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Comment Sa Majesté pouvait-elle savoir le nombre de fils qu'il fallait prescrire à Dijon, à Semur ou à Langogne ? Naturellement en le demandant aux fabricants établis. Ses règlements étaient donc essentiellement un procédé permettant de protéger les intérêts de ces derniers contre la concurrence de novateurs trop audacieux. Toute règlementation par l'autorité doit nécessairement employer de telles méthodes, car aucun roi ni aucun bureau ne peut espérer inventer une technique de la production autre que la technique existante. Le gouvernement peut par hasard avoir une excellente idée, mais, normalement il est inévitable qu'il mette le poids de son autorité au service de la routine des intérêts établis. Ce que Colbert faisait sous Louis XIV était exactement la même chose que ce que le général Johnson<ref>Voir l'''ABC de la NRA'' publié par Brookings Institution.</ref> et M. Wallace ont fait sous le président Roosevelt. Colbert avait réglementé l'industrie et l'agriculture en soutenant et en subventionnant les producteurs établis, et il ne faisait pas les choses à moitié. Les fabricants de Saint-Maixent « durent faire des démarches pendant quatre ans, de 1730 à 1734, avant d'être autorités à utiliser des fils de trame noirs »<ref>Heckscher, ''op. cit''., p. 120</ref>. Ils ne reçurent jamais la permission d'utiliser des fils noirs pour la chaîne. | Comment Sa Majesté pouvait-elle savoir le nombre de fils qu'il fallait prescrire à Dijon, à Semur ou à Langogne ? Naturellement en le demandant aux fabricants établis. Ses règlements étaient donc essentiellement un procédé permettant de protéger les intérêts de ces derniers contre la concurrence de novateurs trop audacieux. Toute règlementation par l'autorité doit nécessairement employer de telles méthodes, car aucun roi ni aucun bureau ne peut espérer inventer une technique de la production autre que la technique existante. Le gouvernement peut par hasard avoir une excellente idée, mais, normalement il est inévitable qu'il mette le poids de son autorité au service de la routine des intérêts établis. Ce que Colbert faisait sous Louis XIV était exactement la même chose que ce que le général Johnson<ref>Voir l'''ABC de la NRA'' publié par Brookings Institution.</ref> et M. Wallace ont fait sous le président Roosevelt. Colbert avait réglementé l'industrie et l'agriculture en soutenant et en subventionnant les producteurs établis, et il ne faisait pas les choses à moitié. Les fabricants de Saint-Maixent « durent faire des démarches pendant quatre ans, de 1730 à 1734, avant d'être autorités à utiliser des fils de trame noirs »<ref>Heckscher, ''op. cit''., p. 120</ref>. Ils ne reçurent jamais la permission d'utiliser des fils noirs pour la chaîne. | ||
Le système ne fonctionnait naturellement pas très bien. Plus on violait les règlements, plus on en multipliait le nombre. Les procès étaient interminables, la contrebande et la production clandestine universelles. Le gouvernement devait chaque jour manifester sa volonté de faire appliquer les règlements qu'il avait édictés. Il se montrait particulièrement énergique dans la question des calicots imprimés ; car l'industrie textile française était arriérée, et les fabricants exigeaient d'être protégés. Le gouvernement faisait de son mieux. D'après Heckscher, « les mesures économiques prises à cet égard coûtèrent la vie à près de seize mille personnes, qui périrent sur l'échafaud ou dans des émeutes. Ce total ne comprend pas le nombre inconnu mais certainement beaucoup plus élevé, de ceux qui furent envoyés aux galères ou punis de quelque autre manière. Un jour, à Valence, soixante-dix-sept personnes furent condamnées à être pendues, cinquante-huit à la roue, six cent trente et une aux galères. Une seule fut acquittée. Personne ne fut gracié. Mais ces mesures énergiques ne suffirent pas à atteindre le but recherché. Les calicots imprimés se répandirent de plus en plus dans toutes les classes de la population, en France comme ailleurs »< | Le système ne fonctionnait naturellement pas très bien. Plus on violait les règlements, plus on en multipliait le nombre. Les procès étaient interminables, la contrebande et la production clandestine universelles. Le gouvernement devait chaque jour manifester sa volonté de faire appliquer les règlements qu'il avait édictés. Il se montrait particulièrement énergique dans la question des calicots imprimés ; car l'industrie textile française était arriérée, et les fabricants exigeaient d'être protégés. Le gouvernement faisait de son mieux. D'après Heckscher, « les mesures économiques prises à cet égard coûtèrent la vie à près de seize mille personnes, qui périrent sur l'échafaud ou dans des émeutes. Ce total ne comprend pas le nombre inconnu mais certainement beaucoup plus élevé, de ceux qui furent envoyés aux galères ou punis de quelque autre manière. Un jour, à Valence, soixante-dix-sept personnes furent condamnées à être pendues, cinquante-huit à la roue, six cent trente et une aux galères. Une seule fut acquittée. Personne ne fut gracié. Mais ces mesures énergiques ne suffirent pas à atteindre le but recherché. Les calicots imprimés se répandirent de plus en plus dans toutes les classes de la population, en France comme ailleurs »<ref>''Ibid'', p. 173</ref>. | ||
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