Différences entre les versions de « Charles Gave:Les Evangiles et la prise de risque »

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::"100 % des gagnants ont pris un billet"- Publicité pour la Loterie Nationale.




== Notes et références ==
Les Evangiles glorifient la prise de risque.
<references /> <!-- aide : http://fr.wikipedia.org/wiki/Aide:Notes et références -->
Mais avant de le démontrer, il nous faut d'abord définir ce qu’est le risque et ce nous entendons par "prise de risque."
 
Le risque, c’est la possibilité de se casser la figure.
La prise de risque, c’est se lancer volontairement dans une action, en sachant que l’on a une chance non négligeable de se casser la figure. Se marier en est un des exemples les plus courants d'une prise de risque…
Et le Christ, tout au long des Evangiles montre une tendresse très particulière pour tous ceux – davantage encore pour toutes celles, car le Christ fait preuve d’un féminisme affiché et constant –  qui ont pris des risques dans leurs vies, et pour lesquels les choses n’ont pas bien tourné.
 
Il semble bien qu’il ait une capacité de pardon infinie pour ceux qui, ayant aimé, se sont trompés, ou ont été trompés.
Car aimer, c’est prendre un risque.
A l'inverse, ceux qui suivent la lettre de la Loi et se servent de leur bonne conscience pour accabler ceux qui ont "eu des malheurs" ne trouvent pas grâce à ses yeux.
 
Citons, pour mémoire, la femme de mauvaise vie qui oint les pieds de Jésus de parfum, et à qui, aussitôt, il pardonne ses péchés.  A la grande fureur des Pharisiens qui l'avaient invité à déjeuner. Le Christ, et non la femme, cela va sans dire...
En termes simples et modestes, Il aimait ceux qui prennent des risques… Et ce sentiment n'est jamais aussi fort, aussi évident que dans la parabole des talents.
 
::Un homme partant en voyage appela ses serviteurs et leur remit ses biens.
 
::Il donna à l’un cinq talents, à l’autre deux et un au troisième, à, chacun selon sa capacité, et il partit aussitôt.
 
::Le maître parti, celui qui avait cinq talents trafiqua avec cette somme, et gagna cinq autres talents.
 
::De même, celui qui en avait reçu deux en gagna aussi deux autres.
 
::Mais celui qui n’en avait reçu qu’un alla faire un trou en terre et y cacha l’argent de son maître.
 
::Longtemps après, le maître de ces serviteurs vint et compta avec eux.
 
::Celui qui avait reçu cinq talents, s’étant approché, présenta les cinq autres talents et dit
 
::"Seigneur, tu m’avais remis cinq talents, en voici cinq autres que j’ai gagnés "
 
::Son maître lui dit : "c’est bien, bon et fidèle serviteur… je te mettrai à la tête d’affaires plus considérables"
 
::Celui qui avait reçu deux talents, s’étant aussi approché, dit :
 
::"Seigneur, tu m’avais remis deux talents. En voici deux autres que j’ai gagnés"
 
::Son maître lui dit :
 
::"c’est bien, bon et fidèle serviteur…je te mettrai à la tête d’affaires plus considérables"
 
::Celui qui n’avait qu’un  talent s’approcha à son tour, et dit :
 
::"Seigneur, je savais que tu es un homme dur, que tu moissonnes là où tu n’as pas semé et que tu recueilles là où tu n’as pas jeté de semence, et, dans ma crainte, je suis allé cacher ton talent dans la terre.
 
::Tiens, le voici. "
 
::Mais son maître lui répondit :
 
::"Méchant et paresseux serviteur, tu savais que je moissonne là où je n’ai pas semé et que je recueille là où je n’ai point jeté de semence !
 
::Il te fallait donc porter mon argent aux banquiers, et à mon retour, j’aurais retiré ce qui m’appartient avec l’intérêt.
Otez-lui donc son talent, et donnez-le à celui qui en a dix."
 
::Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance.
 
::Quant à celui qui n’a pas, on lui ôtera même ce qu’il a.
 
::Jetez ce serviteur, qui n’est bon à rien, dans les ténèbres du dehors :
 
::C’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents.
 
Avouons-le, cette parabole suscite chez tout économiste libéral, un profond ravissement. Un régal. Rien ne manque.
 
• D'abord, le Christ considère comme indispensable que le capital soit rémunéré.
 
Le Seigneur sait parfaitement qu’il n’a pas semé –  toucher une partie de la récolte sans avoir semé, que voilà une belle et simple définition du capital –, mais le capital dont il dispose représente les générations passées et les risques qu'elles ont pris. La génération actuelle n’a donc, à aucun titre,  le droit de le  consommer ;  elle doit, en revanche, rendre plus aux générations à venir que ce qu’elle a reçu.
 
