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souffre de faire des victimes, mais l'expérience lui a appris que cette dureté est le seul | souffre de faire des victimes, mais l'expérience lui a appris que cette dureté est le seul | ||
salut. Il est des maladies qu'on ne peut guérir que par l'emploi de remèdes héroïques. | salut. Il est des maladies qu'on ne peut guérir que par l'emploi de remèdes héroïques. | ||
Le médecin qui, ayant reconnu une de ces maladies, ne recourt qu'à un palliatif | Le médecin qui, ayant reconnu une de ces maladies, ne recourt qu'à un palliatif | ||
anodin ne la guérira jamais et laissera mourir son patient après de plus ou moins | anodin ne la guérira jamais et laissera mourir son patient après de plus ou moins | ||
longues souffrances ! » C'est parfait, mais je n'en dirai pas autant de la question de | longues souffrances ! » C'est parfait, mais je n'en dirai pas autant de la question de | ||
Mme la Conseillère | Mme la Conseillère <ref>Die Frau Rath, ta Conseillère Goethe (la mère du poète), est le personnage principal du livre | ||
d'Elisabeth von Arnim. (Note du Traducteur.)</ref>: « Est-ce guérir que d'employer la mort comme moyen curatif ? | |||
Eh ! chère madame, ce n'est pas à lui-même que l'État donne la mort, mais à un | Eh ! chère madame, ce n'est pas à lui-même que l'État donne la mort, mais à un | ||
membre gangrené ! Il arrache l'oeil qui le scandalise, etc. | membre gangrené ! Il arrache l'oeil qui le scandalise, etc. | ||
« La seule voie de salut pour l'État malade est de faire prospérer en lui-même | « La seule voie de salut pour l'État malade est de faire prospérer en lui-même | ||
l'homme | l'homme <ref>Ibid., p. 385.</ref>» Si, comme le fait Bettina, on entend ici par l'homme l'idée « Homme », | ||
elle a raison : l'État « malade » guérira à mesure que l’« Homme » sera plus florissant, | elle a raison : l'État « malade » guérira à mesure que l’« Homme » sera plus florissant, | ||
car plus les individus sont possédés de l'« Homme », plus l'État s'affermit. | car plus les individus sont possédés de l'« Homme », plus l'État s'affermit. | ||
Mais si par l'homme on entend l'individu, la foule des unités humaines (et c'est | Mais si par l'homme on entend l'individu, la foule des unités humaines (et c'est | ||
vers ce sens-là que l'auteur incline peu à peu, parce qu'elle n'a pas clairement défini | vers ce sens-là que l'auteur incline peu à peu, parce qu'elle n'a pas clairement défini | ||
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bande de brigands, périrait ; comme elle s'en doute, elle juge préférable de fusiller | bande de brigands, périrait ; comme elle s'en doute, elle juge préférable de fusiller | ||
celui de ses membres qui trahit quelques velléités de rentrer dans « le droit chemin ». | celui de ses membres qui trahit quelques velléités de rentrer dans « le droit chemin ». | ||
Bettina, dans ce livre, est patriote et même philanthrope ; elle a en vue le bonheur | Bettina, dans ce livre, est patriote et même philanthrope ; elle a en vue le bonheur | ||
des hommes. Elle est aussi mécontente de l'ordre établi que son héroïne l'est de tous | des hommes. Elle est aussi mécontente de l'ordre établi que son héroïne l'est de tous | ||
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de la diplomatie, tandis que ceux-ci font ce reproche aux méchants, aux « séducteurs | de la diplomatie, tandis que ceux-ci font ce reproche aux méchants, aux « séducteurs | ||
du peuple ». | du peuple ». | ||
Qu'est-ce que le criminel de droit commun ? C'est celui qui commet l'erreur fatale | Qu'est-ce que le criminel de droit commun ? C'est celui qui commet l'erreur fatale | ||
de toucher à ce qui est au peuple au lieu de chercher ce qui est à lui. Il a convoité le | de toucher à ce qui est au peuple au lieu de chercher ce qui est à lui. Il a convoité le | ||
