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que ceux-ci auront fait plus de frais pour installer la force dans | que ceux-ci auront fait plus de frais pour installer la force dans | ||
leurs ateliers. | leurs ateliers. | ||
=== Section 2. Le métier indépendant. === | |||
A la différence des industries à domicile, les petites entreprises | |||
industrielles indépendantes échappent non seulement à la centralisation | |||
technique de la production, mais aussi à la concentration | |||
capitaliste. Dans quelle mesure subsistent-elles, quelle est leur force | |||
de résistance, jusqu'à quel point leurs conditions actuelles d'existence | |||
nous renseignent-elles sur leurs chances d'avenir? Bien que | |||
nous possédions des données précieuses sur leur état passé et actuel | |||
dans certains pays, il nous est toujours difficile d'en tirer des indications | |||
quelque peu sûres pour l'avenir. Le chercheur le plus consciencieux | |||
se trouve naturellement incliné, suivant ses préférences, à | |||
interpréter les faits comme signifiant la vitalité ou l'agonie des | |||
petites exploitations autonomes. Il faut donc un effort pour écarter | |||
ces tendances subjectives, et peut-être n'y réussit-on jamais complètement. | |||
Nul ne conteste que, dans certains domaines, la partie est perdue | |||
pour la petite entreprise; tout le débat porte sur le point de savoir | |||
s'il faut généraliser ces faits, et considérer les petites exploitations | |||
indépendantes de l'industrie comme des îlots disséminés, s'endettant | |||
peu à peu sous l'effort des éléments contraires, et destinés à être | |||
engloutis un jour par le flot montant du capitalisme. | |||
La notion du métier est celle d'une petite entreprise menée par un | |||
artisan qui travaille seul, ou qui emploie comme auxiliaires des | |||
membres de sa famille, des apprentis, voire même quelques ouvriers | |||
salariés, mais sans cesser de travailler lui-même; d'autre part, cet | |||
artisan est un entrepreneur indépendant, propriétaire de ses instruments | |||
de travail et de ses matières, qui vend directement ses produits | |||
à la clientèle et court les risques de l'entreprise. Sans doute, il est | |||
parfois difficile de dire où commence et où finit le métier indépendant. | |||
L'entrepreneur qui occupe une dizaine d'ouvriers, et qui se | |||
contente ordinairement d'exercer un rôle de surveillance et de direction, | |||
n'est-il pas déjà un entrepreneur capitaliste? L'artisan qui vend | |||
ses produits tantôt aux consommateurs, tantôt à des commissionnaires | |||
et à des magasins, celui surtout qui, sans cesser d'être propriétaire | |||
des matières et des produits, travaille pour un seul | |||
magasin, ne côtoie-t-il pas la sphère de l'industrie à domicile dépendante | |||
? En haut comme en bas, les confins du métier sont quelque | |||
peu incertains; cette imprécision, commune à toutes les classifications | |||
scientifiques, ne doit pas nous faire renoncer à une notion | |||
suffisamment claire par elle-même. | |||
Nous possédons très heureusement, sur la question des métiers, | |||
une mine abondante de renseignements dans les statistiques allemandes, | |||
et surtout dans la grande enquête de 1895-1897 entreprise | |||
en Allemagne et en Autriche par le ''Verein für Socialpolitik''. L'impression | |||
qui se dégage des nombreuses observations recueillies par les | |||
enquêteurs dans les régions les plus variées, dans les villes grandes | |||
et petites comme dans les campagnes, est assez généralement pessimiste; | |||
certains métiers sont morts, d'autres ont été dépouilles d'une | |||
partie de la fabrication qui leur appartenait autrefois, d'autres, enfin, | |||
sont malades ou au moins menacés. | |||
Les causes de cet ébranlement ressortent des explications déjà | |||
fournies sur la concentration des entreprises et sur l'industrie à | |||
domicile; elles se ramènent toutes à une seule, le progrès scientifique, | |||
