Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 3 - le gouvernement de la postérité »

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==Les agents de la destinée==
==Les agents de la destinée==
Mais tout gouvernement ne peut être composé que d'hommes mortels. Il y a donc nécessairement des limites à la mesure dans laquelle on peut imposer un plan et une direction à un ordre social. Il importe peu que les gouvernants aient reçu leur autorité en héritage ou qu'ils la tiennent du suffrage populaire ; qu'ils aient été nommés au pouvoir ou qu'ils l'aient conquis par la force ; peu importe leur origine, et la source que l'on attribue à leur inspiration, et la gloire à laquelle ils aspirent. Ce sont des hommes, et c'est pourquoi leur pouvoir est limité. Et ses limites sont très en déçà de l'omniscience et de l'omnipotence. Il s'ensuit que même si le souverain croit tenir son pouvoir de Dieu, il est loin de posséder la sagesse et la puissance divines. Il tient son autorité du peuple, mais il ne possède pas le potentiel de toute l'espèce humaine.
Mais tout gouvernement ne peut être composé que d'hommes mortels. Il y a donc nécessairement des limites à la mesure dans laquelle on peut imposer un plan et une direction à un ordre social. Il importe peu que les gouvernants aient reçu leur autorité en héritage ou qu'ils la tiennent du suffrage populaire ; qu'ils aient été nommés au pouvoir ou qu'ils l'aient conquis par la force ; peu importe leur origine, et la source que l'on attribue à leur inspiration, et la gloire à laquelle ils aspirent. Ce sont des hommes, et c'est pourquoi leur pouvoir est limité. Et ses limites sont très en déçà de l'omniscience et de l'omnipotence. Il s'ensuit que même si le souverain croit tenir son pouvoir de Dieu, il est loin de posséder la sagesse et la puissance divines. Il tient son autorité du peuple, mais il ne possède pas le potentiel de toute l'espèce humaine.
Peu importe par conséquent d'où vient le gouvernement ; ses facultés ne sont pas à la mesure de ses origines, quelle qu'en puisse être la noblesse : le roi descendant de Zeus n'a pas hérité de la compétence du dieu, et aucune vertu mystique ne confère au chef élu l'ensemble du génie de son peuple. Lorsqu'un gouvernement proclame ses intentions, cela ne signifie pas qu'il possède les facultés nécessaires pour les réaliser. Le désire ne crée pas toujours les moyens. On peut souhaiter avec ferveur atteindre un résultat, sans découvrir le moyen d'y parvenir ; les prétentions ne suffisent pas à multiplier les forces. C'est pourquoi la politique réelle, et non la politique apparente, de chaque Etat est déterminée par la compétence limitée d'être bornés, aux prises avec une infinité de circonstances illimitées.
Au milieu des généralisations grandioses et des affirmations passionnées de volonté de puissance qui caractérisent tout débat politique, nous risquons de perdre l'humilité gardienne de notre raison. Pour voir les choses comme elles sont, il faut que l'oeil retrouve son innocence ; il faut voir, non pas les aspirations qu'exprime le ''New Deal'', mais les actes des ''New Dealers'' ; il faut considérer, non pas le fascisme et le communisme en tant qu'idées, mais la façon dont des fascistes et des communistes gouvernent les grandes nations. Il faut se rappeler que si l'idéal est sans limite, l'homme n'est qu'un homme. Et lorsque des hommes, humant l'encens qu'on brûle devant leurs autels, sont tentés de se considérer comme les maîtres de la destinée humaine, il faut leur rappeler le poète qyun après une nuit de beuverie, étant par hasard entré dans un jardin zoologique, se trouva passablement satisfait de se considérer comme le dernier produit de l'évolution des espèces, jusqu'au moment où il fut assez dégrisé pour se rappeler qu'il n'était après tout « qu'un petit bonhomme en pantalon, légèrement éméché<ref>''The Menagerie'', par William Vaugh Moody</ref>. »


== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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