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d'un siège unique. Nous en avons déjà cité quelques | d'un siège unique. Nous en avons déjà cité quelques | ||
exemples; nous le verrons mieux encore en étudiant les trusts. | exemples; nous le verrons mieux encore en étudiant les trusts. | ||
* Section 2. Coalitions d'entreprises. | |||
Nous venons de voir que les entreprises, individuelles ou montées | |||
par actions, s'agrandissent en développant les dimensions | |||
de leurs établissements, en créant de nouveaux établissements, | |||
ou en achetant des entreprises concurrentes. Cette forme de concentration, | |||
qui s'est présentée la première à notre analyse, est | |||
aussi la plus simple; mais ce n'est pas la seule. Dans ces dernières | |||
années, chez les peuples les plus progressifs, la concentration s'est | |||
encore effectuée par voie d'entente et de coalition entre des entreprises | |||
indépendantes, qui ont renoncé à tout ou partie de cette indépendance | |||
dans le but de limiter la concurrence, de réglementer la | |||
production, et même d'exercer un véritable monopole sur le marché. | |||
Il n'est pas question ici de ces coalitions éphémères de spéculateurs | |||
(rings, corners), qui se forment sur un grand marché pour produire | |||
une hausse ou une baisse momentanée sur une marchandise, et qui | |||
doivent liquider leur opération à bref délai pour réaliser un bénéfice. | |||
Il ne s'agit que des ententes durables entre des entreprises proprement | |||
dites; peu importe d'ailleurs que ces entreprises aient pour | |||
objet la production industrielle, les transports par terre ou par mer, | |||
l'emmagasinage, le commerce en gros ou au détail, les assurances, etc. | |||
Il ne s'agit même pas de toutes les ententes et associations qui peuvent | |||
se former entre producteurs, transporteurs ou commerçants, | |||
mais seulement de celles qui tendent à limiter ou à supprimer la | |||
concurrence. Il existe bien des sociétés coopératives composées | |||
d'agriculteurs, d'industriels ou de commerçants, qui se proposent | |||
d'organiser la production ou la vente d'un produit; plusieurs d'entre | |||
elles contiennent le germe d'une coalition, et se développeront peut-être | |||
un jour en ce sens; mais elles ne deviennent réellement une | |||
coalition que lorsqu'elles imposent à leurs membres certaines obligations | |||
destinées à écarter les effets de la concurrence. | |||
Ces coalitions naissent spontanément de la concurrence elle-même | |||
et des abus qu'elle engendre. Lorsque, sous l'effort de chaque entreprise | |||
pour écouler ses produits, les prix s'abaissent à tel point que | |||
non seulement les entreprises les plus faibles ne couvrent plus leurs | |||
frais, mais que les plus puissantes mêmes ne réalisent aucun profit, | |||
la concurrence, devenue meurtrière de l'industrie et malsaine pour | |||
le corps social tout entier, ne peut que succomber sous ses propres | |||
excès et s'abolir elle-même; elle s'anéantit alors, soit par l'absorption des plus faibles, soit par l'absorption des concurrents quand leurs forces ne sont pas trop inégales. | |||
Les premiers exemples de ce procès naturel se sont présentés | |||
dans l'industrie des chemins de fer, en Angleterre et aux États-Unis. | |||
Des l'origine, la concurrence n'a pu s'y maintenir entre les compagnies, | |||
parce que nulle industrie n'offrait des conditions plus favorables | |||
à la fusion ou à l'entente. Mais, à une époque plus récente, les | |||
coalitions se sont multipliées, en Amérique et ailleurs, dans beaucoup | |||
d'autres branches de l'industrie. D'une manière a peu près | |||
invariable, elles sont nées des circonstances qui viennent d'être | |||
relatées. | |||
=== § I. Cartels === | |||
Les ententes conclues pour un objet déterminé, entre des entreprises | |||
qui conservent par ailleurs leur existence individuelle et leur | |||
autonomie, sont généralement désignées sous le nom de ''cartels'' ou de | |||
''pools''. Les cartels réunissent des entreprises concurrentes qui appartiennent | |||
à la même catégorie professionnelle; ils exercent leur action | |||
dans une localité restreinte ou dans un État, parfois même dans le | |||
monde entier. Ils visent à prévenir les abus de la concurrence, et | |||
même a établir un monopole, mais sans prétendre le restreindre à | |||
un cercle limité d'entreprises; un cartel reste ordinairement ouvert | |||
à tous ceux qui se soumettent à ses clauses. Les cartels sont donc | |||
des fédérations économiques, qui laissent aux entreprises adhérentes | |||
leur individualité distincte et ne les obligent que dans les limites | |||
tracées par le pacte fédéral. | |||
Suivant leur degré de cohésion et de centralisation, on distingue | |||
plusieurs espèces de cartels : ceux qui se bornent à poser des règles | |||
communes sur les conditions accessoires de la vente (escompte, | |||
délais de paiement, etc.), ceux qui établissent un prix de vente | |||
minimum, sans chercher à prévenir la baisse par des mesures qui | |||
l'atteignent à sa source; ceux qui fixent à chaque établissement un | |||
rayon d'écoulement déterminé, en divisant le marché par circonscriptions | |||
géographiques, ceux qui cherchent à agir sur la production, | |||
soit en imposant à chaque contractant un chômage périodique ou | |||
une réduction proportionnelle à ses moyens de production, soit | |||
plutôt en déterminant à l'avance le total de la production annuelle | |||
et en assignant à chaque entreprise un certain contingent, sauf à | |||
prélever, sur les établissements qui dépassent leur contingent, une | |||
somme destinée à indemniser ceux qui ne l'ont pas atteint. | |||
Les combinaisons usitées sont donc extrêmement variées; mais | |||
toutes celles qui viennent d'être indiquées ont le vice commun d'être | |||
trop lâches et de se prêter, malgré les mesures de contrôle et les | |||
pénalités, à des fraudes multiples; mal observé, le pacte se dissout | |||
trop facilement. La seule forme vraiment vigoureuse et résistante | |||
du cartel est celle qui réalise la véritable centralisation, sinon au | |||
point de vue industriel ce serait alors le trust, au moins au | |||
point de vue commercial; c'est le comptoir de vente, le bureau de | |||
vente commun, chargé de passer tous les marchés, de recevoir les | |||
commandes et de les distribuer, en un mot, de pourvoir seul et pour | |||
le compte de tous à l'écoulement des produits sur le marché intérieur. | |||
Cette forme de cartel ne se conçoit guère autrement que combiné | |||
avec quelques-unes des modalités précédentes; il serait difficile à un | |||
comptoir de vente d'assurer l'écoulement total de la production, si la | |||
convention n'assignait pas à chaque établissement un contingent | |||
limité pour le marché national, ou tout au moins ne lui fixait pas les | |||
limites d'un marché territorial; mais son caractère essentiel est toujours | |||
l'organisation de la vente en commun. Parfois, c'est une maison | |||
de banque que le cartel charge de cet office; plus souvent, il institue | |||
lui-même son propre bureau de vente, soit que le bureau serve simplement | |||
d'intermédiaire entre les entreprises syndiquées et la clientèle, | |||
soit qu'il opère lui-même la vente après avoir acheté les produits. | |||
Cette dernière organisation, la plus parfaite que comporte le cartel, | |||
nécessite la formation d'une société entre les entreprises intéressées. | |||
La société ainsi constituée présente tous les caractères économiques | |||
d'une société coopérative; mais elle est en même temps et essentiellement | |||
un cartel car le comptoir de vente, par les obligations qu'il | |||
impose à ses adhérents, réalise l'unité d'action dans le but de régir | |||
les prix et d'établir un monopole. | |||
La plupart des cartels se proposent, à des degrés divers, l'organisation | |||
de la production ou de la vente sur le marché intérieur; il en | |||
est cependant qui visent aussi l'exportation, et qui la favorisent par | |||
certains procédés propres à décongestionner le marché intérieur. Il | |||
existe aussi, mais en petit nombre, des cartels d'achat, notamment | |||
entre fabricants de sucre vis-à-vis des cultivateurs de betteraves; on | |||