source des inventions qui ont créé le machinisme et développé | |||
les moyens de transport. C'est un fait bien connu que la transformation | |||
des instruments de production, souvent provoquée elle-même | |||
par l'agrandissement des marchés, a fait disparaître le métier dans | |||
les industries où elle s'est opérée. II faut ajouter que l'extension des | |||
marchés, même dans certaines industries où le machinisme n'intervient | |||
pas, impose au producteur un rôle commercial hors de proportion | |||
avec les moyens de l'artisan. | |||
Au point de vue industriel, il est à peine besoin de faire ressortir | |||
l'infériorité du petit producteur, dénué des moyens mécaniques qui | |||
rendent le travail plus rapide et plus productif, souvent dépourvu | |||
des connaissances indispensables et incapable de suivre les progrès | |||
techniques, impuissant à retenir les bons ouvriers par de forts | |||
salaires, éprouvant des difficultés croissantes pour conserver un atelier | |||
spacieux dans les villes; évidemment, l'artisan doit renoncer | |||
aux productions qui exigent un machinisme coûteux et compliqué, | |||
une application raisonnée des procédés scientifiques, ou même une | |||
organisation développée de la division du travail entre plusieurs | |||
corps de métiers. | |||
L'infériorité de l'artisan n'est pas moins sensible au point de vue | |||
commercial. Étroitement limité dans ses achats de matières et opérant | |||
avec un capital restreint, il se trouve placé sous la dépendance | |||
des fournisseurs qui lui font crédit. Pour la conservation même des | |||
marchandises en magasin, leur emballage et leur expédition, sa | |||
situation est généralement désavantageuse. Quant à la vente, elle | |||
lui devient inaccessible dès qu'elle dépasse l'étroit rayon d'une clientèle | |||
purement locale; encore est-il obligé fréquemment, pour la conserver, | |||
d'établir un magasin de vente. | |||
C'est qu'en effet les habitudes du public ont changé. L'usage se | |||
perd de faire exécuter un objet sur commande, surtout si l'exécution | |||
exige le concours de plusieurs corps de métiers; le consommateur ne | |||
veut plus perdre son temps, ni courir les risques d'une livraison | |||
défectueuse ou mal appropriée à ses désirs; il veut choisir entre des | |||
produits tout faits, et délaisse l'échoppe pour le magasin. Aussi le | |||
petit industriel urbain doit-il tenir un magasin où il débite, à côté de | |||
ses produits, des articles de seconde main sortis de la fabrique ou de | |||
l'industrie à domicile. Mais c'est là une lourde charge qui s'aggrave | |||
avec la cherté progressive des loyers dans les villes, et qui suppose | |||
déjà, chez le petit industriel, la disposition d'un certain capital. En | |||
outre, tous les artisans ne sont pas capables de tenir un commerce; | |||
loin de là, la plupart d'entre eux ignorent les règles les plus élémentaires | |||
de la comptabilité, et beaucoup succombent plutôt par défaut | |||
d'éducation commerciale que par insuffisance technique comme fabricants. | |||
Pour ces différentes raisons, les artisans qui produisent des marchandises | |||
se trouvent beaucoup plus atteints que ceux qui fournissent | |||
simplement leur travail aux particuliers pour des installations | |||
et réparations. Dans tous les genres de fabrication qui portent sur | |||
des articles de type uniforme, susceptibles d'une production en | |||
masse pour un marché étendu, le métier recule soit devant la | |||
fabrique, soit devant l'industrie à domicile, suivant que le machinisme | |||
est ou non nécessaire; cette évolution a commencé bien avant | |||
la proclamation de la liberté de l'industrie, à une époque où le | |||
régime de la corporation obligatoire et fermée existait encore en | |||
France, en Allemagne et en Autriche. C'est ainsi que le métier a | |||
disparu totalement ou à peu près dans de nombreuses industries où | |||
il florissait jadis tissage, chapellerie, maroquinerie, quincaillerie, | |||
