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l'Unique, je n'ai rien, je ne suis qu'un métayer sur les terres de l'État, je suis un vassal,
l'Unique, je n'ai rien, je ne suis qu'un métayer sur les terres de l'État, je suis un vassal,
et par suite un serviteur. Sous la domination de l'État, aucune propriété n'est à Moi.
et par suite un serviteur. Sous la domination de l'État, aucune propriété n'est à Moi.


Je veux accroître ma valeur, je veux lever le prix de toutes les propriétés dont est
Je veux accroître ma valeur, je veux lever le prix de toutes les propriétés dont est
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à la patrie » : j'appartenais, et par suite tout ce que je nommais mien appartenait
à la patrie » : j'appartenais, et par suite tout ce que je nommais mien appartenait
à la patrie, au Peuple, à l'État.
à la patrie, au Peuple, à l'État.
On demande aux États de mettre fin au paupérisme. Autant vaudrait leur demander
On demande aux États de mettre fin au paupérisme. Autant vaudrait leur demander
de se couper la tête et de la poser à leurs pieds, car tant que l'État est un moi, le
de se couper la tête et de la poser à leurs pieds, car tant que l'État est un moi, le
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l'État, comme un « membre loyal de la Société » qu'il est ; sinon, la propriété est
l'État, comme un « membre loyal de la Société » qu'il est ; sinon, la propriété est
confisquée ou fond en procès ruineux.
confisquée ou fond en procès ruineux.
La propriété est et reste donc la propriété de l'État, sans jamais être la propriété
La propriété est et reste donc la propriété de l'État, sans jamais être la propriété
du Moi. Dire que l'État ne retire pas arbitrairement à l'individu ce que l'individu tient
du Moi. Dire que l'État ne retire pas arbitrairement à l'individu ce que l'individu tient
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mien « de par Dieu ou de par le Droit ». Mais Dieu et le Droit ne le font mien que si
mien « de par Dieu ou de par le Droit ». Mais Dieu et le Droit ne le font mien que si
— l'État ne s'y oppose pas.
— l'État ne s'y oppose pas.
En cas d'expropriation, de réquisition d'armes, etc., ou encore, par exemple, lorsque
En cas d'expropriation, de réquisition d'armes, etc., ou encore, par exemple, lorsque
le fisc recueille une succession dont les ayants droit ne se sont pas présentés dans
le fisc recueille une succession dont les ayants droit ne se sont pas présentés dans
les délais légaux, le principe, habituellement voilé, saute aux yeux de tous : le Peuple,
les délais légaux, le principe, habituellement voilé, saute aux yeux de tous : le Peuple,
« l'État », est seul propriétaire ; l'individu n'est que fermier, tenancier, vassal.
« l'État », est seul propriétaire ; l'individu n'est que fermier, tenancier, vassal.
Je voulais dire ceci : l'État ne peut se proposer de faire qu'un individu soit propriétaire
Je voulais dire ceci : l'État ne peut se proposer de faire qu'un individu soit propriétaire
dans son propre intérêt à lui, individu ; il ne peut vouloir que Je sois riche ou
dans son propre intérêt à lui, individu ; il ne peut vouloir que Je sois riche ou
même que Je possède seulement quelque aisance ; pour autant que je suis Moi, l'État
même que Je possède seulement quelque aisance ; pour autant que je suis Moi, l'État
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 206
ne peut rien me reconnaître, rien me permettre, rien m'accorder. L'État ne peut obvier
ne peut rien me reconnaître, rien me permettre, rien m'accorder. L'État ne peut obvier
au paupérisme, parce que l'indigence est mon indigence. Celui qui n'est que ce que
au paupérisme, parce que l'indigence est mon indigence. Celui qui n'est que ce que
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qu'il mérite, c'est-à-dire le salaire de ses services. Ce n'est pas lui qui se fait valoir et
qu'il mérite, c'est-à-dire le salaire de ses services. Ce n'est pas lui qui se fait valoir et
qui tire de soi-même le meilleur parti possible, c'est l'État.
qui tire de soi-même le meilleur parti possible, c'est l'État.
Ce sujet est de ceux que l'économie dite politique traite avec prédilection ; il n'est
Ce sujet est de ceux que l'économie dite politique traite avec prédilection ; il n'est
cependant pas du domaine de la « politique » et dépasse de cent coudées l'horizon de
cependant pas du domaine de la « politique » et dépasse de cent coudées l'horizon de
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que je puis être propriétaire, m'unir à la femme que j'aime et me livrer librement
que je puis être propriétaire, m'unir à la femme que j'aime et me livrer librement
à un « commerce ».
à un « commerce ».
L'État ne s'inquiète ni de Moi ni du mien, il ne se préoccupe que de soi et du sien ;
L'État ne s'inquiète ni de Moi ni du mien, il ne se préoccupe que de soi et du sien ;
si j'ai une valeur à ses yeux, ce n'est que comme « son enfant », « enfant du pays »,
si j'ai une valeur à ses yeux, ce n'est que comme « son enfant », « enfant du pays »,
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termes, son intelligence est trop courte pour me saisir. C'est ce qui explique d'ailleurs
termes, son intelligence est trop courte pour me saisir. C'est ce qui explique d'ailleurs
qu'il ne puisse rien faire pour moi.
qu'il ne puisse rien faire pour moi.