pourrait même considérer comme tels les syndicats organisés entre | |||
patrons pour résister aux prétentions de leurs ouvriers. Les cartels | |||
de vente provoquent parfois, par leurs prétentions, la formation de | |||
cartels d'achat; si les exploitants des houillères ou des hauts fourneaux se syndiquent, leurs clients de l'industrie métallurgique se coalisent | |||
de leur côté pour opposer cartel à cartel; de même, l'industrie | |||
allemande des cuirs vise à fonder un syndicat d'achat pour lutter à | |||
armes égales contre les bouchers coalisés comme vendeurs de peaux | |||
brutes. A l'inverse, des syndicats se forment entre cultivateurs de betteraves | |||
pour résister à la pression des fabricants de sucre syndiqués. | |||
Toutes les branches d'exploitation ne sont pas également propres | |||
aux cartels. D'une manière générale, la tendance à la coalition est | |||
d'autant plus forte que la concentration est déjà plus avancée; | |||
l'accord est aisé, en effet, entre des entreprises peu nombreuses, | |||
surtout si elles sont rapprochées géographiquement et si leur marché | |||
est limité. Le cartel suppose en outre qu'il existe entre les concurrents | |||
une certaine égalité; sinon, la concurrence aboutit à l'absorption | |||
plutôt qu'à la coalition. Enfin, et c'est la condition principale, | |||
le cartel ne peut guère exister que pour des marchandises produites | |||
en masse suivant un type uniforme. Les articles fabriqués par petites | |||
quantités, ceux qui ont une originalité individuelle, ceux qui sont | |||
parvenus au dernier degré de fabrication, s'y prêtent difficilement. | |||
Quant à ceux qui portent une marque connue et appréciée du public, | |||
ils sont l'objet d'une sorte de monopole individuel, et échappent par | |||
conséquent à toute combinaison collective. | |||
Exposer ces conditions, c'est dire que les cartels se rencontrent | |||
surtout dans la grande industrie. Ils foisonnent en Autriche et en | |||
Allemagne, leurs pays d'origine; l'industrie houillère, la grosse | |||
métallurgie, la construction mécanique, l'industrie chimique, les | |||
industries du verre et de la poterie, les industries alimentaires, sont | |||
celles où l'on rencontre les coalitions les plus nombreuses et les plus | |||
fortes, sous forme de comptoirs de vente ou autrement. En Allemagne, | |||
la région Rhin-Westphalie est le siège des syndicats les plus | |||
puissants de la houille, du coke et de la fonte; au début de 1904 s'y | |||
est formé le syndicat de l'acier, qui réunit presque tous les établissements | |||
de l'Allemagne. Les cartels du sucre et de l'alcool, qui | |||
comprennent aussi la presque totalité des intéressés, sont eux-mêmes | |||
des combinaisons au second degré; l'un résulte d'un accord entre le | |||
syndicat des fabricants de sucre et celui des raffineurs, l'autre d'une | |||
entente semblable entre distillateurs et rectificateurs d'alcool. Quantl | |||
a l'industrie textile, sa production diversifiée se prête moins facilement | |||
à la coalition. On y trouve bien des accords tendant à limiter | |||
la production ou à fixer des prix uniformes; mais le lien y est plus | |||
lâche et l'entente généralement éphémère. Nous verrons toutefois | |||
que les trusts n'y sont pas inconnus. | |||
LA CONCENTRATION INDUSTRIELLE ET COMMERCIALE 1M | |||
Dans beaucoup d'autres pays, en Russie et en Belgique notamment, | |||
la grande industrie a suivi l'exemple donné par les pays germaniques. | |||
En Angleterre, les pools sont nombreux dans la métallurgie et la | |||
construction mécanique; les plus célèbres sont les Alliances de Birmingham, | |||
conclues entre fabricants de lits métalliques; mais, comme | |||
elles reposent sur un accord avec les unions ouvrières, il est préférable | |||
d'en parler à propos des associations professionnelles. | |||
Aux États-Unis, les combinaisons de ce genre, généralement temporaires, | |||
sont très fréquentes et se chiffrent sans doute par centaines, | |||
peut être par milliers; mais elles sont mal connues et n'ont | |||
jamais fait l'objet d'un relevé. Le pool le plus considérable est cetui | |||
de la viande (Beef trust), formé à Chicago entre les huit principales | |||
corporations de packers (Armour et autres). | |||
En France, bien que la combinaison ait été pratiquée dès le milieu | |||
du xix" siècle, les syndicats de producteurs n'ont pas pris le même | |||
développement et sont restés relativement peu nombreux'. Le plus | |||
connu d'entre eux est le Comptoir de Longwy, formé en 1876 entre | |||
les maîtres de forges de l'Est pour la vente de leurs produits à l'intérieur | |||
mais il en existe d'autres encore dans les différentes branches | |||
de l'industrie du fer et de l'acier, dans la raffinerie du sucre, dans | |||
celle du pétrole, dans l'industrie des glaces, etc. | |||
Enfin, on signale même des cartels internationaux dans certaines | |||
industries chimiques comme celle de la soude, dans la production du | |||
zinc, du fer, du plomb et du cuivre, dans la fabrication des rails, | |||
des lampes à incandescence, des ustensiles émaillés, etc. Récemment | |||
encore, il existait une entente entre les fabriques de glaces de France, | |||
de Belgique, d'Allemagne et d'Italie. | |||
Les cartels internationaux tendent à s'élargir par des ententes | |||
entre cartels ou trusts de nationalités différentes. C'est ainsi que | |||
des accords sont intervenus entre les syndicats du coke belge et | |||
allemand, entre les trusts du fil de coton anglais et américain | |||
longtemps il y a eu entente entre le trust américain du pétrole et les | |||
producteurs du Caucase et de la Galicie dans ces dernières années, | |||
après une lutte opiniâtre, un accord a été conclu entre les deux | |||
trusts des fabricants de tabacs anglais et américains pour la répartition | |||
des marchés | |||
En dehors de la grande industrie, les grandes entreprises de navif1i. | |||
aCnctaea,ddaionsJannet, DessytnMdiHcaMts~enMtr/et'e:V~eMre~in'Mfs. ~Soep.o-pMoftrU.,ee~&eref/<aopMro't~fMe&Cn</tOc/eM:~e | |||
F3·ance,dans le tome LXdes SchrÍft.d. Vereins f. Soc.-poI.,Ueberwfrlschaftticlae | |||
Karlelle DeB~e/t~Md! und im ~tM~aM~,iS94. | |||
2. Grunzel, UeberjKm'&'Mpe,. 322 et s., Leipzig, Duncker, 1S02,in-8". | |||
150 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
gation se prêtent également bien à des combinaisons de ce genre; | |||
les pactes sont fréquents, en Allemagne et en Angleterre, entre | |||
les compagnies de navigation maritime. Les assurances forment | |||
aussi un domaine approprié aux .cartels, à cause de la similitude des | |||
opérations et du petit nombre des concurrents; en Autriche, en | |||
Russie et ailleurs, les tarifs des assurances contre les incendies résultent | |||
d'un accord entre les compagnies. Le commerce en gros, charbons, | |||
thés, denrées coloniales, etc., fournit aussi de nombreux | |||
exemples de coalitions en Angleterre, en Allemagne et ailleurs. | |||
Au contraire, l'agriculture est restée jusqu'ici en dehors du mouvement. | |||
C'sst que l'agriculture, surtout dans ses branches principales, | |||
oppose à la formation des cartels des obstacles de tout genre | |||
les producteurs y sont trop nombreux et trop dispersés, les marchés | |||
trop étendus, les produits manquent généralement d'homogénéité, | |||
la production échappe trop facilement aux limitations conventionnelles | |||
sous l'influence des conditions climatériques. Aussi les tentatives | |||
de coalition sont-elles sx trémement rares parmi les agriculteurs. | |||
On ne peut guère .signaler -en ce sans que les :efforts des agrariens | |||
allemands pour organiser la vernie du blé, et ceux des producteurs de | |||
lait, dans certaines régions de l'Allemagne, pour accaparer le marché | |||
d'une grande ville et imposer leurs prix aux commerçants. Quant aux | |||
cartels de l'alcool et du sucre, ce sont de véritables cartels industriels, | |||
auxquels les agriculteurs n'adhèrent qu'en qualité de fabricants; | |||
leur objet sst de limiter la production industrielle, et d'exercer une | |||
action sur le prix d'un produit industriel; ils m'ant pas encore essayé | |||
de réglementer la production de la betterave ou de la pomme de terre | |||
La petite industrie et le commerce de détail ne semblent pas offrir | |||
