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et la misère, sont les décrets d'une bienfaisance immense et | et la misère, sont les décrets d'une bienfaisance immense et | ||
prévoyante. | prévoyante. | ||
Les questions sociales ne s'imposent pas seulement à l'attention | |||
de tous par leur caractère moral; ceux-là même qui se tiennent | |||
volontiers au-dessus des considérations de sentiment ne peuvent | |||
rester indiSérents à ce fait, que le vice et la misère entretiennent | |||
dans les centres de civilisation un foyer de contagion physique et | |||
morale et un danger permanent pour la paix publique. Adéfaut de | |||
fraternité, !a crainte des incidences serait sufusante pour secouer | |||
les natures les plus inertes, et leur inspirer quelque doute sur la | |||
philosophie optimiste de la misère. | |||
Une connaissance plus exacte des lois de relation concourt donc | |||
avec les plus purs sentiments de pitié et d'amour pour déterminer | |||
les générations nouvelles à travailler au relèvement des faibles; non | |||
plus tant par les ressources multipliées de la charité individuelle, | |||
que par des réformes d'une portée générale tendant à combattre le | |||
mal dans ses causes. | |||
C'est l'indice d'un progrès moral certain que cet affinement de la | |||
conscience publique et ce souci croissant des questions sociales. Le | |||
sens de la communauté, « l'esprit de la ruche », le sentiment que | |||
l'individu appartient a une communauté vis-à-vis de laquelle il a des | |||
devoirs plus larges que celui de fournir sa contribution à la défense | |||
commune, ce sens, si vivant dans les sociétés antiques et si longtemps | |||
assoupi dans les sociétés modernes, commence à se réveiller. | |||
On s'aperçoit que l'individu n'est pas le centre autonome qu'il | |||
s'imagine volontiers dans son égoïsme et son orgueil; son bien-être, | |||
sa science, ses jouissances intellectuelles et matérielles, la forme | |||
même de sa pensée, il les doit à la civilisation qui l'entoure, à la | |||
longue série des générations qui l'ont précédé, aux institutions | |||
t. H. Spencer, L'individu contre trad. Gerschell, S" éd., p. 100, Atean, | |||
i90i, in-12. | |||
LE SENS DE L'ÉVOLUTION ET LA POLITIQUE SOCIALE 3SS | |||
s_o· ciales qui lui assuren1t ses possessions, au travail de ses prédécesseurs | |||
et de ses contemporains. Quant à lui, il n'a concouru que pour | |||
une part infinitésimale à l'oeuvre de civilisation dont il jouit; qu'il | |||
ne se croie donc pas quitte de toute obligation, lorsqu'il se borne à | |||
exécuter ses contrats en payant strictement les services qui lui sont | |||
rendus. | |||
Il faut se pénétrer de ces sentiments, pour supporter sans peine | |||
les inévitables sacrifices qu'entraîne toute politique de réforme sociale. | |||
A celui qu'opprime la pensée de la misère, les limitations, les mesures | |||
de contrôle, les contraintes fiscales paraissent légères, si elles ont | |||
pour objet de procurer à tous un minimum d'existence et de sécurité. | |||
Celui-là accepte volontiers sa part des obligations et des charges de | |||
la prévoyance sociale, qui les considère comme des mesures de salut | |||
pour la masse des hommes; le tribut imposé aux plus favorisés lui | |||
apparaît non pas comme un prélèvement injuste qui affaiblit la | |||
société, mais comme un moyen de préserver les individus d'une | |||
injuste déchéance qui brise les énergies et corrompt une partie de | |||
l'organisme social. | |||
Il y a donc un idéal, celui du développement de la personnalité | |||
pour tous, qui a grandi dans la conscience populaire en même temps | |||
que la science et la démocratie; idéal en complète harmonie avec | |||
l'une et avec l'autre, puisque la solidarité est une notion à la fois | |||
scientifique et démocratique; idéal intimement lié à l'ensemble du | |||
procès social, et par conséquent conforme aux lois du développement | |||
historique. | |||
Mais il ne suffit pas de soumettre à l'épreuve de la méthode historique | |||
cette conception générale d'un idéal démocratique. La vision | |||
reste naturellement très vague et sans signification précise, si elle | |||
n'est pas accompagnée d'un programme d'organisation dont les | |||
lignes doivent être au contraire nettement dessinées. Or, c'est dans | |||
cette tâche, la plus importante et la plus difficile, qu'il est surtout | |||
nécessaire de rester attaché à la méthode d'observation. Le philosophe | |||
ou l'homme d'État réaliste, même lorsqu'il s'inspire des considérations | |||
