes ordinaires. Mais, alors, il aurait dû avoir la franchise de dire cela clairement.

Tous ces éloges passionnés de la suréminence de l'action du gouvernement déguisent mal l'auto-déification de l'interventionniste lui-même. Le grand dieu État n'est un grand dieu que parce qu'on en attend qu'il fasse exclusivement ce que voudrait personnellement voir réalisé le partisan du planisme. Seul est authentique le plan qu'approuve pleinement le planiste qui parle. Tous les autres plans ne sont que des contrefaçons. En disant « le plan », ce qu'a dans l'esprit l'auteur d'un livre sur les avantages du planisme, c'est bien entendu son plan à lui. Il ne lui vient pas à l'idée que le gouvernement pourrait mettre en application un plan différent. Les divers planificateurs ne sont d'accord qu'en ce qui concerne leur refus du laissez-faire, c'est-à-dire leur opposition à ce que chacun puisse choisir et agir à son gré. Ils cessent complètement d'être d'accord quant au choix du plan unique qu'il faut adopter. Chaque fois qu'on leur montre les défauts manifestes et incontestables des politiques interventionnistes, les partisans de l'interventionnisme réagissent de la même manière. Ces défauts, disentils, sont imputables à un interventionnisme bâtard ; ce que nous préconisons est un bon interventionnisme, pas un mauvais. Et bien entendu, le bon est celui qu'a mûri le professeur.

Laissez faire signifie : laissez l'homme ordinaire choisir et agir ; ne l'obligez pas à céder devant un dictateur.

6 / Immixtion gouvernementale directe dans la consommation

En étudiant les problèmes économiques de l'interventionnisme, nous n'avons pas à nous occuper des actions du pouvoir dont l'objet est d'influer immédiatement sur le choix des objets de consommation par les consommateurs. Toute intervention du pouvoir dans la vie des affaires doit influer indirectement sur la consommation. L'intervention gouvernementale altérant les conditions de marché, elle doit aussi altérer les évaluations et la conduite des consommateurs. Mais si le but du gouvernement est simplement de forcer les consommateurs à consommer des biens autres que ceux qu'ils auraient choisis en l'absence des décrets officiels, il ne se produit pas de problème spécial que doive examiner la science économique. Il ne fait pas de doute qu'un appareil policier puissant et sans ménagements soit capable de faire appliquer de tels décrets.

En traitant des choix des consommateurs, nous ne demandons pas quels motifs ont amené un homme à acheter a et à ne pas acheter b. Nous rechcrchons simplement quels effets sur la formation des prix de marché et donc sur la production ont été déclenchés par le comportement effectif des consommateurs. Ces effets ne dépendent pas des considérations qui ont amené les gens à acheter a et ne pas acheter b ; les effets dépendent seulement des actes réels d'achat ou d'abstention. Il est sans importance pour la formation du prix des masques à gaz de savoir si les gens en achètent de leur propre gré ou parce que le gouvernement oblige tout le monde à avoir un masque à gaz. La seule chose qui compte est le volume de la demande.

Les gouvernements qui désirent maintenir l'apparence extérieure de la liberté, même lorsqu'ils l'amputent, déguisent leur immixtion directe dans la consommation, sous le manteau d'une intervention portant sur les entreprises. Le but de la prohibition américaine était d'empêcher les personnes résidant dans le pays de boire des breuvages alcoolisés. Mais hypocritement, la loi ne rendit pas illégal le fait de boire, en lui-même, et ne le frappa pas d'une pénalité. Elle interdit seulement la fabrication, la vente et le transport de boissons enivrantes ; c'est-à-dire les transactions économiques en amont de l'action d'en boire. L'idée était que les gens s'adonnent au vice de l'ivrognerie seulement parce que des entrepreneurs sans scrupule les y incitent irrésistiblement. Néanmoins, il était clair que l'objectif de la prohibition était d'empiéter sur la liberté des individus à l'égard de la façon dont ils dépensent leurs dollars et agrémentent leur existence comme ils l'entendent. Les restrictions imposées aux affaires n'étaient qu'instrumentales par rapport à ce but.

Les problèmes impliqués dans une immixtion directe du pouvoir dans la consommation ne sont pas des problèmes de catallactique. Ils en débordent très largement le champ et concernent les aspects fondamentaux de la vie humaine et de l'organisation de la société. S'il est vrai que le pouvoir tire son autorité de Dieu et est chargé par la Providence d'agir comme le gardien d'une populace ignorante et bornée, alors c'est certainement à lui de fixer comme dans un régiment tous les aspects de la conduite de ses sujets. Le gouvernant désigné par le Ciel sait mieux ce qui est bon pour ses ouailles qu'elles ne le savent elles-mêmes. C'est son devoir de les garder du mal qu'elles se feraient à elles-mêmes si on les laissait agir à leur guise.

