Différences entre les versions de « L’Unique et sa propriété - Préface du traducteur »

Aller à la navigation Aller à la recherche
aucun résumé de modification
Ligne 149 : Ligne 149 :
L'UNIQUE ET SA PROPRIÉTÉ
L'UNIQUE ET SA PROPRIÉTÉ
1845
1845


« De ceux que nous jugeons grands comme de ceux que nous aimons, avait dit
« De ceux que nous jugeons grands comme de ceux que nous aimons, avait dit
Ligne 213 : Ligne 214 :
dont il avait été arbitrairement dépouillé au profit d'un être imaginaire. Homo homini
dont il avait été arbitrairement dépouillé au profit d'un être imaginaire. Homo homini
deus est la conclusion de la philosophie de Feuerbach <ref>Essence du Christianisme, trad. fr., pp. 5, 310, 323, 376.</ref>
deus est la conclusion de la philosophie de Feuerbach <ref>Essence du Christianisme, trad. fr., pp. 5, 310, 323, 376.</ref>


On sait l'enthousiasme que souleva chez la jeunesse allemande en rébellion contre
On sait l'enthousiasme que souleva chez la jeunesse allemande en rébellion contre
Ligne 229 : Ligne 228 :
ne s'arrête que lorsqu'il a dressé sur les ruines du monde religieux et
ne s'arrête que lorsqu'il a dressé sur les ruines du monde religieux et
« hiérarchique » l'individu autonome, sans autre règle que son égoïsme.
« hiérarchique » l'individu autonome, sans autre règle que son égoïsme.
D'après Feuerbach, les attributs de l'homme jugés à à tort ou à raison les plus
D'après Feuerbach, les attributs de l'homme jugés à tort ou à raison les plus
élevés lui avaient été arrachés pour en doter un être imaginaire « supérieur » ou « suprême
élevés lui avaient été arrachés pour en doter un être imaginaire « supérieur » ou « suprême
». nommé Dieu. Mais qu'est-ce que l'Homme de Feuerbach, reprend Stirner,
» nommé Dieu. Mais qu'est-ce que l'Homme de Feuerbach, reprend Stirner,
sinon un nouvel être imaginaire formé en séparant de l'individu certains de ses
sinon un nouvel être imaginaire formé en séparant de l'individu certains de ses
attributs, et qu'est-ce que l'Homme, sinon un nouvel « être suprême »? L'Homme n'a
attributs, et qu'est-ce que l'Homme, sinon un nouvel « être suprême »? L'Homme n'a
Ligne 240 : Ligne 239 :
vous humiliez ma volonté aux pieds d'une sainteté quelconque, vous me proposez
vous humiliez ma volonté aux pieds d'une sainteté quelconque, vous me proposez
comme un devoir, une vocation, un idéal sacrés cet esprit, cette raison et cette vérité
comme un devoir, une vocation, un idéal sacrés cet esprit, cette raison et cette vérité
qui ne sont en réalité que mes instruments. « L'au-delà extérieur est balayé, mais l'audelà
qui ne sont en réalité que mes instruments. « L'au-delà extérieur est balayé, mais l'au-delà
intérieur reste et nous appelle à de nouveaux combats. » La prétendue « immanence
intérieur reste et nous appelle à de nouveaux combats. » La prétendue « immanence
» n'est qu'une forme déguisée de l'ancienne « transcendance ». Le libéralisme
» n'est qu'une forme déguisée de l'ancienne « transcendance ». Le libéralisme
Ligne 257 : Ligne 256 :
l'humain n'est qu'un des éléments constitutifs de mon individualité et est le mien, de
l'humain n'est qu'un des éléments constitutifs de mon individualité et est le mien, de
même que l'Esprit est mon esprit et que la chair est ma chair. Je suis le centre du
même que l'Esprit est mon esprit et que la chair est ma chair. Je suis le centre du
monde, et le monde (monde des choses, des hommes et des idées) n'est que ma
monde, et le monde (monde des choses, des hommes et des idées) n'est que ma
propriété, dont mon égoïsme souverain use selon, son bon plaisir et selon ses forces.
propriété, dont mon égoïsme souverain use selon, son bon plaisir et selon ses forces.
Ligne 271 : Ligne 269 :
la justice : tous en appelant à une autorité extérieure à la volonté égoïste de l'individu
la justice : tous en appelant à une autorité extérieure à la volonté égoïste de l'individu
en appellent en dernière analyse à la volonté d'un « dieu » : « Nos athées sont de
en appellent en dernière analyse à la volonté d'un « dieu » : « Nos athées sont de
pieuses gens 1. »
pieuses gens <ref>Remarquons en passant (que Stirner, qui ne connut — et assez superficiellement — que les
premiers travaux de Proudhon, répond par avance à la pensée fondamentale de sa Justice dans la
Révolution et dans l'Église et repousse toute opposition entre la justice purement humaine de la
Révolution et la radicale incapacité de justice de l'Église. La dignité humaine, source de justice de
Proudhon, vaut la dignité, source de moralité de Mill; à moins d'être un retour à la révélation, elles
sont l'une et l'autre également incapables de justifier toute idée de sanction et d'obligation; la
justice de l'une comme la morale de l'autre sont religieuses ou ne sont ni morale ni justice. Comme
le dit excellemment Guyau, la morale des utilitaires (et la justice de Proudhon est dans le même
cas) n'a jamais pu expliquer que le faire moral (la possibilité d'être amené à poser des actes
conformes à la moralité), et non le vouloir moral (la moralité); la physique des moeurs ne peut
devenir une morale que si elle en appelle inconsciemment à une « table des valeurs » religieuse. Il
n'est d'autre réfutation de la morale théologique que la suppression de la théologie —et de la
morale.</ref> ».
Si Feuerbach s'était rallié théoriquement à la « morale de l'égoïsme », ce n'avait
Si Feuerbach s'était rallié théoriquement à la « morale de l'égoïsme », ce n'avait
été de sa part qu'une inadvertance, résultant de sa polémique antireligieuse, car sa
été de sa part qu'une inadvertance, résultant de sa polémique antireligieuse, car sa
Ligne 287 : Ligne 297 :
socialistes, humanitaires, tous ces amants de la liberté n'ont jamais compris le mot «
socialistes, humanitaires, tous ces amants de la liberté n'ont jamais compris le mot «
ni dieu ni maître » : « Possesseurs d'esclaves aux rires méprisants, ils sont eux-mêmes
ni dieu ni maître » : « Possesseurs d'esclaves aux rires méprisants, ils sont eux-mêmes
— des esclaves 2. »
— des esclaves <ref>Das unwahre Prinzip unserer Eiziehung, Kl. Schriften, édit. Mackay, p. 24.</ref>
1 Remarquons en passant (que Stirner, qui ne connut — et assez superficiellement — que les
 