morales qui dominent la pensée moderne, limite son programme | |||
aux réformes possibles, et écarte de sa politique tout objectif | |||
purement idéaliste qui serait dépourvu de portée pratique. | |||
C'est sur ce point essentiel que se marque la différence des méthodes. | |||
Le réaliste ne dira pas, comme le philosophe enfermé dans son rêve | |||
intérieur L'inégalité étant un mal, il faut supprimer les titres de | |||
propriété qui la consacrent. Ces applications ingénues de la méthode | |||
déductive opérant sur des postulats d'ordre moral lui apparaissent | |||
3S6 LES SYSTEMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
comme des anachronismes, dans le siècle des connaissances positives | |||
et de l'esprit critique. Il n'attaquera pas une institution, s'il. | |||
n'aperçoit pas autre part que dans ses désirs les indices des formes | |||
nouvelles qui doivent remplacer les anciennes. Au lieu d'exposer | |||
complaisamment un système social sur des bases purement idéologiques, | |||
il vérifiera si le système est viable et si les germes s'en développent | |||
dans la société. Il fera taire ses impatiences, et tiendra | |||
compte des traditions, des intérêts, voire même des préjugés enracinés | |||
dans un milieu, parce que ce sont des forces que la politique | |||
sociale ne peut ignorer ni négliger. Il s'apercevra très vite qu'une | |||
réforme, même partielle et de modeste apparence comme la limitation | |||
légale de la journée de travail, ne peut s'introduire sans une longue | |||
préparation et d'infinis ménagements; il jugera ainsi par expériencede | |||
la valeur des grands projets qui tendent à transformer la société | |||
de fond en comble. | |||
Nul doute que le droit à l'existence ne soit un des postulats les plus | |||
impérieux de la justice sociale. Aussi les écrits socialistes les plus | |||
récents proclament-ils le droit à l'existence comme le principe essentiel | |||
du socialisme « à base juridique »; encore enveloppée sous cette · | |||
forme doctorale, la grande et pure idée de justice rayonne de nouveau | |||
dans la pensée socialiste, si longtemps opprimée par le matérialisme | |||
marxiste. Mais à quel terme aboutissent, les constructions savantes | |||
et les développements logiques du nouvel idéalisme « juridique ))? A | |||
un système communiste dans lequel chaque commune se transforme | |||
en maison de force; c'est là, paraît-il, l'idéal des temps nouveaux. | |||
Le possibiliste, aussi pénétré que quiconque de la nécessité du droit | |||
à l'existence, cherchera de son côté à le garantir; mais il restera dans | |||
les cadres de la société présente; ses moyens pratiques seront, parexemple, | |||
l'assurance obligatoire contre les risques de la vie ouvrière, | |||
la protection légale des travailleurs contre les excès du régime | |||
industriel, la généralisation de l'assistance pour les incapables. | |||
Telle est la différence des procédés. Le logicien construit pour 1ebonheur | |||
de l'humanité une cité lointaine. Le réformiste cherche à | |||
combattre immédiatement le mal social par les moyens les plus efficaces. | |||
Au lieu de se cantonner dans un idéalisme stérile de couvent. | |||
ou d'internat, il ouvre son esprit au monde extérieur et se mêle à la. | |||
vie, moins soucieux de faire grand que de faire vivant, exposant son | |||
rêve au contact de la réalité, sans cesser d'entretenir au fond de son | |||
âme le culte de l'idéal et la foi invincible dans le progrès. | |||
Pourquoi, en effet, désespérerait-on de l'avenir, alors que le passé | |||
nous offre déjà tant d'exemples de progrès accomplis dans la situaLE | |||
SENS DE L'ÉVOLUTION ET LA POLITIQUE SOCIALE 357 | |||
tion des classes laborieuses depuis l'introduction du machinisme et | |||
les premiers âges de la grande production? Que l'on se reporte à cette | |||
sombre époque de chômage et de misère, que l'on repasse les enquêtes | |||
qui ont révélé, en France comme en Angleterre, tant de faits lamentables | |||
sur l'exploitation éhontée de la femme et de l'enfant dans les | |||
premières fabriques; on reconnaîtra de bonne foi que, si le mal n'a | |||
pas disparu, il a été du moins largement atténué, et que les efforts | |||
faits pour redresser un état social altéré par des éléments nouveaux | |||
d'une puissance inconnue ne sont pas demeurés stériles. Ces efforts, | |||
il convient de les analyser, pour apprécier ce que l'on peut en | |||
attendre encore dans l'avenir. |
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