Le paupérisme est un corollaire de la non-valeur du Moi, de mon impuissance à
Le paupérisme est un corollaire de la non-valeur du Moi, de mon impuissance à
me faire valoir. Aussi État et paupérisme sont-ils deux phénomènes inséparables.
me faire valoir. Aussi État et paupérisme sont-ils deux phénomènes inséparables.
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m'exploiter, à me dépouiller, à me faire servir à quelque chose, ne fût-ce qu'à soigner
m'exploiter, à me dépouiller, à me faire servir à quelque chose, ne fût-ce qu'à soigner
une proles (prolétariat); il veut que je sois « sa créature ».
une proles (prolétariat); il veut que je sois « sa créature ».
Le paupérisme ne pourra être enrayé que du jour où ma valeur ne dépendra plus
Le paupérisme ne pourra être enrayé que du jour où ma valeur ne dépendra plus
que de moi, où je la fixerai moi-même et ferai moi-même mon prix. Si je veux me
que de moi, où je la fixerai moi-même et ferai moi-même mon prix. Si je veux me
voir en hausse, c'est à moi à me hausser et à me soulever.
voir en hausse, c'est à moi à me hausser et à me soulever.
Quoi que je fasse, que je fabrique de la farine ou du coton, ou que j'extraie à
Quoi que je fasse, que je fabrique de la farine ou du coton, ou que j'extraie à
grand-peine du sol le fer et le charbon, c'est là mon travail et je veux en tirer moimême
grand-peine du sol le fer et le charbon, c'est là mon travail et je veux en tirer moimême
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ce conflit se dénouait par un accord entre les deux parties, l'État n'y trouverait rien à
ce conflit se dénouait par un accord entre les deux parties, l'État n'y trouverait rien à
redire, car peu lui importe comment les particuliers s'arrangent entre eux, du moment
redire, car peu lui importe comment les particuliers s'arrangent entre eux, du moment
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 207
que leur entente ne lui cause aucun préjudice. Il ne se juge lésé et mis en péril que si,
que leur entente ne lui cause aucun préjudice. Il ne se juge lésé et mis en péril que si,
ne parvenant pas à trouver un terrain d'entente, les antagonistes se prennent aux
ne parvenant pas à trouver un terrain d'entente, les antagonistes se prennent aux
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les Saints, un « entremetteur ». Il sépare les hommes et s'interpose entre eux comme
les Saints, un « entremetteur ». Il sépare les hommes et s'interpose entre eux comme
« Esprit ».
« Esprit ».
Les ouvriers qui réclament une augmentation de salaire sont traités en criminels
Les ouvriers qui réclament une augmentation de salaire sont traités en criminels
dès qu'ils tentent de l'arracher de force au patron. Que doivent-ils faire ? S'ils n'usent
dès qu'ils tentent de l'arracher de force au patron. Que doivent-ils faire ? S'ils n'usent
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que l'État ne peut tolérer. Que faire donc, diront les travailleurs ? Que faire ? Vous
que l'État ne peut tolérer. Que faire donc, diront les travailleurs ? Que faire ? Vous
compter, ne compter que sur vous-mêmes et ne pas vous occuper de l'État !
compter, ne compter que sur vous-mêmes et ne pas vous occuper de l'État !
Voilà pour le travail de mes bras ; il en va de même du travail de mon cerveau.
Voilà pour le travail de mes bras ; il en va de même du travail de mon cerveau.
L'État me permet de tirer profit de toutes mes pensées et d'en faire l'objet d'un commerce
L'État me permet de tirer profit de toutes mes pensées et d'en faire l'objet d'un commerce
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fief relevant de l'État. Mes chemins doivent être ses chemins, sinon il me met à
fief relevant de l'État. Mes chemins doivent être ses chemins, sinon il me met à
l'amende, et mes pensées ses pensées, sinon il me bâillonne.
l'amende, et mes pensées ses pensées, sinon il me bâillonne.
Rien n'est plus redoutable pour l'État que la valeur du Moi ; il n'est rien dont il
Rien n'est plus redoutable pour l'État que la valeur du Moi ; il n'est rien dont il
doive plus soigneusement me tenir à l'écart que de toute occasion de m'exploiter moimême.
doive plus soigneusement me tenir à l'écart que de toute occasion de m'exploiter moimême.
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propriété de l'individu : il n'y a que des propriétés de l'État. Ce que j'ai, je ne l'ai que
propriété de l'individu : il n'y a que des propriétés de l'État. Ce que j'ai, je ne l'ai que
par l'État ; ce que je suis, je ne le suis que par lui.
par l'État ; ce que je suis, je ne le suis que par lui.
Ma propriété privée n'est que ce que l'État me concède du sien, en en frustrant
Ma propriété privée n'est que ce que l'État me concède du sien, en en frustrant
(privant) d'autres de ses membres : c'est toujours une propriété de l'État.
(privant) d'autres de ses membres : c'est toujours une propriété de l'État.
Mais quoi que fasse l'État, je sens toujours plus clairement qu'il me reste une puissance
Mais quoi que fasse l'État, je sens toujours plus clairement qu'il me reste une puissance
considérable ; j'ai un pouvoir sur moi-même, c'est-à-dire sur tout ce qui n'est et
considérable ; j'ai un pouvoir sur moi-même, c'est-à-dire sur tout ce qui n'est et
ne peut être qu'à moi et qui n'existe que parce que c'est mien.
ne peut être qu'à moi et qui n'existe que parce que c'est mien.