un terrain plus favorable aux cartels. Toutefois, les ententes ne sont | |||
pas inconnues chez les détaillants. Un peu partout, il se forme des | |||
ententes tacites sur les prix de vente au détail entre les bouchers, les | |||
boulangers, épiciers, pharmaciens, droguistes d'une même localité. | |||
Il arrive aussi que les détaillants élèvent des cartels contre les négociants | |||
en gros ou les producteurs. Tandis que les producteurs coalisés | |||
cherchent à imposer leurs conditions aux débitants, ceux-ci se | |||
groupent parfois pour se défendre; ainsi, à .Berlin, les marchands de | |||
lait se sont syndiqués pour mener la guerre du lait contre la coopérative | |||
des paysans du Brandebourg. Plus souvent, les commerçants | |||
au détail se coalisent vis-à-vis des grands producteurs pour adapter | |||
I. Souehon,Lesem'<eZ/sde fa.çt-îcM~Mte-en Allemagne, p. 177, 2~S,229 et s.. | |||
Co)in, 1903,m-13. | |||
LA CONCENTRATIONINDUSTRIELLEET COMMERCIALE ici | |||
leurs prix de vente à ceux du gros, et pour se réserver une certaine | |||
marge qui leur laisse un profit suffisant; on a des exemples de ces | |||
coalitions chez les épiciers en Angleterre. Parfois même, il arrive que | |||
les détaillants sont les plus forts, et qu'ils dictent leurs conditions. | |||
En Angleterre, l'association des pharmaciens-droguistes à obtenu des | |||
fabricants de spécialités pharmaceutiques l'engagement de refuser | |||
toute fourniture aux détaillants qui vendraient les produits audessous | |||
d'un certain prix; la convention s'applique à 86 fabriques, | |||
3 SOOdétaillants (40 p. 100 de l'ensemble), et porte sur une centaine | |||
de produits. L'exemple a été suivi aux États-Unis et au Canada, et | |||
les débitants de tabacs anglais cherchent à s'organiser de la mémé | |||
manière. En Allemagne, certains commerçants sont allés plus loin | |||
encore; l'Union des marchands d'ustensiles en fer fait signer aux | |||
fabricants l'engagement de ne .fournir aucun bazar ni aucune société | |||
coopérative. Enfin le cartel devient un mode d'intégration commerciale, | |||
lorsqu'il consiste dans l'union d'une maison de gros et de | |||
nombreuses maisons de détail, comme c'est le cas en Angleterre | |||
dans le commerce du thé'. | |||
§ II. Trusts s. | |||
Les cartels les mieux organisés ne procurent des économies | |||
aux intéressés que sur les frais de vente, de réclame et d'intermédiaires | |||
les comptoirs de vente eux-mêmes ne réalisent qu'imparfaitement | |||
l'unité commerciale, et n'opèrent en aucune façon la | |||
centralisation industrielle. Aussi les entreprises qui se font concurrence | |||
dans une même branche, si elles veulent supprimer les inconvénients | |||
d'une production mal coordonnée, ou si elles ont besoin .“ | |||
d'échapper aux lois contre les coalitions, doivent aller plus loin dans | |||
la voie des sacrifices, et renoncer totalement à leur individualité pour | |||
se fondre dans une entreprise unique. Sur le continent européen, | |||
l'esprit particulariste des producteurs a fait obstacle jusqu'ici à ces | |||
fusions. Aux États-Unis, au contraire, la concurrence plus ardente a | |||
déterminé les entreprises rivales à s'amalgamer en corporations | |||
unitaires et centralisées, qui portent le nom de ~'M~ en souvenir | |||
d'un mode de constitution aujourd'hui abandonné. | |||
Les formes juridiques du trust peuvent varier; tantôt la corpora- | |||
1. Macrasty, Ty'M~sand <AsS~e, p. !C4 et s. – Borgius, Wan~M~ .M | |||
tMo~frMenDe<a:<feV, Ârchiv fur Gesetzgebungde Brann,iS99, t. X!H,p. ?8et s. | |||
2. VoirAnnexeII, 3°.– Les renseignements tes ptus completssur )es trusts aetaetlement | |||
existants se trouvent dans Martin Saint-Léon, Cartel e< ft-a~s, LccotTre. | |||
M03,m-8". | |||
152 LES SYSTEMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ECONOMIQUE | |||
tion _na'.est propriétaire que d'te l1a majorité des actions dans les | |||
diverses sociétés amalgamées c'est le holding ~-M~, dont 1' S. Steel | |||
Co?'po?'a<!on, ou trust de l'acier, est le type le plus remarquable; | |||
tantôt la nouvelle compagnie est directement propriétaire de tous les | |||
immeubles et de tout l'outillage des anciennes entreprises, qui ont | |||
totalement disparu a la suite d'une fusion complète; tel est le cas de | |||
l'.lN:e?'MaK SM~ar /~)w~ Co. Mais ces différences ne portent guère | |||
que sur la forme; bien que la première combinaison présente peutêtre | |||
moins de cohésion que la seconde, les caractères et les avantages | |||
économiques de l'amalgamation sont à peu près les mêmes dans les | |||
deux cas. | |||
Un trust ne bénéficie pas seulement des économies ordinaires de la | |||
production entreprise sur une grande échelle; l'unité de direction, | |||
étendue à des établissements multiples, lui permet d'opérer sur les | |||
frais des réductions toute particulières. Tandis qu'un cartel est | |||
obligé de conserver les établissements les plus faibles, et leur donne | |||
même un appui artificiel en provoquant une hausse des prix, en | |||
allouant des indemnités de chômage, parfois même en concédant des | |||
primes supplémentaires aux petites usines (cartel allemand de | |||
l'alcool), un trust peut, dès sa formation, fermer les usines mal | |||
situées ou mal outillées qui sont sous sa dépendance, et ne conserver | |||
que les établissements les mieux agencés, de manière à restreindre au | |||
minimum les frais généraux, le coût de la main-d'oeuvre et celui des | |||
transports. C'est ainsi que le H~M~ 7~'M~, au moment où il s'est | |||
constitué, a fermé 68 fabriques sur 80, sans réduire cependant la | |||
production. Régissant souverainement toute la production dans les | |||
nombreux établissements soumis à sa loi, le trust peut encore | |||
réaliser de nouveaux progrès par une division du travail plus largement | |||
appliquée, en affectant chaque fabrique à une production très | |||
spécialisée il peut aussi donner à la plupart de ses usines un fonctionnement | |||
intégral et continu, en faisant supporter les inévitables àcoups | |||
de la production par un petit nombre d'entre elles désignées | |||
à l'avance; il peut étendre à toutes ses fabriques les progrès | |||
réalisés dans une seule, et généraliser l'usage des brevets dont il s'est | |||
rendu acquéreur. Enfin, c'est encore par une habile distribution | |||
géographique qu'un trust économise les frais de transport, en dirigeant | |||
sur chaque marché les produits de l'usine qui peut les lui | |||
expédier par la voie la moins coûteuse. Un comptoir de vente peut | |||
d'ailleurs simplifier les transports de la même manière. | |||
Mais l'activité et l'esprit de progrès ne risquent-ils pas de se | |||
ralentir dans ces vastes organisations bureaucratiques, surtout si | |||
LA CONCENTRATIONINDUSTRIELLEET COMMERCIALE i53 | |||
elles sont à l'abri de la concurrence? Les administrateurs des trusts | |||
ne le pensent pas; ils entretiennent l'émulation entre les directeurs | |||
de leurs diSérentes usines par une comparaison continuelle des frais | |||
et des bénéfices opérés dans chacune d'elles, et les intéressent par | |||
des primes calculées suivant le chiffre d'affaires de leurs établissements. | |||
Ils estiment que la direction de spécialistes exercés vaut bien | |||
celle de fils de famille à qui échoit, par droit de naissance, la propriété | |||
des entreprises individuelles. | |||
Au point de vue commercial, un trust obtient les mêmes avantages | |||
qu'un comptoir de vente par son organisation centralisée, et présente | |||
même une unité de direction plus complète et plus sûre. Mais les | |||
avantages commerciaux sont bien supérieurs encore, pour l'un comme | |||
pour l'autre, en cas de monopole. Sans parler des bénéfices qui | |||
peuvent résulter de la baisse des matières et de la hausse des produits | |||
au delà des prix de concurrence, le monopole procure par lui-même | |||
des économies importantes. Un trust ou un cartel en possession d'un | |||
monopole, au lieu de s'épuiser en coûteux efforts pour arracher à | |||
ses concurrents la clientèle existante, consacre toutes ses ressources | |||
à la recherche de nouvelles couches de consommateurs. La réclame | |||
cesse d'être nécessaire, et les commis voyageurs, dont la fonction | |||
