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(Nouvelle page : ==Chapitre 17. Les systèmes devant les faits.== Les sociétés civilisées s'acheminent-elles vers un régime de pur individualisme et de laisser-faire, comme les uns le prétenden...) |
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aurons à revenir sur les divers systèmes socialistes, non plus pour les étudier en eux-mêmes et dans leur fonctionnement théorique, | aurons à revenir sur les divers systèmes socialistes, non plus pour les étudier en eux-mêmes et dans leur fonctionnement théorique, | ||
mais pour vérifier si l'évolution leur est favorable. | mais pour vérifier si l'évolution leur est favorable. | ||
===Section 1. Individualisme.=== | |||
La thèse individualiste d'Herbert Spencer et de M.de Molmari paraît | |||
justifiée par les faits, lorsqu'elle représente la structure sociale de l'avenir | |||
comme devant être formée par un réseau d'innombrables | |||
associations reliées entre elles par des liens multiples et entre-croisés. | |||
Mais, à d'autres égards, la pure doctrine libérale, mise en échec | |||
par la croissance des fonctions économiques de l'État et des communes, | |||
se montre insuffisante et semble déjà vieillie. Sa faiblesse | |||
est de compter, en toute circonstance, sur la vertu souveraine de la | |||
libre concurrence pour réaliser le progrès par la survie des plus aptes, | |||
et d'admettre qu'il suffit d'établir la liberté des contrats et l'égalité | |||
des droits pour assurer le jeu bienfaisant des harmonies naturelles; | |||
son erreur est de supposer qu'un régime d'individualisme absolu, | |||
dans lequel l'État sera réduit aux seules fonctions de sécurité, s'imposera | |||
nécessairement un jour par la supériorité des sociétés qui le | |||
pratiqueront. Contre cette conclusion proteste l'expérience de la civilisation | |||
contemporaine. | |||
Il serait sans profit, je pense, de reprendre ici une discussion épuisée | |||
sur la théorie classique de l'harmonie des intérêts légitimes; et à | |||
vrai dire, une thèse qui a besoin, pour atteindre son but, d'admettre | |||
dès le principe que les seuls intérêts légitimes et bien compris de | |||
l'individu sont ceux qui sont conformes à l'intérêt général, échappe | |||
à toute discussion par son caractère tautologique. Mais, pour se | |||
rendre compte des raisons pratiques qui ont entraîné l'État à multiplier | |||
ses attributions économiques, il est encore utile de voir comment | |||
l'individu s'est montré de nos jours impuissant à réaliser le bien | |||
général par ses propres forces dans un milieu de libre concurrence. | |||
Les besoins collectifs de notre époque sont devenus beaucoup trop | |||
complexes pour que la politique individualiste ait réussi à les satisfaire. | |||
Les oeuvres d'initiative privée ne pouvaient suffire aux sociétés | |||
modernes dans les services d'intérêt général qui ne sont pas rémunérateurs : culture scientifique, enseignement populaire, assistance, | |||
transports et correspondances dans les régions écartées, etc. C'est | |||
ainsi que, en dehors des résultats obtenus par les coopératives dans | |||
certains pays, et malgré les efforts d'une petite phalange d'hommes | |||
de bien, l'initiative privée s'est montrée d'une lamentable insuffisance dans l'amélioration des logements ouvriers. De même encore, | |||
la prévoyance individuelle et l'action patronale sont restées incapables | |||
de résoudre le problème des retraites ouvrières, partout où | |||
l'État n'est pas intervenu pour imposer l'obligation de l'assurance, | |||
ou au moins pour contribuer à ses charges. | |||
Il y a plus; dans maintes circonstances où l'intérêt particulier | |||
se confond visiblement avec un intérêt plus général, l'individu se | |||
dérobe encore, s'il sait qu'il ne doit pas recueillir le bénéfice exclusif | |||
de ses efforts, et que leur succès dépend du concours des autres intéressés. | |||
S'agit-il d'une mesure de défense commune contre un fléau, | |||
d'un travail d'irrigation destiné à améliorer toute une région, d'une | |||