fabrication des épingles, des peignes, brosses, couteaux, lampes et | |||
ustensiles de ménage, tonnellerie, meunerie, brasserie, tannerie, etc.; | |||
il a été dépossédé en grande partie dans la menuiserie, l'ébénisterie, | |||
la teinturerie, l'horlogerie, la cordonnerie, la confection des vêtements. | |||
Sur ces différents points, l'artisan vaincu a cédé devant la fabrique, | |||
ou bien il est tombé sous la dépendance des entreprises capitalistes | |||
comme travailleur à domicile salarié; tout au moins occupe-t-il une | |||
situation intermédiaire sur les confins indécis du métier indépendant | |||
et de l'industrie à domicile, achetant encore ses matériaux, mais | |||
cessant d'être en relations directes avec le consommateur, ne vendant | |||
ses produits qu'à des fabricants et négociants ou même travaillant | |||
pour un seul. Tel est le sort d'un grand nombre d'ébénistes qui | |||
vendent à des magasins; à moins d'être des spécialistes peu exposés | |||
à la concurrence, leur situation matérielle n'est guère supérieure à | |||
celle des tâcherons qui reçoivent la matière et travaillent sur commande. Telle est aussi, en dernière analyse, la condition de certains | |||
entrepreneurs du bâtiment soi-disant indépendants, qui, dans les | |||
villes où la population augmente rapidement, sont crédités et | |||
exploités par des spéculateurs, ou qui se trouvent au moins subordonnés | |||
à un entrepreneur général au lieu d'être en rapport direct | |||
avec le propriétaire. | |||
Là même où l'artisan a pu se maintenir, il est rare qu'il fabrique | |||
comme jadis un produit complet; généralement, il doit acheter des | |||
objets à demi fabriqués ou complètement achevés que fournit la | |||
grande industrie, et se contente de les terminer ou de les ajuster sur | |||
place. | |||
Il n'est pas jusqu'aux industries d'art, souvent considérées comme | |||
le domaine où le métier pourrait se reconstituer, qui n'échappent à | |||
la petite industrie indépendante, quand les pièces sont exécutées sur | |||
des modèles fournis par des artistes et dessinateurs, et quand l'exécution | |||
réclame l'emploi de procédés coûteux : bronzes, verreries, | |||
céramique, galvanoplastie, lithographie, photogravure, etc. Dans les | |||
industries d'art, l'artisan ne subsiste que s'il peut faire lui-même le | |||
modèle et exécuter le travail à la main. | |||
Aussi les conclusions de M. Sombart sur l'avenir des métiers sont-elles | |||
catégoriques. Il est possible que leur situation soit actuellement | |||
meilleure à l'ouest qu'à l'est de l'Allemagne, et que les grandes villes | |||
leur offrent dans l'avenir un asile plus sûr que les petites villes et | |||
les campagnes; possible également que certains métiers, ceux de | |||
l'alimentation et du bâtiment par exemple, soient mieux garantis | |||
que ceux du mobilier et du vêtement; possible encore qu'ils aient | |||
plus de résistance pour les réparations que pour la fabrication du | |||
neuf; mais ce sont là de simples différences de degré. Aucune | |||
branche des métiers n'est à l'abri des atteintes du capitalisme, aucune | |||
d'elles ne suit une évolution différente des autres dans son principe; | |||
le métier est une forme d'industrie surannée, inférieure à tous points | |||
de vue, donnant des produits moins bons et plus chers que la grande | |||
industrie, et destinée par conséquent à disparaître; c'est une question | |||
de temps, et les différences que l'on relève ne peuvent porter que sur | |||
la durée plus ou moins longue de sa décomposition. Rien ne peut le | |||
sauver ni l'association coopérative, qui a fait un fiasco complet | |||
dans les milieux d'artisans, malgré les efforts prolongés des partis | |||
conservateurs; ni l'emploi des machines, ni la vulgarisation du | |||
crédit. Le machinisme et le crédit ne sont utilisés dans cette sphère | |||
que d'une façon exceptionnelle, par quelques individualités entreprenantes | |||
qui, du même coup, sortent de la catégorie des artisans | |||
