Différences entre les versions de « Max Stirner:A. Ma puissance »

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souffre de faire des victimes, mais l'expérience lui a appris que cette dureté est le seul
souffre de faire des victimes, mais l'expérience lui a appris que cette dureté est le seul
salut. Il est des maladies qu'on ne peut guérir que par l'emploi de remèdes héroïques.
salut. Il est des maladies qu'on ne peut guérir que par l'emploi de remèdes héroïques.
Le médecin qui, ayant reconnu une de ces maladies, ne recourt qu'à un palliatif
Le médecin qui, ayant reconnu une de ces maladies, ne recourt qu'à un palliatif
anodin ne la guérira jamais et laissera mourir son patient après de plus ou moins
anodin ne la guérira jamais et laissera mourir son patient après de plus ou moins
longues souffrances ! » C'est parfait, mais je n'en dirai pas autant de la question de
longues souffrances ! » C'est parfait, mais je n'en dirai pas autant de la question de
Mme la Conseillère * : « Est-ce guérir que d'employer la mort comme moyen curatif ?
Mme la Conseillère <ref>Die Frau Rath, ta Conseillère Goethe (la mère du poète), est le personnage principal du livre
d'Elisabeth von Arnim. (Note du Traducteur.)</ref>: « Est-ce guérir que d'employer la mort comme moyen curatif ?
Eh ! chère madame, ce n'est pas à lui-même que l'État donne la mort, mais à un
Eh ! chère madame, ce n'est pas à lui-même que l'État donne la mort, mais à un
membre gangrené ! Il arrache l'oeil qui le scandalise, etc.
membre gangrené ! Il arrache l'oeil qui le scandalise, etc.
« La seule voie de salut pour l'État malade est de faire prospérer en lui-même
« La seule voie de salut pour l'État malade est de faire prospérer en lui-même
l'homme 1 » Si, comme le fait Bettina, on entend ici par l'homme l'idée « Homme »,
l'homme <ref>Ibid., p. 385.</ref>» Si, comme le fait Bettina, on entend ici par l'homme l'idée « Homme »,
elle a raison : l'État « malade » guérira à mesure que l’« Homme » sera plus florissant,
elle a raison : l'État « malade » guérira à mesure que l’« Homme » sera plus florissant,
car plus les individus sont possédés de l'« Homme », plus l'État s'affermit.
car plus les individus sont possédés de l'« Homme », plus l'État s'affermit.
Mais si par l'homme on entend l'individu, la foule des unités humaines (et c'est
Mais si par l'homme on entend l'individu, la foule des unités humaines (et c'est
vers ce sens-là que l'auteur incline peu à peu, parce qu'elle n'a pas clairement défini
vers ce sens-là que l'auteur incline peu à peu, parce qu'elle n'a pas clairement défini
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bande de brigands, périrait ; comme elle s'en doute, elle juge préférable de fusiller
bande de brigands, périrait ; comme elle s'en doute, elle juge préférable de fusiller
celui de ses membres qui trahit quelques velléités de rentrer dans « le droit chemin ».
celui de ses membres qui trahit quelques velléités de rentrer dans « le droit chemin ».
Bettina, dans ce livre, est patriote et même philanthrope ; elle a en vue le bonheur
Bettina, dans ce livre, est patriote et même philanthrope ; elle a en vue le bonheur
des hommes. Elle est aussi mécontente de l'ordre établi que son héroïne l'est de tous
des hommes. Elle est aussi mécontente de l'ordre établi que son héroïne l'est de tous
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de la diplomatie, tandis que ceux-ci font ce reproche aux méchants, aux « séducteurs
de la diplomatie, tandis que ceux-ci font ce reproche aux méchants, aux « séducteurs
du peuple ».
du peuple ».