Que faire, quand mon chemin n'est plus le sien, quand mes pensées ne sont plus
Que faire, quand mon chemin n'est plus le sien, quand mes pensées ne sont plus
les siennes ? Passer outre, et ne compter qu'avec moi-même et sur moi-même. Ma
les siennes ? Passer outre, et ne compter qu'avec moi-même et sur moi-même. Ma
propriété réelle, celle dont je puis disposer à mon gré, dont je puis trafiquer à ma
propriété réelle, celle dont je puis disposer à mon gré, dont je puis trafiquer à ma
guise, ce sont mes pensées, qui n'ont que faire d'une sanction et qu'il m'importe peu
guise, ce sont mes pensées, qui n'ont que faire d'une sanction et qu'il m'importe peu
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 208
de voir légitimer par une destination, une autorisation ou une grâce. Étant miennes,
de voir légitimer par une destination, une autorisation ou une grâce. Étant miennes,
elles sont mes créatures, et je puis les abandonner pour d'autres ; si je les cède en
elles sont mes créatures, et je puis les abandonner pour d'autres ; si je les cède en
change d'autres, ces autres deviennent à leur tour ma propriété.
change d'autres, ces autres deviennent à leur tour ma propriété.
Qu'est-ce donc que ma propriété ? Ce qui est en ma puissance, et rien d'autre. À
Qu'est-ce donc que ma propriété ? Ce qui est en ma puissance, et rien d'autre. À
quoi suis-je légitimement autorisé ? À tout ce dont je suis capable. Je me donne le
quoi suis-je légitimement autorisé ? À tout ce dont je suis capable. Je me donne le
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termes, je deviens propriétaire de droit chaque fois que je me fais de force propriétaire
termes, je deviens propriétaire de droit chaque fois que je me fais de force propriétaire
; en me donnant le pouvoir, je me donne le titre.
; en me donnant le pouvoir, je me donne le titre.
Tant que vous. ne pouvez m'arracher mon pouvoir sur une chose, cette chose
Tant que vous. ne pouvez m'arracher mon pouvoir sur une chose, cette chose
demeure ma propriété. Eh bien, soit ! Que la force décide de la propriété, et j'attendrai
demeure ma propriété. Eh bien, soit ! Que la force décide de la propriété, et j'attendrai
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je ne verrai à ma propriété d'autre limite réelle que ma — force, unique source de
je ne verrai à ma propriété d'autre limite réelle que ma — force, unique source de
mon droit.
mon droit.
Ici, c'est à l'égoïsme, à l'intérêt personnel de décider, et non pas au principe
Ici, c'est à l'égoïsme, à l'intérêt personnel de décider, et non pas au principe
d'amour, aux raisons de sentiment telles que charité, indulgence, bienveillance ou même
d'amour, aux raisons de sentiment telles que charité, indulgence, bienveillance ou même
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quelque chose ? Se priver de quelque chose ? L'égoïste n'y songe pas ; il dit simplement
quelque chose ? Se priver de quelque chose ? L'égoïste n'y songe pas ; il dit simplement
: Ce dont j'ai besoin, il me le faut, et je l'aurai !
: Ce dont j'ai besoin, il me le faut, et je l'aurai !
Toutes les tentatives faites pour soumettre la propriété à des lois rationnelles ont
Toutes les tentatives faites pour soumettre la propriété à des lois rationnelles ont
leur source dans l'amour et aboutissent à un orageux océan de réglementations et de
leur source dans l'amour et aboutissent à un orageux océan de réglementations et de
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dont je suis victime de la part des individus propriétaires, mais le pouvoir
dont je suis victime de la part des individus propriétaires, mais le pouvoir
qu'il donne à la communauté est plus tyrannique encore.
qu'il donne à la communauté est plus tyrannique encore.
C'est par une autre voie que l'égoïsme marche vers la suppression de la misère de
C'est par une autre voie que l'égoïsme marche vers la suppression de la misère de
la plèbe. Il ne dit pas : Attends ce que l'autorité quelconque chargée de partager les
la plèbe. Il ne dit pas : Attends ce que l'autorité quelconque chargée de partager les
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 209
biens au nom de la communauté te donnera dans son équité (car c'est d'un don qu'il
biens au nom de la communauté te donnera dans son équité (car c'est d'un don qu'il
s'agit depuis toujours dans les « États », chacun y recevant selon ses mérites, c'est-àdire
s'agit depuis toujours dans les « États », chacun y recevant selon ses mérites, c'est-àdire
ses services); il dit : Mets la main sur ce dont tu as besoin, prends-le. C'est la
ses services); il dit : Mets la main sur ce dont tu as besoin, prends-le. C'est la
déclaration de guerre de tous contre tous. Moi seul suis juge de ce que je veux avoir.
déclaration de guerre de tous contre tous. Moi seul suis juge de ce que je veux avoir.
« En vérité, cette sagesse-là n'est pas nouvelle, car c'est ainsi qu'en ont de tout
« En vérité, cette sagesse-là n'est pas nouvelle, car c'est ainsi qu'en ont de tout
temps usé les égoïstes. » Peu importe que la chose ne soit pas neuve, si ce n'est que
temps usé les égoïstes. » Peu importe que la chose ne soit pas neuve, si ce n'est que
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mettre la main sur un objet, de s'en emparer, n'est nullement méprisable ; il est
mettre la main sur un objet, de s'en emparer, n'est nullement méprisable ; il est
purement le fait de l'égoïste conscient et conséquent avec lui-même.
purement le fait de l'égoïste conscient et conséquent avec lui-même.