principale consiste à disputer les clients aux maisons rivales, | |||
deviennent en partie superflus; aussi leur nombre a-t-il diminué | |||
de 38 000 aux États-Unis depuis le développement des trusts. Plus de | |||
concessions ruineuses consenties pour évincer les concurrents ou | |||
écraser un adversaire; plus de ventes au-dessous du prix de revient, | |||
ni de crédits aux mauvais payeurs; plus de crises de surproduction | |||
sur le marché intérieur, ni de stocks à écouler dans des conditions | |||
désastreuses; le trust, maître du marché, fixe ses prix, prend des | |||
garanties contre les clients suspects, et ajuste aussi exactement que | |||
possible la production à l'état de la demande. | |||
Ce sont là notions courantes aujourd'hui; il était cependant utile | |||
de les rappeler, pour préciser exactement les causes naturelles de | |||
l'évolution industrielle, et pour mettre en lumière son caractère de | |||
nécessité. Suivant le tempérament des peuples et les conditions de | |||
milieu,, les ententes ont pris des formes différentes; en Europe, on | |||
s'est borné à des fédérations plus ou moins étroites; aux États-Unis, | |||
on a poussé jusqu'au bout la centralisation par esprit de conquête | |||
etde spéculation mais partout, chez tous les peuples industriels, on a | |||
senti la nécessité de recourir à la coalition dans certaines branches | |||
de la production pour mettre fin à une concurrence ruineuse; diminuer | |||
les frais et conquérir les marchés extérieurs. | |||
1S~ LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
Les Américains reconnaissent la force du mouvement qui les | |||
entraîne; ils attribuent volontiers à la constitution des trusts leur | |||
supériorité dans certaines parties du commerce d'exportation, et | |||
constatent qu'ils ne subissent guère les importations des pays à | |||
faibles salaires que dans les branches de production où les trusts ne | |||
sont pas dominants. Aussi le mot d'ordre est-il aujourd'hui de | |||
'combattre les abus de ces formidables engins de domination, sans se | |||
priver des avantages qu'ils comportent. | |||
Le développement des trusts aux États Unis est un fait récent; | |||
'en 1900, sur 185 trusts relevés par le Census, 12 seulement avaient une | |||
origine antérieure à 1890, tandis que 92 s'étaient formés de juin 1899 | |||
a juin 1900. Il est assez difficile d'en faire le dénombrement exact, | |||
sans confondre avec les véritables trusts formés par amalgation les | |||
simples eo?'Me~, les poolsou cartels, et les sociétés qui se sont.agrandies | |||
par achat d'entreprises concurrentes. Le Census de 1900 ne | |||
compte que 18S trusts, et ne leur attribue qu'une part assez faible | |||
dans l'ensemble de l'industrie nationale; ils n'occuperaient que | |||
'8 p. 100 des salariés de l'industrie, et ne fourniraient que 14 p. 100 | |||
de la production industrielle. Mais ce recensement, qui est antérieur | |||
à la formation du trust de l'acier, est probablement incomplet; des | |||
statistiques plus récentes, d'un caractère semi-officiel, donnent les | |||
noms de 387, voire même de 443 trusts proprement dits. | |||
PlusdifSciio encore parait être l'estimation de leur capital. Il est | |||
certainement considérable le Census de 1900 évaluait le montant des | |||
actions et obligations émises par les trusts à 1S milliards de francs; | |||
suivant une estimation de 1902, le capital autorisé s'élèverait à | |||
3S milliards de francs pour 387 corporations, et, suivant une autre, | |||
&46 milliards pour 443 trusts'. Mais ce capital est toujours arrosé | |||
{M-o~et'ed)bien au delà de la valeur réelle des établissements, dans le | |||
but de satisfaire aux exigences de tous ceux dont le concours est | |||
nécessaire à la formation du trust: grands industriels qui ne consentent | |||
à la vente de leurs usines ou à l'échange de leurs titres qu'avec | |||
une majoration considérable, banquiers etpromoteurs qui cherchent | |||
un énorme profit pour leurs avances et leurs démarches; souvent | |||
.aussi, l'exagération du capital est destinée à dissimuler au public le | |||
taux réel des dividendes. Le Census de 1900 constate lui-même qu'à | |||
côté d'un capital de 3093 millions de dollars., valeur d'émission, les | |||
-établissements des 188 trusts recensés n'avaient qu'une valeur | |||
i. VoirAnnexeU, 2°. Un auteur américain, M. Collier,évalue le capital des | |||
trusts a 42 milliards de francs au {" janvier 1900(CoHier,T/MT;'M~ p. ?!,New- | |||
York, Baker &Taytor C",MOO,in-12). | |||
LA CONCENTRATION INDUSTRIELLE ET COMMERCIALE Ï5S | |||
d'inventaire de 1 436 millions de dollars. La surcapitalisation serait | |||
donc en moyenne du double de la valeur réelle; elle a été du quintuple | |||
pour le Shipbuilding Trust, qui a sombré en 1904. | |||
Les promoteurs cherchent à justiûer la surcapitalisation en disant | |||
que tout capital doit s'estimer d'après son revenu réel, d'après sa | |||
capacité d'acquisition, et que, sur cette base, les émissions ne sont | |||
pas exagérées. C'est reconnaître implicitementque la surcapitalisation | |||
consiste en définitive dans la capitalisation du revenu du monopole, | |||
et qu'elle rend nécessaire, pour la rémunération du capital, une certaine | |||
exploitation du public. C'est aussi escompter d'une façon | |||
aventureuse les bénéSces à venir. L'exagération du capital est certainement | |||
dangereuse pour les souscripteurs et pour les consommateurs | |||
elle menace la solidité de i'édiBce, au moins au point de vue | |||
financier, et détermine aujourd'hui une crise aux Etats-Unis. Mais | |||
si la constitution actuelle de certains trusts est précaire, même chez | |||
ceux qui paraissent les plus puissants, la consolidation industrielle | |||
est fondée sur des causes trop profondes pour ne pas survivre aux | |||
combinaisons financières hasardeuses qui l'ont entourée à sa naissance. | |||
Les trusts dominent les principales branches de la grande production | |||
en Amérique fer et aciers, machines, appareils électriques, | |||
produits chimiques, sucre, alcool, pétrole, glace, biscuits, sel, bière, | |||
tabacs, papier, verre, textiles, cuir, bois, etc. Certains d'entre eux | |||
ont des dimensions colossales. Le Census de 1900 en signale 13 | |||
dont le capital d'émission dépasse 330 millions de francs c'est le | |||
trust des cuirs (~. -S. Zea~r C"), au capital de 637 millions de | |||
francs la Continental Y~acco C° et le trust du pétrole, au capital | |||
de 488 millions chacun les trusts du cuivre, du sucre, des voitures | |||
PuIImann, au capital de 370 à 380 millions, etc. Le plus ancien des | |||
grands trusts, et l'un des plus prospères, est celui du pétrole, la | |||
S~ndar~ 0~ C°, qui a distribué en 1900, d'après le Census, un dividende | |||
de 223 millions de francs, soit &Sp. 100 du capital; il est vrai | |||
que ce capital n'est pas arrosé. | |||
Mais le trust le plus gigantesque est celui de l'acier, 1' Steel | |||
Corporation. II n'est pas seulement remarquable par l'énormité de | |||
son capital (7 200 millions de francs, dont S 300 millions en actions) | |||
il l'est aussi par la complète intégration industrielle qu'il a su opérer. | |||
Il réunit en enetsous une même direction des gisements de minerais, | |||
des mines de houille, des carrières de pierres à chaux, une centaine | |||
de navires pour les transports sur les grands lacs, des docks et | |||
embarcadères, un réseau de voies ferrées sur lesquelles circulent | |||
156 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
28000 wagons, des hauts fourneaux et des usines de transformation | |||
qui se chiffrent par centaines. Il occupe 168000 salariés, et contrôle | |||
60 à 80 p. 100 de la production américaine suivant les articles; | |||
en 1902, son produit brut s'élevait à 3 milliards de francs, ses recettes | |||
nettes à près d'un demi-milliard. H présente enfin, dans sa constitution, | |||
ce caractère particulièrement intéressant d'être formé par l'amalgamation | |||
de il corporations, dont quelques-unes étaient déjà, dans | |||
leur spécialité métallurgique, des trusts considérables c'est donc un | |||
trust de trusts, une combinaison dernière qui est comme le couronnement | |||
d'une organisation collective de l'industrie. | |||