Qu'est-ce que le criminel de droit commun ? C'est celui qui commet l'erreur fatale
Qu'est-ce que le criminel de droit commun ? C'est celui qui commet l'erreur fatale
de toucher à ce qui est au peuple au lieu de chercher ce qui est à lui. Il a convoité le
de toucher à ce qui est au peuple au lieu de chercher ce qui est à lui. Il a convoité le
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se mesure la valeur d'un homme. Ah ! si vous étiez coupables ! Mais non vous êtes
se mesure la valeur d'un homme. Ah ! si vous étiez coupables ! Mais non vous êtes
des « justes ». Eh bien ! — tâchez que votre maître soit content de vous !
des « justes ». Eh bien ! — tâchez que votre maître soit content de vous !
* Die Frau Rath, ta Conseillère Goethe (la mère du poète), est le personnage principal du livre
 
d'Elisabeth von Arnim. (Note du Traducteur.)
1 Ibid., p. 385.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 171
Dans un code criminel rédigé par la conscience chrétienne ou par l'homme selon
Dans un code criminel rédigé par la conscience chrétienne ou par l'homme selon
le Christ, la notion de crime est intimement liée à celle de — manque de coeur et ne
le Christ, la notion de crime est intimement liée à celle de — manque de coeur et ne
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de châtiment. Le maître a droit à l'amour de chacun de ses sujets ; renier cet amour est
de châtiment. Le maître a droit à l'amour de chacun de ses sujets ; renier cet amour est
un crime de haute trahison qui mérite la mort.
un crime de haute trahison qui mérite la mort.
L'adultère est un manque de coeur punissable ; il faut pour le commettre n'avoir
L'adultère est un manque de coeur punissable ; il faut pour le commettre n'avoir
pas de coeur, n'avoir ni enthousiasme ni pathos pour la sainteté du mariage. Tant que
pas de coeur, n'avoir ni enthousiasme ni pathos pour la sainteté du mariage. Tant que
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rompt avec ces exigences du coeur se fait des ennemis de tous les hommes moraux, de
rompt avec ces exigences du coeur se fait des ennemis de tous les hommes moraux, de
tous les hommes de sentiment.
tous les hommes de sentiment.
Les Krummacher et consorts sont les gens qu'il faut pour rédiger un code pénal du
Les Krummacher et consorts sont les gens qu'il faut pour rédiger un code pénal du
coeur et lui donner de l'homogénéité ; un certain projet de loi en témoigne. Pour être
coeur et lui donner de l'homogénéité ; un certain projet de loi en témoigne. Pour être
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critique et du doute sera frappée d'anathème ; alors enfin l'individu sera convaincu
critique et du doute sera frappée d'anathème ; alors enfin l'individu sera convaincu
devant le tribunal de la conscience chrétienne d'être foncièrement — criminel.
devant le tribunal de la conscience chrétienne d'être foncièrement — criminel.
Les hommes de la Révolution ont souvent parlé des « justes représailles » du
Les hommes de la Révolution ont souvent parlé des « justes représailles » du
peuple comme de son « droit ». Ici vengeance et droit se confondent. Est-ce là le
peuple comme de son « droit ». Ici vengeance et droit se confondent. Est-ce là le
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sous peine de n'être qu' « un pécheur et un criminel ». Et le « coupable » tombe sous
sous peine de n'être qu' « un pécheur et un criminel ». Et le « coupable » tombe sous
le « coup de la loi ».
le « coup de la loi ».
Il appert que c'est de nouveau l'« Homme » qui engendre les concepts de crime,
Il appert que c'est de nouveau l'« Homme » qui engendre les concepts de crime,
de péché et, par suite, de droit. Un homme en qui je ne reconnais pas l'Homme est un
de péché et, par suite, de droit. Un homme en qui je ne reconnais pas l'Homme est un
« pécheur », un « coupable ».
« pécheur », un « coupable ».