pour s'élever au rang d'entrepreneurs capitalistes. Au reste, si le | |||
moteur à domicile et le crédit se généralisaient parmi les artisans, il | |||
en résulterait un tel accroissement de leur production, qu'elle ne | |||
trouverait plus d'écoulement sur les marchés locaux; le progrès | |||
technique, conduisant à la production en masse, ferait tomber plus | |||
rapidement encore l'artisan sous la domination du capital commercial. | |||
Si le pessimisme paraît pleinement justifié pour un grand nombre | |||
de métiers dont nous observons aujourd'hui la décadence, une conclusion | |||
aussi sommaire sur la disparition totale de l'espèce, dans un | |||
avenir plus ou moins rapproché, paraît au contraire aventureuse et | |||
prématurée. Elle dépasse certainement les indications que nous fournissent | |||
les statistiques sur les tendances de la petite industrie, et | |||
néglige, dans sa généralité, certains côtés du problème. | |||
En Allemagne, de 1882 à 1895, la petite industrie (travailleurs | |||
isolés et établissements occupant moins de 6 personnes) est la seule | |||
catégorie qui ait subi une diminution absolue, tant pour le nombre | |||
des exploitations que pour celui des personnes occupées; mais cette | |||
diminution n'est pas considérable; elle n'est que de 186000 exploitations | |||
(8,6 p. 100 du total) et 79000 personnes (2,4 p. 100). Elle | |||
prend cependant une importance plus significative, si l'on considère | |||
que, dans l'intervalle entre les deux recensements, la population de | |||
l'Empire a augmenté de 18 p. 100, et que le personnel de la moyenne | |||
et de la grande industrie s'est accru dans des proportions considérables; | |||
aussi la petite industrie occupe-t-elle aujourd'hui une place | |||
bien plus restreinte dans l'ensemble (40 p. 100 du personnel total de | |||
l'industrie au lieu de 53 p. 100). | |||
Mais il est une circonstance qui vient sensiblement restreindre la | |||
portée de ces chiffres; c'est qu'ils s'appliquent aussi bien à l'industrie | |||
à domicile qu'au métier indépendant. Or, on sait que l'industrie à | |||
domicile a diminué en Allemagne d'une époque à l'autre, à cause de | |||
la disparition progressive du tissage à la main. Il est difficile d'évaluer | |||
exactement la part qui revient à l'industrie à domicile dans la | |||
diminution totale du personnel de la petite industrie; mais elle doit | |||
être importante. Le métier occupe encore une place considérable | |||
en Allemagne, car, après déduction des chiffres qui se rapportent à | |||
l'industrie à domicile, il figure encore pour 1647000 exploitations | |||
et 3733000 personnes. Il a d'ailleurs lui-même une tendance générale à se concentrer; dans son personnel, ce sont les maîtres qui | |||
diminuent, tandis que le nombre des auxiliaires s'accroit. | |||
Dans les établissements les moins importants de la moyenne | |||
industrie, occupant de 6 à 10 personnes, l'accroissement a été assez | |||
considérable entre 1882 et 1895; le personnel s'est accru de 314 000 personnes | |||
soit 60 p. 100. Mais ces établissements dépassent déjà la | |||
mesure du métier proprement dit; ce sont presque des petites entreprises | |||
capitalistes, dont le chef cesse souvent d'être un travailleur | |||
manuel; elles forment l'échelon par lequel passent les artisans les | |||
plus capables lorsqu'ils entrent dans la sphère de l'industrie capitaliste. | |||
Dans certaines branches, les entreprises moyennes se sont | |||
développées parallèlement avec la petite industrie mais plus souvent | |||
encore, elles se sont accrues à ses dépens. | |||
En Belgique, la plupart des métiers ont progressé depuis 1846; toutefois | |||
il faut observer que l'industrie à domicile est comprise dans le | |||
tableau, et que la population a augmenté de 50 p. 100 dans cette | |||
période. Si l'on fait abstraction de l'industrie à domicile, on constate | |||
que la petite industrie indépendante, dans ce pays de grande production | |||