L'Angleterre, à son tour, est entrée dans le mouvement à une | |||
date récente. En dehors des entreprises qui se sont agrandies en | |||
achetant des maisons rivales, comme le cas est fréquent dans la | |||
métallurgie, la construction des navires, l'industrie houillère et la | |||
navigation maritime, en dehors également des simples pools et des | |||
coalitions de spéculateurs, les trusts proprement dits se sont multipliés | |||
depuis 1898. D'après un état dressé en 1901, et inséré dans le | |||
Rapport de la Commission industrielte instituée en 1S98 par la | |||
Chambre des représentants aux Etats-Unis, le capital des trusts | |||
anglais, qui n'est pas dilué comme celui de leurs congénères américains, | |||
montait alors a 2 300 millions de francs; sur 35 trusts relevés | |||
dans cet état, 21 possédaient un capital supérieur à 2S millions, et | |||
6 un capital variant entre 170 et 230 millions. Ces consolidations se | |||
rencontrent'principalement dans l'industrie textile et les industries | |||
connexes, fileterie, filature, retorderie, peignage de laine, bonneterie, | |||
fabrication de tulles et rubans, teinturerie, impressions sur étoues | |||
et blanchiment; mais on en trouve également dans la construction | |||
des navires, l'industrie métallurgique et la construction mécanique, | |||
dans les industries chimiques, les moulins à huile, les carrières de | |||
pierres, les fabriques de savons, poudres de tir, papiers peints, | |||
linoleum, ciment, etc. Les lignes de navigation maritime et les | |||
docks ont fait l'objet d'amalgamations analogues; le commerce des | |||
charbons en offre également des exemples, qui sont en même temps | |||
des cas remarquables d'intégration du commerce en gros, du commerce | |||
de détail et des transports. Ces combinaisons ne paraissent pas | |||
d'ailleurs aussi lucratives en Angleterre qu'aux Etats-Unis, peut-être | |||
à cause d'une administration moins centralisée'. | |||
Il existe enfin des trusts internationaux, comme il existe des | |||
cartels internationaux; on en trouve pour la dynamite Nobel, le | |||
i. Macrosty,y~'K~sand //tcS~a/e, chap. vin et ix. | |||
LA CONCENTRATION INDUSTRIELLE ET COMMERCIALE tS7 | |||
borax, le nickel, le mercure. Le trust de l'Océan (International ~rcantile | |||
~aWMe C°) est apparu à sa naissance comme un trust de | |||
grandes compagnies anglaises et américaines, et un cartel formé | |||
entre ce trust et des compagnies allemandes et hollandaise.. | |||
§ III. Les effets du monopole. | |||
Certains trusts ne sont que de vastes entreprises ayant une large | |||
part dans le chiffre total des affaires de même nature de leur pays, | |||
sans en détenir cependant le monopole. Mais tous les trusts tendent | |||
naturellement au monopole, et beaucoup d'entre eux ont réussi à | |||
l'établir sur un marché local ou sur le marché national, quelques-uns | |||
même sur le marché universel. Plusieurs cartels, même parmi ceux | |||
qui ne sont pas constitués en comptoirs de vente, sont aussi parvenus | |||
au monopole, avec cette différence qu'ils ne sont pas des corporations | |||
fermées. | |||
Le monopole se caractérise par le pouvoir de fixer les prix. Il suffit | |||
à un trust ou à un cartel, pour le posséder effectivement, de contrô) | |||
er 80 à 90 p. 100 du débit total de la marchandise; le prix établi | |||
par le trust est alors accepté comme le prix du marché, et les concurrents | |||
qui subsistent encore l'adoptent eux-mêmes. | |||
Quel que soit le monopoleur, entreprise unitaire simple, fédération | |||
d'entreprises (cartel), ou entreprise unitaire d'origine composite | |||
(trust), les effets du monopole sont toujours les mômes et s'exercent | |||
à l'égard des mêmes catégories d'intéressés. Ce sont, en première | |||
ligne, les consommateurs; ce sont aussi les producteurs de matières | |||
premières, les négociants en gros et les détaillants; ce sont enfin les | |||
employés et ouvriers salariés~. | |||
Pour le consommateur, il semble qu'il soit à la merci du monopoleur, | |||
et qu'il doive subir des prix très supérieurs à. ceux qui résulteraient | |||
de la concurrence. Tel n'est pas cependant l'avis de beaucoup | |||
d'économistes, qui font valoir que le monopoleur, dominé par la | |||
recherche du profit, n'a pas intérêt à hausser les prix outre mesure. | |||
Abuser du monopole pour rançonner le consommateur, ce serait | |||
t. La question a été soigneusement étudiée en Amérique. Report of the | |||
I€nt~d~usMtrsia6l'aC~omComMists6io!Mn oCf<t:haune?dMUPnriitceeds,SptaatresJ,ent.k.Is,, ~pt'.M3'9CeMto/)s'.j,Eapn:n<é~ene<e0,p0.0;9t.eXt IsII.,, | |||
.Rec:<c of Evidence, p. v et s., année 1001; t. XVIII, On M~ Cambi- | |||
Mh'o~MM Europe, par Jenks, année 190!. Jenks, T'fM.s/sand !M~:M<t'a/ Comhinations, | |||
Bulletin ofthe DepartmentofLabor, Washington, juillet i900.–Jenks, | |||
2'Afy!-M~Pioblem,New-York,MeOure, 1000,in-12. Collier, Theï'?-tM~. | |||
1M LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
susciter des compétit1e.urs, provoquer l1e recours à des succédanés tels | |||
que l'alcool à la place du pétrole, et restreindre la consommation au | |||
point de diminuer le bénéfice global. L'intérêt bien entendu d'un | |||
trust est d'abaisser son prix jusqu'au point, variable suivant les produits, | |||
où le débit correspond au plus grand benénce, point qui peut | |||
être très bas pour des articles susceptibles de se répandre dans de | |||
très larges couches de consommateurs. | |||
Freins insuffisants réplique-ton d'autre part. Qu'est-ce que la | |||
concurrence potentielle, vis-à-vis d'un trust tout-puissant qui alimente | |||
a. peu près complètement le marché ? Pour le lui disputer, y | |||
il faudrait engager des capitaux considérables dans une lutte dont | |||
l'issue serait douteuse, mais dont le résultat immédiat le plus certain | |||
serait l'improductivité totale des capitaux pendant toute la durée de | |||
la concurrence, tant à cause de la surproduction inévitable que des | |||
procédés extrêmes de la guerre commerciale. N'est-ce pas suffisant | |||
pour décourager à l'avance toute compétition? Et si la concurrence | |||
parvient néanmoins a s'établir, n'aboutira-t elle pas encore' une fois | |||
au rachat ou à la fusion? Enfin, ajoute-t-on, si: la seule garantie | |||
contre une hausse excessive se trouve dans l'intérêt bien entendu du | |||
monopoleur, rien ne protège le public contre les manoeuvres financières | |||
d'administrateurs audacieux qui se préoccupent peu des intérêts | |||
permanents de l'entreprise, et ne songent qu'à profiter momentanément | |||
du monopole en élevant les prix', pour donner un dividende | |||
immédiat à un capital exagéré et pour amener une hausse temporaire | |||
des titres dans un but de spéculation. | |||
Mais la question ne peut ainsi se discuter in OE&s<racfo il faut | |||
interroger les faits, tels. qu'ils ressortent de l'enquête entreprise par | |||
la Commission industrielle des États-Unis, de celle que poursuit la | |||
Commission allemande instituée en 1902~et d'autres études documentaires'. | |||
Sur cette question des prix, trois conclusions résultent assez | |||
nettement des enquêtes. | |||
i° La formation d'une combinaison donne lieu- à un relèvement | |||
immédiat des prix. La constatation, faite en Amêriqu&pour les trusts, | |||
n'est pas moins sure pour les cartels européens. Le relèvement est | |||
d'ailleurs justifié; il ne faut pas oublier, en effet, que toute combinaison | |||
a pour origine un abaissement anormal des prix dû a l'excès | |||
de la concurrence, qui ne laisse pas à l'industrie le juste profit dont | |||
elle ne peut se passer. | |||
2° Les prix. des articles monopolisés pac tes trusts américains | |||
1. Voir AnnexeH, 3*, | |||
LA CONCENTRATIONINDUSTRIELLE ET COMMERCIALE i89- | |||
subissent des fluctuations fréquentes et considérables. Ce fait d'expérience | |||
vient contredire les prévisions que l'on pouvait fonder sur I& | |||
pouvoir régulateur d'une coalition investie d'un monopole. TI est | |||
cependant établi d'une façon incontestable par l'enquête américaine. | |||
C'est que les trusts les plus puissants n'ont jamais joui jusqu'à présent | |||
d'un monopole continu. Lorsque surgit la concurrence, le trust | |||