On ne peut être criminel qu'envers quelque chose de sacré. Envers Moi, tu ne
On ne peut être criminel qu'envers quelque chose de sacré. Envers Moi, tu ne
seras jamais criminel, tu ne peux être que mon adversaire. Mais il y a déjà crime à ne
seras jamais criminel, tu ne peux être que mon adversaire. Mais il y a déjà crime à ne
point haïr celui qui offense une chose sacrée, l'apostrophe de Saint-Just à Danton en
point haïr celui qui offense une chose sacrée, l'apostrophe de Saint-Just à Danton en
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 172
témoigne : « N'es-tu point criminel et responsable de n'avoir pas haï les ennemis de la
témoigne : « N'es-tu point criminel et responsable de n'avoir pas haï les ennemis de la
patrie ? »
patrie ? »
Si l'on adopte l'idée de la Révolution et si l'on entend par « Homme » le « bon
Si l'on adopte l'idée de la Révolution et si l'on entend par « Homme » le « bon
citoyen », de cette conception de l'Homme vont découler tous les « délits et crimes
citoyen », de cette conception de l'Homme vont découler tous les « délits et crimes
politiques ».
politiques ».
En tout cela, c'est l'Individu, l'homme individuel qui passe pour le monstre, tandis
En tout cela, c'est l'Individu, l'homme individuel qui passe pour le monstre, tandis
que l'homme abstrait est décoré du titre d'« Homme ». Quelque nom qu'on donne à ce
que l'homme abstrait est décoré du titre d'« Homme ». Quelque nom qu'on donne à ce
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patriote, etc., devant l' « Homme » victorieux tombent aussi bien ceux qui voudraient
patriote, etc., devant l' « Homme » victorieux tombent aussi bien ceux qui voudraient
réaliser une conception différente de l'Homme que ceux qui veulent se réaliser euxmêmes.
réaliser une conception différente de l'Homme que ceux qui veulent se réaliser euxmêmes.
Et avec quelle onction on se coupe la gorge au nom de la loi, du peuple souverain,
Et avec quelle onction on se coupe la gorge au nom de la loi, du peuple souverain,
de Dieu, etc.!
de Dieu, etc.!
Lorsque les persécutés ont recours à la ruse pour échapper à la sévérité de leurs
Lorsque les persécutés ont recours à la ruse pour échapper à la sévérité de leurs
cafards de juges, on les accuse d' « hypocrisie »; c'est, par exemple, le reproche que
cafards de juges, on les accuse d' « hypocrisie »; c'est, par exemple, le reproche que
fait Saint-Just à ceux qu'il accuse dans son discours contre Danton. On doit être un
fait Saint-Just à ceux qu'il accuse dans son discours contre Danton. On doit être un
fou et se livrer à leur Moloch.
fou et se livrer à leur Moloch.
Les crimes ont leur source dans les idées fixes. La sainteté du mariage est une idée
Les crimes ont leur source dans les idées fixes. La sainteté du mariage est une idée
fixe. De ce que la foi conjugale est sacrée, il s'ensuit que la trahir est criminel; et, en
fixe. De ce que la foi conjugale est sacrée, il s'ensuit que la trahir est criminel; et, en
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peine comme un crime contre la liberté, et ce n'est qu'à ce point de vue que l'opinion
peine comme un crime contre la liberté, et ce n'est qu'à ce point de vue que l'opinion
publique réprouve la loi en question.
publique réprouve la loi en question.
La Société veut, il est vrai, que chacun obtienne son droit, mais ce droit n'est que
La Société veut, il est vrai, que chacun obtienne son droit, mais ce droit n'est que
celui que la Société a sanctionné, c'est le droit de la Société et non de chacun.
celui que la Société a sanctionné, c'est le droit de la Société et non de chacun.
Moi, au contraire, c'est fort de ma propre puissance que je prends ou que je me
Moi, au contraire, c'est fort de ma propre puissance que je prends ou que je me
donne un droit, et, vis-à-vis de toute puissance supérieure à la mienne, je suis un
donne un droit, et, vis-à-vis de toute puissance supérieure à la mienne, je suis un
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avec ses « éternels droits de l'Homme »; je ne connais pas plus de droit humain que
avec ses « éternels droits de l'Homme »; je ne connais pas plus de droit humain que
de droit divin.
de droit divin.