occupe 36 p. 100 du personnel total de l'industrie. | |||
Aux États-Unis, les métiers se sont également développés en | |||
nombre et en importance globale entre les deux derniers Census; | |||
mais ce développement a été bien moins rapide que celui des | |||
fabriques, de sorte que la part du métier dans l'ensemble de l'industrie | |||
a diminué. Il est même remarquable que, dans les villes, les | |||
métiers emploient moins de capital, moins de matières et moins de | |||
salariés en 1900 qu'en 1890. | |||
Dans les autres pays, nous ne pouvons comparer la situation à | |||
des époques différentes. Le recensement autrichien de 1902, sur | |||
3900000 personnes occupées dans l'industrie, en compte 1500000 | |||
dans la petite industrie, mais ce chiffre comprend environ 400 000 travailleurs | |||
à domicile. Quant à la France, mal servie par la nature au | |||
point de vue des mines et de l'industrie sidérurgique, elle a toujours | |||
excellé dans les productions fines et variées l'exportation des articles | |||
de bijouterie, bimbeloterie, ouvrages en métaux, modes et confections, | |||
se chiffre par centaines de millions, sans que les statistiques puissent | |||
nous révéler l'importance des achats faits à l'intérieur par les étrangers | |||
voyageant en France; ces marchandises sont fournies en majeure | |||
partie par la petite industrie, qui domine notamment à Paris. Aussi | |||
le chiffre de 2900000 personnes occupées dans la petite industrie, | |||
soit 46 p. 100 du personnel total de l'industrie, n'est-il pas invraisemblable | |||
mais il se compose, dans une proportion impossible à préciser, de travailleurs a domicile. Quant au tableau A de la contribution des patentes, il indique une augmentation constante du nombre des patentes; toutefois, comme il s'applqiue indistinctement a la petite industrie, au petit et au moyen cmmerce, on peut supposer que l'augmentation est imputable en majeure partie au commerce de detail. | |||
Si nous nous en tenons | |||
toujours actif. Le petit producteur peut avoir des charges plus lourdes | |||
que le grand industriel; il est mai outillé, routinier, ignorant m6me, | |||
-c'est possible; mais il travaille énerg'iquemont, parce qu'il est son | |||
maître et recueille le profit de son activité; il soigne son travail, | |||
parce que ses produits ne sont pas anonymes; il gère lui-même ses | |||
-affaires, il dirige en personne ses auxiliaires, travaille et vit avec eux; | |||
il est en rapport, immédiat avec la clientèle, qui le connaît personnellement | |||
il évite le coulage et les frais de surveillance qui grèvent la | |||
grande entreprise, même la mieux conduite, par cela seul qu'elle est | |||
conduite administrativement. Ces avantages sont loin d'être nëgli- | |||
.geables; ils compensent bien des causes d'infériorité, et rendent la | |||
lutte possible quand il ne s'agit pas de marchandises à la grosse. | |||
Individuellement considérés, les divers métiers se trouvent placés | |||
.dans des conditions trop différentes pour être l'objet d'une condamnation | |||
en bloc; il en est dont les conditions partiouUères assurent | |||
.l'existence dans le présent et dans l'avenir. | |||
Il ressort des observations faites en Allemagne que .l'évolution des | |||
métiers est très différente dans les villes et dans les campagnes'. | |||
Dans les villes, le personnel des métiers tend à diminuer d'importance | |||
relativement à la population; en même temps se manifeste une ten- | |||
-dance à la concentration des métiers; les petites entreprises prennent | |||
individuellement plus d'importance, elles emploient un plus grand | |||
nombre d'ouvriers. Les artisans les plus capables agrandissent leur | |||
atelier, ouvrent un magasin, deviennent de petits entrepreneurs | |||
capitalistes; les autres, s'ils ne tombent pas dans le salariat comme | |||
.ouvriers de fabrique ou travailleurs à domicile, ne sont plus que des | |||
rapiéceurs en d'autres termes, le métier urbain est réduit aux réparations | |||