Ce n'est que quand je n'attendrai plus ni des individus ni de la communauté ce que
Ce n'est que quand je n'attendrai plus ni des individus ni de la communauté ce que
je puis me donner moi-même que j'échapperai aux chaînes de — l'Amour ; la plèbe ne
je puis me donner moi-même que j'échapperai aux chaînes de — l'Amour ; la plèbe ne
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veulent qu'il soit respecté. On n'a pas conscience de cette « sagesse nouvelle », et c'est
veulent qu'il soit respecté. On n'a pas conscience de cette « sagesse nouvelle », et c'est
la vieille conscience du péché qui en est cause.
la vieille conscience du péché qui en est cause.
Si les hommes parviennent à perdre le respect de la propriété, chacun aura une
Si les hommes parviennent à perdre le respect de la propriété, chacun aura une
propriété, de même que tous les esclaves deviennent hommes libres dès qu'ils cessent
propriété, de même que tous les esclaves deviennent hommes libres dès qu'ils cessent
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individus, des associations égoïstes, qui auront pour effet de multiplier les moyens
individus, des associations égoïstes, qui auront pour effet de multiplier les moyens
d'action de chacun et d'affermir sa propriété sans cesse menacée.
d'action de chacun et d'affermir sa propriété sans cesse menacée.
Selon les Communistes, la communauté doit être propriétaire. C'est au contraire
Selon les Communistes, la communauté doit être propriétaire. C'est au contraire
Moi qui suis propriétaire et je ne fais que m'entendre avec d'autres au sujet de ma
Moi qui suis propriétaire et je ne fais que m'entendre avec d'autres au sujet de ma
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répond : je prends ce qu'il me faut. Si les Communistes agissent en gueux, l'Égoïste
répond : je prends ce qu'il me faut. Si les Communistes agissent en gueux, l'Égoïste
agit en propriétaire.
agit en propriétaire.
Toutes les tentatives ayant pour but le soulagement des classes misérables doivent
Toutes les tentatives ayant pour but le soulagement des classes misérables doivent
échouer si elles prennent pour principe l'Amour. C'est de l'égoïsme seul que la plèbe
échouer si elles prennent pour principe l'Amour. C'est de l'égoïsme seul que la plèbe
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crainte. « Les gens perdraient tout respect si on ne les forçait pas à avoir peur », disait
crainte. « Les gens perdraient tout respect si on ne les forçait pas à avoir peur », disait
l'Épouvantail au Chat Botté.
l'Épouvantail au Chat Botté.
La propriété ne doit et ne peut donc pas être abolie ; ce qu'il faut, c'est l'arracher
La propriété ne doit et ne peut donc pas être abolie ; ce qu'il faut, c'est l'arracher
aux fantômes pour en faire ma propriété. Alors s'évanouira cette illusion que je ne
aux fantômes pour en faire ma propriété. Alors s'évanouira cette illusion que je ne
suis pas autorisé à prendre tout ce dont j'ai besoin.
suis pas autorisé à prendre tout ce dont j'ai besoin.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 210
 
« Mais de combien de choses l'homme n'a-t-il pas besoin ! » Celui qui a besoin de
« Mais de combien de choses l'homme n'a-t-il pas besoin ! » Celui qui a besoin de
beaucoup et qui s'entend à le prendre s'est-il jamais fait faute de se l'approprier ?
beaucoup et qui s'entend à le prendre s'est-il jamais fait faute de se l'approprier ?
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Défendez votre propriété, vous serez forts ; mais si vous voulez garder la faculté de
Défendez votre propriété, vous serez forts ; mais si vous voulez garder la faculté de
donner et jouir d'autant plus de droits politiques que vous pouvez faire plus d'aumônes
donner et jouir d'autant plus de droits politiques que vous pouvez faire plus d'aumônes
(taxe des pauvres 1 ) cela durera ce que ceux que vous gratifiez de vos dons
(taxe des pauvres <ref> Le gouvernement anglais, dans un projet de loi électorale pour l'Irlande, proposa d'accorder
l'électorat à tous ceux qui payaient 5 livres sterling de taxe des pauvres. Celui qui fait l'aumône
acquiert des droits politiques !</ref>) cela durera ce que ceux que vous gratifiez de vos dons
permettront que cela dure.
permettront que cela dure.
La question de la propriété n'est pas, je crois l'avoir montré, aussi simple à résoudre
La question de la propriété n'est pas, je crois l'avoir montré, aussi simple à résoudre
que se l'imaginent les Socialistes et même les Communistes. Elle ne sera résolue
que se l'imaginent les Socialistes et même les Communistes. Elle ne sera résolue
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leur donniez, ils voudront toujours davantage, car ils ne veulent rien de moins que —
leur donniez, ils voudront toujours davantage, car ils ne veulent rien de moins que —
la suppression de tout don.
la suppression de tout don.