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se mesure la valeur d'un homme. Ah ! si vous étiez coupables ! Mais non vous êtes | se mesure la valeur d'un homme. Ah ! si vous étiez coupables ! Mais non vous êtes | ||
des « justes ». Eh bien ! — tâchez que votre maître soit content de vous ! | des « justes ». Eh bien ! — tâchez que votre maître soit content de vous ! | ||
Dans un code criminel rédigé par la conscience chrétienne ou par l'homme selon | Dans un code criminel rédigé par la conscience chrétienne ou par l'homme selon | ||
le Christ, la notion de crime est intimement liée à celle de — manque de coeur et ne | le Christ, la notion de crime est intimement liée à celle de — manque de coeur et ne | ||
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de châtiment. Le maître a droit à l'amour de chacun de ses sujets ; renier cet amour est | de châtiment. Le maître a droit à l'amour de chacun de ses sujets ; renier cet amour est | ||
un crime de haute trahison qui mérite la mort. | un crime de haute trahison qui mérite la mort. | ||
L'adultère est un manque de coeur punissable ; il faut pour le commettre n'avoir | L'adultère est un manque de coeur punissable ; il faut pour le commettre n'avoir | ||
pas de coeur, n'avoir ni enthousiasme ni pathos pour la sainteté du mariage. Tant que | pas de coeur, n'avoir ni enthousiasme ni pathos pour la sainteté du mariage. Tant que | ||
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rompt avec ces exigences du coeur se fait des ennemis de tous les hommes moraux, de | rompt avec ces exigences du coeur se fait des ennemis de tous les hommes moraux, de | ||
tous les hommes de sentiment. | tous les hommes de sentiment. | ||
Les Krummacher et consorts sont les gens qu'il faut pour rédiger un code pénal du | Les Krummacher et consorts sont les gens qu'il faut pour rédiger un code pénal du | ||
coeur et lui donner de l'homogénéité ; un certain projet de loi en témoigne. Pour être | coeur et lui donner de l'homogénéité ; un certain projet de loi en témoigne. Pour être | ||
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critique et du doute sera frappée d'anathème ; alors enfin l'individu sera convaincu | critique et du doute sera frappée d'anathème ; alors enfin l'individu sera convaincu | ||
devant le tribunal de la conscience chrétienne d'être foncièrement — criminel. | devant le tribunal de la conscience chrétienne d'être foncièrement — criminel. | ||
Les hommes de la Révolution ont souvent parlé des « justes représailles » du | Les hommes de la Révolution ont souvent parlé des « justes représailles » du | ||
peuple comme de son « droit ». Ici vengeance et droit se confondent. Est-ce là le | peuple comme de son « droit ». Ici vengeance et droit se confondent. Est-ce là le | ||
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sous peine de n'être qu' « un pécheur et un criminel ». Et le « coupable » tombe sous | sous peine de n'être qu' « un pécheur et un criminel ». Et le « coupable » tombe sous | ||
le « coup de la loi ». | le « coup de la loi ». | ||
Il appert que c'est de nouveau l'« Homme » qui engendre les concepts de crime, | Il appert que c'est de nouveau l'« Homme » qui engendre les concepts de crime, | ||
de péché et, par suite, de droit. Un homme en qui je ne reconnais pas l'Homme est un | de péché et, par suite, de droit. Un homme en qui je ne reconnais pas l'Homme est un | ||
« pécheur », un « coupable ». | « pécheur », un « coupable ». | ||
On ne peut être criminel qu'envers quelque chose de sacré. Envers Moi, tu ne | On ne peut être criminel qu'envers quelque chose de sacré. Envers Moi, tu ne | ||
seras jamais criminel, tu ne peux être que mon adversaire. Mais il y a déjà crime à ne | seras jamais criminel, tu ne peux être que mon adversaire. Mais il y a déjà crime à ne | ||