Même celui qui ne prend aucun risque aurait dû laisser l’argent chez un banquier, pour percevoir des intérêts. L’église catholique, en suivant la tradition juive et Saint Paul, a interdit pendant des siècles, le prêt à intérêts. Or la seule fois où les Evangiles parlent de façon spécifique de "l'intérêt", c’est pour le recommander.
Comme le taux d’intérêt est la seule façon de faire rentrer et le temps et le risque dans le calcul économique, je suis très rassuré que le Christ n’ait pas été un " ignoramus " en économie, à la différence de tous les socialistes et d’une partie importante de l’église catholique. Il y a mieux encore : ceux qui ont pris des risques, nous dit le Christ, sont glorieusement rémunérés. Jésus a une grande sympathie pour les entrepreneurs, c’est évident.
Il n’a pas une passion pour les rentiers qui placent leur argent  à la banque, mais à la rigueur, il peut les comprendre.                                                                               
 
Mais, celui qui gaspille le capital en l’enterrant, celui-là n'a droit à aucun égard. Hop ! En Enfer…
 
• Ensuite le Christ a une parfaite conscience des inégalités qui existent entre les hommes. Nous n'avons pas tous les mêmes capacités pour nous occuper des questions d'argent. Loin de donner le même capital à chacun de ses serviteurs, le maître leur donne des sommes très différentes, en fonction des capacités qu’il leur attribue.
Il diversifie ses risques fort sagement, en prenant en compte l’historique de chacun des individus. On a l’impression de se trouver face à un gérant de fonds de pension, qui alloue intelligemment le capital dont il a la responsabilité.
Pas de recours, ici, à l’égalité. Le Seigneur ne semble pas obsédé, voire même préoccupé, par l’égalité des chances ou l’égalité des résultats. Ce qui compte, c’est la volonté de prendre des risques et de s’exposer.
Qui plus est, à l’évidence, la capacité du maître à juger les hommes est tout à fait exceptionnelle.
Ça ne le gêne en rien que celui qui a déjà beaucoup ait encore plus, tout simplement parce qu'il utilise au mieux le capital qui lui a été judicieusement confié.
 
• A l’expiration de la période, il faut présenter des comptes, ce qui est la moindre des choses.
Il n'est pas inutile de remarquer que les deux premiers gérants sont honnêtes : ils n’ont pas cherché  à piquer en douce une partie de ce qu’ils avaient gagné pour leur maître. Ils ne se sont pas votés des "stock options" ou des intéressements                                                                      Il y a, en d'autres termes, une totale séparation entre la fonction de capitaliste et celle de gérant.
Voilà qui marque une heureuse différence avec "les maîtres du monde", ces dirigeants des multinationales, dont le capitalisme français a bien du mal à se remettre.  Si ça marche, c'est pour moi, si ça ne marche pas, c’est pour l’Etat ou les actionnaires.
 
• Enfin quand le maître est de retour, il n'attend qu'une chose : que son capital ait fructifié.
Les deux premiers serviteurs "trafiquèrent" pour faire croître ce capital. Oserait-on dire "boursicotèrent " ? Le mot "trafiquer " en français n’a pas une connotation très glorieuse, il suppose des achats à bas prix et des reventes à un prix plus élevé. Cela ne semble pas gêner plus que cela le maître.                                                                                          On mesure la différence avec nos services publics dont la spécialité est surtout d’acheter cher pour vendre bon marché, de perdre de l’argent et en être fiers…
 
Comme nous l’avons fait pour les malédictions proférées à l’égard des Pharisiens, cette parabole replacée dans notre société contemporaine n'est pas sans saveur.
 
Au retour du voyage du maître, le premier serviteur  lui dit : "compte tenu de la CSG, des impôts sur le revenu, de la Sécurité sociale, de l’impôt sur la fortune, des impôts sur les successions, des TVA et des impôts sur les plus-values que j'ai dû payer en raison de mes boursicotages, je peux vous rendre sept talents, et non dix. De surcroît, je n'en suis pas vraiment sûr,  puisque je suis l’objet d’un contrôle fiscal".
 
Le deuxième, ayant un peu moins d’argent, a été un peu moins imposé, et peut rendre trois talents au lieu de quatre. Mais comme il est soumis à une vérification de l’inspection du Travail, il est, lui aussi, dans l'incertitude.
 
Le maître leur fait remarquer, en grognant, que s’ils avaient laissé leur argent à la banque, ils auraient touché bien plus. Il ajoute, élevant un peu plus la voix, qu'à l'avenir il investira en Asie plutôt qu'en Europe. Solution la plus intelligente pour maximiser son capital. Et ne voulant pas perdre ses deux bons serviteurs, il les nomme immédiatement gérants de ses filiales à Shanghai et Hong-Kong. 
 
Le troisième gérant, quant à lui, rend son talent. Le maître le vire sur le champ, mais honnêtement, le mauvais serviteur s’en moque. Il va continuer à toucher le même salaire jusqu’à la fin de ses jours, son gouvernement va le lui payer en empruntant les sommes nécessaires aux épargnants étrangers. Il va encaisser des indemnités de licenciement, toucher une allocation-chômage et il pourra "travailler au noir". Enfin, il espère que l’inspection du Travail va forcer son employeur à le reprendre aux conditions antérieures, c'est-à-dire en étant payé à ne rien faire.
 
Cela ne rappelle-t-il pas les charmes et les beautés d'un système, le système français ?
 
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