quand il ne se transforme pas. | |||
Dans les campagnes, au contraire, principalement dans les contrées | |||
riches et peuplées de l'ouest, le personnel des métiers s'accroît relativement | |||
à la population, sans que les entreprises tendent individuel- | |||
.lement à augmenter d'importance; parmi les maîtres, ceux qui travaillent | |||
sans ouvriers ni apprentis restent très nombreux (64 p. 100). | |||
Le métier est donc loin de reculer dans les campagnes la population | |||
rurale achète bien des marchandises aux magasins de la ville voisine | |||
ou à la voiture du colporteur; pourtant, elle reste fidèle à l'artisan | |||
du pays, dont le rôle parait s'élargir avec les progrès de l'aisance et | |||
4a restriction des travaux domestiques. | |||
A côté des métiers qui déclinent ou qui restent stationnaires, il en | |||
i. Voir AnnexeIV. | |||
190 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
est, au contraire, qui démontrent leur vitalité en progressant. S'agitil | |||
de l'alimentation, boucherie, charcuterie, boulangerie, pâtisserie, | |||
confiserie? L'accroissement est considérable (18 p. 100 sur les exploitations, | |||
33 à 35 p. 100 sur le personnel, de '1S82 à 1895 en Allemagne) | |||
il est vrai que ces métiers ont un caractère commercial très | |||
prononcé, qui explique en grande partie leur prospérité; mais, en | |||
tant que métiers, ils gardent toute leur raison d'être, parce que leur | |||
fonction est de préparer les produits suivant les goûts particuliers | |||
de la clientèle sur un marché restreint. | |||
Cette même fonction appartient encore aux tailleurs et cordonniers | |||
sur mesure, aux couturières, modistes et lingères qui travaillent sur | |||
commande, aux tapissiers et ébénistes qui reçoivent directement les | |||
ordres de la clientèle. Toutefois, le client qui ne se contente pas de | |||
l'article tout fait porte plutôt sa commande, dans les grandes villes, | |||
à des magasins grands ou moyens qui font exécuter le travail par | |||
des ouvriers à domicile, ou qui se chargent de la décoration des | |||
appartements. | |||
S'agit-il encore de services personnels comme ceux des coiffeurs, | |||
de services domestiques comme ceux des blanchisseuses? Les métiers | |||
qui s'y rapportent, de même que ceux de la boulangerie et du vêtement, | |||
se sont multipliés à mesure que ces services se détachaient de | |||
l'industrie domestique. Là encore, l'artisan continue à jouer un rôle | |||
utile il est rapproché du client, il entretient avec lui des rapports | |||
immédiats et réguliers, il sait se plier à la variété de ses exigences. | |||
De même encore, l'emballeur doit recevoir directement les commandes | |||
de la clientèle; le relieur, l'encadreur continuent à travailler | |||
en petit atelier pour les amateurs. Dans les campagnes, le charron, | |||
le sellier, le maréchal ferrant restent nécessaires et sont toujours | |||
nombreux, principalement dans les pays de petite culture. | |||
Voilà donc toute une catégorie nombreuse et importante de métiers | |||
qui, par leur nature propre, sont adaptés aux besoins des consommateurs | |||
et paraissent garantis pour l'avenir; ils ne sauraient être | |||
remplacés ni par l'usine, ni par l'industrie à domicile. Les procédés | |||
chimiques et mécaniques sont peut-être une menace pour les petits | |||
métiers de teinturiers-dégraisseurs et de blanchisseurs; ils atteignent | |||
à peine les boulangers, pâtissiers, bouchers, confiseurs, coiffeurs, | |||
emballeurs, etc. Aussi la plupart de ces métiers accusent-ils une | |||
augmentation en Allemagne; il n'y a de diminution sérieuse que sur | |||
les cordonniers, blanchisseuses et couturières, qui restent néanmoins | |||
très nombreux dans la petite industrie. | |||
Beaucoup de métiers, et dans tous les genres, s'ils ont reculé pour | |||
LES LIMITES DE LA CONCENTRATION i91 | |||
la confection du neuf, gardent au moins toute leur importance pourles | |||