entente en vue d'éviter la surproduction et l'avilissement des prix, | |||
d'un accord sur la diminution de la journée de travail ou la fermeture | |||
des magasins le dimanche ? Toujours il suffit de la résistance | |||
égoïste et de l'inertie de quelques individus pour paralyser la bonne | |||
volonté de tous les autres, qui joueraient un rôle de dupes s'ils | |||
étaient les seuls à faire les sacrifices. Aussi est-il nécessaire, lorsqu'il | |||
s'agit d'un sérieux intérêt social, qu'une action coercitive vienne | |||
coordonner les efforts et briser les résistances. | |||
Il est donc bien évident aujourd'hui que l'individu, lors même qu'il | |||
multiplie ses forces par l'association, ne saurait suffire à toutes les | |||
tâches, et que l'État, s'il restait inactif, laisserait en souffrance des | |||
intérêts généraux que l'homme civilisé considère comme essentiels | |||
à son bien-être ou à sa culture. | |||
D'autre part, la libre concurrence, cette panacée universelle des | |||
individualistes, n'a pas réalisé tout le bien qu'on en attendait. Il | |||
serait absurde de nier les immenses services qu'elle a rendus en donnant | |||
à la production un merveilleux essor et en accélérant la mise | |||
en exploitation du globe. Il serait tout aussi injuste de méconnaître | |||
le rôle éminent des individualités énergiques et des « capitaines | |||
d'industrie », dont l'esprit d'entreprise et de conquête a pu se développer | |||
à la faveur d'un régime de liberté. Et pourtant, il faut bien | |||
reconnaître aujourd'hui, en présence de certains faits, que la concurrence | |||
n'est pas toujours un élément de progrès social. | |||
La concurrence tourne à l'abus, lorsqu'elle abaisse les prix d'une | |||
marchandise au point d'éliminer tout profit pour les producteurs. | |||
Certes, il n'y a de progrès que par le sacrifice des établissements mal | |||
outillés, mal dirigés, incapables de suivre les transformations économiques; | |||
il faut s'incliner devant cette loi rigoureuse, et l'État qui | |||
chercherait à protéger les entreprises les plus faibles contre le mouvement | |||
naturel de la civilisation manquerait son but ou compromettrait | |||
gravement les intérêts généraux. Mais quand la concurrence | |||
est telle que, dans une industrie tout entière, elle abaisse les | |||
salaires indispensables aux travailleurs et supprime les profits qui | |||
sont la raison d'être des entreprises, elle devient malsaine et | |||
succombe sous ses propres excès en donnant naissance au monopole. | |||
Il appartient alors à l'État de prendre en mains la cause du public, | |||
et d'établir pour sa défense des garanties que la concurrence a cessé | |||
de lui donner. Toute l'argumentation des individualistes a été êchafaudée | |||
jusqu'ici sur l'hypothèse de la persistance indéfinie de la | |||
concurrence dans un milieu libre. Il faut maintenant considérer en | |||
face l'hypothèse, devenue une pressante réalité, où il ne reste sur le | |||
champ de la lutte industrielle qu'un seul grand établissement, laissant | |||
à peine aux petits les reliefs dont il n'a pas voulu. | |||
Le mal n'est pas seulement dans l'abolition de la concurrence; il | |||
est parfois dans son oeuvre même. On observe certaines circonstances | |||
où, par un singulier renversement des choses, la concurrence | |||
produit une sélection à rebours. C'est ainsi que, dans les métiers où | |||
le machinisme n'est pas encore assez perfectionné pour avoir | |||
supprimé le travail à la main, la concurrence entre détaillants, | |||
entre entrepreneurs, entre intermédiaires, entre travailleurs à domicile | |||
trop nombreux et inorganisés, aboutit en dernière analyse aux | |||
misérables conditions du ''sweating-system'', à cette plaie sociale d'un | |||
métier qui absorbe plus de force vitale qu'il n'en restitue. Et c'est | |||
justement le bon marché des produits du travail à domicile, résultant | |||
d'une exploitation à outrance des travailleurs, qui entrave le | |||
développement du machinisme et des industries saines où les | |||