premiers travaux de Proudhon, répond par avance à la pensée fondamentale de sa Justice dans la
 
Révolution et dans l'Église et repousse toute opposition entre la justice purement humaine de la
Révolution et la radicale incapacité de justice de l'Église. La dignité humaine, source de justice de
Proudhon, vaut la dignité, source de moralité de Mill; à moins d'être un retour à la révélation, elles
sont l'une et l'autre également incapables de justifier toute idée de sanction et d'obligation; la
justice de l'une comme la morale de l'autre sont religieuses ou ne sont ni morale ni justice. Comme
le dit excellemment Guyau, la morale des utilitaires (et la justice de Proudhon est dans le même
cas) n'a jamais pu expliquer que le faire moral (la possibilité d'être amené à poser des actes
conformes à la moralité), et non le vouloir moral (la moralité); la physique des moeurs ne peut
devenir une morale que si elle en appelle inconsciemment à une « table des valeurs » religieuse. Il
n'est d'autre réfutation de la morale théologique que la suppression de la théologie —et de la
morale.
2 Das unwahre Prinzip unserer Eiziehung, Kl. Schriften, édit. Mackay, p. 24.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 13
*
**
Il est superflu de nous étendre longuement sur les détails de la pensée de Stirner;
Il est superflu de nous étendre longuement sur les détails de la pensée de Stirner;
une simple lecture de son livre les fera connaître mieux qu'aucune analyse. Mais toute
une simple lecture de son livre les fera connaître mieux qu'aucune analyse. Mais toute
862

modifications

Menu de navigation