Droit « en soi et pour soi » : Donc, nullement relatif à moi ! Droit ; « absolu » :
Droit « en soi et pour soi » : Donc, nullement relatif à moi ! Droit ; « absolu » :
Donc, séparé de Moi ! Un être en soi et pour soi ! Un Absolu ! Un Droit éternel à côté
Donc, séparé de Moi ! Un être en soi et pour soi ! Un Absolu ! Un Droit éternel à côté
d'une Vérité éternelle !
d'une Vérité éternelle !
Le Droit, tel que le conçoivent les Libéraux, m'oblige, parce qu'il est une émanation
Le Droit, tel que le conçoivent les Libéraux, m'oblige, parce qu'il est une émanation
de la Raison humaine, en face de laquelle ma raison n'est que « déraison ». C'est
de la Raison humaine, en face de laquelle ma raison n'est que « déraison ». C'est
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réalité ; seules ta raison et ma raison sont réelles, de même que et parce que toi et moi
réalité ; seules ta raison et ma raison sont réelles, de même que et parce que toi et moi
seuls sommes réels.
seuls sommes réels.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 173
 
Par son origine, le Droit est une pensée; c'est ma pensée, c'est-à-dire qu'elle a sa
Par son origine, le Droit est une pensée; c'est ma pensée, c'est-à-dire qu'elle a sa
source en moi. Mais sitôt qu'elle a jailli hors de moi, sitôt le « mot » prononcé, « le
source en moi. Mais sitôt qu'elle a jailli hors de moi, sitôt le « mot » prononcé, « le
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notre puissance de créateurs : la créature est plus que le créateur, elle est « en soi et
notre puissance de créateurs : la créature est plus que le créateur, elle est « en soi et
pour soi »
pour soi »
Ne laisse donc plus le droit vaguer en liberté, ramène-le à sa source, c'est-à-dire à
Ne laisse donc plus le droit vaguer en liberté, ramène-le à sa source, c'est-à-dire à
toi, et il sera ton droit : sera juste ce qui te sera — « juste ».
toi, et il sera ton droit : sera juste ce qui te sera — « juste ».
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Le Droit a été attaqué sur son propre terrain et avec ses propres armes, lorsque le
Le Droit a été attaqué sur son propre terrain et avec ses propres armes, lorsque le
Libéralisme a déclaré la guerre au « privilège ».
Libéralisme a déclaré la guerre au « privilège ».
Privilège et égalité des droits — autour de ces deux idées se livre un combat
Privilège et égalité des droits — autour de ces deux idées se livre un combat
acharné.
acharné.
Mais est-il au monde une puissance, une seule, que ce soit une puissance imaginaire
Mais est-il au monde une puissance, une seule, que ce soit une puissance imaginaire
comme Dieu, la Loi, etc., ou une puissance réelle comme toi et moi, devant
comme Dieu, la Loi, etc., ou une puissance réelle comme toi et moi, devant
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Nègre que le plus pur des Caucasiens ; un chien même n'a pas pour toi en ce moment
Nègre que le plus pur des Caucasiens ; un chien même n'a pas pour toi en ce moment
moins de valeur qu'un homme.
moins de valeur qu'un homme.
Mais, inversement, est-il au monde quelqu'un qui puisse ne pas éprouver pour
Mais, inversement, est-il au monde quelqu'un qui puisse ne pas éprouver pour
chacun soit une « prédilection », soit une « répulsion »? Dieu poursuit les méchants
chacun soit une « prédilection », soit une « répulsion »? Dieu poursuit les méchants
de sa colère, la Loi puni celui qui sort de la légalité ; et toi-même, ta porte n'est-elle
de sa colère, la Loi puni celui qui sort de la légalité ; et toi-même, ta porte n'est-elle
pas ouverte à toute heure à l'un et toujours fermée à l'autre ?
pas ouverte à toute heure à l'un et toujours fermée à l'autre ?