ouvriers peuvent trouver des conditions humaines d'existence. Pour | |||
sortir de ce cercle de fer, pour échapper à ces nécessités objectives | |||
qui dissimulent de véritables rapports de servitude, il faut autre | |||
chose que le jeu naturel et libre des forces aveugles; il faut l'action | |||
extérieure d'une force consciente et réfléchie, qui ne peut être que la | |||
puissance publique au service des faibles. | |||
Dans les rapports de classes entre employeurs et employés, la concurrence | |||
vitale n'a plus les mêmes caractères que la concurrence | |||
entre entreprises rivales se disputant un marché; suivant l'observation | |||
excellente de M. Effertz, il s'agit plutôt alors d'une lutte pour | |||
la domination que d'une lutte pour l'existence. Dans cet ordre de | |||
relations, il n'y a plus aucune raison pour considérer l'écrasement | |||
des faibles comme une condition du progrès social; lorsque les travailleurs | |||
succombent devant la puissance du capital, le triomphe de | |||
l'argent n'a plus rien de commun avec la sélection des plus aptes. | |||
A cet égard, on a donc raison de dire que le principe de vie et de | |||
progrès, pour les sociétés comme pour les organismes, se trouve | |||
dans la coordination, la coopération et l'équilibre des forces, et non | |||
pas dans la lutte meurtrière et la subordination des plus faibles. Si | |||
la classe ouvrière, ou une partie d'entre elle, est impuissante à établir | |||
cet équilibre par ses propres efforts, le régime du laisser faire ne | |||
peut être que la liberté de l'oppression; c'est l'exploitation sans frein | |||
de la femme et de l'enfant dans l'industrie, la dépression physique | |||
et intellectuelle d'une population ouvrière mal nourrie, mal logée, | |||
surmenée de travail et placée dans les pires conditions d'hygiène et | |||
de moralité, c'est le dénuement absolu pour ceux qui deviennent | |||
incapables de tout travail; en sorte que le pur système individualiste, | |||
qui se propose d'exalter les énergies individuelles, aboutit en réalité, | |||
dans les sociétés industrielles, à l'affaiblissement de la race et à | |||
l'abaissement des caractères pour le plus grand nombre. Si donc il | |||
est vrai que le surmenage et l'extrême misère sont des états où se | |||
dissout fatalement toute énergie, les mesures de contrainte et de | |||
protection qui en défendent l'individu, loin de porter atteinte à | |||
l'individualisme, sont des mesures de salut qui préservent les sources | |||
de l'activité individuelle. | |||
Aussi la conscience moderne se soulève-t-elle contre les conséquences | |||
extrêmes de la libre concurrence dans les rapports de classes. | |||
Les grands principes de l'égalité devant la loi, de la liberté du travail, | |||
de la liberté des contrats, lui paraissent illusoires et ne peuvent plus | |||
lui suffire, s'ils ne recouvrent que l'oppression de ceux qui vivent de | |||
leur salaire journalier. | |||
Car ce n'est plus l'heure de s'enfermer dans des abstractions, il | |||
faut descendre au fond des réalités; et là, en présence des faits, | |||
comment ne pas reconnaître que la politique du laisser faire, en | |||
dépit de sa neutralité apparente, a pour résultat effectif de favoriser | |||
les intérêts de la classe qui, par sa possession même, est seule en | |||
situation de tirer profit de la libre concurrence? Cette politique | |||
n'apparaît-elle pas dès lors comme inspirée par des vues particulières | |||
plutôt que par le souci des intérêts sociaux, qui sont les intérêts du | |||
plus grand nombre? Si nous cherchons la vérité d'un coeur sincère, | |||
il nous faut faire effort sur nous-mêmes pour nous soustraire à | |||
l'influence inconsciente de l'intérêt de classe, et pour nous mettre | |||
en garde contre l'optimisme satisfait qui est à la base du libéralisme | |||
économique. | |||
Faire la critique de cet individualisme négatif qui refuse à la | |||
collectivité personnifiée dans l'État toute mission protectrice et tout | |||