On demandera : Mais que se passera-t-il, quand les sans-fortune auront pris
On demandera : Mais que se passera-t-il, quand les sans-fortune auront pris
courage ? Comment s'accomplira le nivellement ? Autant vaudrait me demander de
courage ? Comment s'accomplira le nivellement ? Autant vaudrait me demander de
tirer l'horoscope d'un enfant. Ce que fera un esclave quand il aura brisé ses chaînes ?
tirer l'horoscope d'un enfant. Ce que fera un esclave quand il aura brisé ses chaînes ?
— Attendez, et vous le saurez.
— Attendez, et vous le saurez.
*
 
**
 
La concurrence est étroitement liée au principe de la bourgeoisie. Est-elle autre
La concurrence est étroitement liée au principe de la bourgeoisie. Est-elle autre
chose que l’égalité ? Et l'égalité n'est-elle pas précisément un produit de cette
chose que l’égalité ? Et l'égalité n'est-elle pas précisément un produit de cette
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entre vous, vous êtes concurrents, et la concurrence est votre, position sociale. Mais
entre vous, vous êtes concurrents, et la concurrence est votre, position sociale. Mais
devant moi, l'État, vous n'êtes que de « simples individus ».
devant moi, l'État, vous n'êtes que de « simples individus ».
1 Le gouvernement anglais, dans un projet de loi électorale pour l'Irlande, proposa d'accorder
 
l'électorat à tous ceux qui payaient 5 livres sterling de taxe des pauvres. Celui qui fait l'aumône
acquiert des droits politiques !
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 211
L'égalité, que l'on a théoriquement établie en principe entre tous les hommes,
L'égalité, que l'on a théoriquement établie en principe entre tous les hommes,
trouve sa mise en application et sa réalisation pratique dans la concurrence, car
trouve sa mise en application et sa réalisation pratique dans la concurrence, car
l'égalité * n'est que la libre concurrence. Tous sont, vis-à-vis de l'état, de — simples
l'égalité <ref>« Égalité » en français dans le texte. (Note du traducteur.)</ref> n'est que la libre concurrence. Tous sont, vis-à-vis de l'état, de — simples
particuliers, et dans la Société, c'est-à-dire vis-à-vis les uns des autres, des — concurrents.
particuliers, et dans la Société, c'est-à-dire vis-à-vis les uns des autres, des — concurrents.
Je n'ai pas à être autre chose qu'un simple particulier pour pouvoir concourir avec
Je n'ai pas à être autre chose qu'un simple particulier pour pouvoir concourir avec
tout autre homme, sauf le Prince et sa famille. Cette liberté était jadis impossible,
tout autre homme, sauf le Prince et sa famille. Cette liberté était jadis impossible,
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accorder des patentes (brevet donné à un candidat et établissant que telle profession
accorder des patentes (brevet donné à un candidat et établissant que telle profession
lui est ouverte [patente]).
lui est ouverte [patente]).
Mais la libre « concurrence » est-elle bien réellement « libre » ? Est-elle même
Mais la libre « concurrence » est-elle bien réellement « libre » ? Est-elle même
vraiment une « concurrence », c'est-à-dire un concours entre les personnes ? C'est ce
vraiment une « concurrence », c'est-à-dire un concours entre les personnes ? C'est ce
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Peut-on dire que la concurrence est « libre », quand l'État, que le principe de la
Peut-on dire que la concurrence est « libre », quand l'État, que le principe de la
bourgeoisie fait souverain, s'ingénie à la restreindre de mille façons ?
bourgeoisie fait souverain, s'ingénie à la restreindre de mille façons ?
« Voici un riche fabricant qui fait de brillantes affaires, et je voudrais lui faire la
« Voici un riche fabricant qui fait de brillantes affaires, et je voudrais lui faire la
concurrence.
concurrence.
— Fais, dit l'État, je ne vois, pour ma part, rien qui s'oppose à ce que tu le fasses.
— Fais, dit l'État, je ne vois, pour ma part, rien qui s'oppose à ce que tu le fasses.
— Oui, mais il me faudrait de la place pour mon installation, il me faudrait de
— Oui, mais il me faudrait de la place pour mon installation, il me faudrait de
l'argent !
l'argent !
— C'est regrettable, mais si tu n'as pas d'argent, tu ne peux pas songer à concourir.
— C'est regrettable, mais si tu n'as pas d'argent, tu ne peux pas songer à concourir.
Et il ne s'agit pas que tu prennes rien à personne, car je protège la propriété et
Et il ne s'agit pas que tu prennes rien à personne, car je protège la propriété et
ses privilèges. »
ses privilèges. »
La libre concurrence n'est pas « libre », parce que les moyens de concourir, les
La libre concurrence n'est pas « libre », parce que les moyens de concourir, les
choses nécessaires à la concurrence me font défaut. Contre ma personne, on n'a rien à
choses nécessaires à la concurrence me font défaut. Contre ma personne, on n'a rien à
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l'État ; le fabricant n'est pas propriétaire ; ce qu'il possède, il ne l'a qu'à titre de
l'État ; le fabricant n'est pas propriétaire ; ce qu'il possède, il ne l'a qu'à titre de
concession, de dépôt.
concession, de dépôt.
« Allons, soit ! Si je ne puis rien contre le fabricant, je m'en vais faire concurrence
« Allons, soit ! Si je ne puis rien contre le fabricant, je m'en vais faire concurrence
à ce professeur de droit ; c'est un sot et j'en sais cent fois plus que lui : je ferai déserter
à ce professeur de droit ; c'est un sot et j'en sais cent fois plus que lui : je ferai déserter
son auditoire.
son auditoire.
