Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 11 - l'agenda du libéralisme »

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Il s'ensuit que si l'on veut adapter les nécessités d'une vie civilisée à l'économie nouvelle, il faut modifier le principe de l'économie classique qui veut que capital et travail soient tous deux parfaitement mobiles. Il faut que le capital soit plus mobile que le travail, dans une mesure suffisante pour compenser l'inévitable et désirable résistance des hommes à une existence migratrice. Je ne veux pas dire que toutes les générations doivent pour toujours rester enracinées à l'endroit où elles se trouvent. Mais je veux dire que les courants de population doivent se déplacer lentement si l'on veut éviter que l'émigration dévitalise les communautés anciennes et que l'immigration inassimilable submerge les nouvelles. Pour atténuer ce fléau, il faut prendre des mesures de contrôle social qui incitent le capital inanimé, plutôt que les hommes, à acquérir un haut degré de mobilité. Il faut une politique de l'enseignement qui rende la plupart des gens souples et capables de s'adapter à l'endroit de leur naissance, et une politique économique qui rende le capital mobile.  
Il s'ensuit que si l'on veut adapter les nécessités d'une vie civilisée à l'économie nouvelle, il faut modifier le principe de l'économie classique qui veut que capital et travail soient tous deux parfaitement mobiles. Il faut que le capital soit plus mobile que le travail, dans une mesure suffisante pour compenser l'inévitable et désirable résistance des hommes à une existence migratrice. Je ne veux pas dire que toutes les générations doivent pour toujours rester enracinées à l'endroit où elles se trouvent. Mais je veux dire que les courants de population doivent se déplacer lentement si l'on veut éviter que l'émigration dévitalise les communautés anciennes et que l'immigration inassimilable submerge les nouvelles. Pour atténuer ce fléau, il faut prendre des mesures de contrôle social qui incitent le capital inanimé, plutôt que les hommes, à acquérir un haut degré de mobilité. Il faut une politique de l'enseignement qui rende la plupart des gens souples et capables de s'adapter à l'endroit de leur naissance, et une politique économique qui rende le capital mobile.  


Au début de l'industrialisme du XIXe siècle, il était peut-être techniquement impossible de déplacer le capital, et il était par conséquent nécessaire de déraciner et de déplacer des hommes. Mais les obstacles techniques peuvent être surmontés. Ils sont beaucoup moins redoutables qu'il y a cent ans, alors que la force motrice qui faisait marcher les machines était produite par des machines à vapeur ou des chutes d'eau, lorsque seuls des produits de grande valeur par rapport à leur masse pouvaient être transportés à bon compte, lorsque le capital disponible était individuel et soumis à la gestion personnelle de son propriétaire. Les inventions modernes permettent aux hommes de créer de la force motrice presque partout et de la transmettre à de longues distances.
Au début de l'industrialisme du XIXe siècle, il était peut-être techniquement impossible de déplacer le capital, et il était par conséquent nécessaire de déraciner et de déplacer des hommes. Mais les obstacles techniques peuvent être surmontés. Ils sont beaucoup moins redoutables qu'il y a cent ans, alors que la force motrice qui faisait marcher les machines était produite par des machines à vapeur ou des chutes d'eau, lorsque seuls des produits de grande valeur par rapport à leur masse pouvaient être transportés à bon compte, lorsque le capital disponible était individuel et soumis à la gestion personnelle de son propriétaire. Les inventions modernes permettent aux hommes de créer de la force motrice presque partout et de la transmettre à de longues distances. Les transports à bon marché permettent de déplacer des matières premières pondéreuses. Le développement de la société anonyme a séparé la propriété du capital de la gestion de l'entreprise. Tout cela permet d'utiliser l'industrialisme au besoin qu'ont les hommes de vivre en collectivités sédentaires. Il est aujourd'hui techniquement possible, et il ne l'était pas il y a cent ans, de déplacer le capital vers les collectivités, et d'abolir ainsi le fléau de la surpopulation urbaine et de la migration forcée.
 
Mais si l'on veut arriver à ce résultat, la loi et la politique sociale doivent se proposer pour but de faciliter et d'encourager la mobilité du capital. Il faut donner de la sécurité au capital lorsqu'il a été transporté au loin et se trouve placé sous le contrôle d'administrateurs lointains. Il faut donc exiger que les lanceurs d'affaires soient strictement responsables de la qualité et de la bonne foi des valeurs qu'ils émettent, et que les administrateurs soient strictement responsables de leur gestion du capital de l'actionnaire.
 
Ce n'est pas tout. Si l'on veut que le capital acquière la mobilité nécessaire, il ne faut pas le laisser se retrancher, s'embouteiller, dans des institutions favorisées. C'est ce qui se produit lorsqu'on permet aux administrateurs de retenir les bénéfices au-delà du montant nécessaire pour l'amortissement et les réserves de roulement, et de les réinvestir sans les soumettre à l'épreuve du marché des capitaux régi par la concurrence. L'effet de ces pratiques est d'agrandir certaines sociétés au delà de leur véritable valeur économique, et de provoquer une congestion de capitaux aux mauvais endroits. Tous les partisans du principe de la liberté du marché régulateur de l'économie constatent qu'il faut interdire à la société anonyme de retenir les bénéfices et de les réinvestir selon le bon plaisir des administrateurs et non selon le jugement du marché. Car cette pratique immobilise des capitaux alors que l'économie de la division du travail exige que le capital se déplace facilement vers les lieux et les hommes qui font la meilleure offre pour l'obtenir.
 
De plus, bien que la séparation de la propriété et de la gestion soit nécessaire au fonctionnement de l'économie, la séparation du contrôle et de la gestion ne l'est pas. Le développement des sociétés holding, c'est-à-dire de sociétés qui contrôlent d'autres sociétés, est une innovation extrêmement suspecte. Elle crée des empires industriels à l'intérieur desquels le bon plaisir des administrateurs et des planificateurs remplace le marché comme régulateur de l'entreprise. On prend souvent à tort leur dimension pour le signe de leur succès économique, mais en réalité ils souffrent des vices inhérents à toute économie dirigée. Il n'y a pas moyen de se rendre un compte exact des prix à l'intérieur de l'empire d'une holding. Les entreprises qui en font partie se livrent des marchandises les unes aux autres à des prix fixés par la direction supérieure, et non pas aux prix qui s'établiraient sur un marché libre.


== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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