rôle civilisateurs, c'est expliquer pourquoi l'État moderne a si largement étendu son intervention tutélaire au profit des travailleurs. La pression de la concurrence universelle et la prépondérance des facteurs | |||
matériels de la production dans la grande industrie altéraient | |||
trop gravement la condition des salariés pour que l'État pût laisser | |||
le capital régler en toute liberté ses rapports avec le travail. Loin | |||
que les législateurs modernes aient procédé dans cette voie par | |||
esprit de système, il leur a fallu au contraire, pour s'y engager et | |||
s'y maintenir, triompher de l'esprit de système. Les faits ont été | |||
plus forts que les dogmes économiques, et les législateurs ont dû, | |||
soit inconsciemment, soit même à leur corps défendant, céder a la | |||
sourde poussée des besoins nouveaux. Ni les protestations des doctrinaires, | |||
ni les résistances des intéressés, ni les déclarations hautaines | |||
sur l'inefficacité des lois de contrainte, ni les prophéties des hommes | |||
compétents sur la décadence inévitable de l'industrie nationale, | |||
renouvelées en tous pays à chaque étape nouvelle de la législation | |||
ouvrière, n'ont pu arrêter l'irrésistible élan; les partisans du laisser | |||
faire, dans leur opposition sans gloire aux réformes démocratiques | |||
les plus nécessaires, ont été réduits à l'impuissance. | |||
Les résultats de la législation ouvrière sont venus donner un | |||
démenti particulièrement sensible à la thèse évolutionniste des individualistes, | |||
d'après laquelle le triomphe du laisser faire doit être | |||
assuré par la survie, dans la concurrence internationale, des États | |||
qui laissent aux forts la pleine liberté d'assurer leur puissance et de recueillir | |||
le bénéfice de leur supériorité. Les États qui l'emportent | |||
dans la concurrence sont au contraire ceux dont la législation protège | |||
le mieux les travailleurs contre les effets déprimants de la lutte pour | |||
la vie et contre les abus de la puissance du capital. | |||
La réglementation du travail et les assurances ouvrières ne sont | |||
pas les seuls objets sur lesquels s'exerce l'activité de l'État; dans la | |||
plupart des domaines, commerce extérieur, spéculation et accaparement, | |||
monnaie métallique et fiduciaire, assurances, régime agraire | |||
exploitation des mines et des voies ferrées, etc., l'État moderne étend | |||
son ingérence administrative ou fiscale, dans le but de protéger | |||
certains intérêts collectifs qui seraient compromis par la libre action | |||
des individus. Du même pas, l'État, et surtout les communes, élargissent | |||
la sphère de leurs entreprises industrielles. Que cette politique | |||
soit toujours heureuse dans ses résultats, c'est une question | |||
discutable suivant les cas particuliers; qu'elle ait tendance à s'accentuer | |||
partout, sans régression notable dans aucun pays, c'est un fait | |||
incontestable, qui contredit directement les principes et les prévisions | |||
de l'école individualiste. | |||
Les esprits qui ne savent ni saisir les ensembles, ni remonter aux causes | |||
premières des grands phénomènes de masses, attribuent | |||
volontiers les événements extérieurs, signes visibles des larges évolutions, | |||
à l'action de quelques personnalités dirigeantes. Ce serait | |||
faire preuve de la même faiblesse que d'imputer la croissance des | |||
fonctions économiques de l'État moderne au caprice de quelques | |||
politiciens infatués de leur pouvoir. Il s'agit là d'un phénomène trop | |||
universel et trop durable pour qu'il soit permis d'y voir l'oeuvre | |||
artificielle d'un législateur ignorant et maladroit; on se trouve, à | |||
n'en pas douter, en présence d'un grand mouvement, historique dont | |||
les causes sont intimement liées à l'évolution générale. | |||
Il semble donc que des philosophes évolutionnistes, des hommes | |||
attachés à la méthode historique, devraient cesser de considérer | |||
l'extension de l'État comme un simple accident, pour y reconnaître le | |||