cherche à l'abattre en abaissant ses prix, parfois au-dessous du prix | |||
de revient si la concurrence est simplement locale, il ne baisse les | |||
prix que sur les points où porte l'attaque, sauf à récupérer la perteen | |||
les élevant partout ailleurs'. En l'absence de concurrence, au contraire, | |||
le trust tient le prix à un taux assez élevé pour recueillir seul, | |||
à l'exclusion du publie, le bénéSce des économies qui résultent pour | |||
lui de la production en grand et du monopole, D'ailleurs, ce taux ne | |||
signifie pas toujours un prix plus élevé qu'avant la combinaison, | |||
ni même une diSérence plus grande entre le prix du produit et celui. | |||
de la matière première. | |||
Quoi qu'il en soit, les fluctuations des prix prouvent suffisamment, | |||
que le monopole ne s'est encore établi nulle part d'une façon permanente | |||
et inattaquable, et que les trusts sont tenus à une modération | |||
relative s'ils veulent le conserver. Jusqu'ici, toutes les fois qu'un | |||
trust a voulu pousser trop loin ses avantages, il a provoqué des concurrences | |||
qui lui ont été dommageables; les trusts du sel et del'ammoniaque | |||
en Angleterre, le H7tMAy 7~'M~ aux Etats-Unis, ont | |||
ainsi supporté la peine de leur avidité, et le trust américain du | |||
sucre, qui contrôlait 90 p. '100 de la production en 1898, n'en contrôle | |||
plus que 55 p. 100 en 1900 pour la même raison. | |||
En Europe, il est rare que les syndicats industriels manient les. | |||
prix avec autant d'audace qu'en Amérique. A part les exemples | |||
déjà anciens qui viennent d'être cités, les trusts anglais paraissent | |||
avoir usé modérément de leur pouvoir. La hausse de leurs produits, | |||
en 1900 et 1901, est due pour la plus grande partie à celle des matières | |||
premières, et les bénéfices qu'ils réalisent proviennent surtout des | |||
économies de la concentration. | |||
Quant aux cartels du continent, ils ont sans doute profité de leur | |||
i. Sur 30 villes du Michig'anet de l'Ohio où les prix du pétrole ont été notés le | |||
même jour, il y en avait t2 où la Standard Oil C° avait a subir une concurrence; | |||
dans ces 13villes, le prix du gallon variait entre 4 3/4 et 6 t/2 cents, tandis que, | |||
dans les autres, il variait entre T 3/4et 83/4 cents (Reporta/*</MfNf&M~M~ Co~tMMsion, | |||
t. J, Testimony, p. 3t7). Même procède de la part de l'.4?7te!'i'eaS?tugar | |||
~e/tHMt~C",de la T~tono~ SaM C°, de r~?ne?':ea)tï'o&<tecoC", de la Royal BaAtttg' | |||
Powder C'. (Hourwich, Tt'MS~and Prices, The Annals of the Amer. Academyof | |||
political and social Science, novembre 1902). | |||
160 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
situation pour élever les prix au-detssus du taux de concurrence, | |||
autant que le permettaient les tarifs douaniers; le cartel allemand | |||
du sucre, notamment, pendant les deux années 1900-1902, a | |||
pu hausser de 33 p. 100 le prix du raffiné, tandis que le prix du | |||
.sucre brut baissait de 36 p. 100 dans la seconde partie de cette | |||
période; certains cartels du coke et de la fonte ont été l'objet de | |||
plaintes justifiées au sujet des prix, de la qualité des livraisons et | |||
des conditions léonines qu'ils imposaient à leurs clients. Toutefois, | |||
il est équitable de reconnaître qu'en général la politique des cartels | |||
.allemands a été tempérée, qu'elle a tendu à stabiliser les cours et à | |||
régulariser la production pendant une période de grandes vicissitudes | |||
industrielles, de manière à éviter les crises de prix et les | |||
,embauchages d'ouvriers suivis de renvois en masse; les cartels de la | |||
houille ont assuré à leurs clients des prix relativement modérés | |||
pendant la disette du charbon en 1900'; et si les prix de la houille, | |||
du coke, de la fonte ou des demi-produits, établis par des contrats | |||
.à long terme, sont devenus onéreux après la baisse des produits | |||
demi-ouvrés et finis pour les usiniers qui ne possédaient pas de | |||
mines et de hauts fourneaux, les cartels ont répondu que « le producteur | |||
qui s'est abstenu d'exploiter la hausse avec autant d'âpreté | |||
que ses concurrents n'est évidemment pas à même d'accompagner | |||
la baisse aussi rapidement que ces derniers ». Un autre cartel, celui | |||
de l'alcool, a maintenu une certaine fixité des prix pour l'alcool de | |||
bouche, et il a largement abaissé ceux de l'alcool industriel avant 1904. | |||
L'opinion publique en Europe est singulièrement plus ombrageuse | |||
,qu'en Amérique à l'égard des monopoles, et ne tolérerait pas certains | |||
procédés pratiqués de l'autre côté de l'Atlantique 2. | |||
3" Les prix d'un grand nombre de produits monopolisés sont plus | |||
élevés à l'intérieur qu'à l'exportation. Sur le marché intérieur, à | |||
l'abri des barrières douanières, on fait payer des prix de monopole | |||
.au consommateur ou à l'industrie nationale; mais en même temps, | |||
pour entretenir une large production sans encombrer le marché, on | |||
onIt.hDau'aspsréèdseM1.0A0rpn.hiûoOld,encotrnes1ei8l9le8redte19co0m0,tmanedrciseq, uleeslechsayrnbdoincsatbrhelfg/neasne-twaensgtplahiaslien, | |||
pour les mêmes charbons, portait ses prix de 2 marks 1/2 a.3 marlis seutement | |||
la hausse des charbons du syndicat aurait été de 25p. 100,d'aprèsM.Stumpf, | |||
detpgué du syndicatde !a fonte. | |||
2. Muséesocial,Annales, L'enqziéteallemande sur les cartels, avril et mai 1903. | |||
Report of the 7M~M&-MC/sMMt~Mnt,. XVH),p. 3a et 36. Souchon, Lesea;'<c~ | |||
de <"a~)':CMHMen!'eAllemagne,p. i6i et s. Rapport de M. von Mendeissohnsur | |||
Lesccr~/s en Allemagne, Recueil consulaire de Betgique, i905, vot. i30, p. t9i à | |||
3M, Bruxelles, Weissenbruch. RaMovich, Le m<c/;f financier, f904 et 1903 | |||
.(Allemagne),GuHfaumin,gr. in-8. | |||
LA CONCENTRATION INDUSTRIELLE ET COMMERCIALE i6i | |||
_a -7 1- .1.t.1. 4r- 41~l- a. ~rs.w,n. | |||
LESSYSTEMESSOCIALISTES. 1 | |||
vend le surplus en dehors des frontières à des prix inférieurs, parfois | |||
même à perte, en se couvrant par des bonifications prélevées sur | |||
les bénéuces de la vente à l'intérieur. On conquiert ainsi de nouveaux | |||
marchés à l'étranger; mais on rend l'exportation impossible aux | |||
industries nationales qui sont obligées de se servir du produit monopolisé. | |||
Cette pratique est établie par les témoignages les plus nombreux | |||
et les plus concordants; elle est courante dans les trusts américains, | |||
comme dans les cartels allemands et autrichiens du sucre, de la | |||
houille, du coke, de la fonte, etc. Les représentants des syndicats | |||
cherchent à la justifier en disant que, s'ils n'opéraient pas ainsi, ils | |||
seraient obligés de restreindre leur production et de lui donner une | |||
allure plus irréguliëre, faute de débouchés suffisants; de là un | |||
accroissement de frais, qui retomberait plus lourdement encore sur | |||
le consommateur indigène 1. Les syndicats ne sont d'ailleurs pas les | |||
seuls à user de ces procédés de discrimination; dans les industries | |||
d'exportation fortement protégées, les entreprises individuelles y | |||
recourent volontiers pour le sucre, ce sont les législations ellesmêmes | |||
qui ont donné l'exemple par leurs primes d'exportation. | |||
Le monopole des corporations industrielles est aussi pesant pour | |||
les producteurs et vendeurs de matières premières que pour les consommateurs. | |||
Un trust qui est l'unique acheteur d'un produit dicte | |||
naturellement ses conditions. La Standard Oil Co a parfois offert aux | |||
producteurs de pétrole brut des prix très élevés pour ruiner une | |||
raffinerie concurrente; mais quand elle s'est trouvée affranchie de | |||
toute concurrence, elle a bien souvent abaissé ses prix d'achat au | |||
point de mettre en perte les exploitants des puits de productivité | |||
moyenne; maîtresse des transports par ses ptpe-~HM, elle dispose à | |||
son gré des puits qu'elle veut acheter. Dans les cartels du sucre, | |||
chaque fabricant, après que les zones d'approvisionnement ont été | |||
réparties par la convention, reste seul acheteur vis-à-vis des cultivateurs | |||
do betteraves. Même pression des négociants syndiqués sur | |||
les vignerons, des usiniers sur les pêcheurs de sardines, et ainsi de | |||