L' « égalité » des droits n'est qu'un leurre, car droit ne signifiant ni plus ni moins
L' « égalité » des droits n'est qu'un leurre, car droit ne signifiant ni plus ni moins
qu'autorisation, le droit qu'on nous reconnaît n'est qu'une faveur qu'on nous accorde.
qu'autorisation, le droit qu'on nous reconnaît n'est qu'une faveur qu'on nous accorde.
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nullement contradictoires, la grâce qu'on nous fait devant être elle aussi « méritée » :
nullement contradictoires, la grâce qu'on nous fait devant être elle aussi « méritée » :
nous n'accordons la faveur d'un sourire qu'à celui qui a su nous l'extorquer.
nous n'accordons la faveur d'un sourire qu'à celui qui a su nous l'extorquer.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 174
 
On rêve de voir mettre « tous les citoyens sur un même pied d'égalité ». Évidemment,
On rêve de voir mettre « tous les citoyens sur un même pied d'égalité ». Évidemment,
en tant que citoyens, ils sont tous égaux devant l'État, mais celui-ci, suivant le
en tant que citoyens, ils sont tous égaux devant l'État, mais celui-ci, suivant le
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autres ; il doit en outre distinguer encore entre eux pour séparer les bons citoyens des
autres ; il doit en outre distinguer encore entre eux pour séparer les bons citoyens des
mauvais, etc.
mauvais, etc.
Bruno Bauer se base, pour résoudre sa Question juive, sur l'illégitimité du « privilège
Bruno Bauer se base, pour résoudre sa Question juive, sur l'illégitimité du « privilège
». Comme le Juif et le Chrétien ont chacun quelque chose que n'a pas l'autre, un
». Comme le Juif et le Chrétien ont chacun quelque chose que n'a pas l'autre, un
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cet avantage et le consacre comme un « privilège », s'interdisant par là même tout
cet avantage et le consacre comme un « privilège », s'interdisant par là même tout
espoir de devenir jamais « État libre ».
espoir de devenir jamais « État libre ».
Mais si l'un a quelque chose de plus que l'autre, c'est soi-même, c'est son unicité :
Mais si l'un a quelque chose de plus que l'autre, c'est soi-même, c'est son unicité :
par là seulement chacun reste exceptionnel, exclusif.
par là seulement chacun reste exceptionnel, exclusif.
Chacun fait de son mieux valoir sa caractéristique devant un tiers et tâche, s'il
Chacun fait de son mieux valoir sa caractéristique devant un tiers et tâche, s'il
veut se le rendre favorable, de la lui faire paraître aussi attrayante que possible.
veut se le rendre favorable, de la lui faire paraître aussi attrayante que possible.
Ce tiers doit-il être insensible à la différence qu'il constate entre le premier et le
Ce tiers doit-il être insensible à la différence qu'il constate entre le premier et le
second ? Est-ce là ce qu'on exige de l'État libre ou de l'Humanité ? Ils devraient en ce
second ? Est-ce là ce qu'on exige de l'État libre ou de l'Humanité ? Ils devraient en ce
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soit. On ne s'imagine une telle indifférence ni de la part de Dieu qui sépare les siens
soit. On ne s'imagine une telle indifférence ni de la part de Dieu qui sépare les siens
des méchants, ni de la part de l'État qui distingue les bons citoyens des mauvais.
des méchants, ni de la part de l'État qui distingue les bons citoyens des mauvais.
Ce qu'on cherche, pourtant, c'est précisément ce tiers qui n'accorderait plus aucun
Ce qu'on cherche, pourtant, c'est précisément ce tiers qui n'accorderait plus aucun
« privilège ». Et on l'appelle état libre. Humanité ou autrement.
« privilège ». Et on l'appelle état libre. Humanité ou autrement.