développement normal d'une force essentielle de la civilisation | |||
moderne. Il n'en est rien cependant, et si les représentants de la | |||
doctrine individualiste se trouvent obligés aujourd'hui de reconnaître | |||
un état de fait aussi contraire à leur idéal, beaucoup d'entre | |||
eux, même parmi ceux qui se flattent de n'employer que la méthode | |||
expérimentale, refusent encore de l'accepter comme le produit d'une | |||
évolution régulière. Herbert Spencer, dans ses derniers écrits, considère | |||
cet accroissement de l'État comme un recul passager de la | |||
société vers le type militaire de la coopération forcée et de la discipline | |||
coercitive; et pour faire entrer ce phénomène de régression | |||
dans les cadres de son système, il cherche à l'expliquer en invoquant | |||
la loi du rythme. | |||
Il faudrait cependant se fixer sur les obligations de la méthode | |||
historique. Sans doute, le philosophe réaliste ne s'interdit pas de | |||
juger les événements et les hommes; bien au contraire, il les | |||
apprécie constamment, en prenant pour base de ses jugements les | |||
données positives de l'observation. Mais s'il est en face d'un phénomène | |||
général et persistant qui se retrouve chez tous les peuples | |||
placés dans des conditions semblables, qu'il s'agisse de l'extension | |||
de l'État ou du mouvement démocratique des sociétés modernes, sa | |||
méthode l'oblige à s'incliner devant les faits, et à en rechercher les | |||
causes sans incriminer les hommes. Choisir alors entre les faits pour | |||
glorifier les uns et condamner les autres, n'est-ce pas révéler qu'on | |||
procède au fond d'un système dogmatique auquel on subordonne les | |||
faits? | |||
En réalité, nous surprenons ici, chez des penseurs positivistes qui | |||
se croient fidèles à la méthode des sciences expérimentales, un emploi | |||
abusif de la méthode déductive dans le domaine de la politique | |||
sociale. Sur la foi de quelques faits soigneusement triés, la maxime | |||
du laisser faire est généralisée, érigée en règle absolue; de simple | |||
précepte de politique contingente, elle se transforme en une loi | |||
naturelle d'ordre scientifique, à laquelle les sociétés humaines ne sauraient se soustraire sans renoncer au progrès et encourir la ruine. | |||
Le principe posé, toutes les conclusions en découlent par déduction, | |||
fournissant à tous les problèmes compliqués de la vie sociale une | |||
solution simple, logique et élégante. | |||
On conçoit donc que des esprits rationalistes et systématiques, | |||
habitués aux constructions logiques, se soient laissé séduire par | |||
l'harmonieuse simplicité d'une doctrine dans laquelle ils espéraient | |||
trouver un repos d'esprit définitif. Mais dès qu'ils ont voulu, comme | |||
Taine, serrer de plus près le problème, ils se sont aperçus qu'il était | |||
impossible d'enfermer l'action de l'État dans une formule aussi | |||
étroite que la protection de la sécurité; ils ont dû l'élargir au point | |||
de lui faire perdre toute portée sérieusement limitative, et ils ont eux mêmes | |||
ouvert la porte à l'empirisme. | |||
Certes, c'est un beau rêve que celui du progrès par les seules voies | |||
de la liberté. Ce fut l'idéal des économistes libéraux du XIXème siècle, de | |||
cette grande école qui compta tant d'hommes éminents par leur | |||
caractère et leur talent, et qui exerça une si large et si légitime | |||
influence sur les esprits cultivés. Mais la morale sociale se transforme | |||
avec les conditions de la vie; une doctrine qui convenait aux | |||
premiers âges de la grande production, lorsqu'il était nécessaire de | |||
la délivrer des réglementations et des privilèges de l'ancien régime, | |||
peut perdre sa signification historique et devenir à son tour une | |||
entrave pour des progrès ultérieurs. Ainsi en est-il advenu pour l'individualisme | |||
négatif; sur des points essentiels, la puissance des faits | |||
a ruiné la théorie du laisser faire et renversé ses prévisions. |
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