point haïr celui qui offense une chose sacrée, l'apostrophe de Saint-Just à Danton en | point haïr celui qui offense une chose sacrée, l'apostrophe de Saint-Just à Danton en | ||
témoigne : « N'es-tu point criminel et responsable de n'avoir pas haï les ennemis de la | témoigne : « N'es-tu point criminel et responsable de n'avoir pas haï les ennemis de la | ||
patrie ? » | patrie ? » | ||
Si l'on adopte l'idée de la Révolution et si l'on entend par « Homme » le « bon | Si l'on adopte l'idée de la Révolution et si l'on entend par « Homme » le « bon | ||
citoyen », de cette conception de l'Homme vont découler tous les « délits et crimes | citoyen », de cette conception de l'Homme vont découler tous les « délits et crimes | ||
politiques ». | politiques ». | ||
En tout cela, c'est l'Individu, l'homme individuel qui passe pour le monstre, tandis | En tout cela, c'est l'Individu, l'homme individuel qui passe pour le monstre, tandis | ||
que l'homme abstrait est décoré du titre d'« Homme ». Quelque nom qu'on donne à ce | que l'homme abstrait est décoré du titre d'« Homme ». Quelque nom qu'on donne à ce | ||
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patriote, etc., devant l' « Homme » victorieux tombent aussi bien ceux qui voudraient | patriote, etc., devant l' « Homme » victorieux tombent aussi bien ceux qui voudraient | ||
réaliser une conception différente de l'Homme que ceux qui veulent se réaliser euxmêmes. | réaliser une conception différente de l'Homme que ceux qui veulent se réaliser euxmêmes. | ||
Et avec quelle onction on se coupe la gorge au nom de la loi, du peuple souverain, | Et avec quelle onction on se coupe la gorge au nom de la loi, du peuple souverain, | ||
de Dieu, etc.! | de Dieu, etc.! | ||
Lorsque les persécutés ont recours à la ruse pour échapper à la sévérité de leurs | Lorsque les persécutés ont recours à la ruse pour échapper à la sévérité de leurs | ||
cafards de juges, on les accuse d' « hypocrisie »; c'est, par exemple, le reproche que | cafards de juges, on les accuse d' « hypocrisie »; c'est, par exemple, le reproche que | ||
fait Saint-Just à ceux qu'il accuse dans son discours contre Danton. On doit être un | fait Saint-Just à ceux qu'il accuse dans son discours contre Danton. On doit être un | ||
fou et se livrer à leur Moloch. | fou et se livrer à leur Moloch. | ||
Les crimes ont leur source dans les idées fixes. La sainteté du mariage est une idée | Les crimes ont leur source dans les idées fixes. La sainteté du mariage est une idée | ||
fixe. De ce que la foi conjugale est sacrée, il s'ensuit que la trahir est criminel; et, en | fixe. De ce que la foi conjugale est sacrée, il s'ensuit que la trahir est criminel; et, en | ||
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peine comme un crime contre la liberté, et ce n'est qu'à ce point de vue que l'opinion | peine comme un crime contre la liberté, et ce n'est qu'à ce point de vue que l'opinion | ||
publique réprouve la loi en question. | publique réprouve la loi en question. | ||
La Société veut, il est vrai, que chacun obtienne son droit, mais ce droit n'est que | La Société veut, il est vrai, que chacun obtienne son droit, mais ce droit n'est que | ||
celui que la Société a sanctionné, c'est le droit de la Société et non de chacun. | celui que la Société a sanctionné, c'est le droit de la Société et non de chacun. | ||
Moi, au contraire, c'est fort de ma propre puissance que je prends ou que je me | Moi, au contraire, c'est fort de ma propre puissance que je prends ou que je me | ||
donne un droit, et, vis-à-vis de toute puissance supérieure à la mienne, je suis un | donne un droit, et, vis-à-vis de toute puissance supérieure à la mienne, je suis un | ||
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avec ses « éternels droits de l'Homme »; je ne connais pas plus de droit humain que | avec ses « éternels droits de l'Homme »; je ne connais pas plus de droit humain que | ||