Les Juifs et les Chrétiens, que Bruno Bauer a foudroyés de son mépris pour leur
Les Juifs et les Chrétiens, que Bruno Bauer a foudroyés de son mépris pour leur
prétention à des « prérogatives » devraient pouvoir et vouloir renoncer, par abnégation
prétention à des « prérogatives » devraient pouvoir et vouloir renoncer, par abnégation
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toute religiosité juive et chrétienne. Il suffirait qu'ils cessassent de se prétendre des
toute religiosité juive et chrétienne. Il suffirait qu'ils cessassent de se prétendre des
êtres « à part ».
êtres « à part ».
Mais à supposer qu'ils renonçassent à leur exclusivisme, ils n'abandonneraient pas
Mais à supposer qu'ils renonçassent à leur exclusivisme, ils n'abandonneraient pas
pour cela le champ de bataille où leur hostilité s'est si longtemps exercée ; ils
pour cela le champ de bataille où leur hostilité s'est si longtemps exercée ; ils
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vrai, de te roidir contre moi, et d'affirmer ta particularité, ton individualité : tu n'as pas
vrai, de te roidir contre moi, et d'affirmer ta particularité, ton individualité : tu n'as pas
à céder ni à te renier toi-même.
à céder ni à te renier toi-même.
On prend l'antithèse dans un sens trop formel et trop restreint lorsqu'on s'attache
On prend l'antithèse dans un sens trop formel et trop restreint lorsqu'on s'attache
simplement à la « résoudre » pour faire place à une « synthèse ». Il faudrait au contraire
simplement à la « résoudre » pour faire place à une « synthèse ». Il faudrait au contraire
accentuer encore l'opposition. En tant que juif et chrétien, vous n'êtes pas
accentuer encore l'opposition. En tant que juif et chrétien, vous n'êtes pas
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 175
encore assez radicalement opposés, vous n'êtes en désaccord qu'au sujet de la religion,
encore assez radicalement opposés, vous n'êtes en désaccord qu'au sujet de la religion,
et c'est comme si vous vous querelliez pour la barbe de l'empereur ou quelque
et c'est comme si vous vous querelliez pour la barbe de l'empereur ou quelque
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vous n'avez fait jusqu'à présent que dissimuler. Alors enfin l'antithèse sera résolue,
vous n'avez fait jusqu'à présent que dissimuler. Alors enfin l'antithèse sera résolue,
mais pour cette seule raison qu'une plus forte l'aura absorbée.
mais pour cette seule raison qu'une plus forte l'aura absorbée.
Notre faiblesse n'est pas d'être opposés aux autres, mais bien de ne pas leur être
Notre faiblesse n'est pas d'être opposés aux autres, mais bien de ne pas leur être
radicalement opposés, c'est-à-dire de ne pas en être totalement distincts, ou encore de
radicalement opposés, c'est-à-dire de ne pas en être totalement distincts, ou encore de
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étaient sous le même bonnet, personne, il est vrai, n'aurait plus à se découvrir devant
étaient sous le même bonnet, personne, il est vrai, n'aurait plus à se découvrir devant
les autres !
les autres !
La dernière opposition et la plus radicale, celle de l'Unique à l'Unique, est au fond
La dernière opposition et la plus radicale, celle de l'Unique à l'Unique, est au fond
bien éloignée de ce qu'on entend par opposition, sans pour cela retomber dans l'unité
bien éloignée de ce qu'on entend par opposition, sans pour cela retomber dans l'unité
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elle-même que dissemblance ; une dissemblance semblable, mais aux yeux seulement
elle-même que dissemblance ; une dissemblance semblable, mais aux yeux seulement
de ceux qui s'amusent à faire des comparaisons.
de ceux qui s'amusent à faire des comparaisons.