suite. Il ne reste aux producteurs de matières que la ressource de se | |||
syndiquer eux-mêmes pour soutenir leurs prix, s'ils sont conscients | |||
de leurs intérêts et capables d'organisation. | |||
Les négociants en gros et au détail subissent aussi la loi des synf. | |||
Bfp<M'<of ~e ~K~M~M~Commission,t. XIII, p. xxv; d'après la déposition | |||
de M. Schwab, président de l'U. S. Steel Co'~ora~M~. | |||
i62 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
dicats de producteurs. Les grandes combinaisons industrielles ont | |||
souvent exercé une influence salutaire, en écartant du marché des | |||
matières brutes les éléments de spéculation qui en faussaient les | |||
cours. Elles ont aussi rendu de véritables services aux consommateurs | |||
en posant une limite aux exigences des détaillants, dans le but | |||
de parvenir au plus grand débit possible de leurs marchandises; | |||
c'est ainsi qu'elles fixent elles-mêmes les prix auxquels les commerçants | |||
sont autorisés à vendre leurs produits, et ne leur consentent | |||
les réductions ordinaires que s'ils observent ces conditions. Lorsque | |||
la marge est suffisante, le détaillant n'est pas lésé; bien au contraire, | |||
il retire un grand avantage de la stabilité des prix du gros maintenue | |||
par certains cartels. Mais il n'est pas rare non plus qu'un syndicat | |||
pèse sur les maisons de détail par des primes, des menaces ou | |||
des amendes, pour les engager à ne vendre que ses produits à l'exclusion | |||
de ceux de ses concurrents. | |||
Quant aux ouvriers, il ne semble pas qu'ils aient eu jusqu'ici à | |||
souffrir gravement de ces nouvelles organisations industrielles. | |||
Malgré la fermeture des établissements inférieurs, le nombre total | |||
des emplois dans les industries monopolisées est loin d'avoir diminué | |||
seuls, les employés supérieurs et les commis voyageurs ont été | |||
sérieusement atteints. D'un autre côté, la régularité de la production | |||
a donné plus de stabilité aux emplois, plus de continuité au travail, | |||
notamment dans les houillères et l'industrie du fer en Allemagne et | |||
en Autriche. Pour les salaires, ils sont devenus plus uniformes, | |||
et ils ont suivi une hausse normale dans les industries favorisées | |||
par les circonstances, comme la métallurgie; à cet égard, il n'y a | |||
pas eu de différence sensible entre les trusts et les grandes entreprises | |||
de constitution simple. Naturellement, c'est toujours dans les | |||
grandes exploitations prospères que les ouvriers reçoivent les salaires | |||
les plus élevés, et c'est là seulement qu'ils peuvent obtenir des pensions | |||
de retraite | |||
La concentration industrielle réalisée par les trusts facilite certainement | |||
l'établissement de rapports réguliers entre les unions | |||
ouvrières et les employeurs, par la pratique du contrat collectif et de | |||
la conciliation en comités mixtes. Ainsi, dans les mines de houille de | |||
Pittsburg, la compagnie formée par la fusion de 140 entreprises a | |||
établi, d'accord avec l'Union générale des ouvriers mineurs amérii. | |||
Report o/' the J'n~!M<t-M~ Commission, t. XIIf, p. xxxi; t. XVIII, p. H, 33, | |||
111, iG2. Jenks, y!'Ms<s and HMh~'M~ Combinations, But!, of the Dep. of Lab., | |||
juiUeH900,p.6TSets. | |||
LA CONCENTRATION INDUSTRIELLE ET COMMERCIALE i63 | |||
cains, une échelle mobile des salaires avec un minimum; en Angleterre, | |||
la Fra~/b~ ~ysrs' ~oem~tOM est représentée dans un comité | |||
permanent de conciliation. Toutefois, cette concentration capitaliste | |||
serait redoutable pour les ouvriers s'ils n'opéraient pas la concentration | |||
de leur côté; on a vu des trusts échapper aux conséquences | |||
de la grève dans certains de leurs établissements en transférant à | |||
d'autres la production des usines arrêtées. La puissance capitaliste | |||
d'un, trust est tellement supérieure à celle d'un grand nombre de | |||
patrons accidentellement réunis pour la résistance, que l'union de | |||
toutes les associations ouvrières dans la branche d'industrie monopolisée | |||
devient une nécessité. Encore la force même d'une grande | |||
fédération ouvrière vient-elle se briser contre celle d'un trust colossal. | |||
Dans la grève de 1901 menée contre la grande Corporation de l'acier | |||
par l'Union générale des ouvriers du fer et de l'acier (~ma~ma~ | |||
Association of ~OH, Steel and 7' [-I''o!-&~), l'association ouvrière | |||
malgré ses 60 000 ou 80 000 grévistes, a échoué rapidement et perdu | |||
des positions; le nombre des usines dans lesquelles elle était reconnue | |||
et admise &discuter les conditions du travail a été réduit 1' | |||
Le pouvoir des grands trusts touche donc plus ou moins toutes les | |||
classes de la société. Il est d'autant plus inquiétant qu'il est plus | |||
concentré. Bien que les actions d'une vaste corporation soient | |||
répandues dans un grand nombre de mains, il n'en est pas moins | |||
vrai que sa direction effective appartient tout entière à un très petit | |||
nombre de gros actionnaires. Dans les conditions actuelles de l'organisation | |||
des trusts, ce sont moins les industriels que les financiers | |||
qui ont le contrôle de ces entreprises. Il y a plus; les principaux | |||
actionnaires des grandes affaires industrielles organisées en trusts | |||
ont aussi la haute main dans d'autres affaires importantes, houillères, | |||
chemins de fer, navigation, banques, assurances. Les mêmes | |||
hommes figurent dans de multiples conseils d'administration, de | |||
sorte que, sous leur direction, les diverses entreprises se prêtent un | |||
mutuel concours. Cette circonstance favorise singulièrement l'intégration, | |||
qui n'est qu'un aspect particulier de la concentration; c'est | |||
ainsi que les charbonnages et les entreprises de transport viennent | |||
par leurs faveurs fortifier la position des trusts et assurer leur monopole. | |||
Mais il en résulte aussi que la haute banque domine toute la | |||
grande industrie et tout le système économique; par les appuis | |||
qu'elle sait se créer dans la presse et dans les pouvoirs publics, elle | |||
ent.1W90i1H, oMaguhsébeys,oLcaiaCl,oMrpoémraotiiornes~eftfdaocMcu-mtd'eenstJs?, Mfésv-.{178!s02e.t /a ~Mde sesoMc~'er | |||
164 LES SYSTEMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
parvient même à exercer son influence sur le système politique dans' | |||
le sens de ses intérêts; en sorte que le capitalisme, à sa plus haute | |||
expression, devient un régime dans lequel quelques milliardaires | |||
commandent, par les trusts et autres organisations financières, un | |||
capital huit ou dix fois plus considérable que le leur, et détiennent | |||
une puissance économique qui semble jusqu'ici sans contrepoids'. | |||
§ IV. – La sphère du monopole. | |||
En présence du développement si rapide des trusts et des cartels, | |||
un problème général s'impose à notre attention. | |||
On sait quelles sont les causes ordinaires des monopoles privés | |||
causes naturelles, lorsque les sources de la production sont restreintes. | |||
(sel, pétrole, houille, métaux, etc.), ou que le service à exploiter | |||
nécessite une occupation de la voie publique (services d'eaux et de. | |||
gaz, tramways, etc.); causes artificielles, lorsqu'un privilège est conféré | |||
à un exploitant soit par l'autorité publique (brevet d'invention,. | |||
marque de fabrique, concession privilégiée des voies ferrées), soit par | |||
de grandes entreprises de transport ou d'emmagasinage. Mais ces, | |||
causes strictement définies, d'une étendue relativement limitée, | |||
sont elles les seules? Ne doit-on pas, au contraire, reconnaître | |||
aujourd'hui une nouvelle cause de monopole privé, agissant avec. | |||
une énergie croissante, dans la supériorité des grands capitaux, qui | |||
écrasent par leur seule puissance les entreprises de moindre envergure | |||
sur le terrain de la libre concurrence? Ne voyons-nous pas à. | |||
notre époque, en dehors des monopoles naturels et artificiels, s'élever | |||
des monopoles d'origine purement capitaliste qui naissent spontanément | |||
de l'organisation économique des sociétés modernes? Et sL | |||
le monopole peut s'établir par la seule force des capitaux, n'est-il | |||