— As-tu fait des études, mon ami, et es-tu reçu docteur ?
— As-tu fait des études, mon ami, et es-tu reçu docteur ?
— Non, mais à quoi bon ? Je possède largement les connaissances nécessaires à
— Non, mais à quoi bon ? Je possède largement les connaissances nécessaires à
cet enseignement.
cet enseignement.
* « Égalité » en français dans le texte. (Note du traducteur.)
 
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 212
— J'en suis fâché, mais ici la concurrence n'est pas « libre ». Contre ta personne,
— J'en suis fâché, mais ici la concurrence n'est pas « libre ». Contre ta personne,
il n'y a rien à dire, mais la chose essentielle te manque : le diplôme de docteur. Et ce
il n'y a rien à dire, mais la chose essentielle te manque : le diplôme de docteur. Et ce
diplôme, moi, l'État, je l'exige ! Demande-le-moi d'abord bien gentiment, et nous
diplôme, moi, l'État, je l'exige ! Demande-le-moi d'abord bien gentiment, et nous
verrons ensuite ce qu'il y a à faire. »
verrons ensuite ce qu'il y a à faire. »
Voilà à quoi se réduit la « liberté » de la concurrence. Il faut que l'État, mon
Voilà à quoi se réduit la « liberté » de la concurrence. Il faut que l'État, mon
seigneur et maître, me confère l'aptitude à concourir.
seigneur et maître, me confère l'aptitude à concourir.
Mais aussi, sont-ce bien en réalité les personnes qui concourent ? Non, encore une
Mais aussi, sont-ce bien en réalité les personnes qui concourent ? Non, encore une
fois, ce sont les choses ! L'argent en première ligne, etc.
fois, ce sont les choses ! L'argent en première ligne, etc.
Dans la lutte, il y aura toujours des vaincus (ainsi le poète médiocre devra céder la
Dans la lutte, il y aura toujours des vaincus (ainsi le poète médiocre devra céder la
palme, etc.). Mais ce qu'il importe de distinguer, c'est d'abord si les moyens qui font
palme, etc.). Mais ce qu'il importe de distinguer, c'est d'abord si les moyens qui font
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que j'attende l'autorisation de l'État pour avoir les moyens ou les mettre en oeuvre
que j'attende l'autorisation de l'État pour avoir les moyens ou les mettre en oeuvre
(comme c'est le cas, par exemple, lorsqu'il s'agit d'un diplôme), ces moyens sont une
(comme c'est le cas, par exemple, lorsqu'il s'agit d'un diplôme), ces moyens sont une
grâce que l'État m'accorde 1.
grâce que l'État m'accorde <ref>Dans les collèges, les universités, etc., on voit des pauvres concourir avec des riches. Mais cela ne leur est en général possible que grâce à des bourses, qui —cela est significatif — ont pour la
plupart été fondées à une époque où la libre concurrence était encore loin d'être admise en
principe. Le principe de la concurrence ne fonde pas de bourses d'études, mais il signifie : Aide-toi
toi-même, c'est-à-dire procure-toi les moyens. Ce que l'État dépense dans ce but n'est qu'un
placement à intérêt, destiné à lui procurer des « serviteurs ».</ref>.
 
Tel est, au fond, le sens de la libre concurrence : l'État considère tous les hommes
Tel est, au fond, le sens de la libre concurrence : l'État considère tous les hommes
comme ses enfants et comme égaux ; libre à chacun de faire tout son possible pour
comme ses enfants et comme égaux ; libre à chacun de faire tout son possible pour
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la poursuite de la fortune, des biens (argent, emplois, titres, etc.), en un mot des
la poursuite de la fortune, des biens (argent, emplois, titres, etc.), en un mot des
moyens matériels.
moyens matériels.
Au sens bourgeois, tout homme possède, chacun est « propriétaire ». Comment se
Au sens bourgeois, tout homme possède, chacun est « propriétaire ». Comment se
fait-il donc que la plupart n'aient pour ainsi dire rien ? Cela vient de ce que la plupart
fait-il donc que la plupart n'aient pour ainsi dire rien ? Cela vient de ce que la plupart
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conservant au sujet de cette quotité la plus grande latitude, se jeta à corps perdu dans
conservant au sujet de cette quotité la plus grande latitude, se jeta à corps perdu dans
la concurrence.
la concurrence.
Fatalement, l'égoïsme heureux devait porter ombrage à celui qui était moins favorisé
Fatalement, l'égoïsme heureux devait porter ombrage à celui qui était moins favorisé
; ce dernier, s'appuyant toujours sur le principe de l'humanité, souleva la question
; ce dernier, s'appuyant toujours sur le principe de l'humanité, souleva la question
du quotient de répartition des biens sociaux et la résolut ainsi : « L'homme doit avoir
du quotient de répartition des biens sociaux et la résolut ainsi : « L'homme doit avoir
autant qu'il lui est nécessaire. »
autant qu'il lui est nécessaire. »
1 Dans les collèges, les universités, etc., on voit des pauvres concourir avec des riches. Mais cela ne
 
leur est en général possible que grâce à des bourses, qui —cela est significatif — ont pour la
plupart été fondées à une époque où la libre concurrence était encore loin d'être admise en
principe. Le principe de la concurrence ne fonde pas de bourses d'études, mais il signifie : Aide-toi
toi-même, c'est-à-dire procure-toi les moyens. Ce que l'État dépense dans ce but n'est qu'un
placement à intérêt, destiné à lui procurer des « serviteurs ».