de droit divin. | de droit divin. | ||
Droit « en soi et pour soi » : Donc, nullement relatif à moi ! Droit ; « absolu » : | Droit « en soi et pour soi » : Donc, nullement relatif à moi ! Droit ; « absolu » : | ||
Donc, séparé de Moi ! Un être en soi et pour soi ! Un Absolu ! Un Droit éternel à côté | Donc, séparé de Moi ! Un être en soi et pour soi ! Un Absolu ! Un Droit éternel à côté | ||
d'une Vérité éternelle ! | d'une Vérité éternelle ! | ||
Le Droit, tel que le conçoivent les Libéraux, m'oblige, parce qu'il est une émanation | Le Droit, tel que le conçoivent les Libéraux, m'oblige, parce qu'il est une émanation | ||
de la Raison humaine, en face de laquelle ma raison n'est que « déraison ». C'est | de la Raison humaine, en face de laquelle ma raison n'est que « déraison ». C'est | ||
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réalité ; seules ta raison et ma raison sont réelles, de même que et parce que toi et moi | réalité ; seules ta raison et ma raison sont réelles, de même que et parce que toi et moi | ||
seuls sommes réels. | seuls sommes réels. | ||
Par son origine, le Droit est une pensée; c'est ma pensée, c'est-à-dire qu'elle a sa | Par son origine, le Droit est une pensée; c'est ma pensée, c'est-à-dire qu'elle a sa | ||
source en moi. Mais sitôt qu'elle a jailli hors de moi, sitôt le « mot » prononcé, « le | source en moi. Mais sitôt qu'elle a jailli hors de moi, sitôt le « mot » prononcé, « le | ||
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notre puissance de créateurs : la créature est plus que le créateur, elle est « en soi et | notre puissance de créateurs : la créature est plus que le créateur, elle est « en soi et | ||
pour soi » | pour soi » | ||
Ne laisse donc plus le droit vaguer en liberté, ramène-le à sa source, c'est-à-dire à | Ne laisse donc plus le droit vaguer en liberté, ramène-le à sa source, c'est-à-dire à | ||
toi, et il sera ton droit : sera juste ce qui te sera — « juste ». | toi, et il sera ton droit : sera juste ce qui te sera — « juste ». | ||
Le Droit a été attaqué sur son propre terrain et avec ses propres armes, lorsque le | Le Droit a été attaqué sur son propre terrain et avec ses propres armes, lorsque le | ||
Libéralisme a déclaré la guerre au « privilège ». | Libéralisme a déclaré la guerre au « privilège ». | ||
Privilège et égalité des droits — autour de ces deux idées se livre un combat | Privilège et égalité des droits — autour de ces deux idées se livre un combat | ||
acharné. | acharné. | ||
Mais est-il au monde une puissance, une seule, que ce soit une puissance imaginaire | Mais est-il au monde une puissance, une seule, que ce soit une puissance imaginaire | ||
comme Dieu, la Loi, etc., ou une puissance réelle comme toi et moi, devant | comme Dieu, la Loi, etc., ou une puissance réelle comme toi et moi, devant | ||
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Nègre que le plus pur des Caucasiens ; un chien même n'a pas pour toi en ce moment | Nègre que le plus pur des Caucasiens ; un chien même n'a pas pour toi en ce moment | ||
moins de valeur qu'un homme. | moins de valeur qu'un homme. | ||
Mais, inversement, est-il au monde quelqu'un qui puisse ne pas éprouver pour | Mais, inversement, est-il au monde quelqu'un qui puisse ne pas éprouver pour | ||
chacun soit une « prédilection », soit une « répulsion »? Dieu poursuit les méchants | chacun soit une « prédilection », soit une « répulsion »? Dieu poursuit les méchants | ||
de sa colère, la Loi puni celui qui sort de la légalité ; et toi-même, ta porte n'est-elle | de sa colère, la Loi puni celui qui sort de la légalité ; et toi-même, ta porte n'est-elle | ||
pas ouverte à toute heure à l'un et toujours fermée à l'autre ? | pas ouverte à toute heure à l'un et toujours fermée à l'autre ? | ||