La polémique contre le privilège est un des traits caractéristiques du Libéralisme ;
La polémique contre le privilège est un des traits caractéristiques du Libéralisme ;
il excommunie le « privilège » par dévotion pour le « Droit »; mais il doit s'en tenir à
il excommunie le « privilège » par dévotion pour le « Droit »; mais il doit s'en tenir à
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présentera-t-il pas sous un tout autre aspect que ce timide combat contre le privilège
présentera-t-il pas sous un tout autre aspect que ce timide combat contre le privilège
qui ne se livre que devant un juge, le « Droit », et selon l'esprit de ce juge ?
qui ne se livre que devant un juge, le « Droit », et selon l'esprit de ce juge ?
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Il me reste, pour finir, à rayer de mon vocabulaire ce mot Droit dont je n'ai voulu
Il me reste, pour finir, à rayer de mon vocabulaire ce mot Droit dont je n'ai voulu
faire usage qu'aussi longtemps que, fouillant les entrailles de la chose, je ne pouvais
faire usage qu'aussi longtemps que, fouillant les entrailles de la chose, je ne pouvais
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« mon droit » n'est plus nullement un « droit » car un droit ne peut être conféré que
« mon droit » n'est plus nullement un « droit » car un droit ne peut être conféré que
par un Esprit, que cet Esprit soit celui de la nature, celui de l'espèce, de l'humanité, ou
par un Esprit, que cet Esprit soit celui de la nature, celui de l'espèce, de l'humanité, ou
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 176
de Dieu, de Sa Sainteté, de Son Éminence, etc. Ce que je possède indépendamment de
de Dieu, de Sa Sainteté, de Son Éminence, etc. Ce que je possède indépendamment de
la sanction de l'Esprit, je le possède sans droit, je le possède uniquement par ma
la sanction de l'Esprit, je le possède sans droit, je le possède uniquement par ma
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droit, et ce ne sont pas mes droits imprescriptibles dont je m'enorgueillis ou qui me
droit, et ce ne sont pas mes droits imprescriptibles dont je m'enorgueillis ou qui me
consolent.
consolent.
Le Droit absolu entraîne dans sa chute les droits eux-mêmes, et avec eux s'écroule
Le Droit absolu entraîne dans sa chute les droits eux-mêmes, et avec eux s'écroule
la souveraineté de l' « idée de droit ». Car il ne faut pas oublier que nous avons été
la souveraineté de l' « idée de droit ». Car il ne faut pas oublier que nous avons été
jusqu'ici gouvernés par des idées, des notions, des principes, et que parmi tant de
jusqu'ici gouvernés par des idées, des notions, des principes, et que parmi tant de
maîtres l'idée de droit ou l'idée de justice a joué un des principaux rôles.
maîtres l'idée de droit ou l'idée de justice a joué un des principaux rôles.
Légitime ou illégitime, juste ou injuste, que m'importe ? Ce que me permet ma
Légitime ou illégitime, juste ou injuste, que m'importe ? Ce que me permet ma
puissance, personne d'autre n'a besoin de me le permettre ; elle me donne la seule
puissance, personne d'autre n'a besoin de me le permettre ; elle me donne la seule
autorisation qu'il me faille. Le droit est une marotte dont nous a gratifiés un fantôme ;
autorisation qu'il me faille. Le droit est une marotte dont nous a gratifiés un fantôme ;
la force, c'est moi-même, moi qui suis puissant, qui suis possesseur de la puissance.
la force, c'est moi-même, moi qui suis puissant, qui suis possesseur de la puissance.
Le droit est au-dessus de moi, il est absolu, il n'existe que chez un être supérieur
Le droit est au-dessus de moi, il est absolu, il n'existe que chez un être supérieur
qui me l'accorde comme une faveur ; c'est une grâce que me fait le juge. La puissance
qui me l'accorde comme une faveur ; c'est une grâce que me fait le juge. La puissance
et la force n'existent qu'en Moi, qui suis le Puissant et le Fort.
et la force n'existent qu'en Moi, qui suis le Puissant et le Fort.




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