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 213
Mais mon égoïsme pourra-t-il se contenter de cela ? Les besoins de l' « Homme »
Mais mon égoïsme pourra-t-il se contenter de cela ? Les besoins de l' « Homme »
ne sont nullement une mesure applicable à moi et à mes besoins ; car je puis avoir
ne sont nullement une mesure applicable à moi et à mes besoins ; car je puis avoir
besoin de plus ou de moins. Non, je dois avoir autant que je suis capable de m'approprier.
besoin de plus ou de moins. Non, je dois avoir autant que je suis capable de m'approprier.
Chacun n'a pas à sa disposition les moyens de concourir, parce que ces moyens (et
Chacun n'a pas à sa disposition les moyens de concourir, parce que ces moyens (et
c'est là le vice fondamental de la concurrence) ne dépendent pas de la personne, mais
c'est là le vice fondamental de la concurrence) ne dépendent pas de la personne, mais
de circonstances tout à fait indépendantes de cette dernière. La plupart des hommes
de circonstances tout à fait indépendantes de cette dernière. La plupart des hommes
sont dépourvus de ces instruments et, par suite, des biens qu'ils pourraient en tirer.
sont dépourvus de ces instruments et, par suite, des biens qu'ils pourraient en tirer.
Aussi les Socialistes réclament-ils pour tous les hommes les instruments et
Aussi les Socialistes réclament-ils pour tous les hommes les instruments et
préparent-ils une société qui fournira à tous ces instruments. Nous ne reconnaissons
préparent-ils une société qui fournira à tous ces instruments. Nous ne reconnaissons
plus, disent-ils, tes richesses (avoir) comme ta richesse (pouvoir) *. Tu auras à te créer
plus, disent-ils, tes richesses (avoir) comme ta richesse (pouvoir) <ref>Le mot allemand Vermögen a un sens très étendu et signifie, suivant les cas : force, puissance,
faculté, MOYEN, RICHESSE, fortune ou pécule. Nous le traduirons par richesse, en priant le
lecteur de bien vouloir se rappeler que nous entendons par ce mot la richesse « instrument de
production » et non « résultat de production ». C'est d'ailleurs le sens étymologique du mot
français, qui, par sa racine germanique rik ou reich, signifie « puissance ». « Richesse, c'est
pouvoir », disait Hobbes.(Note du Traducteur.)</ref>. Tu auras à te créer
une autre richesse, à te pourvoir d'autres moyens d'action, qui seront ta force de travail.
une autre richesse, à te pourvoir d'autres moyens d'action, qui seront ta force de travail.
Sous l'homme en possession d'un avoir, sous le « possesseur », nous apercevons
Sous l'homme en possession d'un avoir, sous le « possesseur », nous apercevons
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« propriétaire ». Mais il faut bien te dire que tu ne détiens les choses qu'en
« propriétaire ». Mais il faut bien te dire que tu ne détiens les choses qu'en
attendant que tu sois « exproprié ».
attendant que tu sois « exproprié ».
Celui qui possède est riche, mais pour autant seulement que les autres ne le sont
Celui qui possède est riche, mais pour autant seulement que les autres ne le sont
pas. Et comme ta marchandise ne forme ta richesse qu'aussi longtemps que tu es capable
pas. Et comme ta marchandise ne forme ta richesse qu'aussi longtemps que tu es capable
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pas de pouvoir sur elle, il faudra bien que tu cherches à te procurer d'autres moyens
pas de pouvoir sur elle, il faudra bien que tu cherches à te procurer d'autres moyens
d'action, car notre puissance l'emporte aujourd’hui sur ta prétendue richesse.
d'action, car notre puissance l'emporte aujourd’hui sur ta prétendue richesse.
Parvenir à être considéré comme possesseur réalisait déjà un progrès énorme. Le
Parvenir à être considéré comme possesseur réalisait déjà un progrès énorme. Le
servage disparaissait et l'homme, qui jusque-là avait dû la corvée à son seigneur et
servage disparaissait et l'homme, qui jusque-là avait dû la corvée à son seigneur et
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ton travail qui est ta richesse. Tu n'es plus, désormais, maître et possesseur que de ce
ton travail qui est ta richesse. Tu n'es plus, désormais, maître et possesseur que de ce
qui naît de ton travail, et non plus de ce que peut te donner un héritage.
qui naît de ton travail, et non plus de ce que peut te donner un héritage.
En attendant, comme il n'existe pas de possession qui n'ait à sa source l'héritage,
En attendant, comme il n'existe pas de possession qui n'ait à sa source l'héritage,
comme tous les sous qui forment ton avoir sont à l'effigie de l'hérédité et non à
comme tous les sous qui forment ton avoir sont à l'effigie de l'hérédité et non à
l'effigie du travail, il faut que tout soit refondu au creuset commun.
l'effigie du travail, il faut que tout soit refondu au creuset commun.