L' « égalité » des droits n'est qu'un leurre, car droit ne signifiant ni plus ni moins | L' « égalité » des droits n'est qu'un leurre, car droit ne signifiant ni plus ni moins | ||
qu'autorisation, le droit qu'on nous reconnaît n'est qu'une faveur qu'on nous accorde. | qu'autorisation, le droit qu'on nous reconnaît n'est qu'une faveur qu'on nous accorde. | ||
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nullement contradictoires, la grâce qu'on nous fait devant être elle aussi « méritée » : | nullement contradictoires, la grâce qu'on nous fait devant être elle aussi « méritée » : | ||
nous n'accordons la faveur d'un sourire qu'à celui qui a su nous l'extorquer. | nous n'accordons la faveur d'un sourire qu'à celui qui a su nous l'extorquer. | ||
On rêve de voir mettre « tous les citoyens sur un même pied d'égalité ». Évidemment, | On rêve de voir mettre « tous les citoyens sur un même pied d'égalité ». Évidemment, | ||
en tant que citoyens, ils sont tous égaux devant l'État, mais celui-ci, suivant le | en tant que citoyens, ils sont tous égaux devant l'État, mais celui-ci, suivant le | ||
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autres ; il doit en outre distinguer encore entre eux pour séparer les bons citoyens des | autres ; il doit en outre distinguer encore entre eux pour séparer les bons citoyens des | ||
mauvais, etc. | mauvais, etc. | ||
Bruno Bauer se base, pour résoudre sa Question juive, sur l'illégitimité du « privilège | Bruno Bauer se base, pour résoudre sa Question juive, sur l'illégitimité du « privilège | ||
». Comme le Juif et le Chrétien ont chacun quelque chose que n'a pas l'autre, un | ». Comme le Juif et le Chrétien ont chacun quelque chose que n'a pas l'autre, un | ||
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cet avantage et le consacre comme un « privilège », s'interdisant par là même tout | cet avantage et le consacre comme un « privilège », s'interdisant par là même tout | ||
espoir de devenir jamais « État libre ». | espoir de devenir jamais « État libre ». | ||
Mais si l'un a quelque chose de plus que l'autre, c'est soi-même, c'est son unicité : | Mais si l'un a quelque chose de plus que l'autre, c'est soi-même, c'est son unicité : | ||
par là seulement chacun reste exceptionnel, exclusif. | par là seulement chacun reste exceptionnel, exclusif. | ||
Chacun fait de son mieux valoir sa caractéristique devant un tiers et tâche, s'il | Chacun fait de son mieux valoir sa caractéristique devant un tiers et tâche, s'il | ||
veut se le rendre favorable, de la lui faire paraître aussi attrayante que possible. | veut se le rendre favorable, de la lui faire paraître aussi attrayante que possible. | ||
Ce tiers doit-il être insensible à la différence qu'il constate entre le premier et le | Ce tiers doit-il être insensible à la différence qu'il constate entre le premier et le | ||
second ? Est-ce là ce qu'on exige de l'État libre ou de l'Humanité ? Ils devraient en ce | second ? Est-ce là ce qu'on exige de l'État libre ou de l'Humanité ? Ils devraient en ce | ||
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soit. On ne s'imagine une telle indifférence ni de la part de Dieu qui sépare les siens | soit. On ne s'imagine une telle indifférence ni de la part de Dieu qui sépare les siens | ||
des méchants, ni de la part de l'État qui distingue les bons citoyens des mauvais. | des méchants, ni de la part de l'État qui distingue les bons citoyens des mauvais. | ||
Ce qu'on cherche, pourtant, c'est précisément ce tiers qui n'accorderait plus aucun | Ce qu'on cherche, pourtant, c'est précisément ce tiers qui n'accorderait plus aucun | ||
« privilège ». Et on l'appelle état libre. Humanité ou autrement. | « privilège ». Et on l'appelle état libre. Humanité ou autrement. | ||
Les Juifs et les Chrétiens, que Bruno Bauer a foudroyés de son mépris pour leur | Les Juifs et les Chrétiens, que Bruno Bauer a foudroyés de son mépris pour leur | ||
