862
modifications
Ligne 3 539 : | Ligne 3 539 : | ||
transformation sociale et la lutte des classes sont ainsi ramenés dans | transformation sociale et la lutte des classes sont ainsi ramenés dans | ||
les campagnes au même niveau que dans les villes. » | les campagnes au même niveau que dans les villes. » | ||
==Chapitre 14. La coopération.== | |||
Les sociétés coopératives, si variées dans leur forme, leur objet | |||
et leur composition, présentent toutes cependant un caractère | |||
commun qui les distingue des sociétés capitalistes : les associés ne | |||
se contentent pas de fournir les capitaux, d'élire les administrateurs, | |||
de voter dans les assemblées et de courir les risques de l'affaire; ils | |||
participent aussi personnellement à la fonction entreprise par la | |||
société, ils coopèrent à son oeuvre, lui fournissent leur concours ou | |||
profitent eux-mêmes de ses services; en conséquence, après l'allocation | |||
d'un intérêt fixe au capital, ils se répartissent les bénéfices au | |||
prorata des opérations effectuées par chacun d'eux comme coopérateur. | |||
Pour apercevoir plus nettement l'influence de la coopération dans | |||
le régime capitaliste, il convient de distinguer les sociétés coopératives | |||
suivant qu'elles sont ou non formées entre des entrepreneurs. | |||
Certaines coopératives groupent les individus à un tout autre titre | |||
que celui d'entrepreneur; leurs membres y participent en qualité de | |||
travailleurs, de consommateurs, etc. Telles sont les sociétés de production | |||
industrielle, de consommation et de construction. Les sociétés | |||
d'assurances mutuelles entre non-producteurs et les sociétés de | |||
secours mutuels, qui pratiquent aussi la coopération dans le domaine | |||
de l'assurance et de l'assistance, peuvent elles-mêmes être rangées | |||
dans cette catégorie de la coopération simple. | |||
Lorsque ces sociétés prennent de vastes dimensions, elles constituent | |||
des cas de concentration pure et simple, au même titre que les | |||
grandes entreprises capitalistes. Non sans doute qu'elles rentrent | |||
dans le cercle de la concentration capitaliste, puisque chez elles le | |||
caractère capitaliste se trouve exclu par le mode de répartition des | |||
profits, au moins tant qu'elles restent attachées aux principes rigoureux | |||
de la coopération. Mais ces coopératives, quand elles se développent, | |||
restreignent le champ des petites entreprises individuelles | |||
comme peuvent le faire les grands magasins et autres exploitations | |||
capitalistes de grande envergure; à cet égard, leur croissance agit | |||
exactement de la même manière que la concentration capitaliste. | |||
D'autres sociétés coopératives groupent des individus, ou même | |||
des sociétés, en qualité d'entrepreneurs; ce sont, en quelque sorte, | |||
des fédérations d'entreprises indépendantes qui, sans perdre leur | |||
individualité, s'unissent pour créer une entreprise distincte, dans le | |||
but d'accomplir en commun l'une de leurs fonctions essentielles ou | |||
annexes. | |||
A ce type appartiennent les sociétés ou syndicats agricoles d'achat | |||
et de vente, les coopératives agricoles qui ont pour objet l'élaboration | |||
des produits du sol, les sociétés d'assurances mutuelles entre producteurs, | |||
les associations entre artisans et débitants pour l'achat des | |||
matières premières et des outils, l'usage commun des instruments de | |||
production, l'emmagasinage et la vente des marchandises. Les sociétés | |||
coopératives de crédit à la production, caisses rurales et banques | |||
populaires, présentent un caractère semblable. On peut même considérer | |||
certains cartels, ceux qui fondent une entreprise distincte sous | |||
forme de comptoir de vente, comme une variété capitaliste de la coopération, | |||
et les ranger dans cette catégorie de la coopération complexe. | |||
Ces sociétés coopératives d'agriculteurs, d'artisans ou de commerçants, | |||
lorsqu'elles sont considérables, sont bien aussi, en elles mêmes, | |||
des cas de concentration. Toutefois, à les considérer dans leurs éléments | |||
constitutifs et dans leur influence sociale, on se rend compte | |||
que leur développement agit dans un sens directement opposé à celui | |||
de la concentration capitaliste. A part les comptoirs de vente, dans | |||
lesquels la coopération vient renforcer l'action capitaliste, les associations | |||
dont il s'agit, loin d'être des instruments de conquête écrasant | |||
les petites entreprises dans une lutte inégale, sont au contraire le | |||
moyen pour les entreprises indépendantes, même les plus petites, | |||
de se fortifier et de défendre leur existence en se procurant, par leur | |||
union, certains des avantages de la grande exploitation. Si donc on | |||
trouve, dans ces associations coopératives, un mode collectif de la | |||
production et même, dans une certaine mesure, de l'appropriation, | |||
du moins doit-on reconnaître que le collectivisme qu'elles représentent | |||
laisse subsister les petites entreprises individuelles, et contribue | |||
même à les maintenir dans leur intégrité. | |||
Le mouvement coopératif appartient tout entier à l'époque contemporaine. | |||
Ses débuts remontent à un demi-siècle environ, mais son | |||
essor ne date guère que des vingt dernières années. Or, au commencement | |||
du XXème siècle, on compte approximativement, dans les pays | |||
civilisés, 66000 sociétés coopératives de toute nature et 12 millions | |||
de coopérateurs. Bien que les coopératives paraissent encore disséminées | |||
au milieu des entreprises capitalistes, leur croissance rapide | |||
atteste leur vitalité, et permet d'entrevoir l'importance qu'elles sont | |||
appelées à prendre dans l'avenir. |
modifications