Mais est-il bien vrai, comme le pensent les Communistes, que ma richesse ne consiste
Mais est-il bien vrai, comme le pensent les Communistes, que ma richesse ne consiste
que dans mon travail ? Ne consiste-t-elle pas plutôt en tout ce dont je suis capable
que dans mon travail ? Ne consiste-t-elle pas plutôt en tout ce dont je suis capable
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impropres au travail. Ceux-ci sont encore capables de bien des choses, ne fût-ce que
impropres au travail. Ceux-ci sont encore capables de bien des choses, ne fût-ce que
de conserver leur vie au lieu de se l'ôter. Et s'ils sont capables de vous faire désirer
de conserver leur vie au lieu de se l'ôter. Et s'ils sont capables de vous faire désirer
* Le mot allemand Vermögen a un sens très étendu et signifie, suivant les cas : force, puissance,
faculté, MOYEN, RICHESSE, fortune ou pécule. Nous le traduirons par richesse, en priant le
lecteur de bien vouloir se rappeler que nous entendons par ce mot la richesse « instrument de
production » et non « résultat de production ». C'est d'ailleurs le sens étymologique du mot
français, qui, par sa racine germanique rik ou reich, signifie « puissance ». « Richesse, c'est
pouvoir », disait Hobbes.(Note du Traducteur.)
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 214
leur conservation, c'est qu'ils possèdent un pouvoir sur vous. À celui qui n'exercerait
leur conservation, c'est qu'ils possèdent un pouvoir sur vous. À celui qui n'exercerait
absolument aucun pouvoir sur vous, vous n'accorderiez rien, il n'aurait plus qu'à
absolument aucun pouvoir sur vous, vous n'accorderiez rien, il n'aurait plus qu'à
disparaître.
disparaître.
Ainsi, ta richesse consiste en tout ce dont tu es capable ! Si tu es capable de procurer
Ainsi, ta richesse consiste en tout ce dont tu es capable ! Si tu es capable de procurer
un plaisir à des milliers d'hommes, ces milliers d'hommes te donneront des
un plaisir à des milliers d'hommes, ces milliers d'hommes te donneront des
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oblige à acheter ton travail. Mais si tu n'es capable d'intéresser personne à toi, tu es
oblige à acheter ton travail. Mais si tu n'es capable d'intéresser personne à toi, tu es
tout juste capable de disparaître.
tout juste capable de disparaître.
Ne dois-je donc pas, moi qui suis capable de beaucoup, avoir l'avantage sur ceux
Ne dois-je donc pas, moi qui suis capable de beaucoup, avoir l'avantage sur ceux
qui peuvent moins ? Nous voici attablés devant l'abondance : vais-je m'abstenir de me
qui peuvent moins ? Nous voici attablés devant l'abondance : vais-je m'abstenir de me
servir de mon mieux et attendre ce qui me reviendra d'un partage égal ?
servir de mon mieux et attendre ce qui me reviendra d'un partage égal ?
Contre la concurrence se dresse le principe de la Société des gueux, le principe du
Contre la concurrence se dresse le principe de la Société des gueux, le principe du
partage égal.
partage égal.
L'individu ne supporte pas de n'être considéré que comme une fraction, un tantième
L'individu ne supporte pas de n'être considéré que comme une fraction, un tantième
de la société, parce qu'il est plus que cela ; son unicité s'insurge contre cette
de la société, parce qu'il est plus que cela ; son unicité s'insurge contre cette
conception qui le diminue et le rabaisse.
conception qui le diminue et le rabaisse.
Aussi n'admet-il pas que les autres lui adjugent sa part ; déjà, dans la Société des
Aussi n'admet-il pas que les autres lui adjugent sa part ; déjà, dans la Société des
travailleurs, il soupçonne que le partage égal aura pour effet de dépouiller le fort au
travailleurs, il soupçonne que le partage égal aura pour effet de dépouiller le fort au
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toi, père, ne te refuses-tu pas bien des choses pour qu'il ne manque de rien ? Il vous
toi, père, ne te refuses-tu pas bien des choses pour qu'il ne manque de rien ? Il vous
contraint, et par cela même il possède ce que vous croyez à vous.
contraint, et par cela même il possède ce que vous croyez à vous.
Si je tiens à ta personne, ta seule existence a déjà pour moi une valeur ; si je n'ai
Si je tiens à ta personne, ta seule existence a déjà pour moi une valeur ; si je n'ai
besoin que d'une de tes facultés, c'est ta complaisance ou ton assistance qui ont un
besoin que d'une de tes facultés, c'est ta complaisance ou ton assistance qui ont un
prix à mes yeux. et que j'achète.
prix à mes yeux. et que j'achète.
Il se peut aussi que tu ne saches prendre à mon estimation qu'une valeur en
Il se peut aussi que tu ne saches prendre à mon estimation qu'une valeur en
argent : c'était le cas des citoyens allemands vendus à beaux deniers et expédiés en
argent : c'était le cas des citoyens allemands vendus à beaux deniers et expédiés en
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Comment leur aurait-il témoigné une estime qu'il ne ressentait pas, qu'il pouvait à
Comment leur aurait-il témoigné une estime qu'il ne ressentait pas, qu'il pouvait à
peine ressentir pour un pareil bétail ?
peine ressentir pour un pareil bétail ?
La pratique égoïste consiste à ne considérer les autres ni comme des propriétaires
La pratique égoïste consiste à ne considérer les autres ni comme des propriétaires
ni comme des gueux ou des travailleurs, mais à voir en eux une partie de votre richesse,
ni comme des gueux ou des travailleurs, mais à voir en eux une partie de votre richesse,
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