prétention à des « prérogatives » devraient pouvoir et vouloir renoncer, par abnégation | prétention à des « prérogatives » devraient pouvoir et vouloir renoncer, par abnégation | ||
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toute religiosité juive et chrétienne. Il suffirait qu'ils cessassent de se prétendre des | toute religiosité juive et chrétienne. Il suffirait qu'ils cessassent de se prétendre des | ||
êtres « à part ». | êtres « à part ». | ||
Mais à supposer qu'ils renonçassent à leur exclusivisme, ils n'abandonneraient pas | Mais à supposer qu'ils renonçassent à leur exclusivisme, ils n'abandonneraient pas | ||
pour cela le champ de bataille où leur hostilité s'est si longtemps exercée ; ils | pour cela le champ de bataille où leur hostilité s'est si longtemps exercée ; ils | ||
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vrai, de te roidir contre moi, et d'affirmer ta particularité, ton individualité : tu n'as pas | vrai, de te roidir contre moi, et d'affirmer ta particularité, ton individualité : tu n'as pas | ||
à céder ni à te renier toi-même. | à céder ni à te renier toi-même. | ||
On prend l'antithèse dans un sens trop formel et trop restreint lorsqu'on s'attache | On prend l'antithèse dans un sens trop formel et trop restreint lorsqu'on s'attache | ||
simplement à la « résoudre » pour faire place à une « synthèse ». Il faudrait au contraire | simplement à la « résoudre » pour faire place à une « synthèse ». Il faudrait au contraire | ||
accentuer encore l'opposition. En tant que juif et chrétien, vous n'êtes pas | accentuer encore l'opposition. En tant que juif et chrétien, vous n'êtes pas | ||
encore assez radicalement opposés, vous n'êtes en désaccord qu'au sujet de la religion, | encore assez radicalement opposés, vous n'êtes en désaccord qu'au sujet de la religion, | ||
et c'est comme si vous vous querelliez pour la barbe de l'empereur ou quelque | et c'est comme si vous vous querelliez pour la barbe de l'empereur ou quelque | ||
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vous n'avez fait jusqu'à présent que dissimuler. Alors enfin l'antithèse sera résolue, | vous n'avez fait jusqu'à présent que dissimuler. Alors enfin l'antithèse sera résolue, | ||
mais pour cette seule raison qu'une plus forte l'aura absorbée. | mais pour cette seule raison qu'une plus forte l'aura absorbée. | ||
Notre faiblesse n'est pas d'être opposés aux autres, mais bien de ne pas leur être | Notre faiblesse n'est pas d'être opposés aux autres, mais bien de ne pas leur être | ||
radicalement opposés, c'est-à-dire de ne pas en être totalement distincts, ou encore de | radicalement opposés, c'est-à-dire de ne pas en être totalement distincts, ou encore de | ||
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étaient sous le même bonnet, personne, il est vrai, n'aurait plus à se découvrir devant | étaient sous le même bonnet, personne, il est vrai, n'aurait plus à se découvrir devant | ||
les autres ! | les autres ! | ||
La dernière opposition et la plus radicale, celle de l'Unique à l'Unique, est au fond | La dernière opposition et la plus radicale, celle de l'Unique à l'Unique, est au fond | ||
bien éloignée de ce qu'on entend par opposition, sans pour cela retomber dans l'unité | bien éloignée de ce qu'on entend par opposition, sans pour cela retomber dans l'unité | ||
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elle-même que dissemblance ; une dissemblance semblable, mais aux yeux seulement | elle-même que dissemblance ; une dissemblance semblable, mais aux yeux seulement | ||
de ceux qui s'amusent à faire des comparaisons. | de ceux qui s'amusent à faire des comparaisons. | ||
La polémique contre le privilège est un des traits caractéristiques du Libéralisme ; | La polémique contre le privilège est un des traits caractéristiques du Libéralisme ; | ||