réparations; tailleurs, cordonniers, tapissiers, ébénistes, horlogers, | |||
forgerons, chaudronniers, ferblantiers, et ainsi de suite. Tousces | |||
travailleurs ne sont pas devenus des ouvriers à domicile; beaucoup | |||
restent encore des artisans indépendants; quelques-uns, ceux | |||
qui sont capables d'avoir un magasin, reçoivent des commandes et | |||
font commerce de marchandises achetées en gros; tous, les plus. | |||
humbles comme les plus aisés, se chargent des travaux de réparation. | |||
Toutefois, ce domaine du métier n'est pas à l'abri de la concurrsnce; | |||
les magasins entreprennent également de faire les réparations, | |||
et tendent, au moins dans les villes, à se subordonner dans-. | |||
cette fonction les artisans les plus faibles. | |||
Il reste a parler des nombreux métiers du bâtiment, qui forment | |||
l'une des catégories les plus importantes de la petite industrie. Les. | |||
très grandes entreprises sont rares dans le bâtiment, à cause des | |||
difficultés d'une surveillance disséminée; les grandes et les moyennes. | |||
tiennent une large place, mais les petites restent nombreuses et | |||
florissantes. C'est que, dans les campagnes et même dans les villes, | |||
les petits industriels du bâtiment sont toujours recherchés pour lesconstructions | |||
de faible dimension, pour les installations et réparations | |||
chez les particuliers. Aussi, à moins d'être tout à fait dépourvus | |||
de capitaux, les petits entrepreneurs de maçonnerie, charpente, | |||
menuiserie, couverture, plomberie, serrurerie, peinture, vitrerie, | |||
restent des artisans indépendants. Ils ne fabriquent pas toujours les. | |||
pièces; le serrurier, notamment, reçoit beaucoup de pièces que lui | |||
fournit l'industrie mécanique; mais ils interviennent au moins pour' | |||
les ajuster sur place. Cette circonstance favorise cependant la transformation | |||
du métier en entreprise capitaliste, parce qu'elle impose a.. | |||
l'entrepreneur la disposition d'un fonds de roulement plus important. | |||
Dans les sociétés progressives, l'extension des besoins favorise la. | |||
petite industrie comme la grande; le développement de l'une ne s'effectue | |||
pas nécessairement aux dépens de l'autre, lorsque le champ de laa | |||
consommation s'élargit. Ainsi les grandes fabriques peuvent créer | |||
des ateliers annexes de menuiserieet serrurerie pour leurs travaux neufs | |||
et leurs réparations; cette extension de la fabrique ne restreint pas | |||
le domaine des petits ateliers indépendants qui travaillent pour les | |||
particuliers. Les progrès de l'aisance et le raffinement des goûts sont | |||
au moins aussi favorables au métier qu'à la fabrique; l'industrie du | |||
vêtement sur mesure en profite plus que la confection. Il est mêmeremarquable | |||
devoir combien la petite industrie se trouve favorisée pardes | |||
inventions et des besoins nouveaux plombiers, ajusteurs,. | |||
492 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
fumistes, serruriers, sont plus réclamés que jamais pour les installations | |||
de services d'eau, salles de bains, gaz et électricité, appareils | |||
de chauffage et autres, qui se vulgarisent avec le souci de l'hygiène | |||
etiegoûtdu confortable; les mécaniciens se multiplient dans les villes | |||
et les moindres villages, pour la réparation des cycles et des automobiles | |||
les forgerons et menuisiers des campagnes sont occupés par les | |||
réparations des machines agricoles et autres ustensiles; des métiers | |||
surgissent et trouvent une clientèle à côté des grandes maisons. | |||
Le métier n'est donc pas mort ni même mourant; certains économistes | |||
et historiens doutent même que sa condition actuelle soit | |||
pire qu'au xvm° siècle; il subit des transformations internes, il perd | |||
du terrain sur beaucoup de points, il est ébranlé sur d'autres, mais | |||
son existence est assurée par ailleurs, et il est à croire qu'il ne périra | |||
jamais complètement. |
modifications