pas destiné à envahir progressivement tout le domaine économique, | |||
comme une conséquence nécessaire du régime de la libre concurrence | |||
? | |||
A cette question, la plus grave peut-être que soulève le capitalisme | |||
grandissant, il semble difficile à l'heure actuelle d'apporter une. | |||
réponse certaine appuyée sur l'observation; et les hommes qui l'ont | |||
i. Aux États-Unis,cinq personnes(MM.J. RockefeUer,E. Harri man,P. Morgan, | |||
W. Vanderbiit, G. Gouid), possédanten bloc une fortune évaluée à 4 milliards defrancs, | |||
exercent un pouvoir de contrôlesur un capital de 4i milliards dans les | |||
banques, tes chemins de fer et les entreprises industrielles, où la totalité du capital | |||
engagé s'éteveaS.S milliards. (Rau'atovich,Trusts, cartels et ~ndtca~, p. H.3,note~ | |||
Cuittaumin, 1903,in-S".) | |||
IjACONCENTRATrONINDUSTMELLE ET COMMERCIALE' 168 | |||
étudiée de plus près, à l'aide des matériatix fournis par'l'enquête de | |||
la Commission. industrielle des États-Unis, comme M. Jenks, se | |||
montrent assez réservés dans leurs conclusions, disant que l'expérience | |||
des trusts contemporains est encore trop récente pour fournir | |||
'des éléments de certitude'. | |||
En fait, il est difficile de citer aux États-Unis un trust important | |||
.et durable, investi d'un réel monopole, qui ne le doive à quelque | |||
cause naturelle ou artificielle limitation naturelle de la production, | |||
brevet d'invention, tarifs de faveur ou ristournes des compagnies de | |||
.chemins de fer, etc. | |||
Toutefois, on a beaucoup abusé du régime protectionniste des | |||
États-Unis pour soutenir que la floraison des trusts américains est | |||
un phénomène purement local, qui serait impossible dans un régime | |||
-de liberté commerciale. M. Havemeyer, président de I'AnMMc<M | |||
.S'M~a!'Refining C°, est venu prêter à cette opinion l'appui de son | |||
autorité, en déclarant devant la Commission industrielle que la protection | |||
douanière est la mère de tous les trusts. M. Havemeyer n'a | |||
donné de son affirmation qu'une justification insuffisante, et d'ailleurs | |||
dangereuse pour ceux qui ont foi dans la libre concurrence, | |||
lorsqu'il a dit que la protection active la concurrence intérieure, qui | |||
se résout finalement en combinaisons. Mais on a fait observer en | |||
sens contraire que, si la protection douanière permet incontestablement | |||
à un trust, une fois qu'il est constitué et armé d'un monopole, | |||
de mieux rançonner les consommateurs et de faire l'exportation à | |||
prix réduits, elle n'explique pas la formation même de ce monopole | |||
et la suppression de la concurrence intérieure. Loin de là, | |||
les prix élevés qui résultent d'un tarif protecteur favorisent les | |||
petites entreprises comme les grandes, et sont plus nécessaires encore | |||
aux premières pour subsister qu'aux secondes pour se développer; la | |||
suppression des barrières de douane, si elle devait mettre en échec | |||
le monopolo d'un trust par l'introduction de la concurrence étrangère, | |||
pourrait être favorable aux consommateurs, mais elle n'aurait | |||
pas pour effet de ranimer la concurrence intérieure; des entreprises | |||
de moindre importance échoueraient, là où le trust lui-même ne parviendrait | |||
pas à maintenir ses positions. La protection douanière | |||
peut être la nourrice des trusts, elle n'en est pas la mère. | |||
Au reste, il n'est plus guère possible de s'en tenir à cette affirmat. | |||
Jcn)t9,?'AeT!-M<F:'oS~Bn!,p.64. | |||
2. De Roasiers. Lesindustries MonopoH~Maux ~'<a~nM, Colin, 1898,iti-12. | |||
Ely, AfottopoHea.?nd Trusts, chap. rv. New-York,MacmiUfm,1900,in-If!. | |||
166 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE | |||
tion que les trusts doivent leur existence au protectionnisme, depuis | |||
que nous sommes renseignés sur leur croissance en Angleterre. Et | |||
les trusts anglais, qu'on le remarque bien, ne sont pas seulement de | |||
grandes combinaisons d'entreprises fusionnées qui opérent en concurrence | |||
avec d'autres entreprises; plusieurs d'entre eux contrôlent | |||
80 à 98 p. 100 de la production dans leur spécialité, et possèdent par | |||
conséquent un véritable monopole sur le marché national, avec une | |||
influence qui s'étend, pour quelques-uns, sur le marché universel. | |||
C'est la maison Coats, alliée à l'~H~H~A ~K'tngr Cotton C° et à l'Amet'tcaK | |||
y7u'ea~ C°; c'est encore la Fine Cotton ~pmMO's and Doublers' | |||
~MOC!'a<OH, la Calico ~rH!fe!'S'MOCM~OH, la British Cotton anct | |||
ÏFoo/ Dyers'Association alliée à la j~'o~/bre~ .Ci/grs'~lMOCM~Mn,l'En- | |||
~H.!Al'c/ce~ at:~ Wool Z)t/~M'AMoc!a<MM,la yb?'M:re 7K~o, '~car~g~ | |||
NM~ Co~o!' /e)*s'MoeMt!OH, la société des n'all ~aper ~fanM/ac~ | |||
~:H'e~ dans une moindre mesure, les ZM<M/:Oil aHO'Ca/:e ~i~s, etc. | |||
Ces industries ne sont pas monopolisées par l'accaparement des | |||
sources naturelles de la production; ce sont des filatures et nieteries, | |||
des teintureries, des maisons d'impressions sur étoffe, des fabriques | |||
de papiers peints, etc. Elles ont donc un monopole d'origine capitaliste, | |||
attaché à la puissance de leurs capitaux et à la supériorité de | |||
leur organisation. | |||
Néanmoins, il serait téméraire de généraliser ces exemples, et de | |||
conclure pour l'avenir au triomphe du monopole sur tout le champ | |||
de la production. Que le monopole s'établisse par la seule force des | |||
capitaux, en dehors de toute restriction naturelle et de tout privilège | |||
artificiel, dans les entreprises de chemins de fer là où elles sont libres, | |||
dans la navigation transatlantique, dans la grande industrie métallurgique, | |||
dans la raffinerie du sucre et du pétrole, dans les grandes | |||
industries chimiques, dans d'autres encore, rien de plus naturel et | |||
de plus facilement explicable; il s'agit là d'industries nécessairement | |||
concentrées, dans lesquelles les concurrents sont peu nombreux et | |||
doivent être tôt ou tard amenés à l'unité. Mais que la même unité | |||
doive se réaliser dans des branches d'industrie et de commerce où | |||
l'outillage est simple, où l'exploitation peut être entreprise avec | |||
de faibles capitaux, où les produits, parvenus au dernier degré de | |||
fabrication, présentent une grande variété, où la gestion ne comporte | |||
pas de règles communes applicables à de nombreux établissements, | |||
mais doit varier suivant les conditions locales et les relations personnelles, | |||
voilà qui est beaucoup plus douteux, j'ajoute même infii. | |||
Report of <Ae~tdM~M~ Commission,t. XVI)!,p. 34 et 35. | |||
LA CONCENTRATION INDUSTRIELLE ET COMMERCIALE 167 | |||
_i .t.i. t.. -1- _1~ _~1_ .1. niment peu probable; nous le verrons de façon plus précise à propos | |||
de la petite industrie et du petit commerce. On oublie surtout, lorsqu'on | |||
affirme pour l'avenir la généralisation du monopole, l'énorme | |||
importance et la force de croissance des entreprises de dimension | |||
moyenne, trop puissantes pour se laisser absorber, trop nombreuses | |||
pour s'amalgamer. | |||
Un économiste anglais, M. Hobson, a dit avec beaucoup d'à-propos | |||
que partout où les canaux de la production et de la circulation sont | |||
resserrés, il se trouve des monopoleurs qui lèvent des taxes sur le | |||
public comme jadis les barons du Rhin~; encore faut-il, pour que le | |||
péage puisse être prélevé, que la voie soit étroite. | |||
Quoi qu'il en soit, on conviendra volontiers qu'un monopole à | |||
base simplement capitaliste, là où il réussit à s'établir, reste néanmoins | |||
beaucoup plus précaire et exposé à la concurrence qu'un | |||
monopole fondé sur un accaparement des produits naturels ou sur | |||
un privilège légal; il ne peut tourner à l'abus, par des prix poussés | |||
sensiblement au delà du taux de concurrence, sans provoquer des | |||
compétitions victorieuses et s'effondrer sous ses propres excès, | |||
comme il arrive à la concurrence elle-même. Les faits observés | |||
jusqu'à présent justifient suffisamment cette proposition | |||
i. Hobson,7'A?~i'fo~M<o:of~Mo~e~'nCapitalism,p. H2, Londres, W. Scott, <SBt, | |||
pet. in-8". | |||
2. Report of.the JMM<fM~Commission,t. XIH, p. xxi. |
modifications