il excommunie le « privilège » par dévotion pour le « Droit »; mais il doit s'en tenir à | il excommunie le « privilège » par dévotion pour le « Droit »; mais il doit s'en tenir à | ||
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présentera-t-il pas sous un tout autre aspect que ce timide combat contre le privilège | présentera-t-il pas sous un tout autre aspect que ce timide combat contre le privilège | ||
qui ne se livre que devant un juge, le « Droit », et selon l'esprit de ce juge ? | qui ne se livre que devant un juge, le « Droit », et selon l'esprit de ce juge ? | ||
Il me reste, pour finir, à rayer de mon vocabulaire ce mot Droit dont je n'ai voulu | Il me reste, pour finir, à rayer de mon vocabulaire ce mot Droit dont je n'ai voulu | ||
faire usage qu'aussi longtemps que, fouillant les entrailles de la chose, je ne pouvais | faire usage qu'aussi longtemps que, fouillant les entrailles de la chose, je ne pouvais | ||
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« mon droit » n'est plus nullement un « droit » car un droit ne peut être conféré que | « mon droit » n'est plus nullement un « droit » car un droit ne peut être conféré que | ||
par un Esprit, que cet Esprit soit celui de la nature, celui de l'espèce, de l'humanité, ou | par un Esprit, que cet Esprit soit celui de la nature, celui de l'espèce, de l'humanité, ou | ||
de Dieu, de Sa Sainteté, de Son Éminence, etc. Ce que je possède indépendamment de | de Dieu, de Sa Sainteté, de Son Éminence, etc. Ce que je possède indépendamment de | ||
la sanction de l'Esprit, je le possède sans droit, je le possède uniquement par ma | la sanction de l'Esprit, je le possède sans droit, je le possède uniquement par ma | ||
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droit, et ce ne sont pas mes droits imprescriptibles dont je m'enorgueillis ou qui me | droit, et ce ne sont pas mes droits imprescriptibles dont je m'enorgueillis ou qui me | ||
consolent. | consolent. | ||
Le Droit absolu entraîne dans sa chute les droits eux-mêmes, et avec eux s'écroule | Le Droit absolu entraîne dans sa chute les droits eux-mêmes, et avec eux s'écroule | ||
la souveraineté de l' « idée de droit ». Car il ne faut pas oublier que nous avons été | la souveraineté de l' « idée de droit ». Car il ne faut pas oublier que nous avons été | ||
jusqu'ici gouvernés par des idées, des notions, des principes, et que parmi tant de | jusqu'ici gouvernés par des idées, des notions, des principes, et que parmi tant de | ||
maîtres l'idée de droit ou l'idée de justice a joué un des principaux rôles. | maîtres l'idée de droit ou l'idée de justice a joué un des principaux rôles. | ||
Légitime ou illégitime, juste ou injuste, que m'importe ? Ce que me permet ma | Légitime ou illégitime, juste ou injuste, que m'importe ? Ce que me permet ma | ||
puissance, personne d'autre n'a besoin de me le permettre ; elle me donne la seule | puissance, personne d'autre n'a besoin de me le permettre ; elle me donne la seule | ||
autorisation qu'il me faille. Le droit est une marotte dont nous a gratifiés un fantôme ; | autorisation qu'il me faille. Le droit est une marotte dont nous a gratifiés un fantôme ; | ||
la force, c'est moi-même, moi qui suis puissant, qui suis possesseur de la puissance. | la force, c'est moi-même, moi qui suis puissant, qui suis possesseur de la puissance. | ||
Le droit est au-dessus de moi, il est absolu, il n'existe que chez un être supérieur | Le droit est au-dessus de moi, il est absolu, il n'existe que chez un être supérieur | ||
qui me l'accorde comme une faveur ; c'est une grâce que me fait le juge. La puissance | qui me l'accorde comme une faveur ; c'est une grâce que me fait le juge. La puissance | ||
et la force n'existent qu'en Moi, qui suis le Puissant et le Fort. | et la force n'existent qu'en Moi, qui suis le Puissant et le Fort. | ||
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