Les gens qui se considèrent eux-mêmes comme « réalistes » ne parviennent pas à saisir l'importance immense des principes en cause. Ils disent qu'ils ne veulent pas se mêler de cela en se plaçant à un point de vue qu'ils qualifient d'académique et philosophique. Leur façon d'envisager la chose est, expliquent-ils, exclusivement guidée par des considérations pratiques. C'est un fait, disent-ils, que certains individus se font du tort et en font à leurs innocentes familles en consommant des drogues narcotiques. Seuls des doctrinaires seraient férus de dogmatisme au point de protester contre la réglementation par le gouvernement du trafic de stupéfiants. Ses effets bienfaisants ne peuvent être contestés.

Pourtant, le cas n'est pas si simple que cela. L'opium et la morphine sont assurément dangereux en tant que drogues provoquant l'accoutumance. Mais une fois qu'on admet le principe qu'il est du devoir du gouvernement de protéger les individus contre leur propre stupidité, l'on ne peut plus avancer d'objections contre de nouveaux empiétements. L'on peut présenter un bon plaidoyer en faveur de la prohibition de l'alcool et de la nicotine. Et pourquoi limiter la bienveillance prévoyante du gouvernement à la protection du corps seulement de l'individu ? Le tort qu'un homme peut infliger à son propre esprit et à son âme n'est-il pas encore plus grave que n'importe quels maux corporels ? Pourquoi ne pas l'empêcher de lire de mauvais livres et de voir de mauvais spectacles, de regarder de mauvaises peintures ou sculptures et d'entendre de la mauvaise musique ? Les méfaits des mauvaises idéologies sont assurément plus pernicieux, à la fois pour l'individu et l'ensemble de la société, que ceux causés par des substances narcotiques.

Ces craintes ne sont pas des fantômes purement imaginaires terrorisant des doctrinaires enfermés dans leur cellule. C'est un fait que nul gouvernement à mentalité paternelle, ancien ni moderne, n'a jamais hésité à régenter l'esprit, les croyances et opinions de ses sujets. Si l'on écarte la liberté qu'a chacun de déterminer sa propre consommation, toutes les autres libertés la suivent. Les naïfs partisans de l'intervention du pouvoir quant à la consommation s'abusent lorsqu'ils négligent ce qu'ils appellent dédaigneusement l'aspect philosophique du problème. Ils contribuent involontairement à accréditer les arguments en faveur de la censure, de l'inquisition, de l'intolérance religieuse, et de la persécution des dissidents.

En étudiant la catallactique de l'interventionnisme, nous ne discutons pas des conséquences politiques de l'intervention directe du pouvoir dans la consommation des citoyens. Nous ne nous préoccupons que de ces actes d'immixtion qui visent à forcer les entrepreneurs et capitalistes à employer les facteurs de production d'une façon autre qu'ils ne l'auraient fait s'ils avaient suivi uniquement les ordres du marché. En faisant cela, nous ne soulevons pas la question de savoir si une telle interférence est bonne ou mauvaise d'un quelconque point de vue a priori. Nous demandons seulement si oui ou non elle est capable d'atteindre les objectifs que cherchent à atteindre ceux qui la recommandent et qui l'appliquent.

Pouvoir et corruption

Une analyse de l'interventionnisme serait incomplète si elle ne se référait pas au phénomène de la corruption.

Il est sans doute fort peu d'actes d'un pouvoir intervenant dans le processus du marché, qu'à leur point de vue les citoyens concernés ne qualifieraient soit de confiscation, soit de cadeaux. En règle générale, un individu ou un groupe d'individus est enrichi aux dépens d'autres individus ou d'autres groupes. Mais dans bien des cas, le dommage infligé à certains ne correspond à aucun avantage reçu par d'autres.

Il n'existe aucune méthode juste et équitable d'exercer le formidable pouvoir que l'interventionnisme place entre les mains du législateur et du gouvernant. Les partisans de l'interventionnisme prétendent remplacer les effets — « socialement » nuisibles, à ce qu'ils affirment — de la propriété privée et des intérêts établis, par un pouvoir illimité remis à la discrétion d'un législateur parfaitement sage et désintéressé, et de ses auxiliaires consciencieux et inlassables, les bureaucrates. A leurs yeux, l'homme ordinaire est un enfant désarmé en urgent besoin de gardien paternel qui le protège des pièges habiles d'une bande de canailles. Ils rejettent les notions traditionnelles de droit et de légalité, au nom d'une idée « plus haute et plus noble » de la justice. Quoi qu'eux-mêmes fassent, cela est toujours bien, parce que cela fait mal à des gens qui égoïstement veulent conserver ce qui, considéré du point de vue de ce concept supérieur de la justice, devrait revenir à d'autres.

Les notions d'égoïsme et de désintéressement telles qu'employées dans de tels raisonnements sont contradictoires en elles-mêmes et vaines. Ainsi qu'on l'a montré, toute action vise à atteindre un état de choses qui convient à l'acteur, mieux que ne lui conviendrait la situation qui s'établirait en l'absence de son action. Dans ce sens, tout acte doit être qualifié d'égoïste. L'homme qui fait l'aumône à des enfants affamés le fait, soit parce qu'il tire de son geste une satisfaction qu'il préfère à tout ce qu'il aurait pu se procurer avec la somme donnée, ou bien parce qu'il espère être récompensé dans l'au-delà. Le politicien est, en ce sens, toujours égoïste, soit qu'il soutienne un programme populaire en vue d'être élu, soit qu'il reste résolument fidèle à ses convictions — impopulaires — et se prive ainsi des avantages qu'il pourrait recueillir en les trahissant.

Dans la terminologie anticapitaliste, les mots égoïste et généreux servent à classer les individus du point de vue d'une doctrine qui considère l'égalité de fortune et de revenus comme la seule espèce de situation naturelle et juste de la société ; qui stigmatise ceux qui possèdent ou gagnent plus que les autres, qualifiés d'exploiteurs ; et qui condamnent les activités d'entrepreneur, comme nuisibles au bien commun. Etre dans les affaires, dépendre directement de l'approbation ou de la désapprobation de sa conduite par les consommateurs, courtiser l'acheteur pour s'attacher sa clientèle, et gagner un profit si l'on réussit à le satisfaire mieux que ne le font les concurrents, voilà qui, du point de vue de l'idéologie de la gent fonctionnaire, est égoïste et honteux. Seuls les appointés du pouvoir sont tenus pour généreux et nobles.

Malheureusement, les élus et leurs collaborateurs ne sont pas des anges. Ils s'aperçoivent bien vite de l'effet de leurs décisions sur les entrepreneurs : elles peuvent leur infliger des pertes considérables ou, parfois, des gains considérables. Assurément, il existe aussi des bureaucrates qui n'acceptent point d'enveloppes ; mais il en est d'autres qui ne demandent pas mieux que de saisir toute occasion « sans risque » de « partager » avec ceux que leur décision favorise.

Dans bien des domaines de l'exécution administrative des mesures interventionnistes, le favoritisme est tout bonnement inévitable. Prenons par exemple le cas des licences d'importation ou d'exportation. Une telle licence a pour celui qui l'obtient une valeur en argent déterminée. A qui le gouvernement doit-il délivrer une licence et à qui la refuser ? Il n'y a pas de critère neutre et objectif qui permette de rendre la décision indépendante de tout préjugé ou favoritisme. Peu importe que de l'argent change de mains ou non. Le scandale est le même lorsque la licence est accordée à des gens qui ont rendu, ou dont on attend qu'ils rendent, d'autres genres de services appréciables (par exemple, comme électeurs) aux gens dont dépend la décision.

La corruption est un effet régulièrement présent là où existe l'interventionnisme. L'on peut laisser aux historiens et aux juristes le soin d'étudier les problèmes que pose ce fait 8.

Notes

1 Voir ci-dessus pp. 272 à 274.

2 Voir ci-dessous pp. 797 à 806.

3 Voir A. H. Hansen, Social Planning for Tomorrow, dans The United States after the War, Ithaca, Cornell University Lectures, 1945, pp. 32 et 33.

4 Voir ci-dessus pp. 332 à 334

5 3e éd., Oxford, 1934, p. 74.

6 5e éd., Springfield, 1946, p. 73

7 Voir l'allocution radiodiffusée de Laski, « Révolution par consensus », reproduite dans Talks, X, no. 10 (octobre 1945), 7.

8 Il est courant actuellement de plaider la cause des révolutions communistes en attaquant comme corrompus les gouvernements non communistes. L'on a tenté de justifier de cette manière le soutien qu'une partie de la presse américaine et certains membres de l'administration américaine ont apporté, d'abord aux communistes chinois puis à ceux de Cuba, en accusant de corruption le régime de Tchang-Kai-Chek et plus tard celui de Batista. Mais en se plaçant à ce point de vue, l'on peut justifier toute révolution communiste contre un gouvernement qui n'est pas strictement adepte du laissez-faire.